Voici donc le second article signalé par Paulette Bernard :

Trina Magi, “A Content Analysis of Library Vendor Privacy Policies: Do They Meet Our Standards?” , à paraître dans College & Research Libraries. Pre-print

Le titre annonce clairement la couleur. Les bibliothèques aux États-Unis (et ailleurs) ont un grand sens de l'éthique. Un Code de l'éthique a été publié par l'American Library Association (ici). Parmi les éléments essentiels de ce dernier figure la confidentialité des lectures, dont on comprend facilement l'importance pour une démocratie. Les bibliothécaires américains ont mené plusieurs combats importants en ce sens, tout particulièrement ces dernières années contre le Patriot Act. L'auteure de l'article a d'ailleurs gagné un prix à cette occasion. Mais, fait-elle remarquer, il se pourrait bien qu'aujourd'hui par manque de vigilance, les bibliothécaires ne puissent plus assumer leurs devoirs d'anonymisation des lectures. Leurs fournisseurs en ligne ne sont pas tenus par le même sens des responsabilités. Ayant perdu la maîtrise des collections, les bibliothécaires n'ont plus la possibilité de contrôler l'éthique de leur utilisation.

Extraits de la conclusion de l'article (trad JMS) :

Cette recherche montre que la politique de protection des données privées des principaux fournisseurs de ressources en ligne des bibliothèques ne tient pas compte de nombreuses normes construites par les bibliothécaires et l'industrie de l'information sur la manipulation et la protection des informations sur les utilisateurs (..)

Il est aussi clair selon leur politique affichée que la plupart des fournisseurs ne suit pas le code d'éthique de l'ALA concernant la protection de la vie privée des utilisateurs et partage les informations sur les utilisateurs avec des tiers pour des raisons variées, certaines aussi vagues que « protéger le bien-être de la société commerciale». Ceci est particulièrement inquiétant dans la mesure où le gouvernement s'appuie sur les sociétés privées pour l'aider dans son effort de collectes de données. (..)

Les étudiants qui ont confiance dans les bibliothèques et dans leurs promesses de confidentialité peuvent être incités à divulguer facilement des informations personnelles pendant qu'ils utilisent les bases de données proposées par celles-ci. Si les bibliothécaires veulent rester en accord avec le Code d'Éthique et avec les principes qui font des bibliothèques des lieux particuliers pour des recherches libres et ouvertes, ils doivent examiner avec attention les politiques qui régissent ces bases de données, défendre la protection des données personnelles des utilisateurs et former ceux-ci qui ont mis toute leur confiance dans la bibliothèque.

J'ajouterai quelques éléments en résonance avec les préoccupations de ce blogue :

  • Au delà des bibliothèques, les universités devraient être beaucoup plus attentives à ces questions, en interne comme à l'externe. En interne, elles devraient aussi se doter de code d'éthique sur la non-divulgation des pratiques de lecture des étudiants, qui ne passent plus nécessairement aujourd'hui seulement par les bibliothèques. La tentation est forte, par exemple, pour un professeur de vérifier qui est allé lire les pages qu'il a conseillé dans son cours et mises en ligne sur le site particulier de ce dernier. En externe, la traçabilité autorise théoriquement des études scientométriques sur les lectures et non plus seulement sur les publications. Est-on vraiment sûr qu'il soit sain de surveiller qui lit quoi dans la science ?
  • Les bibliothèques, qui ont confié sans toujours trop réfléchir leurs collections à numériser à Google, ont dans le même élan autorisé cette firme à surveiller les lectures de ces collections. Ceci est clairement en violation avec leur code d'éthique. Ces interrogations commencent à poindre avec le débat sur l'accord en discussion avec les auteurs et les éditeurs aux US. On pourra consulter sur ce sujet et d'autres le compte rendu par Mark Liberman de tables rondes organisées récemment à Berkeley sur cet accord (ici).
  • Enfin, tout cela me conforte dans ma catégorisation des modèles de médias. Dans le modèle éditorial, le lecteur ne fait pas qu'acheter un objet, il achète aussi sa liberté de lecture. Il peut alors lire et faire lire sans demander la permission à personne, ni être surveillé par personne. Inversement, le Web-média fait «payer» sa pseudo-gratuité par un encadrement et une suveillance du lecteur qu'il monnaiera sur d'autres marchés. Pour approfondir cette dernière question voir les développements autour du pentagone (court, long)

Actu du 1 septembre 2009

Voir sur ce sujet le billet du blogue LibraryLaw du 28 août, repéré grâce à Calimaq :

How to negotiate with web 2.0 services for better terms of service - yes we can ici