Tellement l’acte est devenu facile, commun, habituel qu’il ne suscite point un questionnement préalable sur sa conformité ou non avec les droits d’auteur. D'un autre côté, le droit d'auteur a-t-il sa place dans l'univers numérique? Si oui, peut-il garder sa forme actuelle? Avant d’embarquer sur le sujet des droits d’auteur dans le contexte numérique, voir ici une petite introduction aux notions de droits d’auteur et cadre juridique en France et au Canada.

Téléchargement illégal et partage

L’avènement du web a fait surgir une « voracité » de consommation chez les internautes. Le comportement de l’internaute s’est modifié avec l’apparition des médias sociaux. Avant, l’utilisateur se contentait de naviguer, s’informer, à la limite télécharger pour un usage privé ou encore pour un groupe restreint de son entourage. L’apparition des réseaux sociaux a malmené tout le paysage. On assiste de plus en plus à des partages sans cesse croissants de vidéos, de musiques, d’images, de livres, bref de tout contenu sur la toile.

Plusieurs pensent que le web est une zone qui ne rime pas avec règles et privilégient plutôt liberté et échange. Dans cette perspective, la création de blogues et l’appropriation de contenu sans citation de sources sont devenues choses courantes dans le monde numérique. À ce propos, ce billet présente une petite revue d’évènements récents liés à l’usage de marques déposées.

L’atteinte des droits d’auteur dans le contexte numérique se manifeste sous divers aspects. Le téléchargement illégal et le partage à grande échelle sont les principaux usages dénigrés par les industriels. Aucun domaine n’échappe à ce phénomène : du domaine médical, jusqu’aux industries culturelles passant par le domaine juridique. L’usage des P2P a favorisé les échanges. Il rend la censure et les attaques légales ou pirates plus difficiles, ce qui complique encore l’affaire au législateur. Mais est-ce que tout ce qu’on télécharge et partage est soumis aux droits d’auteurs ? Si tel est le cas où est la place du droit de savoir et de la démocratisation des connaissances? La réponse à ces questionnements se trouve « peut-être » dans la décision de principe rendue en 2004 dans la cause CCH Canadien Ltée c. Barreau du Haut-Canada. Selon cette décision, six facteurs permettent de déterminer si une utilisation est équitable ou non :

  • le but de l’utilisation;
  • la nature de l’utilisation;
  • l’ampleur de l’utilisation;
  • la nature de l’œuvre;
  • les solutions de rechange à l’utilisation; et
  • ’effet de l’utilisation sur l’œuvre

Mais, en réalité, ces facteurs sont-ils respectés et suivis à la lettre? La réponse peut supporter « oui » et « non ». Un exemple illustrant l’usage équitable de la reproduction et la diffusion d’un article du journal médical « Médecin de famille canadien (MFC) » est fort éloquent à cet égard. Quoique si on change de domaine et on vise plus l’industrie musicale, l’affaire est tout à fait divergente et rien ne garantit le respect des six facteurs précités. Du moins le sixième facteur : l’effet de l’utilisation sur l’œuvre. Les répercussions du piratage des morceaux musicaux ou d’un album sont évidentes et bien lourdes. Le téléchargement illégal sur internet peut être pesant pour certains industriels. (Voir Téléchargement illicite : Google va-t-il couper les financements des sites ?)

Intelligence distribuée et Creative Commons

Devant l’univers numérique, ne doit-on pas simplement redéfinir le concept même du droit d’auteur? Est-il réaliste d’extrapoler au web, des règles qui se sont développées autour de l’imprimé? Jean-Claude Guédon, professeur à l’Université de Montréal depuis 1973, est un ardent défenseur de la libre diffusion de la littérature scientifique sur le web. Son discours sur le droit d’auteur côtoie le concept d’intelligence distribuée. Avec Internet, on redécouvre la fluidité, l’efficacité, la liberté de se mettre à écrire, de travailler collectivement une idée et de la faire avancer. Non pas en vue de se l’attribuer, mais dans l’optique de raffiner, étendre, améliorer, déplacer, etc. Harriet Zuckerman a découvert que l’on a beaucoup plus de chances de remporter le prix Nobel du seul fait que l’on a travaillé dans un laboratoire où quelqu’un l’a déjà obtenu. Ce phénomène s’explique par le fait que l’on est entré dans une communauté qui partage l’intelligence distribuée. Les détracteurs du droit d’auteur sur le web considèrent que les restrictions de diffusion limitent fortement l’impact des travaux de recherche ainsi que leur appropriation rapide et empêchent d’exploiter le potentiel du web pour accélérer les découvertes scientifiques (à ce propos, voir Scolar’s Copyright Project).

Avec la démocratisation de l’informatique et de l’accès internet, de nombreux auteurs ont commencé à diffuser sous des licences de libre diffusion. Dans cette mouvance, le projet Creative Commons tente d’offrir une alternative au système classique de droit d’auteur. Ce projet est né de l’imagination de Lawrence Lessig et Eric Eldred qui souhaite, par leur démarche, encourager une réflexion pragmatique sur la refonte du système actuel. Ce projet qui est une organisation à but non lucratif, part lui aussi de la prémisse que la créativité se nourrit de l’usage d’œuvres préexistantes et vise à recréer un réservoir de contenus librement utilisables. Pour ce faire, Creative Commons propose gratuitement six licences qui permettent aux titulaires de droit d’auteur de mettre leur œuvre à disposition du public selon des conditions prédéfinies. Ces licences s’inscrivent dans le cadre législatif existant et ne se substituent pas au droit d’auteur. Un genre de droit d’auteur à la carte est-il la solution pour régler la crise majeure actuelle?

La question du droit d’auteur en ce qui concerne le web est souvent une question de valeurs et de positionnement social. La culture libre est un mouvement social qui promeut la liberté de distribuer et de modifier des œuvres de l’esprit sous la forme d’œuvres libres par l’utilisation d’internet ou d’autres formes de médias (à ce propos, voir Artistes contre le droit d’auteur). Les valeurs qui sous-tendent la culture libre sont : la liberté, la liberté d’expression, le contrôle par l’utilisateur, la vie privée, le partage du savoir, la dynamique citoyenne et participative dans l’économie du savoir et le modèle économique de la coopétition. Ces valeurs prendront-elles le dessus sur la propriété intellectuelle dans l'avenir ?