Twitter vient de boucler une nouvelle levée de fonds de 200 millions de $. Apparemment, celle-ci s'est faite sans difficulté, il y avait même concurrence pour acquérir des parts. Tous les détails sont ici. Cet apport en capital s'est fait sur une valorisation de la société à 3,7 milliards de $, soit le triple de la précédente levée de fonds de 100 millions en septembre 2009 et, vrai ou faux, le journaliste rapporte que des propositions refusées auraient été faites sur la base d'une valorisation à 4,5 ou 5 milliards de $..

Il est vrai que la société doit gérer sa croissance. Elle est passée de 25 millions d'utilisateurs en septembre 2009 à 175 millions aujourd'hui. Il est vrai aussi que cette croissance s'appuie sur une taille qui reste modeste. Dans le même temps les effectifs sont aujourd'hui de 350 employés contre 130 autrefois.

Mais on ne trouvera nulle part de chiffre d'affaires et encore moins de bénéfice justifiant la valeur astronomique de l'entreprise affichée sur le second marché, et pour cause. De chiffre d'affaires il n'y a pas, même si comme le dit pudiquement Le Monde en conclusion de son article : Au mois d'avril, le site a décider (sic) d'intégrer à ses flux de messages des "tweets promotionnels" ("promoted tweets") qui lui apportent des recettes publicitaires. Il est très peu probable que le chiffre d'affaires ait explosé depuis, cela se saurait.

Trois interprétations de ce hiatus financier sont possibles, aucune très rassurante :

  1. La firme garde une taille modeste et pourra à terme se financer avec un chiffre d'affaires raisonnable. Mais alors les investisseurs d'aujourd'hui ont fait une très mauvaise affaire.
  2. L'investissement est purement spéculatif et relève de l'irrationnel, ce qui rappelle de très mauvais souvenirs pas si lointains comme cela a été très bien analysé par A. Odlyzko (ici commenté en fr ).
  3. La stratégie est parasitaire. Il s'agit de capter le maximum d'audience au détriment de firmes plus grosses (suivez mon regard.. G.. F.. Y.. M..). Alors ces dernières, elles-mêmes en concurrence entre elles, pourraient être tentées par un rachat. Mais d'une part, il s'agit d'une stratégie pour le moins perverse et destructrice de valeur et, d'autre part, il n'est pas sûr que ce qui a fonctionné hier (ex YouTube ici) marche encore aujourd'hui où les cartes sont plus fermement distribuées et où les enjeux se déplacent vers les industries culturelles.

Reste à comprendre pourquoi Twitter, comme son grand frère Facebook (ici), réussit à parader sur des bases financières aussi fragiles. Il y a une explication communicationnel au moins pour le premier. C'est devenu un outil important pour les relais d'opinion de tous poils. Il est naturel qu'il soit par simple effet de résonance surévalué. C'est un haut-parleur pour ceux qui crient déjà le plus fort.

Actu du 18 déc 2010

Dans le même sens Electron Libre .

Actu du 23 déc 2010

Un autre exemple de dérapage sur l'actualité, cette fois à propos Tumblr. Le titre peut laisser croire à une réussite économique :

Tumblr génère aujourd’hui plus d’argent et de pages vues que WordPress ici

Mais en réalité il ne s'agit ni de chiffre d'affaires, ni de bénéfice, simplement encore une fois d'une levée de fonds.