Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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samedi 14 juin 2008

Les arcanes de la publicité sur internet

La suite logique du billet précédent sur le tsunami internet est l'enjeu publicitaire qu'il constitue. Il est très clairement présenté dans un article publié hier qui détaille les arcanes, plus ou moins réjouissantes, de la publicité sur internet :

Martine Valo, “Comment la publicité envahit Internet ,” Le Monde 2 , juin 13, 2008. ici

Pour donner envie de le lire, voici le dernier paragraphe :

Pendant ce temps-là, Jean-Pascal Mathieu, du Lab – une équipe de recherche au sein de Nurun, une grosse agence internationale –, s'efforce d'anticiper les utilisations futures des nouvelles technologies. Ainsi, qu'est-ce que le marketing sera capable de tirer du livre électronique ? Il pourra l'offrir en prime, puisqu'Internet a "la capacité de distribuer sans coût des choses qui ont de la valeur", pour reprendre sa citation qui laisse rêveur. Autre piste de réflexion : si un ami est une personne dont l'avis compte, comment fournir à un consommateur un avantage qu'il pourra lui-même transmettre à un proche ? "Notre capacité d'absorption est atteinte depuis longtemps. Proposer des choses intelligentes est le seul moyen de s'insérer dans le temps de cerveau disponible de chacun", assure le vice-président stratégique. Cet homme-là, comme il le dit lui-même, est un optimiste.

Mais comme par ailleurs, une étape, peut-être décisive, a été franchie avec l'accord Yahoo!-Google dans le feuilleton de la tentative de rachat par Microsoft du premier, la position déjà très dominante de Adwords est encore renforcée. Aussi les sophistications décrites dans l'article pourraient bien se réduire à une seule modalité, simplissime dans sa présentation ultime : l'achat de mots-clé pour positionner des liens sponsorisés.

Sur ce sujet, voir par exemple le billet de Didier Durand :

Google-Yahoo: good for all? not really..., Média & Tech, 13 juin 2008.

dimanche 18 mai 2008

Nouveau et vieux mondes

J’ai participé à une intéressante journée d’études sur l’économie et le droit des moteurs de recherche organisée à la Sorbonne dans le cadre de la Chaire de recherche « Innovation & Régulation des services numériques » (voir ici pour le programme). Je n'entrerai pas dans l'ensemble du contenu, il devrait être accessible sur le site prochainement. Ce fut fort riche et j'y ai beaucoup appris. Je voudrais juste relever une impression générale.

Cette journée a montré de façon éclatante combien l'époque que nous vivons peut se lire comme un choc, une confrontation, entre un nouveau monde qui se cherche, audacieux parfois jusqu'à l'arrogance et l'inconscience, et un vieux monde qui l'observe, sage mais parfois jusqu'à la frilosité et l'aveuglement. Cette confrontation a été illustrée par plusieurs des thèmes développés, par la structure des analyses, et jusque dans les postures, l'habillement, on pourrait dire l'éthologie de la recherche.

Commençons par cette dernière dimension. Il y eut en effet dans la journée un moment magnifique quand le responsable des affaires juridiques de Google, Peter Fleisher, est intervenu. Je n'ai malheureusement pas le talent littéraire pour une description fidèle et personne n'a filmé la scène. Son propos du jour n’a aucune importance, nous n’avons rien appris. Tout était dans la posture, l’attitude, la sienne d’abord, prenant littéralement le pouvoir et la direction des évènements au détriment du président de séance quelque peu dépassé et muselé. L'attitude de la salle, la nôtre donc, harcelant l’impudent, puis s'indignant une fois qu'il l'eut quittée, était tout aussi révélatrice. On aurait dit l'arrivée d'un jeune mâle dans une vieille horde et Pascal Picq en aurait fait ses délices (wkp).

On se fera une petite idée du choc en comparant le sommet de classissisme de la salle de la Sorbonne où se déroulait la journée avec le portrait du représentant de Google figurant sur la page d'accueil de son blogue (ici, incidemment les vidéos du blogue par contre valent vraiment le visionnement).

flickr-chanzi

Mais au delà de ce folklore dont, j'espère, on me pardonnera la relation impertinente, la confrontation des anciens et des modernes était aussi perceptible dans la différence entre les points de vue juridiques sur les données privées d'un côté et de l'autre de l'Atlantique. D'un côté mon collègue de l'université de Montréal, Pierre Trudel, insistait sur l'autodiscipline, la nécessité de préserver la transparence et la possibilité d'accès aux informations, trop d'encadrement risquant d'être « liberticide ». De l'autre, le représentant français de la CNIL rendait compte de l'avis unanime du groupe de travail des 29 membres de l'Union européenne sur les problèmes posés par la collecte des données privées par les moteurs de recherche.

Opinion on data protection issues related to search engines, 00737/EN WP 148, adopté le 4 Avril 2008. Pdf

Un certain nombre de propositions sont faites dans ce document, dont celle, centrale, d'obliger les moteurs à ne garder pas plus de 6 mois les données privées collectées. La vieille Europe, qui dans son histoire a pu mesurer le danger de l'utilisation par des États totalitaires de listes permettant de classer les personnes, n'a à l'évidence pas eu beaucoup de mal à se mettre d'accord sur ce document de 29 pages. L'Amérique du nord, qui développe des industries fondées sur la traçabilité des comportements, souligne au contraire les déplacements qui s'opèrent dans la notion de vie privée et insiste l'inéluctabilité de la publicisation d'une part plus large de ce qu'on appelle encore aujourd'hui la vie privée et donc sur l'évolution des comportements et des mentalités.

Autre illustration de la confrontation entre nouveau et vieux monde ; la nécessité soulignée par les intervenants à la table ronde sur les bibliothèques d'un repositionnement radical face aux moteurs qui reprennent leurs fonctions et même leur structure en l'industrialisant. Alain Giffard parle ainsi d'« industrie de la lecture ».

Giffard Alain, Lectures industrielles, 10 sept 2007. ici

Bien des évènements du numérique peuvent se lire au travers de cette dialectique entre deux mondes. Il n'est pas surprenant que les anciens se rebiffent devant les insolences des nouveaux et qu'inversement ces derniers s'impatientent des frilosités des premiers. L'idéal serait de pouvoir allier l'audace et la sagesse, en effaçant l'ignorance et la sclérose. En attendant, il y a eu au moins un point d'accord unanime dans la journée : l'urgence de mettre en place une vigoureuse action éducative pour que la génération qui vit l'émergence d'un nouveau média n'en subisse pas à terme les dangers d'une utilisation imprudente du fait de son incapacité à l'oubli.

mercredi 30 avril 2008

Glocalisation publicitaire

Didier Durand, qui décortique billet après billet le dernier rapport de Morgan Stanley, soulève une intéressante question :

Statistiques publicitaires nationales: troublées - faussées ? - par Google & Yahoo, D. Durand, Média & Tech, 30 avril 2008. ici

Internet Trends, Mary Meker, David Joseph, Anant Thaker, Morgan Stanley, 18 mars 2008, Pdf

Il fait remarquer en effet qu'une part importante des recettes publicitaires internationales des grands joueurs du Web revient aux États-Unis. Ainsi, la mesure nationale des marchés publicitaires pour le Web ou son interprétation serait incertaine. Nous en avons eu un exemple très récent avec l'interprétation des mesures de Comscore sur les clics de Google (voir les actualisations de ce billet).

Le paradoxe est d'autant plus fort que ce marché là est porté par de nombreuses micro-transactions, sur des commerces plutôt géographiquement situés. Le Web-média est donc «glocalisé». Mais cette glocalisation a quelques limites. La difficulté pour Yahoo!, comme pour Google à prendre pied sur le marché chinois en est un exemple. Les chiffres ci-dessous, tirés du rapport de Morgan Stanley, montrent clairement où se trouvent les réserves de croissance les plus fortes : là où les grands californiens ne sont pas implantés.

vendredi 18 avril 2008

Petits ruisseaux.. et grosses machines

Deux annonces récentes de résultats du premier trimestre nuancent mon billet précédent. Contrairement à l'économie générale américaine, E-Bay (voir ici sur La Tribune), puis Google (voir sur La Tribune), viennent d'annoncer des résultats insolents, trompant les prévisions plus pessimistes de la plupart des analystes.

Il semble que dans l'un et l'autre cas les mêmes facteurs aient joué :

  • un accrochage aux micro-transactions, on pourrait presque dire au petit commerce.

Extrait d'un article du New-York Times (trad JMS), qui confirme une nouvelle fois le positionnement Web-média de Google :

La société repose presque exclusivement sur des textes publicitaires courts qui apparaissent à côté des résultats de recherche et sur d'autres sites Web. Les analystes disent que c'est parce qu'ils sont mieux ciblés et utilisés par les commerçants pour orienter le trafic vers leur site qu'ils sont moins sensibles à la conjoncture que les bannières ou les autres publicités graphiques, qui cherchent à accroitre la notoriété de la marque.

Google Defies the Economy and Shows Profit Surge, MIGUEL HELFT, NYT April 18, 2008. ici

  • un positionnement transnational

Les deux entreprises profitent largement de leur implantation internationale, doublement même, d'une part en répartissant les effets néfastes des conjonctures locales difficiles, de l'autre en profitant largement des variations des changes, ici de la chute du dollar.

Ainsi ces deux entreprises se démarquent des tendances négatives de l'économie américaine. En ce sens elles ne sont pas des entreprises tout-à-fait comme les autres, contrairement à ce que je suggérais dans le billet précédent (ici). Mais suivant ce même billet clairement, leur puissance informatique est un élément clé de cette réussite. Sans elle, la gestion optimale d'un nombre considérable de micro-transactions serait hors de portée.

Les résultats, évidemment très attendus, de Yahoo! sont pour mardi prochain.

Actu du 20-04-2008

Comscore avait signalé une baisse des clics sur les mots clés sponsorisés de Google. C'est cette information qui avait incité le pessimisme des analystes. Voici sa justification après coup.. un peu alambiquée :

Reconciling comScore’s and Google’s Paid Click Data, Andrew Lipsman, Comscore, 18 avril 2008. (ici)

Par ailleurs, voici deux diapos tirées de la présentation officielle de Google, particulièrement parlantes :

Il ressort très clairement la part de plus en plus importante prise par les sites internes de Google et donc son affirmation de vrai média. J'en ai souvent parlé. J'y reviens prochainement lorsque j'aurai plus de disponibilité.

Il ressort la place prise par l'international. Mais, contrairement à ce qui est souvent dit, il n'y a pas une croissance manifeste de celle-ci depuis l'année dernière. En effet, la baisse du dollar joue ici à plein. Le calcul précis n'est pas évident à réaliser, mais je ne serai pas étonné qu'abstraction faite des variations de change, il n'y a pas une croissance plus forte de l'international que du marché US, même peut-être l'inverse.

Source : Google Q1 2008 Quaterly Earnings Summary, 17 avril 2008, Pdf ici.

Actu du 22 avril 2008

La suite de la justification de Comscore intéressante par les explications sur les limites des interprétations statistiques actuelles sur l'économie des moteurs, mais toujours embarrassée, normal Comscore a du faire perdre de l'argent à plus d'un boursicoteur..

Reconciling comScore’s and Google’s Paid Click Data Part 2: It’s the U.S. versus the World, Andrew Lipsman, Comscore 20 avril 2008. ()

En résumé, Comscore n'a pas tenu compte de l'augmentation des tarifs des «Pay-per-click» aux US, due à un nettoyage par Google des clics involontaires, ce qui réduirait la baisse de revenus anticipés par la simple baisse des clics et, par ailleurs, l'augmentation des revenus à l'international compenserait et au delà cette dernière.

Voir aussi sur la modification de l'attitude des annonceurs :

A Web Shift in the Way Advertisers Seek Clicks, STEPHANIE CLIFFORD, New-York Times, April 21, 2008. (ici)

dimanche 13 avril 2008

Le poids de l'immatériel

Juste un petit rappel pour ceux qui douteraient encore de l'insoutenable légèreté de l'immatériel et un complément d'informations déjà données dans un précédent billet sur les centres de données de Google (ici).

Map of all Google data center locations, Royal Pingdom, 11 avril 2008 (), repéré par Le Blog d'Abondance ()

Comme le titre l'indique, il s'agit d'une carte des 38 centres (vraisemblablement plutôt seulement des implantations et non des centres, voir commentaires) de Google dont 19 aux US et 12 en Europe. Le billet donne aussi quelques précisions supplémentaires. Extraits (trad JMS) :

Combien Google dépense pour ces centres de données ?

D'après les rapports d'activité de Google, ils ont dépensé 1,9Mds de USD pour les centres de données en 2006 et 2,4 Mds en 2007.

Google a annoncé quatre nouveaux projets de centre de données en 2007. Le coût estimé de chacun est de 600 M de USD, tout compris de la construction à l'équipement et aux ordinateurs.

Les critères de sélection du lieu d'implantation

  • Grande capacité d'électricité bon marché.
  • Énergie verte. Orienté sur des ressources renouvelables.
  • Proche de lacs et rivières. Ils utilisent une grande quantité d'eau pour le refroisissement.
  • Vaste terrain. Pour une meilleure sécurité et confidentialité.
  • La distance des autres centres de données de Google (pour des connexions rapides entre centres).
  • Facilités fiscales.

Vous avez dit nouvelle économie ? Capitalisme cognitif ? Allons donc, je crois qu'un patron des débuts de la «houille blanche» ou de la fin du XIXè siècle aurait trouvé très pertinents tous ces critères.

Actu du 5 mai 2008

Je n'avais pas repéré le livre de Nicholas Carr qui défend une thèse parallèle :

Carr N., The Big Switch: Rewiring the World, from Edison to Google, W. W. Norton, 2008. (présentation et extraits ici)

Repéré grâce à l'annonce de la conférence de Ch Fauré le 17 mai à Ars industrialis : Christian Fauré : La gigantomachie autour des data centers ().

Actu du 18 mai 2008

La conférence de Christian Fauré est en ligne : ici

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