Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 03 octobre 2007

Partage de veille

Nicolas Morin, un des (sinon le) premiers biblioblogueurs français, nous propose (billet) un film d'amateur pour illustrer comment faire de la veille comme un pro sur les biblioblogs. Il y présente la façon dont il suit 120 blogs spécialisés à l'aide de deux (ou trois en comptant Firefox) outils simples. Le film en soi est une démonstration étonnante de la capacité, efficacité et simplicité, de partage du Web. Et, cerise sur le gateau, il offre même l'ensemble de ses fils RSS (ici).

Olivier Ertzscheid, autre pionnier de la communauté qui a depuis longtemps repéré (voir ) la transformation de la veille par les blogs, signale (ici) les cours de la School of Information de Berkeley, notamment celui-ci : i141: Search Engines: Technology, Society, and Business. On trouve l'accès à l'ensemble des cours ici.

Moi qui suis d'une génération à l'attention un peu émoussée, je n'utilise que des fils RSS dans un dossier du marque-pages de Firefox et je fais confiance aux jeunes pour me guider..

dimanche 02 septembre 2007

Comment traduire « cyberinfrastructure » et autres considérations sur le sujet

Le lecteur d'un précédent billet m'a fait remarquer à juste titre que mon emploi du terme cyberinfrastructure relevait plus d'un anglicisme que d'une heureuse traduction.

On trouvera une définition américaine du terme dans l'item correspondant de Wikipédia. J'ai déjà rendu compte ici, et , de l'agitation autour de cette notion. Il serait donc prudent, en effet, d'être pertinent sur la traduction.

J'ai alors fait appel à la liste Ebsi-l pour avoir un peu d'aide de mes amis ;-). Et l'appel a été entendu, merci à eux. Voici une compilation des propositions recueillies et de quelques autres (les justifications et commentaires sont repris de leur auteur ou de mon cru) :

  • automatique de l'information, qui nous viendrait de T. Breton, mais ne me parait pas très explicite et source de malentendus.
  • infrastructure technologique, qui renvoie au document technologique de la loi québécoise concernant le cadre juridique des technologies de l’information (21 juin 2001), mais c'est la seule utilisation à ma connaissance de cet adjectif comme synonyme de numérique ou électronique.
  • e-infrastructure, intéressant mais malheureusement imprononçable et reste un anglicisme.
  • e-science est le terme employé par les britanniques, voir ici. Il a l'avantage de faire directement référence au domaine, mais l'inconvénient de renvoyer au contenu et non au dispositif. Et cela reste un anglicisme transposé tel quel en Français.
  • infrastructure épistémique, selon la traduction de la proposition de John L. King, voir ici, mais le terme renvoie à l'ensemble des infrastructures de connaissance et non seulement à leur dernière instance électronique.
  • infrastructure cybernétique, mais la proposition déplace, sans la réduire la difficulté signalée.
  • infostructure, ou même infostructure scientifique selon l'expression utilisée par l'ICIST pour son plan stratégique 2005-2010. Le terme a l'avantage d'être le même en Français et en Anglais.
  • en rester, malgré tout à cyberinfrastructure selon le point de vue de H. LeCrosnier présenté dans le dernier colloque CIDE. Mais le terme, même en Anglais, ne paraît pas très heureux. Il fait sans doute référence à l'informatique, mais ni à la science, ni même à l'information.

Ainsi, le terme le plus approprié pour la traduction, plus approprié que l'original même, paraît être infostructure. Il a été largement documenté par un chercheur qui a compilé toute la littérature anglophone lui faisant référence, et développe un argumentaire afin de montrer toute l'importance des bibliothèques dans le développement des pays :

Taher Mohamed, Infostructure in National Development Perspectives, mai 2006 Html

Remarque additionnelle sur les relations Anglais/Français dans la science



Infostructure a déjà été utilisé par des chercheurs en Français dans un sens différent (BRESSAND, Albert & DISTLER, Catherine. - La planète relationnelle, Paris, Flammarion,1995) et un de mes anciens étudiants, Jalel Rouissi, s'est servi de cette notion dans sa thèse pour l'appliquer à un réseau de bibliothèques. On en trouvera un résumé dans cet article :

Rouissi, Jalel, Le réseau sous l’éclairage de la démarche qualité : Proposition d’une grille d’indicateurs pour l’évaluation des effets qualitatifs de la coopération inter-bibliothèques, 2001 ArchiveSic.

En voici un extrait :

Nous nous appuierons sur le modèle établi par Albert Bressand et Catherine Distler (1995) qui abordent le réseau en tant que « machine relationnelle » qui se définit comme : « un ensemble de moyens (infrastructure) et de règles (infostructures) permettant aux acteurs qui y ont accès d'entreprendre et de mener à bien des projets communs dès lors que ceux-ci sont conformes aux attentes et usages communs (infoculture) »

  • L'Infrastructure englobe l'ensemble des équipements matériels ; d'où sa nature physique. Mais de nos jours, elle a de plus en plus tendance à intégrer des éléments immatériels comme les standards, les logiciels et les normes. Les acteurs de l'infrastructure sont les constructeurs des technologies comme les fabricants de matériels, les fournisseurs des logiciels et des programmes, les ingénieurs systèmes qui installent les équipements et les programmes et en assurent le suivi et la maintenance.
  • L'Infostructure désigne l'ensemble des règles qui régissent le fonctionnement du réseau. C'est l'expression formelle du réseau traduite par un système d'obligations qui définit la nature des rapports entre les partenaires (contrats, conventions, etc.)
  • L'Infoculture renvoie à la culture réseau que partagent les partenaires. Le réseau est aussi, d'autres diraient avant tout, un état d'esprit, une attitude et une philosophie qui imprègnent les comportements et les réflexes des professionnels au quotidien et conditionnent considérablement la performance du réseau, voire même sa pérennité. Albert Bressand et Catherine Distler parlent de connivence.

L'acception de ces termes a été peu reprise et donc cela n'invalide pas la proposition de traduction précédente. Néanmoins, la trilogie mérite qu'on s'y arrête. Distinguer ces trois dimensions d'un réseau me parait pertinent. Et J. Rouissi en montre une application pratique intéressante. De plus cette trilogie n'est pas sans rappeler celle sur le document de Roger (voir la fin de ce billet), ou encore celle de la langue (syntaxe, sémantique, pragmatique). Il y a là, me semble-t-il, matière à réflexions.

Cette trilogie va nettement au-delà des considérations plutôt vagues et générales sur le côté multidimensionnel des infostructures proposées par un groupe de chercheurs nord-américains financé par la NSF, et même aurait fourni un cadre stimulant aux réflexions des chercheurs du dernier numéro de CT Watch Quaterly.

Et l'oubli de cette référence m'amène à une remarque plus générale sur les relations entre Français et Anglais dans la science. Depuis maintenant presque deux ans que j'ai traversé l'Atlantique, j'ai pu constater, au moins dans les domaines qui sont les miens, une méconnaissance réciproque, quoi qu'on en dise, entre l'Amérique du nord (Québec compris) qui ne semble lire que la littérature scientifique anglophone et la France qui néglige une bonne part de la littérature scientifique anglophone, même si le phénomène des blogues fait bouger les choses sur ce second volet. Clairement, c'est un problème car, au moins pour les sciences humaines et sociales, la langue dans laquelle on pense et on écrit n'est pas sans effet sur les résultats produits, leur écriture et leur lecture, tout simplement parce que la rhétorique est un des instruments de ces sciences. D'un autre côté, ici comme ailleurs, l'Anglais domine.

Dès lors, lorsque les scientifiques francophones de ces disciplines se privent de l'usage et de la connaissance de la littérature scientifique dans leur langue maternelle ou, inversement, de la lecture de la littérature anglophone, ils négligent un avantage concurrentiel fort (qu'a contrario l'extrême-orient a utilisé et continue d'utiliser abondamment).

lundi 27 août 2007

Montréal, 500 ans d'images d'archives

Voici un nouvel exemple de redocumentarisation archivistique réalisé par le Groupe des Archivistes de la Région Montréalaise, spectaculaire par sa qualité et son intérêt public.

Montréal, 500 ans d'histoire en archives

Extraits du communiqué :

Le récit est un condensé de l’excellent ouvrage de l’historien Paul-André Linteau, Brève histoire de Montréal (Éditions du Boréal). Il est accompagné d’un éventail remarquable de photographies, de dessins et de textes, dont plusieurs inédits, qui expliquent et illustrent abondamment les grandes étapes de l’histoire de Montréal de 1500 à 1992. Le tout est complété par un quiz et des ressources pédagogiques pour les élèves du primaire et du secondaire.

C’est la première fois que les archivistes de la métropole réalisent conjointement un tel survol de l’histoire de Montréal avec autant de documents d’archives. Pour les Montréalais, il s’agit d’une occasion unique de commencer à prendre la mesure du riche patrimoine conservé pour eux par les services d’archives sur leur territoire.

Cette exposition virtuelle est le premier élément d'un portail intitulé MontréaListes qui vise à fournir aux habitants de la ville l'accès à l'ensemble des archives montréalaises.

mercredi 22 août 2007

L'oubli de l'oubli est un problème

On pouvait lire dans le journal La Presse du 17 août dernier sous le titre Frank Zampino sali sur Wikipedia :

La Ville de Montréal a déclenché hier une enquête au sujet d'une biographie de Frank Zampino vandalisée sur Wikipedia à partir d'ordinateurs liés au cabinet du maire Gérald Tremblay. Le président du comité exécutif a été qualifié de «membre présumé de la Fédération internationale tuons tous les juifs (International Kill all Jews Federation)», d'«ancien supporter nazi» et de «membre de Weight Watchers», a appris La Presse.

Il s'agit d'un des nombreux résultats du Wikiscanner qui excite beaucoup les commentateurs ces derniers jours. Mais cette histoire particulière a, à mon avis, une morale bien différente que les diverses manipulations qu'a pu révéler l'outil (voir sur le sujet, parmi de très nombreux autres, ce billet pertinent de Christophe Deschamp).

Si l'on poursuit l'article de La Presse en effet, il est indiqué que la « diffamation » en question aurait été rédigée à partir d'un ordinateur de la mairie, serait restée deux minutes dans l'article de Wikipédia en question et qu'elle aurait été corrigée à partir du même ordinateur.. sauf que, selon le principe du Wiki, l'historique est resté.. a été repéré par des petits malins grâce à Wikiscanner.. et cela a suffi à provoquer l'ire de la mairie et une accroche à sensation pour les gazettes.

On peut en rire et penser qu'au Québec le ridicule ne tue plus. La mairie de Montréal a, d'ailleurs, le 21 août diffusé un communiqué qui donne une version différente :

Le texte qui portait atteinte à l'intégrité de Frank Zampino s'est retrouvé sur le site en question vers le 23 juillet 2006. L'enquête interne de la Ville de Montréal a permis de constater qu'une personne rattachée au cabinet du maire et du comité exécutif a tenté, de sa propre initiative et en toute bonne foi, de corriger ce texte, à partir de son poste de travail. En fait, cet employé du cabinet du maire et du comité exécutif s'est efforcé, le 15 août 2006, de retirer tous les propos mensongers, offensants et dégradants qui avaient été ajoutés à la biographie du président du comité exécutif. Ces corrections ont été faites en deux temps, car l'employé en question n'avait pas remarqué toutes les inepties qui entachaient la biographie de M. Zampino sur Wikipedia.

Quel que soit le fin mot de cette histoire, imaginons un instant qu'elle se soit déroulée, non pas au pays de la tolérance et des accommodements raisonnables, mais en Lybie, au Kazakhstan ou même en Russie ou en Chine. Il est à prévoir que les conséquences auraient été bien différentes, sans doute dramatiques, pour l'employé. Peut-être même des histoires comparables ont eu lieu sans que personne n'en sache rien. Hypothèse d'école dira-t-on, les internautes dans ces pays n'ont pas accès à Wikipédia, vrai et faux, cela dépend des pays et cela ne réduit en rien le problème de fond.

Celui-ci vient d'un paradoxe de la redocumentarisation que j'ai appelé dans un billet précédent « le paradoxe de Roger » :

Le Web favorise conjointement deux mouvements opposés : le développement d'échanges spontanés (conversations) et leur fixation sur un support public, pérenne et documenté.

Ainsi nous ne savons plus oublier. La « manipulation » de deux minutes de l'employé de Montréal, respectueuse ou facétieuse, n'avait aucune signification particulière, mais les traces en ont été conservées, ont été retrouvées et sont devenues matières à gesticulations.

Le problème est sérieux, les exemples de difficultés, beaucoup plus graves que mon anecdote, abondent. On pense, bien sûr, à Borgès et sa nouvelle Funes el memorio,

Funes est mort écrasé par sa mémoire. Cette nouvelle est une métaphore de l’insomnie. (Entretien avec L. Borgès, Le Monde Diplomatique, Août 2001, Html)

..sauf qu'ici il ne s'agit pas d'un individu sombrant dans la folie, mais d'une société entière.

Des réflexions commencent à apparaître. J'ai glané celles-là :

  • Viktor Mayer-Schönberger, Useful Void: The Art of Forgetting in the Age of Ubiquitous Computing, avril 2007. Pdf
  • Jean-François Blanchette & Deborah G. Johnson, Data retention and the panoptic society: The social benefits of forgetfulness, Pdf. J.-F. Blanchette pilote un groupe de travail sur la question
  • Denis Ettighoffer, Les droits de "l'Homme Numérique" : le droit à l'oubli. Html

En réalité, il s'agit d'une question classique d'archivistique : que peut-on jeter ? À partir de quel moment ? Sauf que la valeur économique de l'archivistique repose sur les limites physiques de la mémoire institutionnelle et, justement, ce sont elles qui ont disparu. Il faut donc trouver un nouveau fondement pour la valeur de l'oubli.

samedi 18 août 2007

Cyberinfractructures : publication et appel à projets

Décidément, ça bouge très vite du côté des cyberinfrastructures pour la science :

  • Signalé par S. Harnad (merci à lui), le dernier numéro de CT Watch Quaterly (je n'ai pas encore eu le temps de lire, mais tous les bons auteurs sont là !) : The Coming Revolution in Scholarly Communications & Cyberinfrastructure, août 2007, vol 3, N 3. Html
  • Et le premier appel à projet, lancé en France par les directeurs du Très Grand Équipement ADONIS, Yannick Maignien et Benoit Habert. Il s'agit de soutenir et promouvoir les outils et systèmes innovants de valorisation et de diffusion des données de la recherche et permettre leur mutualisation et leur mise à disposition de l'ensemble de la communauté des SHS : Outils innovants de traitement numérique pour la valorisation et la diffusion des données, Word.

- page 14 de 22 -