Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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vendredi 01 juin 2007

Web 2.0 : un dossier et pas de bulle ?

Olivier Ezratty signale un dossier de 20 Minutes, intitulé : Le Web 2.0 en pleine crise de croissance. Le dossier fait un tour de la question avec des développements sur la musique, la vidéo, la téléphonie mobile. Rapide, mais clair et attrayant.

Périodiquement, la question de savoir si nous sommes entrés dans une nouvelle bulle refait surface. L'auteur explique, arguments convaincants à l'appui, pourquoi il n'y croit pas.

Têtes (à claques) en or

Le journal Les Affaires cite une étude qui chiffrerait à 12M de CA$ la valeur du site, célèbre au Québec, Les têtes à claques. Voilà le calcul initial, récupéré sur le site Innovation Web :

On prend les revenus : 2 bannières (vendues au clic ou au CPM), une annonce vidéo "pre-roll" (qui joue avant que vous puissiez voir le contenu qui vous intéresse), vues environ par 2,5 millions de visiteurs uniques par mois, plusieurs vidéos par personne pour un total de près de 30 millions de pages vues par mois (c'est pas moi qui le dit). Nous avons supposé :

  • un achalandage approximatif de 15 millions de pages vues pour les 2 bannières à un CPM de 15$
  • de 3 millions de vues pour le pre-roll (à cause du cap de fréquence, on ne voit pas la pub vidéo à chaque visionnement) qui est vendus à environ 40$ le mille (ce qui est moins cher que partout ailleurs).

Cela fait des revenus approximatifs de 570000$ mensuellement. Enlevons à cela environ 40% de commissions aux agences qui vendent cette pub. Ça nous amène à 342000$ de revenus nets par mois.

Ensuite les coûts. Selon nos évaluations, il en coûterait moins de 150000$ de frais d'exploitation pour faire vivre le site et évidemment payer la bande passante. La bande passante serait d'environ 100000$ par mois, et d'après moi ils ont un bien meilleur prix. Ce tarif est basé sur 20M de vidéos d'environ 5MB diffusés mensuellement (le petit dernier vidéo des Têtes à Claques fait 4,05MB).

On est donc à environ 200000$ de profits par mois. Une mesure bien connue d'évaluation d'une entreprise est de multiplier par un ratio de 5 à 10 les profits annuels avant impôts d'une entreprise pour établir sa valeur. J'ai utilisé le multiple de 5, car je considère qu'il y a plusieurs incertitudes quant au futur du site, du maintien de sa popularité, etc.

12 x 200 000$ x 5 = 12M$

Le Journal Les Affaires ajoute :

L’acheteur potentiel de Tetesaclaques.tv devra payer 4 $ le visiteur unique. En comparaison, Google a payé 50 $ US le visiteur unique pour YouTube et Sony, 8,13 $US pour chaque visiteur du portail vidéo Grouper.

On peut toujours discuter le calcul. Il a le mérite de la transparence. Le succès des Têtes à claques (à mon avis mérité, j'invite tous mes anciens compatriotes à découvrir ce monument d'humour québécois !) répond exactement à la deuxième règle énoncée par Mark Pesce dans une série de billets prémonitoires sur le futur de la télévision : Rule Two: Shorter is Better. Funnier is Better.

Avec le développement du cellulaire, ce genre a tout l'avenir devant lui..

à voir aussi sur Les Affaires ce même jour, un article sur l'explosion du marché publicitaire québécois sur l'internet.

La course à l'audience Internet pourrait s'accélérer au Québec 31 mai 2007 | Jérôme Plantevin, Journal LesAffaires

lundi 28 mai 2007

Économie de la musique toujours

Repéré grâce à G. Chartron.

Le Département des études, de la prospective et des statsitiques du ministère français de la culture lance une nouvelle lettre consacrée à l’investigation d’hypothèses, à des mises en relation originale et à des travaux de prospective sur des champs connus comme sur des terrains plus marginaux ou expérimentaux. le premier numéro s'intitule :

Musique enregistrée et numérique : quels scénarios d’évolution de la filière ?, Culture Prospective, Production diffusion et marché, 2007-1, Marc Bourreau, Michel Gensollen et François Moreau. 16p.

La première partie donne dans un langage plutôt abscons les caractéristiques économiques d'un document numérique. Je préfère mon journal et ma baguette, il s'agit en effet de notions plutôt simples que la prose économique a tendance à obscurcir. Mais je m'en servirai pour affiner ma présentation de l'année prochaine aux étudiants ;-). Cinq scénarios sont ensuite proposés pour le développement de la filière musicale.

Le plus intéressant est dans la conclusion. Extraits :

Lorsque toute la musique enregistrée sera fournie avec l’achat d’un baladeur de même que les micro-ordinateurs sont équipés d’un système d’exploitation, la valeur des contenus viendra clairement des moyens logiciels et sociaux de naviguer parmi ces fichiers et de trouver ce qui peut plaire et surprendre. Dans un monde d’abondance des informations, la prescription et la méta-information créent la valeur des contenus. De ce point de vue, le mode de prescription des médias de masse et celui de la promotion décentralisée en ligne par l’intermédiaire du bouche-à-oreille électronique sont susceptibles de donner des résultats bien différents. (..)

Lorsque la valeur de la musique dépendait des contenus et que la technique ne permettait pas leur copie et leur diffusion à des coûts très faibles, le recueil de cette valeur sur le marché pouvait financer la création musicale. Si la valeur de la musique repose désormais, au moins en partie, sur la métainformation, de nouveaux problèmes se posent : le mode de recueil de cette valeur pour financer les plates-formes, éventuellement les contenus ; la mesure des audiences à partir de la consommation de méta-information ; et, finalement, la recherche d’un financement de la création par des transferts de recettes depuis les activités qui dépendent plus ou moins directement de la musique : produits dérivés, industries des terminaux et des consommables, industries des réseaux.

Bref, nous sommes dans la construction tâtonnante d'un modèle nouveau de Web-média qui se cherche entre deux économies pour le moment antagoniques. Peut-être pourrait-on avancer un peu plus en repérant qu'il se trouve à mi-chemin entre le modèle de la bibliothèque et celui de la télévision..

dimanche 27 mai 2007

Bibliothèques et e-science

Un rapport récent et très éclairant vient d'être publié sur les usages des bibliothèques par les chercheurs aux US. Il montre, une nouvelle fois, l'extrême rapidité des changements et aussi des différences importantes et inquiétantes de perception entre chercheurs et bibliothécaires.

Researchers’ Use of Academic Libraries and their Services A report commissioned by the Research Information Network and the Consortium of Research Libraries, RIN & CURL April 2007.

Extraits

Points principaux du chapitre sur les nouvelles offres :

  • Researchers and librarians agree that a key role for libraries in the future will be as custodians and managers of digital resources
  • Researchers and librarians agree that increased library input into planning and executing research is unlikely; and researchers do not expect a high level of library input into the issue of research dissemination
  • Librarians believe that providing expert advice and teaching on information literacy and management is a core role for libraries; while many researchers agree with them, there are challenges for libraries in securing significant take-up and penetration of their advice and expertise
  • There are some significant differences in researchers’ and librarians’ views of the future role of libraries in supporting research, and there is a need for dialogue between them to ensure that library services and expertise are developed and deployed in the most effective way
  • Collaboration and multi-institutional developments will continue to grow in areas including Virtual Research Environments, and libraries are likely to be involved in many such developments; but they will generate new demands in resourcing and skill sets, and new issues of co-operation and trust between institutions

Deux graphiques révélateurs sur la perception et l'usage du libre accès :

Signalé par Prosper

vendredi 25 mai 2007

Wikipédia : l'attention avant le savoir ?

Je n'ai pas encore eu le temps de terminer ma série de billets sur les économies de Wikipédia, mais JD Zeller (merci à lui) me signale un article dans le dernier numéro de D-Lib Magazine qui illustre de façon spectaculaire mon propos : le croisement, parfois délicat, de différentes économies.

L'article a déjà été commenté par Figoblog et Marlène qui en reprennent l'invitation première : l'utilisation de Wikipédia pour promouvoir des collections numériques dans les bibliothèques. Mais, au delà de cette fonctionnalité évidemment utile pour les acteurs du Web, la proposition éclaire les jeux dans lesquels l'encyclopédie en ligne se trouve prise, nolens volens. L'éclairage est d'autant plus cru que l'on ne peut accuser les auteurs de méchantes manœuvres mercantiles : ce sont des bibliothécaires de bonne foi qui ne cherchent in fine que l'intérêt général.

Using Wikipedia to Extend Digital Collections, Ann M. Lally University of Washington Libraries, Carolyn E. Dunford University of Washington Libraries, D-Lib Magazine, May/June 2007, Volume 13 Number 5/6

Wikipedia referrals to UW Libraries Digital Collections, October 2005 - September 2006

À la vue de ce graphique, on comprend que la proposition va faire des émules. Mais jusqu'à présent la vocation d'une encyclopédie n'était pas d'augmenter la visibilité d'autres publications commerciales ou non. La question alors est de savoir si, une fois de plus, Wikipédia saura trouver la parade à des dérives qui risquent de remettre en cause sa crédibilité. Ici l'économie de l'attention prend le pas sur celle du savoir.

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