Ce type d’entente, conclu principalement avec de grandes bibliothèques américaines, est l’une des deux sources d’approvisionnement en livres de Google. La seconde est le programme partenaires, par laquelle l’entreprise invite les éditeurs et les auteurs à déposer leurs œuvres littéraires sur son site. Ce service est gratuit, et celui qui dépose ses documents peut choisir l’étendue des informations qu’il rend accessibles. Il peut s’agir des données bibliographiques, d’extraits du texte ou même de l’intégralité de l'oeuvre.

Un modèle d’affaires axé sur des contenus

Les moyens d'approvisionnement de Google Books, qui reposent en grande partie sur la numérisation de livres provenant des bibliothèques, a vite fait l’objet de poursuites judiciaires pour violation du droit d’auteur. C’est que plusieurs de ces livres n’appartiennent pas au domaine public. Le nombre de ces livres numérisés sans autorisation est estimé à 7 millions en 2009. À ce jour, la majorité de ces actions judiciaires ont débouché sur des ententes entre Google et les ayants droit. En France notamment, les éditeurs ont conclus un accord-cadre en 2012 avec Google sur la numérisation des livres épuisés. Celui-ci prévoit que Google doit obtenir au préalable l’autorisation des éditeurs pour numériser des livres épuisés sur lesquels ils ont des droits. Dans le cas des livres déjà numérisés, les éditeurs peuvent demander à Google de retirer ceux-ci de sa base de données. Un accord similaire a été signé aux États-Unis avec l’Association of American Publishers en octobre 2012 et prévoit que les éditeurs choisissant de ne pas retirer leurs oeuvres recevront une copie numérique de celles-ci.

Bien que les modalités exactes de ces ententes demeurent secrètes, il semble que Google refuse de payer pour les contenus qui alimentent son modèle d’affaires. Certes, cette société est prête à accorder certaines compensations financières, comme celle consentie à la Société des gens de lettres (SGDL) pour le développement de son fichier des auteurs et des ayants droit, mais il serait erroné d’y voir des indemnisations financières pour les droits d’auteurs. À ce propos, on pourrait comparer Google Books à une autre plateforme, Google News, qui agit comme un intermédiaire entre les lecteurs et les médias. Nathalie Silbert de Les Echos, note concernant ce dernier que “Google a soigneusement évité d’entrer dans la logique d’une redevance rémunérant l’indexation des sites d’information”. Mais avec Google Books, l’entreprise va encore plus loin dans l’appropriation des contenus puisqu’il numérise et conserve sur ses serveurs des oeuvres pour lesquelles il ne détient pas les droits.

Les revenus par l’affiliation

Le droit d’auteur, qui entrave la diffusion intégrale de certains livres, devient en quelque sorte une source de revenus pour Google puisque les documents doivent être vendus plutôt que diffusés librement. Google Books présente ainsi des liens vers les librairies qui offrent les livres consultés. Celles-ci doivent devenir partenaires de Google, qui reçoit alors de 6 à 10% du prix des ventes en échange de l’affiliation. Les librairies les plus importantes sont privilégiées pour les partenariats depuis 2012, puisqu’elles sont considérées plus rentables. Cependant, ce modèle est en perte de vitesse, Google développant maintenant une nouvelle approche.

Google Play : l’autoréférence comme stratégie d’affaires

Google a ainsi créé en 2012 la plateforme Google Play, qui vend des jeux, des livres et des films. Il devient ainsi un véritable libraire. Lorsqu’un livre est disponible sur cette nouvelle plateforme, Google Books y réfère automatiquement, éclipsant du coup les autres libraires affiliés. Il s’accorde ainsi l’intégralité des revenus. Google entre ici en concurrence avec Amazon, et de nombreuses librairies qui n’ont pas autant de visibilité.

L’abonnement institutionnel

Google Books ne rend pas sa base de données totalement accessible, même pour les bibliothèques qui ont contribué au contenu par un partenariat de numérisation. Bien qu’elles aient droit à un accès étendu aux données, celui-ci est restreint à un seul poste informatique et avec des possibilités limitées pour l’impression. Pour contrer ces restrictions, elles doivent payer un abonnement institutionnel.

Au terme de cet article, on peut se demander si ce modèle d’affaires est bénéfique aux utilisateurs. Ceux-ci ont eu accès à une masse énorme de documents très rapidement grâce aux investissements de Google en numérisation. Cependant, à plus long terme, l’entreprise doit rentabiliser ses services et son quasi-monopole dans l’indexation des contenus lui laisse beaucoup de marge de manoeuvre pour imposer ses règles.