Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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samedi 05 août 2006

Tableau de bord du e-commerce

Le ministère de l'industrie français a publié en mars dernier la 7ème édition de son tableau de bord sur le e-commerce. Centré sur la France, il comprend aussi de nombreuses comparaisons internationales et compile un très grand nombre d'enquêtes en 17 pages de synthèse et plus de 70 de tableaux d'indicateurs et de graphiques.

Parmi les très nombreuses informations, j'ai remarqué la différence radicale entre l'Europe du nord, où le commerce électronique s'est installé, comme aux USA, et l'Europe du sud encore réticente. La France semble être plutôt nordiste sur ce sujet.

vendredi 04 août 2006

Google et Baidu, monopole, concurrence et modèle

Inutile d'en rajouter sur le cercle économique vertueux dans lequel s'est installé Google. Il ne manque pas de Blogs pour en repérer les moindres symptômes. Pour s'en tenir aux français, je dois rendre hommage à Affordance, Adscriptor, media & tech, ou encore Abondance, qui nourrissent abondamment mes réflexions.

Juste deux demarques du dernier pour amorcer le questionnement de ce billet. Olivier Andrieu a fait une projection, artificielle mais impressionnante, à partir des données fournies régulièrement par le baromètre du Xiti

Il s'agit du trafic généré par les outils de recherche sur le Web francophone. Ainsi, selon O. Andrieu, si Google poursuivait la croissance amorcée l'année dernière, il atteindrait le monopole de la recherche sur l'Internet en francophonie en octobre de l'année prochaine.. soit demain. Conséquence inéluctable, l'auteur dans son dernier billet cite déjà sept grands noms oubliés de l'histoire pourtant récente du domaine. L'actualité peut nous rendre pessimiste sur quelques autres..

Mais ce qui est valable dans le monde francophone, l'est moins dans le monde anglophone où Google domine, mais n'écrase pas encore, et surtout ne l'est pas du tout en Chine.

Rappelons pour commencer que la croissance de l'Internet en Chine est à l'image de celle du pays, explosive. Selon le China Internet Network Information Center (CNNIC), au 30 juin 2006 les internautes chinois ayant navigué au moins une heure par semaine étaient 123 millions (contre 2,25 en décembre 2000, date des premières statistiques).

Le CNNIC a réalisé une intéressante enquète sur la répartition de la recherche en ligne (diapos) à Pékin, Shanghai et Guangzhou. Voici les résultats pour Pékin :

Baidu, moteur chinois monté sur le modèle de Google par de jeunes entrepreneurs ayant étudié aux USA, arrive largement en tête. L'ordre se confirme, de façon légèrement moins affirmée, pour les deux autres villes.

Les résultats financiers de Baidu (communiqué, rapports complets), même s'ils sont (encore) beaucoup plus modestes, n'ont rien à envier en terme de croissance à ceux de Google. Pour le deuxième trimestre de 2006, le chiffre d'affaires a augmenté de 174,9% par rapport à la même époque l'année dernière (24 millions de $), et le bénéfice de 385,2% (7,3 millions) !

L'enquête du CNNIC a affiné l'analyse. Les principaux résultats montrent que le téléchargement de MP3 est le principal facteur du succès de Baidu. Les principaux utilisateurs de Baidu sont étudiants, tout spécialement de premier cycle comme le montre cette autre diapo :

L'échec relatif de Google en Chine peut être attribué, selon des analystes, à la popularité de Baidu dans la « génération du cool » (generation of cool), un positionnement que ne renierait pas une firme californienne !

Tirons déjà deux leçons de ces informations :

1) Google et Baidu, au delà de leur concurrence, sont organisés selon la même structure, le même type d'offres, le même modèle d'affaires. On s'en convaincra facilement en consultant sa page Produits de Baidu. Ainsi, il semble que se confirmer que ce qui se déroule sous nos yeux est bien la naissance d'un nouveau modèle de média et non simplement l'histoire particulière d'une firme, si extraordinaire soit-elle. Nous trouvons en Chine un duopole, en francophonie un monopole et en anglophonie une firme dominante et quelques challengers, structure mutatis mutandis pas si éloignée de la relation de télévision et territoire. Ainsi, parmi d'autres dimensions qu'il faudrait mieux étudier, les tentatives de contrôle de l'État chinois ou celles de l'État américain, parfois aussi assez hypocrites, ou encore la réaction plus épidermique de J.-N. Jeanneney, tout comme les réactions qu'elles ont suscitées, doivent être analysées à cette aune. Aucun État ne peut se désintéresser du développement des médias sur son territoire.

2) Pour les moteurs, la structure de la langue, et surtout celle de l'écriture sont déterminantes. La vraie muraille de Chine c'est son écriture, qui unifie le pays et le protège des influences étrangères. Citons la page de présentation de Baidu :

Baidu chose a poetic Chinese name because it wants the world to remember its heritage. As a native speaker of the Chinese language and a talented engineer, Baidu focuses on what it knows best - Chinese language search. Applying avant-garde technology to the world's most ancient and complex language is as challenging as it is exciting. At least people here at Baidu think so. As having diligently disclosed in the Prospectus of our recent Initial Public Offering, we believe there are at least 38 ways of saying "I" in Chinese. It is important that we master all the ways of addressing oneself in Chinese because our users depend on us to address every one of their daily queries. And trust us, pin pointing queries in the Chinese language is an art rather than a science.

Les moteurs étant construits sur le calcul appliqué à la langue, il est naturel que cette dimension soit première. Mais la remarque a d'importantes conséquences économiques. Les performances de son algorithme et surtout sa puissance de calcul ont donné à Google un avantage concurrentiel dans tous les territoires où l'alphabet romain et la syntaxe langagière ne sont pas trop différents de l'anglais. Mieux, la taille des marchés non anglophones, si elle est trop petite, rend difficile le développement d'une concurrence. C'est sans doute la raison principale de son monopole sur la francophonie. On peut en déduire aussi, compte tenu de l'ampleur des populations concernées, qu'il serait envisageable de voir se développer quelques challengers sur le bassin hispanique ou lusophone (comme il en persiste en anglophonie) et, plus vraisemblablement, un concurrent dans le monde arabe ou du côté de l'Inde.

mercredi 02 août 2006

La redocumentarisation des éditeurs scientifiques

Dans le domaine de la publication scientifique traditionnelle, les revues, une récente enquête de l’ALPSP (résumé) ne laisse aucun doute sur l’ampleur de la redocumentarisation. Ses résultats principaux, tels qu’ils figurent dans la présentation méritent d’être cités in extenso :

« - Les éditeurs continuent à rendre accessible en ligne plus de contenus, 90% des revues sont maintenant en ligne contre 75% en 2003 (note JMS : l’échantillon comprend 174 éditeurs commerciaux ou non qui publient des revues de langue anglaise).

- Le nombre de revues continue de croître. 174 éditeurs ont lancé 1.048 nouvelles revues dans les cinq années précédant 2005, soit une moyenne de 6,02 titres par éditeur, pendant qu’ils fermaient 185 titres, moyenne 1,06 chacun.

- la disponibilité en ligne des numéros anciens a cru de 5 à 91% en 1991. De nombreux éditeurs ont numérisé leur collection depuis le premier numéro ; 47 offrent l’accès libre au contenu antérieur à 1990. La continuité de l’accès suivant l’antériorité de l’abonnement est proposée par environ 60%. L’accès aux numéros antérieurs est devenu une part du produit en ligne ; 63% des éditeurs le proposent aux abonnés sans coût supplémentaire.

- Environ un cinquième des éditeurs tente des expériences avec des revues en libre accès.

- La soumission d’articles et la révision par les pairs directement en ligne ont été largement adoptées ces cinq dernières années.

- Presque tous les éditeurs offrent plus de contenus à plus de lecteurs au travers de ventes groupées et/ou de contrats avec des consortiums (JMS : de bibliothèques) ; les calculs de tarifs varient considérablement ; et de nombreux petits éditeurs sont maintenant inclus dans des regroupements multi-éditeurs comme l’ ALPSP Learned Journals Collection.

- Tous les éditeurs ont maintenant élargi les droits d’usage aux lecteurs des bibliothèques (library friendly).

- Même si la plupart des éditeurs demandent aux auteurs de céder leurs droits. La proportion de ceux qui acceptent une licence pour publier a augmenté significativement ces deux dernières années. »

L’ampleur du changement se passe de commentaire. Pourtant, il ne représente qu’une part des transformations en cours, la part la plus traditionnelle, celle qui montre l’adaptation très rapide des acteurs anciens de la publication scientifique : les éditeurs (savants ou commerciaux) et leurs clients les bibliothèques. Bien de nouveaux acteurs sont venus bouleverser les conditions de la publication de la science, et les résultats précédents ne sont peut-être qu'une réaction défensive face à ceux-là : les scientifiques eux-mêmes d’abord par le mouvement du libre accès ou des archives ouvertes ont pris en main la diffusion directe de leurs travaux ; les promoteurs de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le Web 2.0, mélange d’internautes éclairés et d’informaticiens militants ou entreprenants, qui construisent ou proposent collectivement un savoir partagé ; des industriels enfin, et tout particulièrement les responsables des moteurs de recherche dont le succès commercial tranche radicalement avec les déconvenues financières du Web pourtant toutes récentes.

lundi 31 juillet 2006

Papier : terminal biodégradable ou biodégradant ?

Le Bulletin des bibliothèques de France a eu la très bonne idée de faire un dossier intitulé La permanence du papier, titre ambigu à la réflexion.

En réalité, le numérique a inversé le rôle du papier. C'était le lieu de la permanence, de la mémoire consignée. Aujourd'hui la mémoire est dans nos ordinateurs et la « sortie papier » sur l'imprimante est bien souvent destinée à finir rapidement à la corbeille, juste le temps d'une lecture confortable. Le papier est devenu un terminal biodégradable et sa consommation a explosé avec les ordinateurs.

Un article provocateur, titré Demain le choc ?, de Pierre-Marc de Biasi, grand connaisseur du sujet, montre l'impasse économique de cette tendance. L'argument est simple. La consommation de papier est parallèle à l'enrichissement des nations. Alors :

.. la Chine comptera 1,5 milliard d’individus vers 2015. À raison de 250 kg de papier par habitant, cela donnera une consommation annuelle de combien ? 375 millions de tonnes, soit un peu plus que la consommation totale de la planète aujourd’hui. Comme il est peu vraisemblable que le reste du monde change beaucoup ses habitudes, nous devons donc nous attendre au minimum à un doublement de la production du papier et si c’est le cas, n’en doutons pas, le choc écologique sera considérable.

Ajoutons que le processus de redocumentarisation en cours accroit encore l'explosion. Ainsi, l'encre électronique ou ses substituts ouvrant la voie à une lecture confortable sur support pérenne sont aussi nécessaires que les énergies renouvelables..

vendredi 30 juin 2006

Web : flot ou édition ?

La Tribune commente le récent jugement qui condamne VirginMega au profit de FranceTélécom.

La Tribune - édition électronique du 30/06/06 à 8:36, chronique : VirginMega, France Telecom, Warner et les pirates par Isabelle Repiton

Les faits :

FT Télécom a acheté à Warner Music à prix d'or l'exclusivité du nouveau single de Madonna Hung Up pendant son lancement, soit une semaine en octobre 2006, pour le distribuer notamment via son service Orange de téléphones portables. VirginMega l'a proposé sur son site officiel de ventes en ligne.

L'amende : 500.000 Euros pour FT, 100.000 pour Warner (+80.000 de frais de justice) .

A 99 centimes le titre, dont moins de la moitié de marge, c'est plus d'un million de singles de Madonna qui devraient avoir été téléchargés sur Virginmega.fr, du 18 au 23 octobre 2005, pour compenser la pénalité... Sans compter les 100.000 euros dus à Warner Music.

Conclusion de la journaliste :

Simple accident de parcours dans une transition difficile mais certaine, ou signe avant-coureur d'une débâcle des acteurs traditionnels ? Comme l'illustre le cas Virgin/Madonna, l'issue de la partie dépend fortement du jeu des détenteurs de droits. Soit ils favorisent une exposition aussi large que possible de leurs contenus, sur tous les réseaux et développent ainsi le marché. C'est ce que plaide Virgin. Soit ils privilégient les exclusivités au prix fort, avec un bénéfice immédiat à court terme. Pour le long terme, ils aviseront, si les nouveaux acheteurs en faisant leur compte et se posent la question de la rentabilité de ce genre de coup.

On pourra sourire de l'inversion des rôles ou dénoncer l'hypocrisie après les polémiques sur la loi DAVSI. Mais au-delà du juridique, l'inversion n'est pas si évidente. FT a utilisé Madonna comme pourrait le faire la télévision, comme un produit d'appel pour ses services ou programmes. La question économique est plutôt de savoir si le Web, en particulier quand il passe par les téléphones portables, relèvera d'une logique de flot ou d'une logique éditoriale. Sans doute les détenteurs de droits détiennent une part de la réponse, mais lequel résisterait à une offre d'exclusivité payée au prix fort ?

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