Le livre en abîme
Par Jean-Michel Salaun le mercredi 02 septembre 2009, 17:52 - Édition - Lien permanent
Pour l'université d'été qu'ils organisent la semaine prochaine à Marseille en France sur «l'avenir du livre en questions» (ici), Marin Dacos et Pierre Mounier ont eu une curieuse et intéressante initiative. Ils ont édité un livre à la fois sur format numérique et sur papier et font travailler les stagiaires dessus. On trouvera la première version ci-dessous. Première version, puisque les stagiaires vont intervenir dessus, je n'ai pas très bien compris comment, mais nous en saurons plus sans doute au fur et à mesure :
Marin Dacos (éd), Read/Write Book (Cléo), Pdf.
Il s'agit d'un recueil de textes choisis sur le livre numérique déjà publiés ailleurs et mis en ligne. On a donc ici réuni une série de textes particulièrement significatifs des débats actuels sur le sujet, ou tout au moins des courants proches des organisateurs de l'évènement. Ceci en fait un objet utile mais un peu étrange. On ne sait plus très bien où commence et finit le livre et où commence et finit le portail. Mais c'est sans doute le but du jeu. Et il faut attendre la fin de l'expérience pour en tirer toutes les leçons
En fait cela ressemble plus aux recueils de lectures imposées que l'on trouve couramment dans les cours en Amérique du nord, autrefois réunis à la bibliothèque aujourd'hui de plus en plus souvent sur le site dédié au cours. Et en ce sens cela peut-être un objet pédagogique tout-à-fait adapté à l'université.
Je suis moins convaincu par la mise en abîme entre le contenu (sur le livre numérique) et la forme (livre numérique). À l'évidence les initiateurs veulent prouver leur thèse, ou approfondir leur analyse, par l'action. J'ai peur que cela conduise à des biais. Les experts du web aiment trop se regarder travailler à mon avis et du coup manquent souvent de recul.. On est souvent le moins bon analyste de sa propre pratique. Mais il ne faut pas préjuger des résultats d'une expérience originale et inédite. Peut-être qu'au contraire le bocal permettra d'intéressantes catalyses, grâce à l'apport et les synergies des stagiaires.
Enfin, même si on trouve en page intérieure un sous-titre «le livre inscriptible». Les Québécois ne manqueront pas d'être agacés par un titre anglais pour un livre dans sa presque totalité écrit en français, et dont plusieurs chapitres sont même des traductions françaises de textes anglais.
Commentaires
Concernant votre dernière remarque sur le titre en anglais : je compte me servir de cet emploi de l'anglais dans le titre de ce "livre inscriptible" pour introduire le cours que je suis invitée à donner dans le cadre de cette université d'été du Cléo. Read/Write, ce n'est pas seulement de l'anglais, me semble-t-il, mais un vocabulaire technique précis. Le "Read", c'est le même entre autres que le "R" de CD-Rom, "Read Only Memory". Il m'arrive parfois de penser que cet usage de l'anglais pour certains termes informatiques est en réalité un cadeau pour les francophones. L'emploi de l'anglais est un indice du fait que le mot resté en anglais est utilisé ainsi parce qu'il s'agit de jargon informatique. Pour les anglophones, il faut toujours avoir le contexte pour le deviner.
Mais il est à rapprocher aussi de la réflexion d'Alain Giffard sur le terme de "Lecteur", un lecteur c'est un être humain qui lit, et c'est aussi un dispositif technique, on dit un lecteur de CD, un lecteur de DVD... C'est pourquoi j'avais d'ailleurs proposé de traduire Reader par Liseuse, qui avait l'avantage de permettre la distinction entre Lecteur / Lectrice : êtres humains qui lisent, et Liseuse : machine à lire.
Je ne répondrais pas pour Marin et son équipe, mais il me semble qu'ils ont conçu ce livre comme un manuel oui, rassemblant quelques lectures imposées et disponibles en ligne.
Sur la disponibilité en multiple format (imprimé, livre électronique + disponibilité des textes sur le web), je ne suis pas sûr que ce soit une thèse... Mais juste offrir des disponibilités multiples pour nos usages multiples.
Quant au fait qu'on ne sache plus ou commence et ou finit le livre, je crains Jean-Michel que cela ne fasse que s'accentuer... :-). Il me semble que c'est même tout l'enjeu de ces transformations en cours !
@Virginie
Read/Write Book peut se lire, en lecture silencieuse ;-). En réalité, il écorche une bouche française. Va-t-on alors dire R/WB ? Imprononçable aussi.
Il existe des mots français pour «livre inscriptible» : «cahier» ou «recueil» ou en format de poche «carnet».
Limiter le ReadWriteBook à un livre inscriptible, c'est passer à côté de la moitié du sujet Jean-Michel. Le Read Write Book, c'est le livre qui se lit et qui s'écrit, qui se joue et qui se code, qu'on consomme et qu'on actionne, qu'on utilise et qu'on maîtrise, qu'on lit et qu'on édite... C'est un lecteur et un actionneur...
@ Hubert,
Ben, c'est pourtant le sous-titre en français du «livre» en question. J'en ai déduit peut-être à tort qu'il s'agissait d'une traduction de R/W-B. D'ailleurs, le titre anglais en ne parlant que de lecture/écriture passerait lui aussi à coté de la moitié du sujet ;-).
Ceci dit «cahier» répond bien à toutes les fonctions que vous décrivez. Si on ajoute «cahier numérique», on aura aussi les possibilités de ce support.
Mais, je ne suis pas sûr qu'il faille développer une querelle linguistique. Le dernier paragraphe de mon billet était surtout un clin d'œil à mes amis québécois très sourcilleux dans ce domaine.