Nous le savons, la vitalité de Apple repose entièrement sur sa maîtrise de la première dimension du document, la forme. Cette tendance s'est encore accentuée en 2011. Voici le graphique actualisé, la courbe du chiffre d'affaires est maintenant presque verticale :

Revenus-Apple-2011.png

Le chiffre d'affaires a dépassé les 100 Mds de $ (108,25) pour un bénéfice de 43,8 Mds, soit une rentabilité commerciale de 40,5% pratiquement inchangée depuis trois ans, très supérieure à celle de Google.

Plus précisément, cet envol est du à deux produits : la vente de iPad a triplé entre 2010 et 2011 (311%) et celle de iPhone presque doublé (87%). La vente de ces deux matériels représente respectivement 19% et 43% du chiffre d'affaires global de la firme en 2011, soit au total plus de la moitié de celui-ci. Par comparaison, la vente de contenu a augmenté de 28% d'une année sur l'autre et compte pour 6% dans le chiffre d'affaires, pourcentage en baisse régulière (8% en 2010 et 9% en 2009).

Source : rapport d'activité 2011

Cette réussite est en même temps une fragilité pour la firme qui ne peut compter pour maintenir une telle croissance que sur l'augmentation du parc par l'ouverture de nouveaux marchés ou sur des innovations de produit, aujourd'hui incertaines.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le lancement par Apple de son service iBook Autor entièrement tourné vers le manuel scolaire, où une nouvelle fois il a mis tout son savoirfaire en design en refusant toute interopérabilité. On le sait, le projet était déjà dans les cartons de Steve Jobs et n'est pas une simple application supplémentaire. Pour la firme, ce n'est pas tant le manuel scolaire en lui-même qui est intéressant que sa capacité à habituer (formater) les jeunes lecteurs à la pratique de la tablette.

Le meilleur outil de marketing du livre est l'école. Nous avons appris à lire et à écrire sur un objet extraordinaire : le codex. Cette forme nous est depuis familière, naturelle. Si demain nos enfants apprennent à lire, écrire et compter sur un nouvel objet aux fonctionnalités tout aussi décoiffantes : un iPad ou son successeur, il y a fort à parier qu'ils ne pourront plus s'en passer en grandissant. La tablette remplacera alors définitivement le codex dans la vie quotidienne des générations à venir.

Reste que ces stratégies de verrouillage du Web au profit d'une seule firme, qu'elle s'appelle Apple, Google ou Facebook, risquent de rencontrer de fortes résistances politiques et éthiques. On voit mal des Etats laisser la maîtrise des documents, essentiels dans la régulation des sociétés humaines à un oligopole de sociétés privées, quoique, si l'on fait un parallèle avec ce qui se passe du côté de la finance, on puisse s'interroger...

Actu 25 janvier 2012

Voir aussi les résultats du premier trimestre suivant, qui amplifient encore la tendance.

29 janvier 2012

aKa, « L’iPhone et l’enfant de 13 ans travaillant 16h par jour pour 0,70 dollars de l’heure », text, janvier 17, 2012.