Si l’auteur en question fait appel à des services d’autoédition, ces services sont limités à la seule production du document. En ce sens, l’autoédition est un moyen de pallier à la censure. Orchestrée par les joueurs les plus influents du milieu littéraire, la censure du marché est bien présente. L’autoédition est une avenue qui permet à l’auteur de contourner cet obstacle. Cette pratique comporte plusieurs avantages, mais également quelques inconvénients.

Avantages de l’autoédition

L’autoédition permet tout d’abord à l’auteur de s’affranchir des modèles traditionnels de l’édition et de la publication. Elle épargne à l'auteur « les douloureuses étapes de relecture et de corrections, lui permettant de dévoiler son œuvre sans filtre et d'entretenir une relation plus directe avec ses lecteurs, en plus de lui permettre un accès plus direct aux profits générés par la vente de son livre» (Couture, 2012). L’autoédition permet surtout à l’auteur de publier ses ouvrages malgré le fait que le contenu ou le ton de ces documents ne coïncident pas avec les lignes éditoriales des maisons d’édition ou avec la tendance littéraire du moment (Couture, 2012).

Enfin, l’autoédition offre la chance à l’auteur de devenir «entrepreneur de sa notoriété». En effet, n’ayant pas accès au monde de l’édition traditionnelle, l’auteur qui choisit l’autoédition peut s’engager dans un « réseau d’auteurs-lecteurs qui fabrique un tissu dense de promotions croisées permet[tant] de progresser collectivement dans la visibilité» (Beaudouin, 2012).

Le milieu de l'autoédition n'a pas souffert de l'émergence du numérique. Au contraire, certains quotidiens parlent de «résurgence» du livre indépendant car l'édition se démocratise et qu’il est plus facile que jamais de publier pour une somme modique (Laurence, 2011). Les ouvrages publiés selon ce procédé font également moins l’objet de préjugés qu’auparavant. « Il y a encore dix ans, autoédition rimait avec compte d’auteur et arnaque, aujourd’hui les préventions sont tombées » constate le gestionnaire de la plateforme Le Publieur (Alain Beuve-Méry).

L’autoédition est finalement facilitée par l’apparition de plateformes offrant leurs services. LePublieur aide à définir le projet de l’auteur et gère les étapes de fabrication et de commercialisation. La Carte blanche offre quant à elle « la révision, la mise en pages et l’infographie. Viennent ensuite des conseils sur le tirage et la qualité du papier » (Levée, 2010). Enfin, le Kindle Direct Publishing (KDP) d'Amazon propose un service d'auto-publication (Salaün, 2012).

Les tâches que l’auteur devra accomplir s’il opte pour l’autoédition sont nombreuses. En effet, « dans le système de l’autoédition numérique, des rôles qui étaient autrefois distribués se trouvent à la seule charge des auteurs » (Beaudouin, 2012). La correction, la mise en page, l’attribution d’un numéro ISBN, le dépôt à la Bibliothèque nationale, la remise à l’imprimeur, la vente et la création d’un site web sont autant d’étapes que l’auteur devra franchir avant de voir son ouvrage publié. Toutefois, les bénéfices semblent en valoir la peine.

Inconvénients de l’autoédition

L’autoédition ne comporte évidemment pas que des avantages. Certes, un nombre beaucoup plus élevé d’auteurs parvient à publier de cette manière, mais cela ne crée-t-il pas justement une surcharge informationnelle ? Comment tirer son épingle du jeu et se faire remarquer à travers cet amas d’œuvres autoéditées ? Et surtout, comment prouver que son travail porte l’empreinte de la qualité ? Aucun contrôle de qualité (Montpetit, 2008) n’est fait, et donc, il n’y a aucune assurance pour le lecteur qu’il s’agit d’une œuvre qui en vaut la peine. Antoine Gallimard, une sommité dans le domaine, est même allé jusqu’à affirmer que l’autoédition ne pouvait se substituer à une « édition choisie, maîtrisée, orchestrée autour de marques fortes et de prescripteurs reconnus »  (Forum de l’auto-édition, 2012). Ajoutons à cela l’absence de publicité faite autour du livre, et nous obtenons une grande difficulté à se faire connaître.

Malgré quelques minces exceptions (Fifty Shades of Grey, entre autres), les livres autoédités ne deviennent généralement pas des bestsellers, et leur auteur ne peut vivre de sa plume. L’auteur retire donc une plus grande part des redevances dues à la vente de son livre, mais il en vend nettement moins que s’il avait suivi un parcours « normal » d’édition. Peut-on réellement dire qu’il soit gagnant ?

Certains auteurs québécois osent tout de même se frotter à l’autoédition, mais on se rend rapidement compte qu’il s’agit d’auteurs confirmés dont la réputation et la notoriété ne sont plus à faire. Christian Mistral, Dominique Blondeau et Marie Laberge sont trois auteurs qui ont été tentés par l’autoédition. Pour Marie Laberge, qui a mis sur pied son projet épistolaire nommé Martha de 2008 à 2011, ce fut un « succès retentissant, une manne pour l’écrivaine qui a réussi à raccourcir la chaîne du livre pour ne garder que ses deux maillons extrêmes — l’auteur et le lecteur » (Caron, 2010). L’autoédition serait-elle donc seulement envisageable après être passée par l’édition traditionnelle et s’être déjà fait connaître du grand public ? C’est ce que l’on est en droit de se demander.

Après avoir pesé les pour et les contre de l’autoédition, il semble que ce soit à chaque auteur de faire ses choix en tenant compte des aspects qui sont les plus importants pour lui. Il nous apparaît toutefois clair que l’autoédition, malgré ses inconvénients, peut être une solution à la censure opérée par le marché. L’explosion du livre numérique et des sites d’autoédition pourrait également changer la donne au cours des prochaines années et il nous faudra rester à l’affût des développements futurs concernant le monde de l’autoédition.

Bibliographie

Barroux, David, Alexandre Counis et Anne Feitz. « Arnaud Nourry (Hachette livre) : Nous avons créé un écosystème vertueux sur le marché du livre ». Les Échos, 8 octobre 2012.
<http://www.lesechos.fr/08/10/2012/lesechos.fr/0202310259853_arnaud-nourry--hachette-livre-----nous-avons-cree-un-ecosysteme-vertueux-sur-le-marche-du-livre-.htm>

Beaudouin, Valérie. Trajectoires et réseau des écrivains sur le Web : construction de la notoriété et du marché. [PDF]
<http://panic.wp.mines-telecom.fr/files/2012/04/2012-Trajectoires-et-r%C3%A9seau-Panic-VBeaudouin.pdf>

Beuve-Méry, Alain. «Faut-il choisir l’auto-édition?». Le Monde, Le Monde des livres, janvier 2011.
<http://www.enviedecrire.com/faut-il-choisir-auto-edition/>

Blog l’Auto-édition.com. 2012. Auto-édition, un avis signé Antoine Gallimard.                           
<http://www.auto-edition.com/forumedition55.html>

Caron, Jean-François. «Un livre sur mesure; ouvertures et conséquences de l’autoédition». Lettres québécoises, Hiver 2010. p. 13-16.

Couture, Philippe. «L'autoédition permet-elle une littérature plus singulière?». SRC Blogues, Plus on est de fous, plus on blogue! 11 mai 2012.
<http://blogues.radio-canada.ca/plusonblogue/2012/04/11/lautoedition-permet-elle-une-litterature-plus-singuliere/>

Delforge, Marie. «L’autoédition vue par une lyonnaise». Le Progrès, 16 mai 2012, p.19.

Finder, Alain. « The Joys and Hazards of Self-Publishing on the Web ». The New York Times, 15 août 2012.
<http://www.nytimes.com/2012/08/16/technology/personaltech/ins-and-outs-of-publishing-your-book-via-the-web.html?pagewanted=all&_r=0>

Laberge, Marie. 2011. Des nouvelles de Martha.
<https://martha.marielaberge.com/site/index.php/page/home.html>

Laurence, Jean-Christophe. «Expozine; dix ans d’édition parallèle». La Presse, Lectures, 25 novembre 2011.
<http://www.lapresse.ca/arts/livres/201111/25/01-4471502-expozine-dix-ans-dedition-parallele.php>

Levée, Valérie. «Le créneau de l’édition à compte d’auteur». Livre d’ici, mai 2010. p.11.

Macé, Morgane. « Fifty Shades of Grey ou la béquille de l’édition ». AtuaLitté, 30 août 2012.     
<http://www.actualitte.com/librairies/fifty-shades-of-grey-ou-la-bequille-de-l-edition-36379.htm>

Montpetit, Caroline. « Se publier envers et contre tous ». Le Devoir, 12 janvier 2012.         
<http://www.ledevoir.com/culture/livres/171482/se-publier-envers-et-contre-tous>

Salaün, Jean-Michel. «Amazon marie bibliothèque et autopublication». Bloc-notes, 15 janvier 2012.
<http://blogues.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/post/2012/01/15/Amazon-marie-biblioth%C3%A8que-et-autopublication>