Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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vendredi 16 juin 2006

Le prix de la publication scientifique

Les revues de PLoS ont initié en 2003 un modèle d'affaire éditorial : le financement par paiement par les auteurs. C'était un modèle alternatif au modèle traditionnel de financement par les lecteurs, plus exactement, il faudrait dire financement par l'amont ou par l'aval, car ni les auteurs, ni les lecteurs ne payent en réalité, mais soit leur laboratoire, soit leur bibliothèque. La différence entre les deux modèles est que dans un cas les documents sont accessibles à tous les internautes, tandis que, dans l'autre, seuls les membres des communautés abonnées sont touchés. Économiquement, dans le premier cas, on réduit aussi les coûts de filtrage des internautes en prenant acte des caractéristiques de bien public des documents numériques.

Aujourd'hui, l'éditeur relève substanciellement ses tarifs, puisque de 1500$ le prix passe, selon les cas, à 2000 et 2500$, soit tout de même une augmentation de 33 à 66% ! Des taux qui feront sûrement sourire les éditeurs commerciaux. Voici un extrait de la FAQ, expliquant la décision :

''Can journals like PLoS Biology and PLoS Medicine be supported by publication fees alone?

Possibly not. These journals are run by professional editors, reject a large proportion of the submitted papers, and publish a great deal of added-value content. They are therefore very expensive to run, but they are also representative of only the top tier of scientific journals, which includes Nature, Science, and The New England Journal of Medicine - a tiny fraction of the full complement of scholarly journals. Publication fees provide an important revenue stream for PLoS Biology and PLoS Medicine, but this is also supplemented with income from philanthropy, advertisers, sponsors, membership and other parts of the publishing operation.''

Plusieurs leçons peuvent être tirées :

1) l'édition de revues coûte cher, même si globalement le financement par l'amont est sans doute moins coûteux que le financement par l'aval pour la communauté. Et PLoS utilise tous les moyens classiques de financement par l'amont des médias (bien des médias grand public sont aussi gratuits pour le lecteur : radio-télévision, journaux gratuits..). Ainsi, rien n'est plus faux que d'assimiler libre accès et gratuité, sans préciser. Quoiqu'il en soit la publication est finalement gratuite pour le lecteur scientifique qui paye rârement, mais elle est toujours coûteuse pour la communauté scientifique.

2) L'édition de revues scientifique n'est pas un secteur économiquement homogène, même pour les sciences de la nature. Certaines jouent un rôle à la fois de magazine et de prestige, d'autres touchent une communauté plus spécialisée et leurs coûts et leur structure ne sont pas les mêmes. Dès lors, on peut s'interroger sur le fait de savoir si la notion de portail avec une license est une formule viable à terme, si tous les titres n'ont pas des structures de coûts, dans tous les éléments de fabrication, ni de lectorat comparables.

Repéré par P Suber

samedi 27 mai 2006

Polémique sur la visibilté de l'OA

Une violente polémique se tient entre S. Harnad et G. Eysenbach à propos des citations des articles en libre accès. L'affaire est partie d'une étude du second qui confirme le fait que les articles en accès libre sont plus cités (v. par ailleurs la bibliographie faites par l'Open citation project sur le sujet) et surtout d'un éditorial de PLoS qui insinuait que les articles des revues en libre accès ("gold journals") étaient plus cités que les articles archivés par les auteurs des revues en accès limité ("green journals").

Au-delà de la violence des propos et du caractère anecdotique des relations entre chercheurs, il y a plusieurs leçons à tirer pour l'économie du document :

1) Les conflits d'intérêts ne sont pas absents du monde des archives ouvertes, qui se définit comme un monde ouvert. Ils sont politiques (au nom de l'intérêt général de la science), ou même politiciens (confusion entre les positions personnelles ou de groupes et l'intérêt général). Ils se règlent par un argumentaire scientifique ou se voulant tel, mais en réalité la passion est sensible à chaque ligne. Les scientifiques sont mis en abîme dans cette affaire (ils se regardent travailler et analysent leur propres pratiques avec leurs propres outils) et leurs egos sont forts. C'est un peu comme lorsque les médias enquêtent sur les médias.

2) La notion de publication se précise et ce n'est pas trop tôt. La publication n'est pas la mise en publicité, ni la validation (révision par les pairs), mais aussi la promotion de l'accès ou, disons, la mise en visibilité. Dans ce processus, le rôle des revues, comme instrument de marketing, n'est pas négligeable et souvent mal compris par les scientifiques qui ne pensent qu'au facteur d'impact. Inversement, le "darwinisme" documentaire (voir Roger) joue maintenant à plein sur le Web et Dorothea Salo a raison de noter que les revues sont moins utiles pour les chercheurs confirmés (sauf sans doute ceux qui visent le prix Nobel ;-) que les archives. Ils n'ont besoin pas de reconnaissance (dans les deux sens : réputation et repérage), par contre la fluidité et la vitesse des échanges leur importent plus. Leur collège invisible fonctionne à plein.

3) Il reste une certaine confusion, justement sur les techniques Web de mise en visibilité /OA. Si un site ou une page sont d'autant plus visibles qu'ils sont consultés ou pointés, alors il y a clairement concurrence et non complémentarité entre archives et revues en ligne. En effet par exemple, un auteur de réputation qui met son article sur une archive ouverte va augmenter le pagerank de celle-ci au détriment de celui du site de la revue où il est publié. Sauf erreur de ma part, ces questions là n'ont pas été étudiées.

Sources P. Suber, Marlène

lundi 01 mai 2006

Un (futur) best-seller sur les livres peu demandés

Chris Anderson est invité à des conférences qui préfigurent le lancement de son livre. Il a notamment fait la conférence d'ouverture d'une session du Book Industry Study Group, intitulée Making Information Pay 2006 - BEYOND THE BESTSELLERS - How smart publishers, distributors and booksellers take advantage of growing sales opportunities in the "long tail" of the book market. Les diapos de sa conférence et des huit autres intervenants sont en ligne.

Il est clair qu'une nouvelle forme de commercialisation pour les livres peu demandés, en particulier pour les livres universitaires et utilisant l'impression à la demande et les libraires en ligne, est en train de se mettre en place aux US. Dans cette perspective, la relation avec les bibliothèques pourrait se tendre, et un impact est sans doute aussi à attendre sur le nombre de titres publiés qui pourraient se multiplier.

On peut se demander s'il n'y aura pas aussi des conséquences sur la qualité des livres et sur le morcellement des savoirs universitaires. En France, un éditeur comme Hermès, qui a compris depuis plusieurs années déjà l'importance de la baisse des coûts de fabrication pour son chiffre d'affaires, en segmentant les savoirs en petites spécialités, baissant les tirages et augmentant les prix, sert-il ou dessert-il la communauté scientifique STIC ? Au Québec, par contre, les éditeurs pourraient sans doute mieux gérer la taille réduite du marché, en rapport avec la population et la surface de la province.

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