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Dans cette bataille épique, quelle est la stratégie générale d’Apple et, plus spécifiquement, quelle est celle adoptée sur le marché du livre électronique (ebook) ?

Des portails exclusifs

Impossible d’aborder la stratégie globale de vente d’Apple sans parler du lien qui unit, pour le géant à la pomme croquée, contenu et appareils. D’abord, il faut noter que la très grande majorité des revenus de l’entreprise proviennent de la vente d’appareils comme le mentionne Jean-Michel Salaün sur son blogue.

Dans ce contexte, quel rôle revient au contenu ? Celui, non moins essentiel, d’argument de vente : à la suite d’un produit Apple, l’iTunesStore, l’AppStore et le iBookStore, portails exclusifs faciles à utiliser, permettent le téléchargement de contenus gratuits et, bien sûr, payants. On y encourage l’utilisateur à se procurer, contre paiement, des options complémentaires à ses applications ou des versions « améliorées » de celles-ci.

Dans ce contexte, il importe de comprendre que ce ne sont pas seulement certains contenus qui sont réservés aux utilisateurs Mac mais aussi la manière, simpliste et exclusive, d’y accéder. Conséquemment, Apple, dans cet environnement fermé, a l’opportunité de contrôler leur utilisation tout en faisant la promotion de ventes dites complémentaires (après tout, le concept même d’application tel que popularisé par l’AppStore et l’Android Market n’est-il pas avant tout une façon de contrôler du contenu ?).

Apple vs. the World

Sur cet aspect d’accessibilité aux contenus, la clientèle d’Apple est probablement davantage favorisée que celle des autres. En effet, et plus précisément en lien avec le marché du livre électronique, il existe sur l’AppStore des applications gratuites pour émuler les livres offerts chez les principaux concurrents d’Apple dont ceux d’Amazon (Kindle) et de Barnes & Noble (Noox). Par exemple, un usager pourra lire sur son iPad un livre acheté chez Amazon en utilisant l’application Kindle qu’il aura téléchargé de l’AppStore. C’est ainsi qu’Apple empêche ses opposants de détenir un avantage concurrentiel qui passerait par une exclusivité de contenus. À l’inverse, la compétition, elle, n’a pas accès aux contenus détenu par Apple.

Pour les consommateurs, ce gain a cependant un prix : celui du coup d’acquisition plus élevé des appareils Mac. Du côté de l’entreprise, cela équivaut, le plus simplement du monde et selon la logique marchande, à une augmentation de ses revenus.

Une stratégie au banc des accusés

Si les adversaires d’Apple ne peuvent détenir l’avantage de l’exclusivité, sur quel autre atout peuvent-ils miser? Celui, bien sûr, des prix les plus bas. Il est indéniable que le Kindle et le Noox coûtent moins chers que l’iPad. Or, Apple justifie le prix de sa tablette par une offre accrue d’options (souvent sous forme d’applications), un design attrayant et des fonctionnalités multimédias.

Et, sur cette question monétaire, qu’en est-il des prix relatifs au contenu ? On apprenait que, pour cet enjeu particulier, Apple a pris des moyens qui joueraient dangereusement avec les limites de la légalité, tel que l’a rapporté, entre autres, Radio-Canada. Ainsi, la compagnie aurait fixé les prix des livres électroniques à la hausse avec la complicité de grandes maisons d’édition pour empêcher Amazon de vendre à rabais. Pratique monopolistique illégale ou avantage concurrentiel négocié ? Chose certaine, la Commission européenne a absous l’entreprise californienne et ses éditeurs moyennant certaines conditions. De l’autre côté de l’Atlantique, Washington maintient sa poursuite et le procès devrait avoir lieu en juin 2013. Pour le moment, en se fiant à la décision européenne, on peut conclure que, sur les grands champs de bataille, tous les coups sont permis. L’avenir nous dira où se placera la justice du côté de chez l’Oncle Sam et si Apple, dans un désir d’écraser toute concurrence, est allé, sur sa propre patrie, trop loin...