Reed-Elsevier, l'autre modèle d'affaires
Par Jean-Michel Salaun le samedi 01 mars 2008, 04:05 - Édition - Lien permanent
À force d'insister sur Google et les revenus publicitaires, on finit par oublier qu'il existe d'autres modèles d'affaires florissants sur l'édition en ligne. Reed-Elsevier, premier éditeur mondial (voir ici), a depuis longtemps montré l'intérêt commercial de certains créneaux, comme celui de l'édition de revues internationales en sciences, techniques et médecine, par la vente de licenses aux bibliothèques. Il y a acquis une position dominante, maîtrisant les prix malgré les efforts des bibliothécaires pour rééquilibrer les négociations en leur faveur. Reed-Elsevier vient d'annoncer, une nouvelle fois, de confortables résultats pour l'année 2007 avec 6,7 Mds d'Euros de chiffre d'affaires (et non M d'Euros, comme écrit par mégarde dans une version antérieure du billet..).
Reed Elsevier 2007 Preliminary Results, Communiqué, 21 Février 2008 (Html)
Le discours de son président mérite d'être lu, car il donne des indications sur la façon dont le groupe envisage l'avenir de la branche. Extraits (trad JMS) :
Nous avons fait d'importants progrès l'année dernière. L'investissement sur notre croissance en ligne et sur la stratégie vers les solutions de workflow a permis d'accroitre fortement nos revenus. (..). Avec nos initiatives sur la réduction des coûts, cela explique l'augmentation de notre marge et la forte performance de nos gains. La baisse du dollar US produit quelques ombres sur nos bénéfices en livres sterling ou euros, mais la puissance de la croissance qu'il y a derrière est très encourageante puisque 2007 représente la meilleure performance de croissance des bénéfices des dix dernières années à change constant.
La vente de Harcourt Education (JMS : éditeur scolaire) rend notre modèle d'affaires plus cohérent, complémentaire et plus en synergie et aujoud'hui nous annonçons une étape supplémentaire avec le projet de nous séparer de Reed Business Information ("RBI", JMS : magasines). RBI est une activité de grande qualité et bien gérée, comme le prouve le succès de sa croissance en ligne et le contrôle de ses coûts. Son modèle publicitaire et son caractère cyclique correspondent moins bien cependant avec celui de l'information sur abonnement et des solutions de workflow sur lesquelles Reed-Elsevier souhaite mettre l'accent.
L'évolution vers un portefeuille plus cohérent nous donne l'occasion d'accélérer nos progrès dans la consolidation et la rationalisation de nos technologies, activités et supports du back-office. Ce faisant Reed-Elsevier devient une société mieux intégrée, économisant d'importants frais de structure. (..)
Le rachat de ChoicePoint constitue une étape supplémentaire importante de notre implication dans le créneau de la gestion des risques et dans le développement de la stratégie des solutions de workflow en ligne de Reed Elsevier. (..)
Une stratégie à méditer, bien loin du Web 2.0 qui monopolise l'attention, même contre le Web 2.0 si l'on considère que le mouvement pour l'accès libre dans la science a préfiguré celui-là.
Repéré via Prosper.
Actu du 15 mars 2008 Voir aussi les comptes de Wolters Kluwer (Pdf) repérés et commentés sur Par delà.
Commentaires
un stratégie en effet très lucrative mais qui commence à très largement lasser les bibliothèques avec des abonnements d'accès prohibitifs ! j'ai assisté l'année dernière à la journée Couperin, les bibliothécaires avaient tous le même sentiment d'être pris en otage par ces grands portails ; cette année en sera-il de même ?
l'initiative de Harvard qui va peut-être ouvrir l'ensemble de ses ressource en ligne et gratuite, ne risque t'elle pas de changer considérablement la donne ?
Le "je te hais.. moi non plus" entre Reed-Elsevier et les bibliothécaires ne date pas d'hier. Les consortiums ont été la première réponse de ces derniers pour augmenter leur capacité de négociation (monopsone face au monopole), les différentes initiatives de SPARC pour les revues et le libre accès sont une autre avenue spectaculaire :
www.arl.org/sparc/
L'initiative de Harvard s'inscrit dans une dynamique parallèle, mais différente, car elle n'est pas portée par les bibliothécaires, mais par l'institution universitaire dans un but d'évaluation et de promotion.
J'avais essayé, il y a quelques temps, de démêler les fils de cet écheveau :
bbf.enssib.fr/sdx/BBF/fro...
Aujourd'hui, avec l'expérience nord-américaine, je serais encore plus circonspect. en particulier parce que l'on ne tient pas compte dans les raisonnements du fait que la métrique (aussi bien pour l'évaluation scientifique, facteur d'impact, que pour les transactions commerciales) n'a été construite qu'à partir du marché universitaire US.
merci pour les liens, est-ce que des grandes universités au Canada sont sur une voie semblable ?