Voici quelques nouvelles et résolutions pour l’année 2011.

Changement d'échelle

La grande différence entre les questionnements sur le numérique du début du millénaire et ceux de la fin de sa première décennie qui a vu l’explosion des usages du web est le passage à l’échelle. Ce qui relevait, il y a moins de 10 ans, d’un questionnement intellectuel, de montage de prototypes, d’expérimentations limitées, d’observation d’échantillons réduits, est devenu : numérisation de masse, gestion et traitement linguistique et formel de millions de documents ou de traces de navigation, préservation « de routine » de teraoctets, analyse de millions de connexions, usages de masse, stratégies industrielles internationales, investissements de millions et chiffre d’affaires de milliards d'euros ou de dollars, etc. Les mesures, sur les contenus ou les pratiques, sont désormais statistiques; les expérimentations se font directement dans le monde réel ; les retours sur investissement doivent être rapides ; les réussites sont spectaculaires, mais les échecs aussi sont nombreux, comme les ébranlements des structures plus anciennes. Les cartes se redistribuent sous nos yeux. Ce passage à l’échelle conduit à modifier les analyses, les pratiques professionnelles et, sans doute, les pratiques académiques de recherche elles-mêmes.

Sur la base de ce constat m'appuyant sur ma position transatlantique à mon petit niveau, j'ai pris quelques initiatives.

Roger et le web sous tensions

Un petit collectif de travail franco-québécois a décidé de reprendre la dynamique d’écriture de Roger T. Pédauque (pour les petits jeunes qui ne connaissent pas, une bonne explication ici). Le premier document-martyr sera soumis à vos critiques, ratures et annotations à la fin février. Voici son plan provisoire :

Titre : Le web sous tensions Parties : Humanités numériques ; naissance d’un média ; spécificité du web ; transformations des documents ; web sémantique, web des données ; architectes de l’information.

Les premiers rédacteurs sont :

  • Bruno Bachimont (UTC-INA, Sc de l’information-informatique),
  • Valérie Beaudouin (ParisTech ENST, Sociologie)
  • Jean Charlet (Inserm, Ing des connaissances-informatique)
  • Michael Eberle-Sinatra (UdeM, littérature et numérique)
  • Dominic Forest (UdeM, Sc de l’information-philosophie)
  • Benoit Habert (EDF-R&D, ENS-Lyon, linguistique et informatique)
  • Jean-Philippe Magué (ENS-Lyon, ingéniérie documentaire)
  • Yves Marcoux (UdeM, Sc de l’information-informatique)
  • Alain Mille (INSA, ingénierie des connaissances-informatique)
  • Jean-Michel Salaün (UdeM, Sc de l’information-économie)
  • Vincent Quint (Inria, Web)

Je suis persuadé qu’il nous faut continuer à inventer et expérimenter des processus collectifs de réflexion et d'expression scientifique et j’espère que vous participerez nombreux à cette aventure renouvelée.

Architectes de l'information

Le passage à l’échelle a conduit à faire appel à des spécialistes de l'organisation et du repérage de l'information, de même qu'à des spécialistes de l'expérience utilisateur pour les sites riches en contenus, des sites d'entreprise, de grandes organisations ou de commerce en ligne. Ces deux d'expertises, très inter-reliées, ont le même objectif : garantir un accès intuitif et facile au contenu du site, pour l'utilisateur d'un site Web (ou, plus généralement, de tout système d'information). Dans un environnement aussi compétitif, ce qui garantit que l'utilisateur d'un site y reviendra dépend en grande partie de sa première expérience. C’est ainsi que la notion d’architecte de l'information est apparue. Les architectes de l’information sont ces spécialistes de l'organisation et de la repérabilité de l'information, et leur pratique s'inscrit généralement dans la philosophie du design de l'expérience utilisateur. La préoccupation constante pour l'utilisateur est ce qui les distingue des informaticiens et architectes de systèmes, avec qui ils travaillent de près, mais qui agissent plutôt dans le «back-end», sur l'optimisation des processus, la structure des bases de données, etc.

À bien des égards, l'architecture de l'information s'apparente à la bibliothéconomie, dans ses objectifs et ses méthodes : classification, catégorisation, métadonnées, navigation. Selon un sondage mené par Morville et Rosenfeld (IA for the WWW, p. 338), 48.6% des architectes de l'information sondés avaient étudié en architecture de l'information et dans des domaines connexes (interaction homme-machine, utilisabilité, bibliothéconomie, etc.). Parmi ceux-là, 70% avaient une maîtrise, et le domaine d'étude le plus fréquent, rejoignant plus de la moitié des répondants, était la bibliothéconomie et les sciences de l'information.

Je n'ai pas, pour ma part, renoncé à l'appellation archithécaire, mais au niveau international, c'est bien celle d'architecte de l'information qui prime.

Une école d’été aura lieu conjointement des deux côtés de l’Atlantique sur ce thème.

  • À Montréal, il s’agit d’un cours crédité de la Maitrise en sciences de l’information, piloté par Yves Marcoux qui se tiendra du 24 mai au 3 juin 2011.
  • À Lyon, il s’agit d’un séminaire en résidentiel pour les doctorants, les chercheurs et les professionnels de l’information qui se tiendra du 21 au 27 mai sur sept jours consécutifs piloté par Jean-Philippe Magué. Ouverture des inscriptions fin février, places limitées, tarif environ 400€ pension complète comprise.

Le programme est en cours d’élaboration. Quatre demi-journées seront communes entre les deux volets. Retenez les dates si vous êtes intéressé(e)s.

D’autres initiatives sont à venir.