Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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vendredi 22 septembre 2006

Baidu confirmation du modèle de média

Grâce à F. Pisani, qui signale un article du New-York Times, le 17 sept 2006, sur la place de Baïdu en Chine, je peux actualiser mon précédent billet sur le même sujet.

Les éléments soulignés alors se trouvent confirmés. Tout d'abord la réussite de Baidu qui creuse l'écart comme le montre les graphiques ci-dessous .

Ensuite l'importance de la langue comme protection sur ce marché, citons le NYT :

En 2003, eBay a acheté la plus grande société chinoise d'enchères - et puis a perdu des parts de marché. En 2004 Amazon a acheté la plus grande société chinoise de vente en ligne - et a perdu des parts de marché.

Aujourd'hui la vraie bataille commence. Google, qui a investi 5 millions de $ dans Baidu juste avant l'offre publique de l'année dernière, a vendu ses parts pour un gros 60 millions en juin. Et maintenant, Google réunit une énorme équipe de recherche à Pékin, pas très loin du siège social de Baidu. Mais les analystes disent que ce ne sera pas facile pour Google.

Les commentaires du billet de F. Pisani sont aussi éloquents : on y apprend que Google ne serait pas dominant en Corée (Daum et Naver seraient les moteurs les plus populaires), ni en Russie (Yandex), pays aussi protégés par leur écriture ou la structure de la langue.

Tout ceci me paraît confirmer complètement mes remarques du billet précédent. Le développement de Baidu éclaire la mise en place d'un nouveau média avec ses caractéristiques propres et son ancrage sur un bassin culturel et linguistique. La focalisation des débats occidentaux sur la censure en Chine fait oublier l'observation du terrain. On peut déplorer la censure, mais elle n'est pas différente sur ce média que sur un autre.

vendredi 15 septembre 2006

Réouverture des commentaires

Voilà, j'ai réouvert les commentaires en espérant que les spammeurs fous se soient calmés. Mais comme je vais beaucoup me déplacer, la modération pourra prendre plus de temps que d'habitude.

N'hésitez pas pour autant à réagir, l'expérience montre la grande richesse des apports. Je profite donc du message pour remercier les commentateurs et m'excuser auprès de ceux que je ne retiens pas même quand ils sont sympathiques. Ce blog étant mon blocnotes personnel, je ne garde que les apports utiles, sans chercher ni le buzz, ni une place dans la blogosphère.

mercredi 13 septembre 2006

Livres sur le document numérique

La semaine du document numérique qui se tient à Fribourg la semaine prochaine est l’occasion de la sortie de deux livres. En avant-première, on peut en lire le chapitre introductif sur le site du RTP-DOC :

Document numérique et société, coordonné par Ghislaine Chartron et Évelyne Broudoux, ADBS-éditions

Le document à la lumière du numérique, Roger T. Pédauque, C&F Editions

Un troisième, complémentaire des deux premiers (résultats des ateliers et actions spécifiques du RTP-DOC par leurs responsables), devrait être publié courant octobre : La redocumentarisation du monde, Éditions Cépadues.

Bon nombre des textes de ces ouvrages sont déjà, ou seront prochainement, accessibles sur le site d'archives ouvertes ArchiveSic ou sur celui du RTP-DOC. Mais pour avoir suivi de très près l'élaboration de ceux qui constituent le deuxième livre et, maintenant, manipuler le codex qui les contient, je puis confirmer que l'expérience de lecture et, par conséquence, la connaissance que l'on en retire, sont bien différentes selon les supports. On a beau le savoir, c'est toujours une surprise.

dimanche 10 septembre 2006

Longue traîne et bibliothèques

D. Durand vient de publier une excellente synthèse critique du livre de Chris Anderson The Long Tail. L'auteur, lui-même, dans son blog signale plusieurs études universitaires qui reprennent, discutent et développent sa proposition, confirmant la remarque de D. Durand :

.. il va à mon avis rester comme l'un des livres "business" forts de ces prochaines années ! Il décrit en effet un phénomène appelé à se généraliser (industries et géographie) et à fortement modifier l'économie des sociétés ainsi que la vie des citoyens si son ampleur se confirme.

L'article initial publié dans Wired, qui a été développé en livre après discussions sur le blog de l'auteur, a été traduit en français par InternetActu. J'imagine que la traduction du livre lui-même ne saurait tarder.

Citons le résumé de la thèse fondamentale, tel que le propose D. Durand. Tout est dans la courbe :

''En mathématique, la longue traîne est une loi de puissance: la demande pour un produit est une fonction exponentielle décroissante du rang de classement de ce produit dans la demande globale. Sous forme graphique, cela donne:

Cette courbe descend donc de manière asymptotique vers le zéro sans jamais le toucher. L'objectif des sociétés basées sur cette Longue Traîne comme Amazon est de monétiser (avec des profits…) la zone de demande où celle-ci est tellement faible qu'aucune rentabilité ne pouvait être envisagée avant l'Internet (i.e le côté droit de la courbe ci-dessus).''

Pour nous, il faut souligner deux points essentiels pour éclairer les bouleversements actuels de l'économie du document :

- La courbe n'est pas une nouveauté pour les bibliothécaires (loi de Bradford), ni pour les sciences de l'information (lois de Lotka et de Zipf). Ce qui est nouveau, c'est qu'elle est maintenant reconnue comme une loi de distribution fondamentale sur le Web, et, pour la partie développée par C. Anderson, qu'elle trouve un débouché économique du fait de la chute dans certains domaines des coûts de transaction. Les conséquences sont très nombreuses dans l'économie du document. C'est une des clés de lecture des conséquences du numérique sur toutes les branches de l'industrie de la culture et de l'information.

- Les bibliothèques se justifiaient d'un point de vue économique parce qu'il était nécessaire de mutualiser les coûts de transaction pour ne pas perdre l'apport des documents peu demandés et pourtant peut-être fondamentaux pour l'avenir. La possibilité de faire des affaires avec la longue traîne bouscule le monopole du modèle de la bibliothèque sur ce terrain. Roger, dans ses discussions, a développé cette question. C'est aussi donc une clé de la fragilisation du modèle bibliothéconomique et de la nécessité à réfléchir à une alternative.

Mais, il ne faut pour autant oublier la partie gauche de la courbe (c'est-à-dire la concentration de l'attention et donc des ventes sur un nombre réduit d'items) qui, évidemment, reste un des piliers fondamentaux de l'organisation économique du document.

samedi 09 septembre 2006

Algorithmes et réseaux sociaux, STIC et SHS

TechCrunch relate deux polémiques qui ont éclaté récemment aux US à propos de services Web 2.0 et me semblent très illustratrices de questions socio-techniques posées aujourd'hui dans le Web2.0 :

- La première concerne le service Facebook qui permet de se présenter, donner ses goûts, faire des liens avec la présentation de ses amis etc. Son objectif est de faciliter, de trouver ou retrouver des relations.. Il semble très utilisé par les étudiants. La polémique s'est développée suite à une nouvelle fonctionnalité qui actualisait automatiquement les mises à jour sur le profil des amis. Cette fonctionnalité a été perçue comme une atteinte à la vie privée. Notons que rien n'était changé dans la politique sur les données privées, simplement la visibilité et la rapidité d'accès à des données déjà accessibles avaient été améliorées. Mais le changement semble avoir trop bousculé la "viscosité" des relations sociales qui s'étaient installées dans le service.

- La seconde concerne Digg, sorte de revue de presse dont les informations sont classées par le vote des utilisateurs, et rappelle les débats incessants qui entourent Wikipédia etde bien plus vieux débats sur les "gatekeepers". La question est de savoir si des groupes organisés peuvent manipuler le classement ;

De plus en plus clairement, les problématiques touchent la coïncidence ou non de l'organisation algoritmique et l'organisation sociale, ou, pour l'analyse, des relations entre les Sciences et techniques de l'information et de la communication (STIC en France) et les Sciences humaines et sociales (SHS), ou plus généralement du monde de la technique et de celui des humanités. Une des questions posées est la temporalité différente du technique et du social qui rend délicate l'adaptation. Dans certains cas, le technique (il faut comprendre ce terme comme la fonctionnalisation par les ingénieurs du social qu'ils imaginent) est plus rapide que le social qu'il "viole" en quelque sorte (première polémique), dans d'autres les différences de vitesse sont inversées (seconde polémique).

Les exemples ici concernent le temps court. Mais les difficultés sont aussi sérieuses dans les temps longs. Les investissements lourds dans les technologies se programment sur plusieurs années, voir une décennie. Les changements sociaux ont aussi de fortes inerties. De ce point de vue, la courbe du cycle de vie des innovations est toujours très parlante.

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