Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mercredi 30 novembre 2011

La position dominante de Google

Intéressante étude de chercheurs indépendants résumée par le Journal du Net :

Joshua D. Wright, Defining and Measuring Search Bias: Some Preliminary Evidence, International Center for Law & Economics, 3 non 2011, Pdf, résumé français du JdN.

L'étude cherche à vérifier si Google et MSN favorisent leurs services au travers de leurs moteurs respectifs. Sa conclusion est que les biais de Bing (MSN) sont beaucoup plus forts que ceux de Google.

Ce résultat ne devrait pas surprendre les lecteurs assidus de ce blogue. Étant sous le coup d'enquête antitrust aux US et en Europe ses principaux marchés (JdN), Google prendrait un risque beaucoup trop élevé à favoriser ses services sur son moteur. Mais la réalité de la domination de Google est de moins en moins dans le fonctionnement de son moteur et de plus en plus dans l'écosystème documentaire qu'il met en place captant l'attention du lire/écrire pour présenter les publicités contextuelles, comme déjà expliqué ici.

J'en profite pour actualiser mon graphique avec les derniers chiffres du CA de la firme (par trimestres). La tendance à la concentration sur les sites de la firme s'accélère encore.

CA_Google_Q3_2011.png

Reste que la position de Google est souvent mal comprise. On le traite, par exemple, « d'irresponsable » quand il change son algorithme pour affiner ses résultats (ici), car il réduit brutalement la visibilité de sites commerciaux, jusqu'à parfois les mettre en péril. Mais Google n'a pas de responsabilité assumée dans le développement économique. C'est un média qui, comme tel, doit garder son indépendance. Sans doute sa position dominante lui confère une influence qui mériterait d'être analysée plus rigoureusement qu'elle ne l'a été jusqu'ici, mais que dirait-on si, par exemple, le NYT modifiait la ligne éditoriale en fonction des récriminations de tel ou tel commerçant ?

Actu du 7 décembre 2011

A compléter avec Google Chrome deviendra-t-il un nouveau IE6 ? de Framasoft et The Rise of Google, the Ascent of Facebook and the Decline of Everyone Else sur la position écrasante de G dans le marché de la pub US.

jeudi 22 septembre 2011

Google et la publicité

Le plus grand ennemi de Google est sans doute Google lui-même. La place de plus en plus dominante qu'il a pris sur le marché publicitaire le rend vulnérable aux procédures antitrusts. E. Schmidt s'est expliqué hier devant le Congrès américain à ce sujet, sans vraiment convaincre semble-t-il (ici). Par ailleurs la Commission européenne a lancé une enquête pour abus de position dominante fin 2010 dont on trouvera une présentation très claire sur le Journal du Net (ici). En réalité, les relations entre la firme et la publicité ne sont pas nécessairement aussi mécaniques qu'il est souvent écrit.

La pression des annonceurs est un risque pour l’indépendance d’un moteur, risque très souvent souligné, y compris par Larry Page et Sergey Brin, fondateurs de la firme, dès leur première présentation du Pagerank en 1998 (voir Appendice A). Mais si on ne peut exclure que la firme favorise un annonceur dans les classements, le risque parait moins élevé que pour tout autre média construit sur l’économie de l’attention ou plutôt l’influence des annonceurs est plus indirecte. Dès les premières années de la firme, entre les années 2000 et 2002, Google a construit, en effet, un système original d'enchères pour organiser à son profit et sous son contrôle sa relation avec les annonceurs par la vente de mots-clés. De plus, l'enchère n'est pas le seul paramètre pour déterminer le gagnant, Google y ajoute un indicateur de qualité de l'annonce dont il détermine lui-même les critères. Sous l’impulsion d’Hal Varian qui a rejoint la firme comme économiste en chef en 2002, la firme a fait basculer la totalité de son marché sous ce système. On peut dire que Google a construit son propre système économique interne en contrôlant tous les paramètres du marché des annonceurs. Tout est clairement expliqué dans un article de ''Wired'' déjà commenté sur ce blogue (ici).

Cette organisation du marché publicitaire doit être mise en parallèle avec le développement de services ou le rachat d’entreprises visant à couvrir tout l’espace documentaire numérique et son suivi statistique selon tous les paramètres possibles. Le principal effet de la pression du marché publicitaire est sans doute d’avoir incité la firme à se développer vers les services documentaires. L’année 2005 marque une nette accélération. Cette année-là ont été ouverts coup sur coup : Google Earth, ... Maps, ... Talk, ...Video, ... Desktop, ... Book Search. Si ces services ont connu depuis des fortunes diverses, le mouvement général d’investir l’ensemble du système documentaire ne s’est pas ralenti, bien au contraire avec, entre autres, Android, Youtube, Chrome, Google +. Voir ici le déroulé des développements de la firme.

Pour bien comprendre la logique de la croissance de la firme et ses conséquences, il est utile d’observer l’évolution de son chiffre d’affaires. En 2010, Google a engrangé 29,3 milliards de dollars, un chiffre impressionnant pour une firme aussi jeune (moins de la moitié tout de même de celui de Apple.). J'ai déjà présentée sur ce blogue le graphique ci-dessous de l’évolution de la répartition du chiffre d’affaires, mesurée par trimestre depuis que la firme a clairement affirmé sa stratégie en 2005. Il est probable que le rachat de Motorola modifie la structure du CA à l'avenir.

Revenu-Google-Q2-2011.png

La courbe en bleu clair présente les revenus autres que la publicité. On constate qu’ils ne décollent pas. Google doit toute sa fortune à la publicité (97% du chiffre d’affaires du deuxième trimestre de 2011). Mais le plus intéressant est l’évolution contrastée des courbes jaune et mauve. La courbe jaune présente l’activité de régie publicitaire de Google, c’est-à-dire le placement de publicité pour des sites tiers (Adsense). La courbe mauve représente la publicité sur les sites propres de Google. En 2005, les deux rentrées publicitaires faisaient jeu égal. Puis tandis que la régie avait une croissance modeste, les activités propres de la firme décollaient, expliquant à elles seules la croissance générale du chiffre d’affaires. Le développement de Google sur l’ensemble des services documentaires porte ses fruits et peut se lire très directement dans son chiffre d’affaires.

Ainsi il est possible que Google favorise les résultats de ses propres services sur son moteur. Ce sera sans doute difficile à prouver, mais cela est tentant quand on détient tous les paramètres de la construction du marché. Mais on peut aussi interpréter la stratégie de la firme comme le contrôle à des fins publicitaires de l’ensemble de notre système documentaire personnel et c'est sans doute là le principal effet du système économique autocentré qu'elle a mis en place.

mercredi 20 juillet 2011

Google confirme sa stratégie (Apple aussi)

Les performances financières du deuxième trimestre de Google permettent d'actualiser mon graphique sur la structure de son chiffre d'affaires. Pour ce trimestre de 2011 plutôt morose pour l'économie mondiale, les bénéfices nets sont de 2,5 Mds de $US, on comprend l'enthousiasme des analystes financiers.

Revenu-Google-Q2-2011.png

L'évolution déjà notée s'accentue encore. Le chiffre d'affaires est toujours constitué en quasi-totalité par la publicité. La publicité sur les sites propres de Google, en forte croissance une nouvelle fois ce trimestre, constitue maintenant plus des 2/3 du chiffre d'affaires (6,2 Mds de $US, soit 69% du CA) tandis que les revenus de régie publicitaire (Adsense, noté Réseau sur le graphique) plafonnent et ne font «que» 2,5 Mds (soit tout de même environ le CA estimé de Facebook pour la totalité de l'année 2010..). Au premier trimestre de 2005, les deux revenus étaient quasiment à égalité (0,66 et 0,58 Mds de $US).

Pour nous, ces chiffres confirment la stratégie de ''Google'' de centrage sur ses activités en affermant les producteurs de contenu à partir de la deuxième dimension du document. C'est ainsi que l'on peut décrypter entre autres la campagne autour de Chrome ou le lancement de Google+ (voir par exemple les analyses de H. Verdier et de M-C Beuth), sans parler même d'Android.

Pour alimenter les paranoïas demandons-nous ce qui se passerait si un jour un clone de R. Murdoch prenait les rênes de Google. Don't be evil!

Ajout

Ce jour Apple a présenté ses résultats du trimestre, confirmant lui aussi sa stratégie gagnante fondée sur la première dimension du document, la forme. Extrait du communiqué (trad JMS) :

La société a vendu 20,34 millions d'iPhones au cours du trimestre, soit une augmentation de 142% par rapport au trimestre de l'année précédente. Apple a vendu 9,25 millions d'iPads, une augmentation de 183%. La société a vendu 3,95 millions de Macs, une augmentation de 14%. Apple a vendu 7,54 millions d'iPods, soit une baisse de 20%.

«Nous sommes ravis de présenter notre meilleur trimestre depuis la fondation de la firme, avec des revenus en hausse de 82% et des bénéfices en hausse de 125% », a déclaré Steve Jobs, PdG d'Apple.

Pour le trimestre, le CA de Apple est de 28,57 Mds de $US et le bénéfice net de 7,31 Mds de $US.

mercredi 20 avril 2011

Google creuse son sillon

Framablog a eu la bonne idée de traduire un billet de Znet sur la stratégie Google de captation des internautes avec Chrome :

Why is Chrome so important to Google? It's a 'locked-in user', Larry Dignan | April 14, 2011, ici trad de Framablog

Cela me donne l'occasion de réactualiser mes chiffres du CA de Google avec les résultats financiers des deux derniers trimestres. Le résultat est édifiant. La tendance de concentration du revenu sur les sites de la firme, analysée en détail précédemment (), s'accentue encore.

Revenu-Google-Q1-2011.png

Chrome est un outil de plus pour enfermer l'internaute dans le monde Google. Mais rassurons-nous Google est bon pour l'économie US, puisque pour 1$ payé à Google en publicité adwords le retour serait de 8$, dixit professeur Hal Varian ().

Actu du 27 avril 2011

Voir cette intéressante réflexion d'Étienne Cavalié avec une comparaison avec FaceBook et Baidu : Google : de l’outil au lieu ? ici

vendredi 18 février 2011

Le côté obscur des requêtes sur les moteurs

Paulette Bernhard a attiré mon attention sur un récent article du NYT, merci à elle.

David Segal, “Search Optimization and Its Dirty Little Secrets,” The New York Times, Février 12, 2011, rub. Business Day, ici.

L'article conte l'histoire d'une manipulation pas très propre des résultats de recherche de Google à des fins commerciales. La technique est connue et il existe même des professionnels spécialisés dans le domaine, les référenceurs ou SEO (pour Search engine optimization) qui jouent au chat et à la souris avec les moteurs pour placer au mieux leurs sites clients dans les pages de résultats de recherche. Mais l'ampleur de la manipulation, la méthode employée et la réaction de Google méritent en effet qu'on s'arrête à cette histoire.

Pendant quelques mois et donc pendant la période des fêtes, lorsque l'on tapait dresses, bedding ou area rugs (carpettes) ou encore “skinny jeans”, “home decor”, “comforter sets” (couettes),“furniture” et des douzaine d'autres mots ou phrases, y compris des marques comme Samsonite le même site sortait numero 1 ou dans les tous premiers : JC Penney une chaîne de magasins pour la famille implantés partout aux US, 1100 magasins, 17,8 Mds $ de CA.

Il y a en moyenne pour les US 11,1 millions de requêtes mensuelles sur dresses, si l'on considère que 34% cliquent sur la première réponse (ici), cela signifie que JC Penney a attiré ainsi 3,8 millions de visiteurs sur son site chaque mois, rien qu'avec ce seul mot.

Bien entendu, ces résultats sont la conséquence de techniques d'optimisation du PageRank du site, qui, si elles ne sont pas illégales, relèvent d'une manipulation peu conforme à la netétiquette. « Quelqu'un » a tout simplement payé pour que des milliers de sites pointent vers JC Penney et augmentent ainsi ses chances d'être bien classé par le moteur. L'enquêteur NYT a repéré, par exemple, 2015 pages de sites les plus divers contenant des liens sur “casual dresses” , “evening dresses” “little black dress” ou “cocktail dress” dirigeant vers le site JC Penney. Beaucoup de ces sites ne sont même pas actifs, juste des réservoirs de liens. Mais l'opération est gagnant-gagnant. Le journaliste a pu retrouver un responsable de site qui lui a indiqué qu'il gagne environ 150$ par mois, il ajoute : Je n'ai rien à faire, les annonces sont juste là et si quelqu'un clique dessus, je fais de l'argent. Il héberge 403 liens, tous placés par une régie (TNX).

Le plus surprenant, mais bien intéressant, est qu'il semble que Google ne se soit aperçu de rien avant d'être alerté par le NYT. Ils ont alors rétrogradé JC Penney à la main (!). Contrairement à ce qui s'était passé pour BMW, aucune autre sanction ne parait envisagée. Mais JP Penney fait aussi partie des meilleurs clients de Google avec un budget publicitaire mensuel de 2,46 million de $.

Il y a ainsi un côté obscur de la recherche sur le web où des « chapeaux noirs » (black hats) organisent en sous-main un commerce lucratif de liens. On n'est pas loin de pratiques mafieuses. Cet article permet de lever un coin du voile de cette économie souterraine proche de celle des spammeurs. Il montre aussi qu'il faudrait un jour (bientôt) introduire une déontologie pour séparer les intérêts commerciaux des intérêts informationnels de ce nouveau média.

Pour une bonne analyse du phénomène et en particulier les pratiques des chapeaux blancs, gris et noirs et les difficultés de régulation voir :

Trusting (and Verifying) Online Intermediaries' Policing, Frank Pasquale ici

Actu du 21 fév 2011

Voir aussi sur le sujet les interrogations d'Olivier Andrieu, une référence pour les SEO français, Abondance (ici), lire aussi les commentaires.

Actu du 27 févr 2011

Décidément le pb semble ardu. Google annonce un grand ménage et un changement dans son algorithme ici

Actu du 29 fev 2011

Ça n'a pas traîné ici

Ou le lendemain cet article de Libé qui fait le point ()

Actu du 13 mars 2011

Après l'UE, la commission antitrust du Congrès américain a mis la question à son ordre du jour. Communiqué ici.

Partie sur Google :

Competition in Online Markets/Internet Search Issues

Access to the wealth of information and e-commerce on the Internet is essential for consumers and business alike. As the Internet continues to grow in importance to the national economy, businesses and consumers, the Subcommittee will strive to ensure that this sector remains competitive, that Internet search is fair to its users and customers, advertisers have sufficient choices, and that consumers’ privacy is guarded. In recent years, the dominance over Internet search of the world’s largest search engine, Google, has increased and Google has increasingly sought to acquire e-commerce sites in myriad businesses. In this regard, we will closely examine allegations raised by e-commerce websites that compete with Google that they are being treated unfairly in search ranking, and in their ability to purchase search advertising. We also will continue to closely examine the impact of further acquisitions in this sector.

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