À l'occasion du Salon du livre de Paris, le Pdg d'Hachette livre a donné un intéressant entretien au journal Les Échos.

“«Le livre est en train de prendre sa revanche» - Entretien avec Arnaud Nourry”, Les Échos, Mars 22, 2010, ici.

L'ensemble est à lire. Extraits :

Les gens ont moins d'argent pour les livres les plus chers et il y a probablement une certaine désaffection des consommateurs pour les livres exigeants. Ce qui explique la diminution régulière du nombre de gros lecteurs. A l'inverse, on observe une extension du lectorat des livres les plus commerciaux. Et cette tendance à la « best-sellerisation » est un phénomène mondial. (..)

En dehors du livre dans les pays émergents riches comme le Brésil ou l'Inde, l'édition est partout un marché mature avec une croissance bon an mal an égale à l'inflation. Je ne crois pas que la consolidation soit terminée car la transformation numérique nous met en face d'acteurs nouveaux, tels qu'Amazon, Apple et Google, qui disposent d'une puissance de feu totalement hors de proportion avec celle des éditeurs. (..)

Apple vient de redonner des marges de manoeuvre aux éditeurs américains face à Amazon… Lorsque, en janvier, Apple est sorti du bois avec son iPad, nous nous sommes dit qu'il y avait une véritable fenêtre de tir pour rééquilibrer le rapport de force avec Amazon sur cette question du livre numérique. (..)

Apple apparaît aujourd'hui comme le chevalier blanc de l'édition américaine. D'autant que, malgré sa grande puissance, il n'a jamais cherché à intégrer l'amont, c'est-à-dire la création. (..)

Mais, aujourd'hui, le géant du Net (Google JMS), dont on dit qu'il veut lancer sa propre tablette à la rentrée, me semble être dans une impasse : les éditeurs se sont dressés sur sa route et il ne peut rien faire de ce fonds formidable au moment précis où le marché décolle. Le risque pour Google, c'est d'être assis sur un trésor impossible à exploiter. Face aux Google ou Amazon, le livre est en train de prendre sa revanche… (..)

Pour le livre, le numérique est une opportunité. Car, contrairement à la presse, par exemple, nous proposons des contenus exclusifs qui ne sont pas menacés par une offre gratuite. D'ici cinq à sept ans, le numérique pourrait donc peser de 10 à 15 % du marché. Et ce marché sera sans doute réparti dans chacun des principaux pays entre cinq ou six acteurs comme Apple, Google, Amazon et des distributeurs nationaux.

Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait encore quelques naïvetés chez ce représentant du deuxième groupe mondial de l'édition. La force de frappe des trois compères du numérique est sans commune mesure avec celle des éditeurs et des retournements d'alliance sont possibles. Face à une telle concentration, la marge de manœuvre est étroite.

Repéré grâce à F Bon

Actu du 26 mars 2010

Voir aussi le point de vue du Pdg de Penguin Books dans le même journal quelques jours plus tard ici.

Actu du 29 mars 2010

Pour poursuivre la réflexion sur les modèles économiques qui s'esquissent, voir H. Guillaud (ici) et Cl. Laberge ()