Formation à la gestion de l'identité numérique
Par Jean-Michel Salaun le jeudi 02 avril 2009, 08:12 - Web 2.0 - Lien permanent
Je reprends une discussion amorcée avec Martin Lessard sur un billet précédent (ici). Je signalais que nous réfléchissons à l'EBSI, dans le cadre de la nouvelle maîtrise, à la meilleure façon de former les étudiants à la gestion de leur identité. C'est en effet la moindre des choses pour des professionnels de l'information.
Sa réponse mérite d'être relayée :
La formation des étudiants à la gestion de leur identité, à mon avis, concerne 3 aspects:
- Sensibilisation au phénomène (ou responsabilisation)
- Création active (ou capitalisation)
- Promotion (ou valorisation)
Cette gradation me semble souhaitable. Et la dernière est souvent un tabou chez les bibliothécaires plutôt portés à une discrétion légendaire. Sûrement avec raison.
On pourrait même ajouter un quatrième point : surveillance (ou mesure) mais il me semble transversale aux autres.
Il faut aussi bien identifier les territoires que l'on souhaite (ou que l'on est capable) de couvrir. Fred Cavazza avait défriché une partie du terrain (ici) et offert un beau panorama du territoire des médias sociaux (là) et je le cite particulièrement pour sa synthèse graphique.
Mais sur le point du contenu, je préfère une structure comme Documental.fr écrivait l'an passé (ici).
D'autres ont, peut-être, des expériences ou des idées sur le sujet à partager. Il me semble que cette dimension fait partie maintenant de l'Information literacy et que nous avons la responsabilité de bâtir une pédagogie adéquate.
Pour élargir :
Jean-Marc Manach, La vie privée, un problème de vieux cons ? InternetActu 12/03/09 ici.
Actu 9-04-2009 Voir aussi la suite :
Hubert Guillaud, “Vie privée : Où sont les régulateurs ? Où sont les régulations ?,” Internet Actu, Avril 6, 2009, là
Actu 29-04-2009
Compte rendu d'un colloque par F Cavazza ici
Voir aussi les nombreuses références dans les commentaires.
Actu du 22 juin 2008
Concernant l'identité du chercheur, entre autres, voir aussi les ressources d'Olivier ici.
Actu du 12 août 2009
Howard Rheingold, “Identity and presentation of self | Social Media CoLab,” Présentation et Biblio du cours de Standford ici
Commentaires
On lira avec profit le blogue geemik.net sur les principaux aspects qu'il faut aborder pour comprendre et agir. Ce sont elles qui m'inspirent maintenant pour aborder le sujet de l'identité numérique. J'ai retrouvé ce billet où elles décrivaient plusieurs aspects importants à couvrir et dont j'en listais 3 dans mon commentaire d'hier:
http://www.geemik.net/2008/10/03/le...
Un article du Monde sur le sujet
http://abonnes.lemonde.fr/technolog...
JMS : Merci Hervé, Pour les non-abonnés, l'article est encore disponible ici :http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-651865,50-1175264,0.html
Daniel Kaplan fait le point sur les travaux de la Fing à ce sujet :
http://www.internetactu.net/2009/04...
C'est un aspect des cours dans le cadre du C2i en France (compétence A2) : http://www.c2imes.org/
Donc, il fait bien partie de la culture informationnelle que doit acquérir l'étudiant.
Merci à tous pour ces références.
@ Martin
J'avais entendu parler de l'expérience de l'ESC de Lille dans une réunion sur l'université 2.0 à l'UdeM. Il y a là une source d'inspiration pour la formation à la gestion des identités.
Mais si à l'évidence l'expérience est décoiffante, je reste très perplexe devant un tel contrat avec Google. Les bibliothèques ont donné leurs fonds, si les universités donnent leur structure sociale, il ne restera plus à la firme qu'à proposer des diplômes pour bâtir de nouveaux établissements privés en ligne. Mesure-t-on vraiment tous les risques ? Pour le dire avec un clin d'oeil : l'ESC Lille gère-t-elle correctement sa propre identité ?
@ AMacquin
L'expérience française des C2I est bien utile aussi. Mais pour l'identité il ne s'agit que d'un titre dans un plan de cours. Cela reste peu productif pour avancer dans une pédagogie.
@JM Le clin d'oeil est rigolo. Mais je dois dire qu'il souligne un dilemme. Il faut être présent en ligne. Et être là où sont les gens, la clientèle. Si elle est chez Google, que fait-on? Bonne question. On doit reconnaître que Google a réussi là où AOL et Compuserve ont failli il y 15 ans: rendre captive leur clientèle.
On est devant un effet réseau (plus les gens l'utilisent, plus il prend de la valeur, plus il prend de la valeur, plus il faut l'utiliser). La "production" et la "promotion" de son identité doit en tenir compte, j'imagine...
Pour ce qui est de la "mesure de tous les risque", je me demande, naïvement, s'il n'est pas trop rare: "mesurer" sous-entend qu'il y a des alternatives... Ne sommes-nous pas devant un fait acquis? (bon, d'accord, je pousse trop mon côté avocat du diable)
Je tombe sur le blog du barcamp YOUonTheWeb de Lille de la semaine dernière. Il y une petite vidéo-introduction sur comment “Cultiver son Identité numérique” qui donne en 7 points le b-a-ba de la gestion de son identité numérique : Préparer la terre , planter les graines, choisir son timing, fertiliser, entretenir, être actif en permanence, surveiller, …
http://youontheweb.fr/identite-nume...
Le genre de vidéo qu'il faut voir pour ceux qui comprennent le principe, et pour qui une bonne métaphore (ici le jardinage) permettrait d'encore mieux saisir les étapes d'actions à entreprendre...
Je crois toujours, à mon avis, que les 3 aspects (sensibiliser, produire, promouvoir) (+ la veille) me semblent plus simples à opérer. En fouillant sur le site de geemik, j'ai trouvé un billet qui les détaillait davantage (mais de façon trop chaotique il me semble). Elles ont participé au barcamp de Lille aussi. La présentatique annexée au billet est quand même une bonne piste pour développer une sensibilisation au phénomène:
http://www.geemik.net/2009/01/13/%C...
J'y vois la source du vocabulaire que j'utilise (qui me semble plus parlant pour des gens du domaine de la bibliothéconomie) quand je parle des aspects à traiter. Mais je crois que c'est Olivier Zara qui est à l'origine de cette division en 3 (4) étapes, avec la parution de son livre sur le personal branding:
http://www.outilsfroids.net/news/pa...
Livre que je me promets de me procurer...
Je ressors d'une entrevue et d'une collecte de protocole verbaux avec une recherchiste qui travaille dans le milieu des médias. La principale source d'information c'est le réseau social. Elle m'a cité facebook et twitter comme des ressources d'information capitales. Tout ça pour dire que ce que l'on est dans nos profils ne tombe pas dans les oreilles de sourds.
Se pencher sur les pratiques des professionnels qui médiatisent de l'information est vraiment intéressant. Ça permet de voir ce que sont les professionnels de la recherche d'information en dehors des murs des bibliothèques. Souvent ce sont des personnes qui n'ont pas une formation en science de l'information, d'ailleurs.
Mais l'importance de la gestion d'identité de ce point de vue est intéressante, cela nous renvoie au fait que nous sommes une source d'information.
Bonjour,
J'ai profité de la trève pascale pour synthétiser mes réflexions sur ce thème, qui est aussi un sujet du côté de l'helvétie francophone. Je vous les livre ci-dessous.
Ce besoin de formation est certainement utile et Fred Cavazza est probablement le francophone qui a le plus débroussaillé la question. Pour suivre les réflexions en cours voir aussi le site de la FING http://www.identitesactives.net/.
Comme la réalité numérique part dans tous les sens et nous avec, il est peut être bon pour structurer la réflexion de mettre en parallèle les différents niveaux concernés tant sur le plan du non-numérique que du numérique, pour évaluer quels sont les comportements/fonctions qui ne changent pas essentiellement entre les deux mondes de ceux qui sont réellement mis en cause par le numérique.
Je propose donc de sérier ces niveaux comme suit (il est évident que c’est sujet à débat, précision et approfondissement) :
1/ L’identité au sens légal
C’est le fait que je suis reconnu socialement comme étant moi et pas un autre. Cet état de fait est sanctionné par l’existence d’un état-civil, qui est loin d’être historiquement une chose si commune.
Les états développés actuels sanctionnent cette identité par une « pièce d’identité » censée servir de preuve de mon identité, voire de mon existence administrative, et parfois de mon existence tout court.
Socialement. Les caractéristiques de l’identité (nom, date de naissance, sexe, etc.) sont sources de droits (aux allocations familiales, aux études, à l’héritage, à la citoyenneté, etc.) et de devoirs (impôts, service militaires, etc.).
Dès l’apparition de l’informatique, elle à fait l’objet d’une problématisation à travers la question de la protection des données personnelles et de l’existence d’un numéro d’identification personnel unique (la plupart des démocraties en ont rejetés le principe mais n’ont pas toujours été très cohérente avec celui-ci, voir les remarques de la récente synthèse de la FING, http://www.internetactu.net/2009/04...
Les nouveautés du numérique dans ce domaine sont pour le moment :
a) Le passeport biométrique (= correspondance établie entre une caractéristique physique supposée infalsifiable et le document d’identité)
b) La pièce d’identité numérique (= adjonction d’un certificat numérique personnel à la pièce d’identité physique)
Les deux options font l’objet de débat, lié à la fiabilité des codages numériques.
2/ La responsabilité
Conséquence de l’identité légale, c’est le fait que des actions attachées à mon identité me soient opposables (en bien ou en mal). On est responsable de ses biens (propriété) et de ses actes (responsabilité). On conçoit que la responsabilité ne peut exister sans identité avérée (c’est pas moi, c’est l’autre !). La difficulté de l’établissement de cette corrélation rempli à foison les rapports de police (mais également ceux d’assurances, etc.).
Dans le cadre du numérique, en l’absence d’une identité numérique avérée, une responsabilité numérique est plus que problématique. Voir comme illustration récente le débat sur la loi HADOPI et le (mes)usage de l’IP comme « identité » de l’usager d’Internet.
Cette absence de responsabilité est stigmatisée actuellement par les percepteurs pécuniers d’un droit intellectuel, dans le cadre des nouvelles lois sur Internet proposée en France.
3/ La signature
La signature a un statut ambigu dans la mesure où elle rempli en fait plusieurs fonctions qui peuvent s’exclure ou se superposer soit :
- Affirmer l’exactitude d’un écrit (sous-tendue par le fait que le signataire a une autorité reconnue pour affirmer cette exactitude)
- En assumer la responsabilité (sous-tendue par le fait que la signature est identifiée comme étant celle d’une personne donnée et celle-là seule)
(Signature : Inscription qu'une personne fait de son nom sous une forme particulière et constante pour affirmer l'exactitude, la sincérité (l'authenticité) d'un écrit ou en assumer la responsabilité. (définition de l’AFNOR)
Pour être efficace selon la définition, elle doit être unique et ne pas varier dans le temps.
Dans le cadre du numérique on a voulu faire porter au certificat la fonction de la signature. Mais une personne peut se voir attribuer plusieurs certificats, et on admet actuellement que la résistance d’un certificat numérique ne dépassera pas les 5 ans (au mieux 10 ans).
Actuellement, le substitut de signature le plus couramment usité de manière numérique est la carte à puce, qui identifie un « compte » et pas une personne, associée à un mot de passe. Contrairement à la signature manuscrite, c’est le changement fréquent de ces deux éléments qui assure la sécurité de l’identification.
4/ La personnalité
Dans beaucoup de communications récentes, le terme identité est utilisé à la place de personnalité. La personnalité est ce que je donne à voir de ma vie personnelle, de manière volontaire ou involontaire. Etymologiquement, la « persona »était le masque porté par les acteurs de théâtre de l’antiquité, il représente un rôle (en l’occurrence assumé de manière convenue) et sert également de porte-voix.
La plupart des instruments sociaux numériques ressortent de la sphère de la personnalité (et par conséquent de sa protection ou non).
5/ La trace (les traces)
La trace s’oppose à la signature dans la mesure où elle peut indiquer une de mes activités sans que je le désire volontairement (sciemment ?). On peut être conscient de laisser des traces (le rouge à lèvre sur les joues) ou inconscient (la trace ADN sur un verre qui prouvera que j’ai bu de l’alcool). Dans ce sens, les traces sont constitutives de la personnalité (« l’impression » que je laisse) et pas de l’identité, si ce n’est dans le cadre de l’ADN (d’où l’enjeu majeur des discussion sur la constitution de large base de profils ADN).
Le numérique engendre une foule de traçabilité nouvelles, mais il ne faut pas oublier que la criminologie en a fait de même depuis belle lurette sur les traces physiques, un peu plus difficile à analyser il est vrai (voir vos séries télévisées favorites…).
C’est principalement sur cette prolifération des traces que la problématique de l’identité numérique se focalise actuellement (voir Cavazza).
5/ La réputation
La réputation à deux faces :
a) Celle qui est le résultat de mes efforts volontaires pour paraître ce que je suis
b) Celle qui est le résultat de ce que disent les autres de moi
Ces deux plans existent également dans le monde numérique, la nouveauté réside dans la nouvelle dimension spatio-temporelle qu’offre (qu’impose !) le monde numérique.
Pour une analyse plus précise d ces sphère je cite de mémoire un tableau dont je n’ai malheureusement plus les sources, mais qui serait un outil utile pour positionner les nouveautés de l’internet dans un schéma plus « classique ».
La table des réputations
Ce que je sais Ce que je ne sais pas
Ce que les autres ne savent pas Sphère intime Sphère inconsciente
Ce que les autres savent Sphère sociale ou publique Sphère de réputation
LES QUESTIONS
Pour déterminer à quoi servent ces différents niveaux, et quels sont les risques qui leur sont liés, il faut considérer :
a) Ceux qui ressortent de l’individu en tant que tel (identité, responsabilité, personnalité, réputation) et pour lesquels je dois (nous devons) me poser la question de ma posture personnelle (qui-suis-je ? qu’est-ce que je veux que l’on sache de moi ? quelles valeurs je défend ?)
b) Ceux qui ressortent des moyens techniques (signatures, traces, certificats, données personnelles, IP, etc.) qui sont les outils à utiliser en fonction des postures choisies en a)
Les alternatives à développer
Anonymat
Pseudonymat
Mots de passe
Avatar : la seule nouveauté totalement numérique, n’ayant pas d’équivalent dans le monde réel (si ce n’est les jeux de rôles ??)
Post-sciptum : quelques ressources découvertes récemment :
Un wiki sur l’identité numérique à visée pédagogique, proposé par Patrick Giroux de l’Uni de Québec à Chicoutimi :
http://webo-id-numerique.wikispaces...
Un blog spécifiquement dédié à la question :
http://www.identite-numerique.fr/
Et un autre spécialement focalisé sur les abus :
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/
Merci beaucoup Jean-Daniel pour cette importante contribution.
Je vais réfléchir à tout cela. Peut-être pourrait-on imaginer de construire un cours à plusieurs voix (Martin ?). Dans un premier temps je verrais quelque chose de très court, juste pour alerter et donner qques principes. P ex 3h divisées par moitié en cours et TP avec qques lectures obligatoires. À étoffer éventuellement plus tard.
À première vue, sur tes thématiques et celles de Martin, j'ajouterais juste que les BDD et les réseaux modifient bien des dimensions du problème.
Anecdote :
Il m'est arrivé, il y a deux ans, d'égarer mon passeport au cours d'un séjour au US. On m'a fait benoitement remarquer à la police que je n'aurai aucun problème pour sortir puisque tout avait été enregistré à l'entrée : passeport, photo, empreintes..
Voir aussi le 16 avril la sortie de Cultivez votre identité numérique :
http://www.outilsfroids.net/news/cultivez-votre-identite-numerique-bientot-dans-les-bacs-a-fleurs
Toujours les geemiks:
Un guide soigneusement édité, sur issuu, qui mérite sans doute usage autant qu'analyse des préconisations et de leurs présupposés.
http://youontheweb.fr/identite-nume...
[Via EchosDoc du 20 avril 2009, http://www.echosdoc.net/index.php#i... ]
Salut Alain,
Je l'ai feuilleté. Même si je suis assez allergique au ton girl-scout et aussi à issuu (question de génération peut-être ;-), c'est un joli travail de compilation qui sera surement utile à beaucoup de monde. Il fournit nombre de références, des suggestions intéressantes, notamment pour les CV mais je crois que pour le public des étudiants de la MSI, il faut être plus précis sur la valeur de l'identité numérique. On sent ici trop l'influence MKTG.
Voir aussi : Facebook ; comment protéger votre identité ? 13 tutoriels, par JL Raymond le 20 avril 2009 sur le Centre de ressources des espaces publics numériques de Wallonie (repéré par le Bibliobouillon)
Ajout du 24 avril 2009 et aussi : ereputation, personnal branding, notoriété numérique : ce n'est pas de l'identité numérique par eric delcroix, mardi 21 avril 2009