Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mercredi 23 septembre 2009

Le codex inscriptible

Les commentaires d'un précédent billet sur une expérience de livre numérique inscriptible (ici) en sont restés à la question accessoire du titre anglais (Read/Write Book), que ses défenseurs justifiaient par une référence au code informatique. Ce dernier autoriserait des livres d'un genre nouveau et, pourrait-on dire, inédit, dont les principales caractéristiques originales seraient la possibilité d'intervenir sur le livre en modifiant son contenu (lire/écrire) et d'accéder à partir du livre à bien d'autres ressources (livre-réseau). Une petite histoire montrera que ces fonctionnalités ne sont pas réservées exclusivement au numérique et que l'intégrisme numérique peut faire parfois des dégats.

Suite à notre évaluation de l'année académique dernière à l'EBSI, nous avons décidé d'organiser une formation à l'utilisation des PowerPoints pour les professeurs. Elle a été menée tambour battant par un collègue d'une faculté voisine. Il nous a présenté en conclusion une réalisation pour laquelle il a obtenu un prix de pédagogie du ministère de l'Éducation. A priori rien d'original puisqu'il s'agit du polycopié de son cours, fourni sur un codex papier et sur Pdf aux étudiants. Mais celui-ci est inscriptible, des plages sont réservées pour des notes et des réponses des étudiants, et il autorise des liens avec des séquences Ppt sonorisés, des animations par exemple sur des courbes, des exercices et d'autres sources extérieures. Ainsi le professeur fait son cours en présentiel devant les étudiants qui prennent des notes et font les exercices directement sur le polycopié. Rentrés chez eux, ils disposent de la totalité du matériel du cours, personnalisés, y compris ses extensions en passant en ligne. Le fait d'avoir un codex n'est pas anodin, comme on va le voir.

Depuis l'année dernière, sa faculté, convertie à la modernité numérique, a décidé que l'ensemble du matériel pédagogique devrait être uniquement accessible sous format numérique. Le professeur a donc redécoupé en séquences et transformé son matériel pour ne plus fournir de papier aux étudiants. Mais dès la deuxième séance du cours, l'association des étudiants est arrivée avec une caisse comprenant les tirages papiers des fichiers, évidemment non reliés et en désordre pour les distribuer suite aux réclamations qu'elle avait reçues. Les étudiants trouvaient beaucoup plus confortables et sûr d'avoir un support papier pour suivre le cours. Après une vigoureuse protestation, le professeur qui ne manque pas d'énergie a pu revenir au codex originel. Il n'a pas pour autant renoncé au numérique qu'il manipule avec dextérité comme il nous en largement a fait la démonstration au cours de la formation.

Je crois qu'il faut se méfier des excès. Reconnaître les vertus du codex n'efface pas celles du numérique et vice-versa. Si le papier a des limites, le numérique a les siennes. Les meilleures réalisations sont celles qui savent utiliser au mieux les performances des différents supports.

vendredi 21 août 2009

Éclats de lecture

Christian Vandendorpe a publié une intéressante réflexion sur la lecture contemporaine, qui rejoint et élargit les arguments souvent développés dans ce blogue :

La lecture en éclats, Arguments, vol. 11, no 1, Automne 2008-Hiver 2009, p. 30-39. ici

En voici quelques éclats particulièrement brillants pour donner l'envie d'une lecture longue ;-) :

Aujourd’hui, cependant, la quantité de savoir accumulé est devenue telle qu’elle dépasse de loin les possibilités d’une lecture continue et systématique. Le véritable supplément à la mémoire n’est plus le document ni même la bibliothèque, mais Google. C’est vers lui et des outils comparables que l’on se tourne désormais non seulement pour interroger les milliards de pages d’informations disponibles sur le web, mais aussi pour retrouver un élément précis dans nos archives personnelles.

Cette façon de lire fortement ciblée n’est pas totalement nouvelle, mais constitue, dans une large mesure, une forme avancée de la lecture savante. L’historien H.-J. Martin a ainsi montré que l’apparition des index au XIIIe siècle avait révolutionné le monde du livre et donné un avantage considérable aux scriptoria parisiens qui en maîtrisaient la technique. (..)

Il s’ensuit que la lecture n’est plus une activité entièrement privée, effectuée dans le for intérieur, lieu de la réflexion et de la contemplation ? ou de la «théorie», au sens étymologique. La dynamique de l’écrit tend à rejoindre celle de la conversation, abolissant la barrière traditionnelle qui séparait l’auteur de ses lecteurs. Dans certains cas limite, cette conversation se limite à un échange de pures données phatiques comme on en trouve majoritairement dans les SMS : icônes, mots sémantiquement vides mais attestant un contact entre les correspondants. La distance ne fait que se creuser avec l’art de la correspondance telle qu’elle se pratiquait au XVIIIe siècle. (..)

Une distinction est nécessaire, quand on parle de lecture, entre la littérature romanesque et la production savante ou technique. Si le roman s’est montré réfractaire aux diverses tentatives de naturalisation sur écran, cela tient au fait qu’il exige une lecture «en immersion», mobilisant totalement l’imaginaire du lecteur sur une longue période de temps. Outre que cette forme de lecture est peu compatible avec la surface brillante de l’écran, il semble bien que notre culture soit engagée dans un mouvement de fond, qui ébranle les bases mêmes sur lesquelles reposait jusqu’à tout récemment l’art de raconter et, par voie de conséquence, la façon de lire ou d’écouter des histoires. Avec un autre rapport au temps, à la cohérence narrative et à la finitude de l‘existence, le public avide d’une évasion dans l’imaginaire se tourne plutôt vers le monde de l’image et surtout de l’image animée. (..)

Depuis plusieurs années déjà, on a vu se raffiner sur écran des modes de disposition du texte assez proches de ceux du livre imprimé, dans la ligne du format PDF mis en place par Adobe. Longtemps dénigré comme un simple prêt-à-imprimer, ce format gagne maintenant en popularité parce qu’il restitue le livre en tant qu’unité construite par une structure éditoriale et rattachée à un projet de lecture défini, qui s’inscrit dans une temporalité.(..)

Tout n’est donc pas joué et on peut dire que la page n’est pas tournée sur l’avenir de la lecture telle que nous la connaissions. La lecture ciblée et fragmentée de l’hypertexte est certes déjà le mode dominant et le plus courant, conséquence logique d’une évolution qui se poursuit depuis l’avènement des journaux voilà deux siècles. Mais il y a lieu d’espérer que la lecture continue dont le format codex est le meilleur support se maintiendra au moins comme modalité secondaire, sinon dans les loisirs de masse, du moins comme discipline intellectuelle hautement valorisée. En effet, cette forme de lecture exige que l’esprit soit totalement ouvert et réceptif au texte, ce qui suppose que le lecteur maîtrise son impatience, qu’il fasse taire ses préconstruits et qu’il accepte de suivre le fil du développement en cours, même si celui-ci est parfois monotone, bref, qu’il remette à plus tard l’exploration des sentiers de traverse qu’il serait tenté de prendre et soit entièrement dédié à l’activité en cours. Tout cela suppose une attitude mentale que le grec désignait par le terme skholè, qui désigne au sens premier le repos, le loisir, la lenteur et, par extension, l’activité studieuse. Ce terme a aussi donné le mot «école».

jeudi 11 juin 2009

Éloge du tracé

Comme me l’a fait justement remarquer une lectrice attentive et critique, ce billet est une sorte d'oxymore : la manière dont il a été écrit en contredit le propos. En tapant avec mes doigts sur un clavier ordinaire d’ordinateur et regardant l’écran où les lettres apparaissaient ou disparaissaient selon les commandes absconses du clavier, que j’ai intégrées avec plus ou moins de dextérité depuis bien des années aujourd’hui, je m’éloigne du «tracé» dont je voudrais pourtant souligner la grande vertu.

Le billet m’a été inspiré par une collègue de l’EBSI, Christine Dufour, qui a acheté récemment un ordinateur portable muni d’un écran convertible en tablette graphique. Depuis elle en est devenue fan, son nouvel outil ne la quitte pas. En réunion suscitant la curiosité de ses voisins, elle prend des notes directement dessus en écriture cursive avec son stylet, immédiatement reconnue et intégrée par le logiciel. Dans son bureau elle lit les documents typographiés et les annotent de la même façon, comme autrefois le papier à plat sur la table et la main dessus.. sauf qu’il s’agit de documents électroniques et de signes intégrés dans la mémoire de l'ordinateur. Et, tout à la préparation de ses cours à cette époque de l’année, elle expérimente la possibilité d’intervenir avec son stylet directement sur l’image projetée, réglant la difficulté que connaissent bien des professeurs d’avoir à choisir entre projeter un PPT ou écrire au tableau, difficulté aggravée généralement par la superposition de l’écran et du tableau dans les amphithéâtres.

On oublie souvent que l’on écrit d’abord avec la main. Je veux dire que pour apprendre l’écriture, il faut domestiquer sa main de façon à ce qu’elle accompagne le mouvement du signe que l’on veut représenter. Les calligraphes le savent et des civilisations entières, comme la chinoise ou l’arabe, ont valorisé fortement la beauté du geste et sa traduction par une trace. Le geste épouse la forme des lettres en les traçant. La lecture, du moins dans sa forme moderne et compétente, réduit l’importante du geste.. sauf dans les annotations à la main qui permettent sa réappropriation en le caressant, pourrait-on dire. Mais l’apprentissage de la lecture passe par l’écriture et les ardoises ou cahiers sur lesquelles les enfants inscrivent et effacent laborieusement des lettres et des mots de mieux en mieux formés. Ces souvenirs restent enfouis dans notre mémoire, mais ils lient définitivement dans notre inconscient geste et écrit.

On pourrait aussi refaire l’histoire des documents au travers de cette relation, depuis les scribes, les moines copistes, l’imprimerie qui coupe la relation pour les documents publiés, la machine à écrire qui la coupe pour les documents non publiés.. et les tablettes qui permettent de retrouver le geste dans sa conséquence immédiate sur le signe par le tracé. Et je saute bien des étapes et des dimensions de l’analyse.

Cette dimension numérique nouvelle, au sens où elle entre maintenant dans un quotidien possible, est, je crois, d’une grande importance pour l’analyse documentaire, mais elle me parait oubliée des analyses sémiologiques du domaine numérique focalisées sur les e-books, le papier électronique ou encore l’étude des sites Web.

jeudi 23 avril 2009

Quel rapport entre un cellulaire et une fiche cartonnée ?

Un deuxième (après celui-) petit clin d'oeil pour Olivier qui s'interroge toujours pour savoir si l'homme est bien un document comme les autres (ici). Dans l'affirmative, il faudra bien en effet trouver un moyen d'actualiser les métadonnées d'un document si fantasque, autonome et mobile.

Or il apparait de plus en plus que le téléphone cellulaire ou mobile, objet physiquement lié à l'individu et en contact avec la centrale documentaire, qui autorise la géolocalisation, la navigation sur le Web, les transactions CB, et fournira donc toutes les indications sur l'identité, le comportement et le réseau de chaque individu, est l'instrument idéal de la documentarisation des humains, tout comme la fiche cartonnée a servi autrefois à P. Otlet, l'homme qui voulait classer le monde (extrait) pour documentariser l'ensemble des publications de la planète.

lundi 15 septembre 2008

Tell Guillaume, patron des blogueurs ?

Lu dans un commentaire chez A. Gunthert (ici) :

J'ai l'impression que la pratique du blog densifie l'écriture, obligeant à aller au nerf de l'idée et au noyau de l'information, avec la décontraction d'un archer...

Waoh ! Il va falloir que je reprenne l'entrainement, j'ai jamais été fichu de mettre une flèche dans la cible !

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