Ce billet a été rédigé par Caroline Dubreuil dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Depuis leur création, les universités ont presque toutes une ou plusieurs bibliothèques. Autrefois un lieu central et essentiel pour l’apprentissage et la recherche, les bibliothèques universitaires sont maintenant de moins en moins utilisées par la communauté universitaire. Puisque tout service, comme la bibliothèque, doit être utile et utilisé, les universités décideront-elles de fermer leur(s) bibliothèque(s) et de financer autre chose avec le budget destiné à la bibliothèque ?

Tout d’abord, il est essentiel de se demander pourquoi la communauté universitaire utilise de moins en moins la bibliothèque, que ce soit sur place ou à distance. Bien entendu, les besoins des usagers évoluent avec le temps et déterminent la pertinence des services offerts en bibliothèque. Puisque les étudiants d’aujourd’hui sont surtout des digital natives, c'est-à-dire qu’ils ont grandi dans un contexte qui était déjà numérique, leurs besoins et pratiques sont différents de ceux des étudiants qui les ont précédés. En effet, ils ont une préférence pour les documents numériques ou électroniques, puisqu’ils ont pratiquement grandi devant des écrans de toutes sortes (télévision, ordinateur, lecteur de musique numérique, etc.). Dans cet article de Derek Law, on peut voir les préférences de ces étudiants lorsqu’ils doivent rechercher de l’information. Une des caractéristiques importantes est qu’ils souhaitent que la recherche soit simple et facile à réaliser. De plus, ils veulent être indépendants le plus possible dans leur processus de recherche et ils ne demandent que très rarement l’aide d’un bibliothécaire. En cas de problème ou s’ils ne trouvent pas l’information dont ils ont besoin suite à leur première stratégie de recherche, la plupart des étudiants abandonnent en considérant que l’information recherchée n’existe pas et que leur stratégie de recherche était complète et appropriée. Une autre caractéristique de ces étudiants est que lorsqu’ils trouvent un article ou un autre document, ils ne le lisent pas au complet : ils le parcourent rapidement en tentant de repérer l’information précise qu’ils recherchent. De plus, lors d’une présentation, Helle Lauridsen a montré des statistiques selon lesquelles la majorité des étudiants considèrent que les ressources de leur bibliothèque universitaire sont de meilleure qualité et sont plus crédibles que celles trouvées sur un moteur de recherche de type Google. Par contre, la majorité des étudiants affirment aussi qu’un moteur de recherche sur Internet est la façon la plus facile pour débuter une recherche et que c’est la méthode qu’ils utilisent le plus. Ces données, collectées pourtant auprès des mêmes étudiants, semblent contradictoires. Toutefois, si on revient aux caractéristiques des digital natives, on se rend compte que la simplicité de la recherche est plus importante pour eux que la qualité de l’information obtenue.

Toutes ces caractéristiques des étudiants actuels peuvent-elles nous aider à comprendre pourquoi les bibliothèques universitaires sont de moins en moins fréquentées ? Oui, car les services offerts par les bibliothèques académiques ne répondent plus aux besoins des étudiants et même des professeurs-chercheurs. Les bibliothèques continuent à utiliser leurs ressources financières pour acquérir, conserver et restaurer les ressources papier qui ne seront peut-être plus utilisées et pour financer des services plutôt désuets (comme les comptoirs de référence sur place). Et même si les bibliothèques universitaires dépensent de plus en plus pour des ressources électroniques, celles-ci ne sont habituellement pas indexées dans le catalogue (OPAC) de la bibliothèque. Il faut donc utiliser des bases de données pour les repérer. L’étudiant peut être confus face à la multitude d’outils à interroger, ce qui l’amène à se tourner vers un moteur de recherche comme Google. Si l’étudiant ose demander de l’aide à un bibliothécaire de son université, celui-ci lui expliquera comment interroger les différents outils et lui expliquera les fonctions avancées de recherche, alors que l’étudiant recherche plutôt une façon simple de rechercher de l’information. Toutes ces situations qui surviennent dans les bibliothèques universitaires contribuent donc à la diminution de sa clientèle. Si rien ne change, les gestionnaires des universités décideront probablement de les fermer ou de les remplacer par autre chose, car économiquement parlant il ne sert à rien de financer un service non-utilisé.

Diverses pistes de solutions pourraient être envisagées par les bibliothèques universitaires. L’une d’entre elles serait, comme l’écrit Ross Housewright dans son article, de faire un sondage auprès de ses usagers pour déterminer le niveau de satisfaction des usagers face aux différents services offerts et pour savoir ce qui pourrait être amélioré. De cette façon, la bibliothèque pourrait établir un plan d’action pour apporter des changements qui seraient adaptés aux besoins spécifiques de sa clientèle. Un site Internet très populaire pour effectuer ce type de sondage est LIBQUAL+. Une autre solution intéressante pour simplifier la recherche tout en la rendant la plus complète possible serait de proposer un outil de recherche qui contient à la fois le contenu de l’OPAC, des bases de données (avec accès direct aux articles en texte intégral), des livres électroniques et de tout autre document pour lequel la bibliothèque a des droits. Une bibliothèque universitaire qui investirait dans un tel outil répondrait directement aux besoins de la nouvelle génération d’étudiants qui veulent faire une recherche simple à un seul endroit. Un exemple de ce type d’outil de recherche est Summon, qui permet à l’usager de faire une recherche dans une seule boîte et de visualiser les résultats triés par pertinence dans une seule liste.

Il serait donc possible pour les bibliothèques universitaires d’effectuer des changements dans leur fonctionnement et d’en informer la communauté universitaire afin que celle-ci recommence à utiliser leurs services. Il s’agit pour la bibliothèque universitaire de dépenser l’argent pour des ressources et des services adaptés aux besoins de sa clientèle actuelle. De cette façon, les bibliothèques universitaires continueront d’exister et surtout, elles continueront d’être essentielles pour leur université d’attache.