Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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Recherche - économie de l'attention

vendredi 30 mars 2007

Économies de Wikipédia : cognition, attention, don

Le succès de Wikipédia auprès des internautes ne faiblit pas. Après être entrée selon Comscore dans le top 10 des sites les plus visités aux US en janvier, elle confirme sa position en février (milliers de visiteurs uniques) :

On retrouve les mêmes résultats au Royaume-Uni (10e) ou en France (8e). Ce succès est d'autant plus remarquable que, si l'on balaye les 50 premiers sites US de janvier, Wikipédia tient une place à part. Les autres sites appartiennent tous à une ou plusieurs des catégories suivantes : e-commerce, médias traditionnels, industrie des services informatiques, nouveaux acteurs commerciaux du Web 2.0.

Du point de vue économique, Wikipédia, ou sa maison mère Wikimédia, sont rétives à l'analyse.

Si l'on s'en tient à sa forme et son usage, on peut l'assimiler à une organisation documentaire, mariage de l'édition d'encyclopédie et de la mutualisation bibliothéconomique. Elle s'insère alors dans une économie globale de la cognition dont les piliers sont, dans nos sociétés, l'école et l'université. Mais elle s'est construite en dehors, parfois contre, ces institutions et son organisation du travail n'est pas en phase avec celles-là.

De nombreux observateurs en font une figure emblématique du "Web 2.0". Mais si l'économie du dit "Web 2.0" n'est pas stabilisée, elle s'oriente de plus en plus vers une économie de l'attention, variante de la publicité dans les médias traditionnels qui vise à valoriser la captation de l'internaute en favorisant une activité commerciale extérieure, ce que refuse Wikipédia et qui conduirait sans doute à des contradictions difficiles à gérer vis-à-vis de ses contributeurs.

Du côté des transactions, son activité s'apparente à une organisation non-gouvernementale (ONG). Elle en a bien des caractéristiques et pourtant sa vocation non-caritative est sensiblement différente de celle de ses consoeurs.

Mon hypothèse est que Wikipédia a trouvé un équilibre, pour le moment d'une stabilité remarquable, entre ces trois dimensions de son économie : la cognition, l'attention et le don. Je voudrais ici l'étayer par quelques arguments que l'on prendra seulement comme des pistes destinées à alimenter réflexions et discussions. L'ensemble sera étalé sur quatre billets successifs (quatre en comptant celui-ci) qui traiteront de Wikipédia et :

Une fois ces billets publiés, je reviendrai à celui-ci pour faire la synthèse et conclure. Ce billet sera donc actualisé dans quelques jours.

dimanche 25 mars 2007

L’avenir de la bibliothèque est-elle dans le Web 2.0 ?

Ce billet a été rédigé par Sabiha Bejaoui et Sahar Mofidi, étudiantes de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information dans le cadre du cours sur l'économie du document.

Le web 2.0 représente une modification profonde de l’environnement Internet et de la vie quotidienne. Comme le dit Pascal Krajewski : « Ainsi la réalité devient le web et le web devient le web 2.0 ». Le web 2.0 n’a pas encore trouvé une définition précise sur laquelle tous les auteurs se seraient mis d’accord. Certains le voient comme un phénomène et d’autres comme une philosophie ou une idéologie. Malgré cela, tous les auteurs s’entendent sur les principes et les outils du web 2.0. Les principes du web 2.0 stipulent que le surfeur consommateur et passif du web 1.0 devient contributeur, actif et producteur. Cela demande une implication plus forte de la part de l’usager qui va utiliser de différents outils tels que les fils RSS, les Blogues et les Tags.

Les outils 2.0 ont engendré de nouvelles façons de gérer l'information et de nouveaux concepts comme « Social Network », « Social Bookmark », «Customisation », « Sérendipité », « Folksonomie », etc.

Parmi les acteurs de ce phénomène 2.0 on trouve : Wikipédia, Flickr, Myspace, YouTube, Diigo, et bien d’autres sans que l'on puisse savoir quel sera la limite de cette liste.

La bibliothèque ne peut pas ignorer cette insistante technologie 2.0. Le qualificatif « 2.0 » a touché la bibliothèque et le bibliothécaire ou ses outils comme l'OPAC comme il a touché la culture et la science, l’OPAC. Le terme « bibliothèque 2.0» recouvre différentes définitions. Les points de recoupements de ces différentes définitions sont :

  1. L’utilisation des technologies 2.0 : outils du Web 2.0.
  2. L’approche participative et social : orientation vers une communauté fort active.

Nous pouvons dire alors que la bibliothèque 2.0 = le web 2.0 + la bibliothèque.

Les nombreux expériences et projets d’intégration de technologies du web 2.0 dans les bibliothèques montrent qu’il s’agit d’un outil parmi d’autres qui lui permet de réaliser ses objectifs, son orientation, sa mission et ses stratégies. Chaque bibliothèque doit s’adjoindre les technologies du web 2.0 qui lui conviennent et s’adaptent à son contexte. Ainsi, elle doit sélectionner les outils 2.0 en fonction de sa communauté, de l’approche qu’elle envisage pour atteindre ses objectifs et de ses ressources. Par exemple, une bibliothèque publique qui vise augmenter la fréquentation des jeunes, ceux qui l’ont abandonné au profit du Web, peut avoir recours aux Blogues, à MySpace ou au Tagging. Plusieurs autres exemples sont cités dans Library Garden et Bibliobsession propose des stratégies ou des façons de faire « vers des bibliothèques 2.0 ».

Cependant, nous voudrions attirer l'attention sur quelques avantages et inconvénients des bibliothèque 2.0 ou de l’intégration du web 2.0 dans les bibliothèques.

Les avantages sont de faire le marketing pour la bibliothèque, utiliser cette technologie générer de la valeur ajoutée, enrichir la collection de la bibliothèque et peut-être diminuer les coûts de développement de la collection.

Pour les inconvénients, nous pouvons parler des difficultés à surmonter pour conserver la qualité des services de la bibliothèque. La tendance web 2.0, malgré son étendue et sa tentation, est difficile à contrôler (Esclavage 2.0). C’est pour cela que nous entendons plutôt parler d’utiliser cette technologie pour la servuction (La création des services de la bibliothèque avec une forte implication du client placé au cœur de la présentation) et pas encore dans la partie construction (développement de la collection).

jeudi 22 mars 2007

Diffusion/accès : une économie de l'attention antagonique

Dans la continuité d'un billet récent, qui soulignait théoriquement la différence radicale entre l'économie de l'accès et celle de la diffusion, voici quelques éléments plus concrets sur les stratégies des acteurs, la structuration des marchés et les chiffres.

Le double marché de l'économie de l'attention

On trouvera chez A. Iskold (repéré par InternetActu) une éclairante synthèse de ce que lui, et bien d'autres analystes du Web, entendent par le terme "économie de l'attention", en réalité une appropriation du concept pour l'économie de l'accès, c'est à dire pilotée par le service aux usagers comme le montre clairement le schéma ci-dessous, tiré de son billet :

Bien souvent (comme par exemple dans Wikipédia), il sera fait référence au prix Nobel H. Simon qui déclarait en 1971 :

...in an information-rich world, the wealth of information means a dearth of something else: a scarcity of whatever it is that information consumes. What information consumes is rather obvious: it consumes the attention of its recipients. Hence a wealth of information creates a poverty of attention and a need to allocate that attention efficiently among the overabundance of information sources that might consume it. "Designing Organizations for an Information-Rich World", in Martin Greenberger, Computers, Communication, and the Public Interest, Baltimore, MD: The Johns Hopkins Press

Mais H. Simon s'intéressait surtout à la rationalité limitée dans les organisations. L'analyse d'un marché ouvert opère un décadrage dont je ne suis pas sûr qu'il soit fidèle à la pensée de l'auteur. Pour une première entrée sur la rationalité limitée, on trouvera ici une synthèse par Cl. Partenay des propositions d'H. Simon.

Quoi qu'il en soit un marché de l'attention existait bien avant l'arrivée du Web et même les écrits de Simon. Il s'est construit au moment du développement de la presse populaire et développé avec la radio-télévision comme rappelé dans un billet précédent. Il est donc quelque peu abusif de réserver le terme "économie de l'attention" à une économie du Web. Il existe une économie de l'attention tirée par la logique de la diffusion, tout comme une économie de l'attention tirée par celle de l'accès. L'une et l'autre s'adressent aux mêmes clients (les annonceurs, les agences, les régies), mais s'appliquent sur des activités différentes. Il y a donc concurrence, et même antagonisme.

Acteurs et mesure

Même s'il l'exprime avec d'autres mots, un des acteurs les plus représentatifs de cette concurrence dans la blogosphère française est peut-être E. Parody, chargé du développement numérique du journal Les Échos. Billet après billet, il insiste sur la différence, à ses yeux évidemment en faveur des premiers, entre le marché publicitaire des sites d'information (déclinaison des médias traditionnels) et les sites de portails ou communautaires.

Voici, par exemple un argumentaire qu'il reprend d'un bloggueur américain. La démonstration vise la difficulté à rentabiliser un site Web par la publicité. Je cite (CPM = coût par mille, voir plus bas) :

  1. - D’un côté la vaste plateforme communautaire draine des milliards de pages vues mais avec un CPM de 1$ grand maximum. Il lui faudrait des dizaines de milliards de pages vues. Est-ce bien raisonnable de devoir cibler 50% d’une population pour espérer des marges de profits?
  2. - Au centre le portail communautaire, avec une diversité de contenus et services, qui supporte des centaines de millions de pages de pages vues et pousse dans le meilleur des cas son CPM à 5$. Difficile même pour un Microsoft, il faudrait 10 milliards de pages vues.
  3. - Enfin le site thématique (bagnoles, voyages, films) qui en ciblant des niches publicitaires peut prétendre à quelques dizaines de millions de pages mais un CPM de 20$. Là l’objectif serait des centaines de millions de pages vues. Pas facile.

Autre symptôme de cette différence : la non-maturité de l'étalon de mesure du marché du côté du Web-média. On trouvera une intéressante discussion à ce sujet chez F. Cavazza. Faut-il reprendre celui des médias classiques, le "coût par mille" contacts qui ne s'est pas construit en un jour, dont la représentativité sociologique ou communicationnelle est sujète à caution mais qui fait consensus du côté de la diffusion et donc permet les négociations de marché ? Le cout par mille est encore plus discutable sur le Web, comment savoir vraiment si le nombre d'affichages correspond bien aux pages vues par des lecteurs différents ? Faut-il alors se tourner vers le "cout par clic" ou encore le "cout par action" qui sont plus cohérents avec la logique de l'accès puisqu'ils manifestent un lecteur actif. Mais ces mesures alternatives sont en contradiction avec la logique de la diffusion pour laquelle le marché se traite par l'amont et ne peuvent rendre compte de l'importance des médias traditionnels pour la construction des réputations qui ne supposent pas une action de la part du lecteur.

Structure du marché

En réalité, ces discussions sur les mesures, pour importantes qu'elles puissent paraître, sont relativisées par la structure même du marché de la publicité sur le Web, dominé par un nombre très réduit de joueurs tous positionnés du côté de l'accès. Dans ces conditions, ces derniers imposent leur loi.

Les données à ce sujet sont impressionnantes . Voici un billet de Dave Morgan qui rend compte du Forum for the Future, tenu à Londres début mars. Je cite :

The big are getting bigger. At this event last year, there was a lot of talk and attention on research from Marketscape that determined that 88% of the gross online ad spend in the US in 2005 went to only four companies, Google, Yahoo, MSN and AOL. While some of this money ultimately was paid to independent sites through ad networks, it was a very sobering number. Well, Marketscape’s founder addressed the Forum today and told us that last year the “Big Four” received 92% of the gross online ad spend in the U.S. While this is great news for those aggregators, it’s certainly a very scary development for those thousands and thousands of ad-supported Web media companies. The landscape isn’t leveling, it’s tilting even more.

Jeremy Liew (l'auteur de l'analyse initiale résumée par E. Parody) en tire les conclusions suivantes :

Now According to the IAB and PwC, internet advertising revenues for 2006 were estimated to be $16.8 billion, a 34 percent increase over $12.5 billion in 2005. So doing the math, that suggests that the online advertising that didn’t go to the big four actually DECREASED from $1.5bn in 2005 to $1.34bn in 2006.

Et s'il reste des sceptiques, j'ai compilé ce petit tableau des résultats de Google :

Dans ces conditions, il est peu probable que les médias qui se déclinent sur le Web à partir d'une logique de diffusion aient beaucoup à attendre du marché publicitaire. Ceci éclaire mieux, je crois, la nervosité actuelle.

jeudi 15 mars 2007

Diffusion vs accès : deux économies antagoniques

Voir aussi ici pour une illustration des propositions de ce billet.

Les développements de l'actualité des relations entre les acteurs du Web-média, et ceux des médias classiques témoignent d'une forte nervosité que l'on prenne le livre, la presse ou encore plus la télévision (et le dernier épisode du conflit entre Viacom et Youtube). Néanmoins les analyses me paraissent en général souvent fondées sur des prémisses erronées. Je voudrais dans ce billet montrer pourquoi il y a une incompatibilité entre les économies de l'un et des autres et qu'il faut donc raisonner en modèles complémentaires, concurrents ou articulés, en partage plutôt qu'en fusion où l'un absorberait les autres. Il existe deux économies, une économie de la diffusion et une économie de l'accès qui sont autonomes l'une par rapport à l'autre et il n'est pas sûr qu'elles soient compatibles.

Pour cela prenons du recul par rapport aux situations particulières dont les fils nécessairement embrouillés ne permettent pas de comprendre la logique générale, et représentons, simplement et schématiquement la communication "flottante", celle qui est lancée sans connaitre précisément le destinataire.

Les initiés auront repéré le célèbre schéma de Shannon et Weaver que j'ai détourné de son objectif initial. Il y a bien toujours la source, l'émetteur, le récepteur et de destinataire, mais au centre, j'ai remplacé le canal par une autre métaphore aquatique : un lac. Le schéma initial a été mille fois cité, souvent sans précaution, et presque autant critiqué. Mais mon propos n'est pas de discuter la proposition initiale, mais de m'en servir sans vergogne ni fidélité comme prétexte pour développer la démonstration.

La partie centrale indique que le message envoyé par une source est ici placé dans une zone intermédiaire, dans l'attente qu'un destinataire le trouve. La communication n'est pas directe et il n'y a aucune assurance qu'un message arrive à un destinataire donné. Pour être cohérent, il faudrait présenter plusieurs sources et un nombre infiniment plus grand encore de destinataires, mais cela l'aurait rendu indéchiffrable. Il y a en effet, dans la communication flottante, un certain nombre d'acteurs qui souhaitent proposer des documents à, potentiellement, une foule de destinataires. L'important à noter est aussi que, contrairement à la vulgate du Web, source et destinataire sont bien différenciés. Écrire et lire ne relève pas de la même activité, tout comme filmer et regarder, ou jouer d'un instrument et écouter de la musique. Un nombre limité de personnes s'adonne à la première activité, même si le Web l'a élargi en "démocratisant" les outils de production et diffusion, tandis qu'une multitude d'autres pratiquent couramment la seconde.

Un tel schéma n'est pas sans rappeler une représentation simplifiée d'un marché. Néanmoins, les marchandises en question ont des particularités fortes qui les différencient des marchandises ordinaires et l'objectif ici est la réalisation d'une communication entre les deux pôles, pas nécessairement un échange marchand entre ceux-ci.

L'autonomie des deux côtés du schéma induit deux façons différentes et indépendantes de réaliser le processus communicationnel et, par là même deux économies radicalement différentes.

1. Économie de la diffusion

On peut raisonner à partir de la source et de l'émetteur et on sera dans un processus de diffusion. Il existe deux façons primitives de diffuser un message "à la cantonnade" : la publication, où l'on distribuera des messages enregistrés ou consignés sur des objets ; et le spectacle, où l'on proposera ces messages à une assistance. Ces deux processus ont été développés, articulés et industrialisés sous forme d'édition de cinéma, de télévision, d'industrie du disque, etc.. et aujourd'hui du Web, quand on y publie un texte, une image, une vidéo. C'est l'activité que je suis en train de réaliser du moment où je tape ces lignes, jusqu'à celui où je cliquerai sur "mettre en ligne".

En économie, nous dirons que nous sommes dans une processus de production de biens, matériels ou virtuels. Deux méthodes ont été trouvées pour valoriser cette activité : la plus simple, la vente du message et nous retrouvons la configuration du marché ordinaire ; une plus sophistiquée qui utilise la faculté de capter l'attention du destinataire par le message envoyé et de la vendre à d'autres sources-émetteurs intéressés. Il est important de noter dans ce second cas qu'il ne s'agit que d'une probabilité de captation. Personne ne peut être assuré du comportement du destinataire, la mesure du marché est elle-même probabiliste, en nombre de pages vues ou en points d'audimat.

2. Économie de l'accès

Mais on peut aussi raisonner à partir du destinataire et du récepteur. Ici, il s'agit de l'aider à trouver le message qu'il cherche parmi tous ceux qui sont à sa disposition. Les bibliothèques ont été les premières à construire un modèle organisé à partir du destinataire. Toutes les activités, dites "documentaires" ont suivi. Les moteurs de recherche ou les portails ont repris et systématisé le raisonnement sur le Web. Dans ce raisonnement, on ne se préoccupe pas de savoir comment les messages ont été produits ou diffusés, mais, puisqu'ils sont là, on va aider le destinataire à trouver ceux qui l'intéresse.

En économie, nous dirons que nous sommes dans un processus de production de services. Tout service se réalise en co-production avec le client. Plusieurs formules de valorisation du service ont été construites, mais, compte tenu de la caractéristique de "bien d'expérience" du message et de l'abondance construite pour rendre le meilleur service, la volonté de payer directement est très faible. Ainsi le service est payé indirectement, soit par les représentants du client et/ou par un abonnement (bibliothèque), soit, pour les moteurs, comme précédemment par la captation de son attention revendue à un source-émetteur intéressé. Mais la probabilité de retenir l'attention est plus forte que dans l'orientation précédente, tout simplement parce que le client est actif. L'instrument de mesure n'est plus le même, cette fois, il s'agit du nombre de clics sur l'annonce.

Bien entendu, il y a une relation entre les deux orientations et, dans leurs déclinaisons industrielles, elles peuvent même être présentées sous forme d'un continuum ou d'un pentagone. Néanmoins elles sont bien radicalement différentes et il est, à mon avis, peu probable qu'elles s'accordent. Les acteurs ne sont, non plus, pas placés au même moment du processus communicationnel et donc raisonnent de façon radicalement différente, les uns à partir des sources et de la diffusion, les autres à partir des destinataires et de l'accès. Il faudra donc qu'elles coexistent dans un partage des ressources et du marché publicitaire dont la ligne n'est pas encore tracée. On peut s'attendre à encore quelques belles batailles.

mercredi 22 novembre 2006

Le document comme prothèse de la mémoire et les services associés

Un document est une prothèse de notre mémoire, comme une main articulée est une prothèse de la préhension pour un manchot. Nous n'avons pas assez approfondi cette affirmation. Et cette paresse nous conduit souvent à simplifier l'analyse, nous interdisant de bien comprendre les mouvements en cours.

Pour utiliser sa prothèse, une main articulée, un manchot doit d'abord trouver celle qui s'adapte correctement à son bras, puis apprivoiser la machine par un apprentissage, enfin il pourra s'en servir dans la vie courante.

Pour le document, nous avons aussi un processus en trois temps : repérer le document qui pourrait nous être utile, le lire (ou en prendre connaissance) et enfin en intégrer les éléments de connaissance dans notre vie courante. Il s'agit, dites autrement, des trois dimensions proposées par Roger.

Chacun de ces temps forme une étape dans le service de mémoire, et pour chacun, il est possible de construire une activité en tenant compte des particularités économiques du document.

Les bibliothèques ou aujourd'hui les moteurs s'en tiennent à la première étape. L'astuce des moteurs est de valoriser la captation de l'attention associée.

Les médias classiques ont construit leur économie sur la seconde étape : la valorisation du contenu pour lui-même. Aujourd'hui, ils sont fragilisés d'une part par la concurrence sur le marché des annonceurs apparue dans l'étape précédente et par la constitution de contenu par les internautes eux-même dans le Web 2.0. Le manchot bricole un peu sa main tout seul.

La troisième étape n'a pas jusqu'ici eu de valorisation économique autonome, mais certains documents y participent directement (ceux que M. Zacklad appelle les "documents pour l'action" ou ceux que manipulent des record-managers). Le projet de Web sémantique, rebaptisé récemment Web 3.0, est une tentative, discutable si elle n'inclut pas les particularités documentaires et sans projet économique clair, d'aller dans cette direction.

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