La définition de la valeur économique d’une bibliothèque publique, une nécessité pour sa survie ?
Par Jean-Michel Salaun le jeudi 28 février 2013, 03:34 - Cours - Lien permanent
Ce billet a été rédigé par Monique Tremblay et Catherine Dugas dans le cadre du cours Économie du document.
En cette ère de compressions budgétaires, tous les services gouvernementaux sont remis en question – et les bibliothèques publiques ne font pas exception à la règle.
Un éventail de méthodes
Plusieurs bibliothèques utilisent la méthode de l’analyse coûts/bénéfices, qui consiste à demander aux utilisateurs de quantifier la valeur qu’ils accordent aux différents services rendus. Si le coût de ces services est moindre que les bénéfices, le ratio coût/bénéfice est positif. À ce jour, le ratio de la plupart des bibliothèques évaluées a été de 3:1 ou plus, ce qui est un résultat supérieur à ceux obtenus dans d’autres domaines du secteur public – entre autres en santé, éducation et transport.1
Une autre méthode souvent utilisée est celle de l’évaluation contingente (contingent valuation). Il s’agit d’une méthode qui se sert d’enquêtes pour estimer la valeur des biens publics. On crée ainsi un marché hypothétique, dans lequel les répondants doivent prendre des décisions économiques : combien sont-ils prêts à payer pour tel niveau de service (WTP : willingness to pay) ou encore de combien leurs comptes de taxes devraient-ils baisser pour accepter que ce service soit aboli (WTA : willingness to accept). En utilisant cette méthode pour évaluer les bibliothèques publiques de la Norvège, Aabo2 a obtenu un rapport coûts-avantages très positif de 1 pour 4 (2005). De son côté, la British Library3 a fait l’exercice en 2003. L’étude est arrivée à la conclusion que chaque année, la British Library génère une valeur 4.4 fois plus grande que ce qu’elle coûte en fonds publics.
“ You must value yourself in today’s economy.
If you don’t, you have no value.”
— Tim Lynch, Florida State University Center for Economic Forecasting 1
Cette nouvelle pression pour donner une valeur « économique » aux bibliothèques publiques a toutefois quelques effets pervers, notamment dans le monde anglo-saxon. En effet, certaines études – dont Making cities stronger : Public library contributions to local economic development réalisée en 2007 par « Urban Libraries Council »4 - invitent les bibliothèques publiques à accorder une plus grande place aux besoins du milieu des affaires afin d’accroître la valeur économique de celles-ci.
Ce rapport recommande notamment aux bibliothèques publiques d’investir davantage dans les bases de données d’affaires et de former le personnel afin qu’il puisse répondre aux besoins de ce domaine. On incite ainsi les bibliothèques à devenir des partenaires du développement économique en bonifiant l'offre de services aux compagnies locales, aux chercheurs d'emplois ainsi qu'en offrant des formations sur l'utilisation des ordinateurs - ce qui diminueraient les coûts de formation pour les entreprises. On semble vouloir évacuer toute la dimension « ludique » des bibliothèques, comme si cela ne valait pas grand-chose du point de vue « économique ». Les budgets alloués aux bibliothèques publiques étant limités, on peut craindre une diminution des dépenses pour le côté plus récréatif de ces institutions si on accorde une trop grande importance aux besoins des entreprises. Il y a là « rivalité » pour l’allocation des fonds publics.
Est-ce que la tendance se maintient ?
Toutefois, il y a une partie du milieu qui ne s'attarde pas qu’à une définition quantitative de la valeur des bibliothèques. Oui, des résultats validés par des outils de mesure économique parlent le même langage que les dirigeants qui octroient les budgets des organismes publics, mais la meilleure façon de faire pression sur ceux-ci et de s'assurer que la valeur des bibliothèques est reconnue n'est-elle pas d'ancrer la valeur des bibliothèques dans la conscience populaire d'une collectivité pour que celle-ci soit le défenseur de ses propres bibliothèques? Cette position demande donc de parler non pas un langage économique, mais social et culturel en développant une marque de commerce des bibliothèques à l'aide de diverses initiatives pour rejoindre sa communauté et démontrer directement à celle-ci la valeur des institutions qui la serve. Cette autre dimension est développé dans les nouvelles Lignes directrices pour le développement des bibliothèques publiques au Québec où la vision des bibliothèques est décrite entre autres par ces mots :
« Elle contribue à vitaliser le milieu, à stimuler le potentiel de développement des individus et de la communauté et à édifier une société démocratique plus juste et plus libre. »5
Sans bien sûr faire fi des indicateurs traditionnels (pourcentage de la population inscrite ou taux de roulement des collections par exemple) et en oubliant pas de mentionner l’importance d’une collaboration étroite avec les administrations locales, ce guide tend vers l’idée de bibliothèques publiques ayant comme valeur primaire une approche participative et centrée vers l’usager. Cette approche trouve écho dans un projet que le réseau des bibliothèques de Montréal ont mis en place en 2013, le Festival Montréal joue.6 Cette initiative combine plusieurs partenaires dont des entreprises de jeux vidéo installées à Montréal, offrant une vitrine pour celles-ci, et les bibliothèques de la ville qui démontrent ainsi la diversité de leur offre. La couverture médiatique a sûrement permis aux bibliothèques un sacré coup de publicité et peut-être même, aider à dépoussiérer la marque de commerce des bibliothèques envers les jeunes et les moins jeunes. Elle démontre également la possibilité de créer des liens avec d’autres milieu dont celui des affaires sans oublier la dimension ludique de la bibliothèque.
Un récent article de blog7 suggère l’idée d’une bibliothèque axée sur la littératie informatique, mais l’amène encore plus loin en imaginant une « bibliothèque - centre de création » où les usagers apprennent à créer leurs propres machines et systèmes. L’idée est de ne pas seulement enseigner comment utiliser un ordinateur ou l’internet, mais aussi les principes et l’architecture physique et intellectuelle qui soutendent les outils de notre siècle. Les bibliothèques devenus des lieux de fabrication pour les inventeurs seraient donc en mesure de prouver directement leur valeur économique !
« They (libraries) should be book-lined, computer-filled information-dojos where communities come together to teach each other black-belt information literacy, (...) to show them how to master the tools of the networked age from the bare metal up. » 7
____________
1. Americans For Libraries Council, 2007, Worth Their Weight: An Assessment of the Evolving Field of Library Valuation, ala.org/worththeirweight.pdf
2. World Library and Information Congress: 71th IFLA General Conference and Council, Libraries - A voyage of discovery, ifla.org/119e-Aabo.pdf
3. British Library, 2003, Measuring our value, bl.uk/measuring.pdf
4. Urban Institute, 2007, Making Cities Stronger, urban.org/1001075.html
5. ASTED, Lignes directrices pour les bibliothèques publiques du Québec, asted.org/product=3045
6. Festival Montréal joue, arene.bibliomontreal.com
7. Libraries, Hackspaces and E-waste: how libraries can be the hub of a young maker revolution, raincoast.com/blog/cory-doctorow
Source des photos
Commentaires
Vous parlez du côté ludique de la bibliothèque, mais je dirais plutôt le côté universel, dans le sens où on souhaite une bibliothèque libre de toute conrainte extérieure (même si c'est un idéal). L'économique (et le privé, par extension) souhaite s'immiscer dans toutes les sphères culturelles. On le voit dans les universités, qui ont, quelque part, un idéal semblable à celui des bibliothèques (diffusion du savoir universel) et où l'économique tente d'entrer (et certaines fois ils y parviennent, en finançant une chaire de recherche par exemple). À Gatineau, où je réside, une des bibliothèques municipale portait jusqu'à récemment le nom d'une grande compagnie de pâtes et papiers de la région (Bibliothèque Bowater). En échange de cette publicité, la compagnie devait verser un montant annuel à la bibliothèque qui s'en servait pour alimenter ses collections. Ce partenariat est discutable, d'un point de vue éthique, car l'intervention d'une compagnie privée dans les affaires publiques n'est pas bien vue. D'un autre côté, nous avons une superbe bibliothèque avec toutes les dernières nouveautés, ce qui fait le bonheur des utilisateurs.
Vous soulevez des questions très intéressantes quant à la mission des bibliothèques publiques. Doivent-elles soutenir les objectifs des entrepreneurs et des gens d'affaires pour augmenter leurs "valeur économique"? Comme vous, je trouve qu'il y a quelque chose de dérangeant lorsque d'autres institutions s’immiscent dans la mission des bibliothèques publiques et que celles-ci perdent peu à peu leur indépendance. Je trouve toutefois assez intelligent le fait de faire de certaines bibliothèques publiques des "pôles d'emploi", c'est-à-dire que ce sont des lieux ou on accompagne les chômeurs ou les nouveaux arrivants dans leurs recherches d'emploi. Cela fait en sorte d'attirer un certain public à la bibliothèque alors qu'il n'y aurait peut-être pas mis les pieds. De plus, ce type d'initiative augmente la "valeur sociale" de la communauté. Grâce au travail en commun avec d'autres organismes communautaires du quartier, elle devient un lieu d'intégration communautaire.
La façon dont vous avez opposé la valeur économique et la valeur sociale ou ludique d'une bibliothèque m'a rappelé les propos d'Olivier Hamel, bibliothécaire scolaire, lors de la dernière conférence midi de l'EBSI :http://www.calendrier.umontreal.ca/... En effet, dans les écoles de la commission scolaire Marguerite Bourgeoys, les bibliothécaires privilégient une approche ludique qui vise d'abord et avant tout à initier le goût de la lecture des élèves. Pourtant, certains professionnels préféreraient que les activités proposées par les bibliothécaires soient d'abord pédagogiques. Voilà un autre cas ou les intérêts et les valeurs de chacun diffèrent. La lecture apporte énormément, mais cela peut-il être quantifiable?
Je crois que comme vous le mentionnez dans le titre, il est essentiel de déterminer la valeur économique d’une bibliothèque afin de garantir sa survie dans cette période de restrictions et de coupures budgétaires. Malheureusement, tout financement nécessite justifications et rendements. Appliquer une logique et des outils économiques pour évaluer la valeur d’une bibliothèque permet de parler le même langage que les bailleurs de fonds. Afin d’assurer un financement, il est nécessaire de pouvoir l’évaluer, mais malheureusement contrairement à d’autres secteurs, il est plus difficile de déterminer quantitativement l’impact d’une bibliothèque publique. L’impact est plus qualitatif, car elles jouent un rôle important dans les communautés où elles sont situées en améliorant la qualité de vie des personnes qui les côtoient; en étant un acteur de la vie communautaire; un lieu de rencontres et d’échanges entre les citoyens. Ces impacts sont difficilement calculables et chiffrables.
Toutefois, avec la crise des finances publiques un partenariat avec les entreprises privées sera peut-être nécessaire afin de garantir les fonds pour maintenir ses activités. Je partage également des craintes face à un tel partenariat. La bibliothèque va-t-elle perdre son autonomie? La mission de la bibliothèque publique s’en trouvera-t-elle modifiée?
Ça dépend de ce qu'on entend par "valeur économique". Jusqu'à quel point on peut penser les bibliothèques publiques en des termes financiers, des termes de rentabilité ? La crise économique actuelle n'est-elle pas, en partie du moins, le fruit d'une logique centrée sur la rentabilité à court ou à moyen terme ? Certaines théories économiques ont la vie dure, même si parfois elles fonctionnent mal. Quand on parle des bibliothèques on parle de l'une des plus anciennes institutions de l'histoire. Or, justement, l'idée des « bibliothèque - centre de création » nous ramène aux bibliothèques de... l'ère classique, comme à Alexandrie par exemple. Ça donne envie de relire l'histoire des bibliothèques : on pourrait peut-être s'en inspirer pour en justifier la valeur. La "valeur économique"... qu'est-ce que ça veut dire?
La lecture du billet m’a spontanément fait penser aux termes « Bien public » et « Bien commun » Qu’est ce que cela donne si on essaye de mettre ces termes en relation avec « la valeur économique d’une bibliothèque publique » ? D’abord qu’est ce une bibliothèque publique ? Un bien public/ collectif géré par l’état, par le privé dans certains cas , ou un bien commun, c’est a dire selon la définition dans Wikipédia une ressource ou une valeur qui échappe à la propriété individuelle et au secteur marchand et qui est géré de façon collective par la communauté de ses usagers ?
La gestion du bien public par un service aux usagers, comme une bibliothèque a plusieurs écoles de pensées selon des considérations macro économiques et idéologiques. Ce bien résulte –il d’un travail de redistribution, comme on redistribue l’eau par exemple ou par analogie comme on distribue la connaissance ? Dans ce cas puisqu’il s’agit de la distribution d’un bien gratuit, l’usager ne paierait-il que le prix de la quantité consommée ? Ou est-ce la bibliothèque produit–elle réellement un bien, le résultat d’un travail de production proprement dit ? Pas tout à fait, sauf que la bibliothèque évolue aujourd’hui vers un « espace public d’information » vers peut-être un espace de bien commun immatériel comme le sont les langues, la connaissance et les logiciels libres. Peut-être cet espace public de demain sera en partie autogéré par les usagers qui pourront participer à la diffusion, la régulation, l’animation et qui, soustrait aux valeurs marchandes garantit une diversité et une pluralité pour ceux qui souhaitent apprendre jouer et rêver !
J'ai beaucoup apprécié votre billet et ai particulièrement été intéressée par l'idée que c'est aussi aux citoyens de défendre leurs bibliothèques publiques, menacées justement par leur difficulté à prouver leur valeur économique.
En période de profonde crise économique, les bibliothèques publiques occupent peut-être une position incertaine :
à la fois mises en péril si elles ne développent pas de nouveaux services innovants adaptés par exemple aux besoins des entreprises
et en même temps réinvesties et synonymes de confiance à travers leur rôle de service public.
Car c'est bien la fonction démocratique, de médiation de la bibliothèque publique, donnant accès au savoir à ses usagers,
qui semble indispensable au sein d'une société où l'information a de plus en plus un poids économique.
Les citoyens devraient effectivement défendre leurs bibliothèques publiques face à Internet et à la baisse des financements publics
car elles sont garantes d'un droit à l'information pour tous, devenu essentiel au bon fonctionnement de la société.
Julie Hermann :
Exactement, les bibliothèques progressent dans des communautés où l'économie est un aspect de la vie donc il est normal qu'elles s'intéressent à cette question et voient la possibilité d'utiliser celle-ci pour aller rejoindre des usagers. Il reste que la manière de faire peut être discutable pour certains (comme pour l'approche à privilégier pour attirer les jeunes que vous mentionnez plus bas), si nous voyons la bibliothèque comme un bien qui appartient à tous, nous devons donc rester vigilants et s'assurer qu'elle continuent à satisfaire les besoins des usagers en premier.
Godefroy Clément :
Beaucoup partagent votre point de vue. Même si les bibliothèques ont leur modèle propre de diffusion qui n'entre pas dans la marchandisation de l'information, elles n'existent pas non plus dans une bulle séparée du reste de la société. Malheureusement, tant que les sociétés dans lesquelles évoluent les bibliothèques seront des sociétés basées sur des théories économiques qui dictent la nécessité que toute institution démontre sa valeur économique, il sera difficile de passer outre ces justifications.
Mélissa Hernandez :
Pleinement d'accord avec vous! Les usagers de la bibliothèque et leur implication dans le développement de celle-ci sont l'ultime arme de cette institution fragile devant des pressions économiques des gouvernements ou du privé.
Elaine Sirois et Eve MD:
Nous aurions pu effectivement utiliser le terme "universel", qui aurait été plus général. Mais nous voulions opposer le côté récréatif (prêt d'oeuvres de fiction, de musique, de films, etc.) des bibliothèques publiques au côté "informations d'affaires" qui intéresse les entreprises. Étant donné que les budgets des bibliothèques publiques sont limités - et en temps de crise économique mondiale, ceux-ci ne devraient pas augmenter - il est inquiétant de voir que les entreprises privées profitent de cette phase "d'incertitude existentielle" des bibliothèques publiques pour tenter, en quelque sorte, de détourner les fonds publics en leur faveur. À moins, bien sûr, qu'ils offrent de participer au financement des bibliothèques publiques - mais ce n'est pas ce qui est préconisé dans le rapport de l'Urban Institute. Et il y a ici un autre débat: si le privé finançait en partie les bibliothèques publiques, quelle forme serait la plus appropriée (paiement pour services rendus, montant annuel fixe, etc.)? Et en contrepartie de quoi (bibliothèque au nom de la compagnie, présence au conseil d'administration, pouvoir décisionnel, etc.)? Un énorme débat en perspective!
Annick de Vries:
La bibliothèque publique est encore, de nos jours, un espace physique - mais qui sait quelle forme elle prendra dans le futur. Et qui dit espace physique, dit coûts d'opération (bâtiment, livres, abonnements, main d'oeuvre, etc.). Ces coûts doivent être assumés par une collectivité.
Si, dans le futur, la bibliothèque telle qu'on la connaît est remplacée par un espace "immatériel" numérique donnant accès au savoir universel, l'accès à cet espace sera-t-il gratuit? Il faudrait pour cela que les bases de données, les publications, les revues et autres soient gratuites et que le travail soit bénévole - ou que tous ces coûts soient financés par la publicité. Mais une telle "bibliothèque immatérielle" serait-elle aussi démocratique et offrirait-elle à tous un aussi bon accès au savoir universel que le modèle actuel? On peut au moins se poser la question!
Ce billet est en réponse au billet de Monique Tremblay
Ce n’est pas parce qu’une bibliothèque serait immatérielle qu’elle serait plus démocratique. Là n’est pas question. Personnellement, je crois très fortement à l’utilité d’une présence physique d’une bibliothèque, sous des formes différentes selon les lieux et les cultures, mais ultimement – un troisième lieu, en dehors des murs de nos maisons et de notre lieu de travail. Plusieurs articles sont parus sur le sujet dont voici un lien : Mathilde Servet. La bibliothèque troisième lieu, vers une rédéfinition du modèle de la bibliothèque. Argus, 2011, n° 2 Dans cet article, les relations entre bibliothèques troisième lieu et marketing sont explorées et questionnées : »Cette bibliothèque se veut lieu de culture, d’étude, d’apprentissage, de détente, de loisir, mais aussi fondamentalement lieu de débat, de rencontre, lieu de vie. Il s’agit de proposer un terrain neutre, fédérateur, où les usagers peuvent se retrouver et qu’ils peuvent investir à leur guise, tout en développant un sentiment d’appartenance communautaire. Il s’agit d’injecter du lien entre les différents membres de la collectivité, de recréer du capital social, d’apprendre à se côtoyer, à vivre ensemble. En ce sens, la bibliothèque peut jouer un rôle politique fort, comme le faisaient auparavant l’église, les places de marché ou les bistrots, les cafés, troisièmes lieux par excellence pour Ray Oldenburg, fondateur du concept ». Et pour en revenir au sujet de la nécessité de mesurer la valeur économique de la bibliothèque, je pense que cela passe par la mesure de l’ impact social en premier.
En réponse au commentaire d'Annick De Vries
Je suis tout à fait d'accord avec toi, je crois qu'une bibliothèque doit avoir une présence physique. Elle a un rôle important à jouer dans la collectivité, c'est beaucoup plus qu'un endroit où on va emprunter des livres. Une bibliothèque immatérielle ne pourrait jamais remplacer une bonne bibliothèque publique - pensons juste à tous ces gens qui n'ont pas d'accès à Internet (qui n'ont même pas d'ordinateur). Dans un monde où les gouvernements et les entreprises nous invitent de plus en plus à aller consulter Internet pour obtenir telle information, tel document, il est primordial pour la démocratie que tous aient un accès à Internet (et des personnes ressources pour les aider à s'y retrouver)! Et cela n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Pourtant j'entends souvent ce discours: avec tous les documents qui sont maintenant en ligne, les bibliothèques vont disparaître. C'est une logique très marchande; la même logique que pour les clubs vidéo: avec la vidéo sur demande, plus besoin d'aller chercher le film chez Vidéotron (qui est voué à disparaître).
À mon avis, certaines bibliothèques spécialisées ou universitaires (domaine scientifique) pourront peut-être devenir des bibliothèques virtuelles. Mais pour les bibliothèques publiques, ce serait voué à l'échec.
Synthèse des commentaires:
L'idéal de la bibliothèque publique est de rendre accessible, à tous les citoyens, l'accès au savoir universel, et cela sans subir de contraintes extérieures. C'est un lieu public, un "bien commun".
Or, en cette ère de coupures budgétaires gouvernementales, on reconnaît que cet idéal est menacé. Une des grandes questions qui se pose est la suivante: y a-t-il possibilité d'un partenariat avec le secteur privé qui serait bénéfique pour la bibliothèque publique, sans que celle-ci perde son pouvoir de décision et son indépendance? Sans que sa mission soit modifiée? On penche, à priori, vers une certaine méfiance.
Toutefois, l'idée que la bibliothèque publique exploite davantage son côté "pôle d'emploi" est bien perçu. Cela augmenterait la valeur sociale de la bibliothèque, elle deviendrait encore davantage un lieu d'intégration communautaire.
Tous s'entendent sur un point: c'est aux citoyens de défendre leur bibliothèque. C'est l'arme ultime face aux pressions venant des gouvernements.
Il nous est proposé de relire l'histoire des bibliothèques: une source d'inspiration pour justifier sa valeur.
Et finalement, on se demande si la bibliothèque deviendra immatérielle dans le futur. On reconnaît que la bibliothèque publique est beaucoup plus qu'un simple endroit pour emprunter des livres, qu'elle a un rôle social important à jouer. Un espace physique est donc primordial afin de répondre aux besoins de tous les citoyens.