Paulette Bernhard a attiré mon attention sur un récent article du NYT, merci à elle.
David Segal, “Search Optimization and Its Dirty Little Secrets,” The New York Times, Février 12, 2011, rub. Business Day, ici.
L'article conte l'histoire d'une manipulation pas très propre des résultats de recherche de Google à des fins commerciales. La technique est connue et il existe même des professionnels spécialisés dans le domaine, les référenceurs ou SEO (pour Search engine optimization) qui jouent au chat et à la souris avec les moteurs pour placer au mieux leurs sites clients dans les pages de résultats de recherche. Mais l'ampleur de la manipulation, la méthode employée et la réaction de Google méritent en effet qu'on s'arrête à cette histoire.
Pendant quelques mois et donc pendant la période des fêtes, lorsque l'on tapait dresses, bedding ou area rugs (carpettes) ou encore “skinny jeans”, “home decor”, “comforter sets” (couettes),“furniture” et des douzaine d'autres mots ou phrases, y compris des marques comme Samsonite le même site sortait numero 1 ou dans les tous premiers : JC Penney une chaîne de magasins pour la famille implantés partout aux US, 1100 magasins, 17,8 Mds $ de CA.
Il y a en moyenne pour les US 11,1 millions de requêtes mensuelles sur dresses, si l'on considère que 34% cliquent sur la première réponse (ici), cela signifie que JC Penney a attiré ainsi 3,8 millions de visiteurs sur son site chaque mois, rien qu'avec ce seul mot.
Bien entendu, ces résultats sont la conséquence de techniques d'optimisation du PageRank du site, qui, si elles ne sont pas illégales, relèvent d'une manipulation peu conforme à la netétiquette. « Quelqu'un » a tout simplement payé pour que des milliers de sites pointent vers JC Penney et augmentent ainsi ses chances d'être bien classé par le moteur. L'enquêteur NYT a repéré, par exemple, 2015 pages de sites les plus divers contenant des liens sur “casual dresses” , “evening dresses” “little black dress” ou “cocktail dress” dirigeant vers le site JC Penney. Beaucoup de ces sites ne sont même pas actifs, juste des réservoirs de liens. Mais l'opération est gagnant-gagnant. Le journaliste a pu retrouver un responsable de site qui lui a indiqué qu'il gagne environ 150$ par mois, il ajoute : Je n'ai rien à faire, les annonces sont juste là et si quelqu'un clique dessus, je fais de l'argent. Il héberge 403 liens, tous placés par une régie (TNX).
Le plus surprenant, mais bien intéressant, est qu'il semble que Google ne se soit aperçu de rien avant d'être alerté par le NYT. Ils ont alors rétrogradé JC Penney à la main (!). Contrairement à ce qui s'était passé pour BMW, aucune autre sanction ne parait envisagée. Mais JP Penney fait aussi partie des meilleurs clients de Google avec un budget publicitaire mensuel de 2,46 million de $.
Il y a ainsi un côté obscur de la recherche sur le web où des « chapeaux noirs » (black hats) organisent en sous-main un commerce lucratif de liens. On n'est pas loin de pratiques mafieuses. Cet article permet de lever un coin du voile de cette économie souterraine proche de celle des spammeurs. Il montre aussi qu'il faudrait un jour (bientôt) introduire une déontologie pour séparer les intérêts commerciaux des intérêts informationnels de ce nouveau média.
Pour une bonne analyse du phénomène et en particulier les pratiques des chapeaux blancs, gris et noirs et les difficultés de régulation voir :
Trusting (and Verifying) Online Intermediaries' Policing, Frank Pasquale ici
Actu du 21 fév 2011
Voir aussi sur le sujet les interrogations d'Olivier Andrieu, une référence pour les SEO français, Abondance (ici), lire aussi les commentaires.
Actu du 27 févr 2011
Décidément le pb semble ardu. Google annonce un grand ménage et un changement dans son algorithme ici
Actu du 29 fev 2011
Ça n'a pas traîné ici
Ou le lendemain cet article de Libé qui fait le point (là)
Actu du 13 mars 2011
Après l'UE, la commission antitrust du Congrès américain a mis la question à son ordre du jour. Communiqué ici.
Partie sur Google :
Competition in Online Markets/Internet Search Issues
Access to the wealth of information and e-commerce on the Internet is essential for consumers and business alike. As the Internet continues to grow in importance to the national economy, businesses and consumers, the Subcommittee will strive to ensure that this sector remains competitive, that Internet search is fair to its users and customers, advertisers have sufficient choices, and that consumers’ privacy is guarded. In recent years, the dominance over Internet search of the world’s largest search engine, Google, has increased and Google has increasingly sought to acquire e-commerce sites in myriad businesses. In this regard, we will closely examine allegations raised by e-commerce websites that compete with Google that they are being treated unfairly in search ranking, and in their ability to purchase search advertising. We also will continue to closely examine the impact of further acquisitions in this sector.