Écrire la science en français
Par Jean-Michel Salaun le samedi 16 février 2008, 03:53 - Sémio - Lien permanent
JM Jolion me signale par courriel une pétition qui circule en France contre une tendance inquiétante de l'agence d'évaluation nationale à ne pas considérer au même niveau les publications scientifiques en anglais ou en français des chercheurs.
Trois raisons principales y sont données pour la défense des publications en français : 1) Les financements publics et donc l'accessibilité des résultats au contribuable ; 2) L'enseignement et les manuels ; 3) L'apprentissage d'une langue seconde.
Des Québécois en cette période de discussions sur le bilinguisme ajouteraient sans doute simplement la vitalité de la langue qui pour sa survie doit embrasser l'ensemble des activités humaines.
Pour ma part, je crois que l'essentiel est ailleurs : la diversité des langues participe aussi à la diversité des points de vue scientifiques. Il y a bien une informatique, une sociologie, une philosophie.. françaises qui n'ont pu se déployer que dans un environnement en français. Ce point est encore plus sensible dans les discussions et les échanges interdisciplinaires, pour y avoir participé je peux en témoigner.
Et la publication en français confère, s'ils en prennent la mesure, un avantage concurrentiel certains aux chercheurs qui maîtrisent un tant soit peu les deux langues : ils ont accès à la recherche internationale comme tous, mais ont par ailleurs les résultats et la sensibilité de leur communauté propre. Sur cette dimension d'ailleurs les Québécois devraient être particulièrement bien placés, mais, du moins dans les limites du domaine que je connais, ils ne l'exploitent que très peu.
Le même raisonnement est évidemment valable pour toute langue se déployant dans une civilisation suffisamment riche. Et les pays asiatiques ne se privent pas d'en jouer. Pour le dire plus pompeusement, une société qui maîtrise son ordre documentaire, et au premier chef les documents qui l'éclairent sur son avenir, s’appelle tout simplement une civilisation.
La pétition est ici.
Commentaires
Voilà un vieux débat, qui me paraît complètement dépassé.
Quelques rappels :
1. Si les Japonais publiaient dans leur langue, et les Coréens dans
la leur, je ne pourrais plus les lire. Je peux lire leurs
articles en anglais;
2. Il y a des exemples de revues bilingues publiant des articles en
anglais et en français qui montrent que, systématiquement,
l'article en français obtient moins de citations que l'article
en français des mêmes auteurs.
3. La publication électronique permet de mettre en ligne plusieurs
variantes du même article. La meilleure solution consisterait
donc, à mon avis, à placer en ligne les articles en anglais et
en français. Souvent, ces articles sont d'abord rédigés en
français, puis traduits. Les deux versions sont donc disponibles
et il suffit de les exposer en ligne. Dans le cas où l'article a
été rédigé directement en anglais, il n'est pas très compliqué
de le traduire ensuite dans sa langue maternelle. La traduction
est essentielle pour permettre aux nouveaux concepts d'entrer
dans la langue locale (et de le faire mieux qu'en adoptant
simplement le mot anglais tel quel, comme, par exemple, le
"spin" en physique quantique).
4. La situation des sciences humaines est plus complexe et les
langues nationales continuent de balkaniser ces études.
Personnellement, j'y vois un gros désavantage, mais nous en
sommes encore là dans ces domaines et cela ralentit la recherche
mondiale.
Conclusion, publiez en anglais et, dans la première note infrapaginale,
pointez vers le dépôt institutionnel qui conserve les versions de votre
article en anglais et en français et le tour est joué. Si la revue
refuse de vous laisser déposer un exemplaire de votre article dans le
dépôt institutionnel, stockez-le quand même, mais en ne révélant que les
métadonnées et installez un bouton qui vous envoie automatiquement une
lettre privée demandant copie de votre article de personne à personne.
Ceci est légal.
Quant à l'évaluation qui favorise les textes en anglais, elle repose sur
le fait que les revues les plus cotées en sciences sont toutes en
anglais. Si vous deviez faire une pétition, ce serait contre une
évaluation qui confond évaluation des revues (avec le facteur d'impact)
et évaluation d'individus.
Bref, le problème est mal posé et la cible mal définie. Et je sens que,
en m'exprimant de façon aussi carrée, je vais m'exposer à une volée de
bois vert... Cela dit, je l'attends de pied ferme...
Cordialement,
Jean-Claude Guédon
Bonjour Jean-Claude,
Sans reprendre la totalité des arguments développés sur la liste EBSI-L, ce billet de InternetActu relativise à mon avis la croyance sur l'universalité de l'écriture la science, même si en l'occurence il s'agit d'un autre domaine, celui de l'Open source :
Gen Kanai : pourquoi l’open source se développe lentement en Asie ?, InternetActu, 21/02/2008, par Hubert Guillaud
www.internetactu.net/2008...