Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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jeudi 12 avril 2007

Forces et faiblesses de deux géants (MS vs G)

O. Ezratty propose une analyse stratégique comparée des deux firmes leaders du moment : Microsoft et Google. Deux billets sont en ligne, le premier sur les fondamentaux, le second sur la R&D, un troisième est à venir sur les ressources humaines (actu du 14-04-2007 le troisième billet est ici, lire aussi les commentaires des lecteurs qui apportent des compléments. Un PDF est prévu). Pas de scoop, mais une réflexion fouillée. Rien ne vaut les bons vieux outils du marketing stratégique pour éclairer l'évolution des firmes.

Quelques extraits, juste pour donner envie de lire l'original :

Voici ces points communs que je vais passer en revue, occasion pour vous de découvrir quelques aspects méconnus des deux sociétés :

  • Des vaches à lait et une position dominante… et ce que cela induit dans les comportements.
  • De très bons basiques financiers alimentés par une profitabilité record.
  • Une R&D interne très forte couplée à des acquisitions régulières, avec le rôle d’entrainement pour l’industrie.
  • Une approche croisée entreprise et grand public, gérée avec plus ou moins de bonheur.
  • Une direction multi-céphale bien complémentaire et avec une forte affinité technologique, facteur clé de succès.
  • Une politique de ressources humaines qui les place au dessus de la mêlée.
  • Des relations institutionnelles rendues indispensables du fait de leur poids sur le marché et créées à l’issue de difficultés juridiques diverses.

(..)

C’est dans la nature du revenu que les deux sociétés diffèrent clairement: les sources de revenu de Microsoft sont très diversifiées mais l’essentiel provient de la vente de licences soit directement aux clients, soit par le biais des OEMs (Windows préinstallé dans des PC, ou Windows Mobile dans des mobiles, etc). Google génère l’essentiel de son revenu par de la publicité et n’a pas l’air de vouloir en changer. Ils prévoient surtout de diversifier la source de leurs revenus publicitaires. Le revenu publicitaire de Microsoft est de l’ordre de $2B, soit seulement le cinquième de celui de Google.

mardi 10 avril 2007

Le Washington Post réinventé

Une décoiffante agence japonaise, Information Architects, travaillant sur le design de la presse propose toute une série d'analyses radicales, pas toujours très étayées mais très stimulantes, sur l'avenir des médias. En particulier, on peut y contempler le monument Washington Post, revisité. Le mutant est un journal-wiki. Le design impressionnant par sa parentée avec celui du papier réduit par comparaison le site actuel à un tract brouillon. Les journalistes sont des sortes de chefs d'orchestre. Les "nouvelles" n'existent plus au sens strict car elles sont rapportées par les témoins, etc.

Je ne sais s'il s'agit vraiment de l'avenir de la presse, mais c'est une très belle illustration de la fragilité de son présent.

Repéré par Marketing interactif.

Le mythe de la non-lecture à l'écran

Voici une étude de Poynter faite par oculométrie auprès de 600 lecteurs entre un journal classique, un tabloïd et une lecture à l'écran à lire.. en version abrégée ou complète en pdf, html ou même en diapo ou vidéo.

L'étude confirme, parmi bien d'autres résultats, que l'idée d'une lecture moins attentive et moins longue à l'écran est un mythe, en tous cas dans les conditions, nécessairement un peu artificielles de cette expérience.

Repéré par Mediashift

dimanche 08 avril 2007

Économies de Wikipédia : 2. l'attention

Pour analyser lucidement l'économie de Wikipédia, il est prudent d'en distinguer trois dimensions. Dans ce billet, j'aborde l'une d'entre elles : l'économie de l'attention. Les deux autres sont analysées dans deux billets indépendants. Celui-ci n'épuise donc pas la question, il n'en effleure qu'un seul volet.

L'économie de l'attention, dont l'objectif est de pouvoir modifier à son profit les comportements de consommation, comprend deux séquences interdépendantes : la capacité de capter l'attention du consommateur potentiel, comme pour la publicité commerciale dans les médias ; la capacité de reconnaitre les comportements des consommateurs, traditionnellement dévolue aux enquêtes marketing. Sur chacun, le Web apporte des innovations radicales (voir ici et ). La première a été renouvelée par les moteurs, l'attention étant captée et vendue au moment de la recherche d'information et non plus seulement au moment de la lecture. Pour la seconde, la tracabilité exceptionnelle de l'internet autorise une connaissance des comportements au moins aussi fine que celle des sondages et qui peut s'articuler directement avec l'achat, le Web pouvant être une place de marché. La bataille commerciale du Web, concentrée aujourd'hui sur le Web 2.0, se porte sur ces deux séquences. Pour le moment, un nombre très réduit d'acteurs tire son épingle du jeu, raflant la majorité des revenus. Le plus important d'entre eux est, bien entendu, Google.

Wikipédia, intervenant dans le domaine du savoir, est moins concerné par la seconde séquence. Mais, comme nous allons le voir, se trouve au coeur de la première, alors même qu'il ne participe pas à ses transactions.

Chaque fois qu'un service réussit à attirer un nombre important d'internautes. Il se positionne de fait dans l'économie de l'attention, il s'articule avec d'autres, il crée de la valeur potentielle. Mais il peut aussi détourner à son profit de la valeur crée par d'autres, car l'attention humaine étant limitée son marché agit comme un système de vases communicants, l'attention captée par les uns l'est au détriment de celle captée par les autres. S'il n'est déjà sous contrôle d'une des firmes dominantes, il devient une proie convoitée.

J'ai déjà donné les chiffres sur le succès de Wikipédia auprès des internautes. Le graphique ci-dessous, tiré d'un billet de Hitwise montre l'origine des interrogations sur Wikipédia.

Sans grande surprise, on y retrouve la struture de la recherche sur le Web avec la domination de Google. Mais, le succès explosif de Wikipédia auprès des internautes fait, apprend-on dans le même billet, que l'augmentation de la part de Wikipédia dans le traffic généré par Google a augmenté de 166% (de février 2006 à février 2007) pour atteindre 1,87%. Dit autrement de façon un peu schématique, Wikipédia entre pour un peu moins de 2% dans la création de la valeur d'attention créée par Google. John Battelle a sans doute exprimé le plus brutalement la tension créée par ce succès.

Regardless of posturing, no business likes to send that much traffic to a third party site without some kind of value coming back. Will Wikipedia start running AdWords? Watch this space. I could imagine some kind of approach that drives revenue to the Wikimedia foundation....

Maintenant, si l'on s'intéresse à l'autre versant du traffic, c'est à dire où vont les internautes après avoir consulté Wikipédia, un nouveau billet de Hitwise, consacré au traffic du Royaume-Uni, nous apprend qu'ils se dirigent principalement vers les sites du secteur de l'informatique et de l'internet.

Je cite le billet : The Computers and Internet category is the largest downstream category from Wikipedia, as it includes Search Engines and Net Communities and Chat. Search Engines is an example of a category where there is a clear authority - and that is Google. Nous retrouvons ainsi dans les deux sens du traffic l'articulation avec les mêmes joueurs.

On peut ajouter que Google et Wikipédia ont des vocations sinon similaires, tout du moins comparables ou complémentaires, comme en témoigne leur site respectif. Le moteur proclame : Google a pour mission d'organiser à l'échelle mondiale les informations dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous, tandis que l'encyclopédie souligne : Ce projet est décrit par son cofondateur Jimmy Wales comme « un effort pour créer et distribuer une encyclopédie libre de la meilleure qualité possible à chaque personne sur la terre dans sa langue maternelle ».

Cette parentée explique sans doute, de façon très concrète, la résonnance qui s'est installée entre les deux services. D. Durand, en prenant l'exemple des blogues, propose l'illustration suivante qui mériterait sans doute une base chiffrée mais est stimulante :

  • La blogosphère et la communauté du Web 2.0, toutes 2 en croissance exponentielle, génèrent de mois en mois un nombre de liens toujours plus colossaux vers les pages de Wikipedia. Le Pagerank de ces pages montent en proportion et les amène dorénavant en 1ère page des résultats des résultats organiques de Google: faites l'essai avec un ensemble de noms communs sur Google.com. C'est frappant! Avec Google.fr, cela commence aussi à émerger. Et ensuite, quand on est en 1ère page, on est cliqué d'où le trafic.
  • Le pagerank de ces pages est ce qui se fait de mieux en termes de SEO ("Search Engine Optimizer", Optimiseur de moteur de recherche): il est élevé mais ne vient pas du "vote" de quelques autres pages elles-aussi élevées en termes de PageRank. Il vient plutôt d'une nuée de petites pages. Il est donc très "solide" face à la perte / disparition de certains des liens qui le composent!

De plus, les deux services raisonnent l'un et l'autre comme si le Web constituait un vaste texte. Le moteur calcule directement sur le texte des pages déjà publiées sur le Web, l'encyclopédie interdit dans ses principes la publication de travaux inédits. L'un et l'autre fondent leur existence sur le savoir publié, pour le traiter et le relier par des hyperliens. Néanmoins le raisonnement s'appuie sur des outils et des méthodes fondamentalement différentes. Le premier fait confiance à un algorithme, sans doute quelque peu manuellement redressé en fonction de l'expérience et peut-être d'intérêts particuliers. Le second s'appuie sur une communauté humaine, elle aussi sujette à des tentatives d'influence, qu'il faut encadrer. De façon un peu caricaturale, on pourrait dire un raisonnement de Web sémantique dans un cas versus un Web socio-sémantique (pour reprendre le terme de M. Zacklad) dans l'autre.

Reste à savoir si les deux logiques pourront s'articuler longtemps sans transaction financière. La dynamique collective de Wikipédia a, pour le moment, rendue tabou tout compromis en direction d'une rémunération issue du Web commercial. Les chiffres pourtant auront peut-être raison de ces réticences. Sans même parler du rachat de YouTube (1,6 Mds de USD) qui signifierait une perte d'autonomie sans doute fatale, je rappelle que Google a signé avec MySpace un contrat publicitaire sur trois années de 900 M de USD..

Ainsi notre billet sur l'économie de la cognition insistait sur l'articulation entre Wikipédia et le monde de l'éducation, celui-ci souligne l'appartenance à une autre sphère celle de l'économie de l'attention. Mais, dans l'un et l'autre cas, l'encyclopédie en ligne joue une partition à part, décalée par rapport aux orientations des autres acteurs,

vendredi 06 avril 2007

Audiovisuel : négociations à plusieurs bandes

Il convient d'être prudent dans les analyses quand les enjeux sont forts, le paysage confus et les mouvements rapides. Les négociations sont alors serrées et souvent, comme au billard, les coups à double ou triple bandes, Voici deux illustrations récentes concernant l'audiovisuel sur le Web prises dans l'excellent Ratatium.

L'abandon par Apple et EMI des DRMs a fait couler beaucoup d'encre. Présenté comme une victoire des adversaires des DRMs au nom de la liberté d'écoute, c'est peut-être surtout une consolidation de la position du distributeur Apple, payée au prix fort à EMI.

L'annonce aux US du montage d'un consortium de firmes de la production vidéo traditionnelle pour le lancement d'un portail a été présentée partout comme une offensive anti YouTube,. Il semblerait plutôt qu'il s'agisse d'un partage entre différentes modalités de distribution qu'il faut adapter aux formats de programmes, aux pratiques de visionnement et au marché publicitaire.

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