Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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jeudi 04 février 2010

Les surprises des pratiques des 8-18 ans

La Kaiser Family Foundation vient de publier son étude sur les pratiques des médias des 8-18 ans aux États-Unis.

Generation M2: Media in the Lives of 8- to 18-Year-Olds, 20 janvier 2010 ici

L'étude est fort instructive d'abord parce qu'elle est réalisée tous les cinq ans sur les mêmes bases et permet ainsi de mesurer l'évolution des pratiques de cette tranche d'âge entre les micro-générations ces dernières années. Et, on le sait, celles-là sont les plus exposées à l'explosion du numérique. Ensuite parce que, mise en perspective avec d'autres en particulier françaises, elle permet de mieux comprendre les évolutions vers la culture de l'écran déjà repérées, mais mal expliquées ().

Tout est à lire (en particulier pour ceux qui s'intéressent aux pratiques de la musique et des jeux). Je ne signale ici que quelques résultats significatifs sur la pratique télévisuelle et sur la lecture pour la thématique de ce blogue et du cours associé.

Les leçons peuvent être résumées par ces diapositives.

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Ainsi le temps d'exposition aux médias est globalement très important. Il augmente régulièrement, mais cela est tempéré par les consommations simultanées de médias. La télévision reste, de loin, le média dominant dans les pratiques des jeunes américains. Si cette pratique a augmenté depuis dix ans, elle a aussi évolué. Comme le montre la diapo ci-dessous.

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Ainsi, si l'on s'en tenait à la diffusion télévisuelle classique, la pratique télévisuelle des jeunes aurait diminué de 25% entre 2004 et 2009. Mais si on ajoute le visionnage différé et celui sur téléphone, iPod ou Dvd, alors on a une augmentation de 38%. Cette évolution est très importante. Il n'y a en effet aucune raison que la tendance se modifie avec le vieillissement de cette génération. Si cela est une bonne nouvelle pour l'industrie de la TV globalement, cela suppose une transformation radicale des modèles d'affaires.

La lecture sur papier a diminué légèrement de 5% en temps quotidien entre 2005 et 2009. Mais là encore, cette stabilité relative cache de très importantes différences selon les supports. Clairement les jeunes s'éloignent des journaux et des magazines, qu'ils vont peut-être chercher sur l'internet, mais j'ai quelques doutes, alors que le livre se maintient et même progresse légèrement. Là encore, l'évolution est très brutale et a de quoi faire réfléchir et frémir les propriétaires de journaux.

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Actu du 14 février 2010

Voir l'étude de Pew Internet :

Social Media and Young Adults, by Amanda Lenhart, Kristen Purcell, Aaron Smith, Kathryn Zickuhr, Feb 3, 2010 ici

Actu du 25 mars 2010

“«Le livre est en train de prendre sa revanche» - Entretien avec Arnaud Nourry,” Les Échos, Mars 22, 2010, ici.

Extrait :

La concurrence des écrans ne détourne-t-elle pas les jeunes du livre ?

Non. On observe même le phénomène inverse. Les enfants de 0 à 10 ans représentent un marché formidable pour les éditeurs. Ce sont les parents qui achètent et pour eux rien ne remplace une belle histoire que l'on lit à son enfant. En revanche, en dehors des livres scolaires et universitaires, l'édition a de tout temps eu du mal à garder les lecteurs entre 12 et 25 ans. C'est l'âge où les enfants s'autonomisent et plébiscitent davantage les loisirs numériques. Mais là encore, les succès d'« Harry Potter » et de la saga « Twilight », de Stephenie Meyer, qui s'est vendue à plus de 80 millions d'exemplaires, apportent un démenti à ceux qui prétendent que les jeunes se détournent de la lecture pour aller sur le Net. L'édition est un marché de l'offre. Il y a quelques années est apparu l'engouement pour les mangas, prolongeant celui de la bande dessinée. Lorsque l'on propose le bon produit, on arrive à toucher cette catégorie d'âge.

Actu du 3 mai 2010

Voir aussi cette importante étude sur le comportement face aux médias des jeunes Français qui montre d'intéressantes différences entre petits, moyens et grands :

Elodie Kredens et Barbara Fontar, Comprendre le comportement des enfants et adolescents sur Internet pour les protéger des dangers, Fréquence-école, 2010. Pdf , synthèse

jeudi 03 décembre 2009

Les pratiques de recherche des étudiants

Un rapport intéressant signalé par Fabrizio Tinti (ici).

Head Allison J. and Michael B, Eisenberg, How College Students Seek Information in the Digital Age, Project Information Literacy progress report, The information School, December 1 2009. Pdf

Une enquête menée auprès d'un échantillon de 2.318 étudiants de collège (1er cycle) de six campus US. Six principaux résultats, indiqués en introduction plutôt rassurants pour les professeurs, mais moins pour les bibliothécaires, tout particulièrement les bibliothécaires de référence (trad JMS) :

  1. Beaucoup des étudiants de l'échantillon ont déclaré être curieux, engagés et motivés au début d'une recherche, aussi bien pour un cours que dans la vie quotidienne. Le besoin d'avoir une vue d'ensemble ou d'un arrière-plan sur un sujet était le facteur déclenchant la recherche pour un cours (65%) et dans la vie quotidienne (63%).
  2. Presque tous les étudiants de l'échantillon s'appuient d'abord sur les lectures du cours et non sur Google pour les recherches liées aux cours. De la même façon, Google et Wikipédia sont les sites privilégiés de presque tous les répondants pour la vie quotidienne.
  3. Les bibliothécaires sont considérablement sous-utilisés par les étudiants. Huit sur dix des répondants indiquent qu'ils ne s'adressent que rarement, voire jamais pour une aide dans leur recherche pour les cours.
  4. Neuf étudiants sur dix s'adressent à la bibliothèque pour des recherches sur des bases de données (comme EBSCO, JSTOR ou ProQuest) pour mener leurs recherches pour les cours, pour obtenir des documents et données crédibles, pour des informations approfondies, et la capacité de répondre aux attentes de leurs professeurs.
  5. Même si les bibliothécaires ont formé les premiers les étudiants à l'usage des bases de données au cours de sessions d'initiation, les étudiants expliquent dans les entretiens qui se tournent vers les professeurs pour les encadrer dans leurs recherches, quand ils avancent dans leur scolarité.
  6. Les raisons des tergiversations des étudiants ne sont plus les mêmes que celles d'avant l'internet comme la peur de l'échec ou un manque de confiance qui étaient alors courants au premier cycle dans les années quatre-vingt. Nous avons plutôt trouvé que la plus grande part des natifs numériques de l'échantillon (40%) avaient tendance à retarder le travail demandé parce qu'ils jonglaient avec les besoins pour répondre aux demandes concurrentes des cours venant d'autres classes.

mercredi 14 octobre 2009

Cultures de l'écran

Le Ministère de la Culture vient de publier sa grande enquête sur les pratiques culturelles effectuée en 2008. L'intérêt de cette série d'enquêtes est sa complétude par le nombre de questions posées et par la taille de l'échantillon, mais aussi la possible analyse historique puisque que l'enquête est renouvelée tous les 8 ans depuis 1973 maintenant. Pour la première fois en 2008, elle comprend donc les effets du numérique.

Tous les chiffres détaillés sont accessibles ici. Le rapport est vendu en librairie. Une synthèse est proposée en ligne :

Olivier Donnat, “Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique - Éléments de synthèse 1997-2008,” Culture études DEPS Ministère de la Culture et de la Communication, no. 5 (2009), Pdf.

La principale leçon de mon point de vue tient dans ce tableau qui montre l'évolution inverse de la pratique de la télévision et de l'internet selon le sexe, l'âge, le niveau d'instruction (attention il s'agit du bac français, cad fin du secondaire français) et la CSP. Autrement dit, l'écran occupe toujours principalement le temps de loisir depuis le milieu du siècle dernier, mais il ne s'agit plus toujours du même écran, ni a fortiori de la même pratique, de la même gestion de son temps. D'un point de vue économique, il reste que les deux médias sont, ou sont perçus comme, gratuits et financés exclusivement par la publicité et l'abonnement. Dans les deux cas, l'économie de l'attention est en cause.

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Il est tout à fait passionnant aussi de comparer ces résultats avec l'analyse générationnelle publiée par le même service et dont j'ai parlé dans un précédent billet (). Pour la lecture la tendance à la baisse constatée se poursuit. Des différences néanmoins apparaissent dans la musique et le cinéma avec une montée des productions américaines et aussi dans les pratiques amateurs.

Extraits :

Incontestablement, ces résultats traduisent un puissant effet générationnel : depuis maintenant plusieurs décennies, les jeunes voyagent plus que ne le faisaient leurs aînés, ils sont plus nombreux à avoir vécu à l’étranger, à écouter de la musique anglo-saxonne ou à regarder des séries américaines en version originale. Bref ces générations ont eu accès précocement à la culture américaine sous toutes ses formes, des produits les plus standardisés aux oeuvres les plus confidentielles que s’échangent fans et amateurs, et ont grandi dans des univers culturels largement globalisés où la langue anglaise règne en maître. Dès lors, comment s’étonner que leur rapport à la production française soit différent de celui de leurs aînés ? (..)

Le développement du numérique et de l’internet ont profondément transformé le paysage des pratiques en amateur, en favorisant l’émergence de nouvelles formes d’expression mais aussi de nouveaux modes de diffusion des contenus culturels autoproduits dans le cadre du temps libre. Les changements ont été particulièrement spectaculaires dans le cas de la photographie ou de la vidéo dont la pratique a presque entièrement basculé dans le numérique en moins d’une décennie. La diffusion des ordinateurs dans les foyers a également renouvelé les manières de faire de l’art en amateur dans les domaines de l’écriture, de la musique ou des arts graphiques.

Voici enfin l'intéressante conclusion d'O. Donnat sur les générations :

  • La génération née avant la Seconde Guerre mondiale a grandi dans un monde où rien ne venait contester la suprématie de l’imprimé, elle a découvert la télévision à un âge déjà avancé et est restée assez largement à l’écart du boom musical et a fortiori de la révolution numérique.
  • La génération des baby-boomers a été la première à profiter de l’ouverture du système scolaire et du développement des industries culturelles et conserve aujourd’hui encore certaines traces de l’émergence au cours des années 1960 d’une culture juvénile centrée sur la musique.
  • La génération des personnes dont l’âge se situe entre 30 et 40 ans a bénéficié de l’amplification de ces mêmes phénomènes – massification de l’accès à l’enseignement supérieur et diversification de l’offre culturelle – et, surtout, a vécu enfant ou adolescent la profonde transformation du paysage audiovisuel au tournant des années 1980 : elle est la génération du second âge des médias, celui des radios et des télévisions privées, du multiéquipement et des programmes en continu, ce qui lui a permis de se saisir assez largement des potentialités offertes par la culture numérique.
  • Enfin, la génération des moins de 30 ans a grandi au milieu des téléviseurs, ordinateurs, consoles de jeux et autres écrans dans un contexte marqué par la dématérialisation des contenus et la généralisation de l’internet à haut débit : elle est la génération d’un troisième âge médiatique encore en devenir.

Actu du 8 janvier 2010

Voir aussi :

L'entretien avec O. Donnat sur Bambou .

lundi 24 août 2009

Sociétés de surveillance

Paulette Bernard, merci deux fois à elle, m'a signalé deux documents vraiment très éclairants sur la question de la gestion des données privées aux US. Je présente ici le premier et garde le second, qui concerne très directement les bibliothèques, pour un autre billet.

Joshua Gomez, Travis Pinnick, et Sahkan Soltani, KnowPrivacy (Berkeley, USA: School of Information, University of California, juin 1, 2009), Pdf.

Il y a aussi un site qui présente les mêmes éléments ()

Plusieurs enquêtes sont croisées : une analyse quantitative sur les mouchards (Web bug, en québécois «pixel invisible» déf), une autre sur les termes affichés sur les sites des politiques de confidentialité, une troisième sur les plaintes déposées par les internautes et enfin une analyse du contenu de la presse sur le sujet. Voici quelques extraits du résumé du rapport (trad JMS). Ils se passent, je crois, de commentaire :

Notre analyse des mouchards a montré qu'ils sont innombrables sur le web; cela est inquiétant car les utilisateurs sont peu susceptibles de connaître les mouchards, et qu'il manque de réel contrôle sur cette technologie de surveillance. Les 50 principaux sites web contenaient au moins un mouchard à un endroit dans le mois de l'enquête. Certains en avaient une centaine. Plus important encore fut l'ampleur de la couverture de surveillance de certaines sociétés. Plusieurs avaient un mouchard sur la majorité des 100 premiers sites. Google en particulier avait une large couverture. Il avait un mouchard sur 92 des 100 premiers sites, et sur 88% de l'ensemble compris dans l'échantillon de données de presque 400.000 domaines uniques.

Combined Google Trackers

Notre enquête sur les politiques de confidentialité affichées montre que la plupart des cinquante principaux sites webs disent récolter des informations sur leurs utilisateurs et s'en servir pour personnaliser les publicités. Au-delà, cependant, la plupart comprennent des informations peu claires (ou manquent d'information) sur la conservation des données, l'achat de données sur les utilisateurs provenant d'autres sources, ou le sort de ces données dans le cas d'une fusion de sociétés ou d'une faillite.

Le partage des informations est particulièrement problématique. Alors que la plupart des politiques indiquent que l'information ne sera pas diffusée à un tiers, beaucoup de ces sites permettent à un tiers de récupérer des données via des mouchards. (..)

La plupart des politiques indiquent que les informations peuvent être partagées avec des sociétés affiliées. (..) Pour avoir une impression générale du nombre de sociétés avec lesquelles chaque site web parmi les 50 premiers pouvaient potentiellement partager leur données selon leur politique, nous avons chercher leur société mère et compté leur nombre de filiales. Le nombre moyen de filiales était de 297 avec une médiane de 93. (..).

L'analyse qualitative des plaintes a suggéré que les utilisateurs étaient principalement préoccupés par une absence de contrôle sur les collections de données et sur la publicisation des données personnelles (..).

L'analyse des articles de journaux a montré que les utilisateurs étaient alertés sur le profilage des comportements et en général sur les questions relatives aux collections de données. Pourtant, la discussion de certaines pratiques était inexistante. Pratiquement aucune mention n'était faite sur les partages des données avec les sociétés affiliées ou sur l'utilisation de mouchards.

Libérez les données disait-il.. ici

Actu du 26 aout 2009

Repéré par J Futardo :

Balachander Krishnamurthy et Craig E. Wills, On the Leakage of Personally Identifiable Information Via Online Social Networks, SigComm Conference 2009. Pdf

Compte tenu du nombre de papiers sortant sur cette problématique, il est à prévoir des changements prochains.

dimanche 23 août 2009

Réseau social et capital culturel

Deux études viennent de sortir qui donnent un éclairage cru sur l'impact social de plus en plus fort des réseaux sociaux.

Pour la première, réalisée par le professeur Taylor-Gooby de l'université du Kent, on ne dispose que de quelques éléments d'un communiqué et il faudra en surveiller la sortie ici repérée par L'Atelier qui la commente en la comparant aux réflexions de D. Cardon (). Selon le communiqué, les réseaux sociaux viennent renforcer la possibilité pour les enfants des classes moyennes de trouver un travail intéressant. À vrai dire, cet avantage semble surtout sensible pour les garçons au Royaume-Uni où les réseaux sociaux compteraient pour 15%, après l'éducation qui compte pour 40%. Dans l'ensemble des pays européens, les chiffres seraient de 5% et 50%. Dans tous les pays, il semble que l'usage des réseaux sociaux diffèrent avec le sexe. Le professeur déclare : « Il semble que, tandis que les opportunités s'ouvrent pour les femmes, les hommes cherchent à se servir des réseaux sociaux, des contacts et d'autres méthodes informelles pour garder leurs avantages pour obtenir les meilleurs postes.»

L'autre étude réalisée sur un vaste sondage par un cabinet de recrutement (ici) repérée par Les Numériques () montre une évolution radicale des pratiques de recrutement. Alors que seulement 22% des recruteurs allaient consulter les réseaux sociaux l'année dernière aux US pour se renseigner sur les candidats, ils seraient 45% aujourd'hui.

Le cabinet de recrutement conclut avec les conseils de bon sens suivants :

  1. Faites le ménage de vos traces numériques avant de commencer une recherche d'emploi. Enlevez toutes les photos, les contenus et les liens qui pourraient vous nuire sous les yeux d'un employeur.
  2. Envisagez de construire votre propre groupe professionnel sur des sites comme Facebook ou BrigthtFuse.com pour tisser des relations avec des leaders d'opinion, des recruteurs et des personnes qui pourront vous recommander.
  3. Râler offline. Maintenez un contenu orienté positivement, qu'il soit professionnel ou personnel. Insistez sur vos réalisations dans et en dehors du travail.
  4. N'oubliez pas que d'autres peuvent voir vos amis, aussi sélectionnez-les. Modérez les commentaires des autres. Envisagez de bloquer les commentaires ou de rendre privé votre profil afin que seuls ceux que vous acceptez comme amis puissent le voir.
  5. Ne dites pas que vous recherchez un autre emploi, si vous êtes déjà à l'emploi.

La fin de l'innocence ?

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