Comme en écho à mes préoccupations du moment, Tim Berners-Lee vient de publier un nouvel article, explicitement une réponse à celui de C. Anderson sur la mort du web :

Tim Berners-Lee, “Long Live the Web,” Scientific American (Décembre 2010), ici . Traduit en français ici.

Il défend d'abord sur l'utopie primitive du web, l'universalité, les protocoles ouverts, la distinction entre l'internet et le web et in fine le linked data qui sont les fondements du succès de la toile et fustige les tentatives de verrouillages de toutes sortes. On retrouve dans cet article les thèmes qui lui sont chers et qui s'appuient principalement sur la performativité. Mais, et c'est plus nouveau il me semble sous sa plume, il insiste aussi fortement sur la dimension politique du développement du web, faisant le parallèle avec la démocratie. Prenant des exemples dans des affaires récentes mettant aux prises des gouvernements et des firmes, il parle de droits de l'homme électroniques (Electronic Human Rights) et fustige la traçabilité.(No Snooping). Cette rhétorique nourrit toute la communauté du web libertaire depuis longtemps, mais elle déborde aujourd'hui le cercle des initiés, et l'alerte du fondateur du web en est une belle illustration.

Les débats, qui touchent maintenant les plus hautes instances politiques, montrent que le web est bien à la recherche de sa troisième dimension (ici), celle qui fonde son statut documentaire, non sans tâtonnement et c'est bien normal. On pourrait faire un parallèle avec la configuration progressive du statut social de la presse, telle que nous la connaissons aujourd'hui avec la figure du journaliste, le 4ème pouvoir, l'objectivité. Celle-ci est issue d'une innovation technique (rotatives), économique (double marché), de stratégies industrielles et d'une transformation profonde de la demande sociale. Un rapport récent montre judicieusement combien ce modèle de la presse traditionnelle est aujourd'hui ébranlé par une presse en ligne qui se cherche.

Philippe Couve et Nicolas Kaiser-Bril, Nouveaux modèles économiques & questions de déontologie, Novembre 2010 (ici).