Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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dimanche 18 juin 2006

Entrenet et documents

Excellent compte-rendu par H. Guillaud d'une séance à l'évidence féconde sur "Espace privé, espace public" de l'université d'été de la Fing. De plus les vidéos des conférences sont disponibles.

L'ensemble est dominé par la proposition de D. Kaplan de baptiser Entrenet le développement de la mise en visibilité d'un très grand nombre d'éléments de l'espace privé, sans nécessairement de stratégie forte.

Inutile, d'en rajouter sur ce qui est déjà excellement dit, mais, juste un regret : l'oubli de la dimension documentaire. C'est à dire qu'ici l'espace public (ou l'espace privé ;-) passe par des documents ou proto-documents par le paradoxe de Roger. Ici l'espace est fait d'objets non éphémères et documentés, ce n'est pas le cas de toute mise en visibilité.

samedi 17 juin 2006

Qu'est-ce qu'un livre ?

Chris Amstrong a collecté une série de définitions d'un livre, papier et numérique. Il a fait oeuvre utile, mais aucune ne me parait vraiment pertinente. Il faudra y revenir.

Solidités et fragilités de l'économie des moteurs

Quelques informations ou études récentes peuvent être mises en écho pour s'interroger sur l'économie future des moteurs :

- J.-M. Le Ray signale et traduit un intéressant billet de Vinny Lingham intitulé The Future of Search Engines ?

- Chris Amstrong met en parallèle deux études convergentes, l'une du JISC, l'autre d'OCLC qui montrent que les étudiants préfèrent massivement les moteurs à toutes les autres ressources documentaires proposées par les bibliothèques.

- Yahoo! s'allie avec eBay et élargie ainsi considérablement sa force de frappe commerciale et, par ailleurs, lance en France, après l'Australie, le Canada, l'Inde, le Royaume-Uni, les US, où il est devenu un véritable phénomène, son système de Questions/Réponses, basé sur l'entraide des internautes.

Quelques remarques contradictoires inspirées par ces nouvelles :

1) Si l'économie des moteurs reste basée sur la publicité, il lui faudra trouver une mesure consensuelle de son marché pour se consolider. C'est, à mon avis, l'enjeu principal des remarques de V. Lingham, qui propose une solution alternative au nombre de clics. Compte tenu de l'ampleur de la montée du marché publicitaire sur le Web, le débat est de taille. Il est vraisemblable qu'il faille un tiers extérieur pour construire cette mesure, car chaque acteur a tendance à la tordre à son profit et la confiance indispensable pour l'organisation d'un marché ne peut alors s'intaller durablement. Si cette hypothèse est juste, alors le système des enchères sur Google ne serait qu'un moment de l'économie du Web, illustrant une position hégémonique sur un marché non stabilisé plus qu'un modèle d'affaire durable.

2) Dans le domaine documentaire, la place prise par les moteurs en quelques années est très impressionnante. Il ne faut pas sousestimer l'inertie d'une telle tendance. L'influence du Web 2.0 (Blogs, fil RSS, tags etc.) est peut-être ici bien moins importante que ne le croient les observateurs du Web, fascinés à juste titre (mais en même temps aveuglés) par l'efficacité des outils qu'ils utilisent eux-mêmes. La loi du moindre effort conduit l'étudiant à l'outil le plus simple et le plus connu. L'objectif n'est pas le meilleur résultat mais le meilleur rapport résultat acceptable/énergie dépensée. Pour le domaine documentaire qui n'engage pas de transaction monétaire de l'utilisateur, les places prises seront difficiles à modifier.

3) Néanmoins, la fin du PageRank, prophétisée dans le billet de V. Lingham, peut-être aussi mise en écho avec le nouveau service proposé par Yahoo! qui semble inspiré de Wikipédia dont le succès foudroyant dans le domaine documentaire ne doit pas non plus être sousestimé.

vendredi 16 juin 2006

Le prix de la publication scientifique

Les revues de PLoS ont initié en 2003 un modèle d'affaire éditorial : le financement par paiement par les auteurs. C'était un modèle alternatif au modèle traditionnel de financement par les lecteurs, plus exactement, il faudrait dire financement par l'amont ou par l'aval, car ni les auteurs, ni les lecteurs ne payent en réalité, mais soit leur laboratoire, soit leur bibliothèque. La différence entre les deux modèles est que dans un cas les documents sont accessibles à tous les internautes, tandis que, dans l'autre, seuls les membres des communautés abonnées sont touchés. Économiquement, dans le premier cas, on réduit aussi les coûts de filtrage des internautes en prenant acte des caractéristiques de bien public des documents numériques.

Aujourd'hui, l'éditeur relève substanciellement ses tarifs, puisque de 1500$ le prix passe, selon les cas, à 2000 et 2500$, soit tout de même une augmentation de 33 à 66% ! Des taux qui feront sûrement sourire les éditeurs commerciaux. Voici un extrait de la FAQ, expliquant la décision :

''Can journals like PLoS Biology and PLoS Medicine be supported by publication fees alone?

Possibly not. These journals are run by professional editors, reject a large proportion of the submitted papers, and publish a great deal of added-value content. They are therefore very expensive to run, but they are also representative of only the top tier of scientific journals, which includes Nature, Science, and The New England Journal of Medicine - a tiny fraction of the full complement of scholarly journals. Publication fees provide an important revenue stream for PLoS Biology and PLoS Medicine, but this is also supplemented with income from philanthropy, advertisers, sponsors, membership and other parts of the publishing operation.''

Plusieurs leçons peuvent être tirées :

1) l'édition de revues coûte cher, même si globalement le financement par l'amont est sans doute moins coûteux que le financement par l'aval pour la communauté. Et PLoS utilise tous les moyens classiques de financement par l'amont des médias (bien des médias grand public sont aussi gratuits pour le lecteur : radio-télévision, journaux gratuits..). Ainsi, rien n'est plus faux que d'assimiler libre accès et gratuité, sans préciser. Quoiqu'il en soit la publication est finalement gratuite pour le lecteur scientifique qui paye rârement, mais elle est toujours coûteuse pour la communauté scientifique.

2) L'édition de revues scientifique n'est pas un secteur économiquement homogène, même pour les sciences de la nature. Certaines jouent un rôle à la fois de magazine et de prestige, d'autres touchent une communauté plus spécialisée et leurs coûts et leur structure ne sont pas les mêmes. Dès lors, on peut s'interroger sur le fait de savoir si la notion de portail avec une license est une formule viable à terme, si tous les titres n'ont pas des structures de coûts, dans tous les éléments de fabrication, ni de lectorat comparables.

Repéré par P Suber

mercredi 14 juin 2006

Le paradoxe de Roger

Pour faire branché aujourd'hui, il faut dire que le Web 2.0 est une «conversation». On signifie par là qu'il ne s'agit plus d'un média de masse comme les journaux ou la radio-télévision où un émetteur s'adresse à une multitude de récepteurs passifs, mais de systèmes permettant une participation active simple des lecteurs.

On oublie, alors, que les médias de masse à leur origine étaient des «lettres» ou des «émetteurs-récepteurs» et qu'inversement nombreux sont les symptômes d'une reconstitution de gatekeepers au sein du dit Web 2.0 dans une évolution comparable de la communication flottante.

Mais, il me semble que l'essentiel est ailleurs, il y a bien une différence radicale avec la période précédente qui pourrait s'énoncer comme un paradoxe, appelons-le «le paradoxe de Roger», car il m'a été inspiré par le Roger 3 et les discussions sur la liste du RTP-DOC :

Le Web favorise conjointement deux mouvements opposés : le développement d'échanges spontanés (conversations) et leur fixation sur un support public, pérenne et documenté.

Autrement dit, le Web transforme automatiquement ce qui relevait de l'intime et de l'éphémère en document ou proto-document. Ainsi la rupture platonicienne entre la parole et l'écrit, qui avait déjà été passablement assouplie par l'enregistrement du son et le téléphone, est une nouvelle fois déplacée.

Il me semble que ce paradoxe éclaire, avec celui de Muet-Curien (v.p.37), bien des développements actuels et des hésitations dans les analyses et stratégies.

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