Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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vendredi 25 août 2006

Vidéo en ligne, ni moteur, ni TV

L'Atelier propose une intéressante synthèse sur l'explosion de la vidéo en ligne. Extrait :

''2,5 milliards de vidéos ont été regardées en juin sur YouTube

- 65 000 nouveaux documents vidéo ont été téléchargés sur le serveur de YouTube en juin dernier

- 100 minutes : c'est le temps que passe les internautes américains chaque mois à regarder de la vidéo

- 77% des bloggers américains ont déjà mis en ligne leurs créations comme la vidéo''

Je retiens essentiellement deux points :

1) L'explosion est portée par YouTube, MySpace et les blogs. La télévision n'est pas concernée, sinon que le temps passé à regarder ces vidéos est au détriment de celui passé devant le petit écran traditionnel. Les moteurs n'arrivent pas non plus à prendre position sur cette activité, malgré leurs tentatives de diversification. Il s'agit semble-t-il d'autre chose, d'un autre métier, plus proche des loisirs familiaux avec les découpages liés à leur cycle : évènements (mariage, naissance.., adolescence, découvertes, vacances..). Et aussi la redéfinition des relations : familles éclatées, recomposées, mondialisées..

2) Le modèle économique se cherche, même si les responsables de YouTube disent qu'ils seront rentables à la fin de l'année, cela laisse dubitatif D. Durand, notamment à cause des coûts de la bande passante. Et même si Google et MySpace ont signé un accord pour la régie publicitaire, on peut rester encore prudent en l'absence d'une réelle transparence des chiffres du côté de News-Corp, propriétaire du second.

J'en conclus que c'est peut-être encore une nouvelle forme de média qui se cherche.

mardi 22 août 2006

W3C, standardisation et sociétés

Le consortium W3C est une étrange organisation. Fondée par Tim Berners-Lee en 1994. Son objectif affiché est d'optimiser le Web. Ses missions sont généreuses. Pratiquement cela passe par des groupes de travail spécialisés qui élaborent des spécifications pour permettre un développement du Web dans le sens d'une interopérabilité maximum.

Il a défini progressivement très précisément ses règles de fonctionnement. On trouvera ici la version française du document dit « de processus », un peu l'équivalent des statuts d'une association. Parmi ses originalités, il fonctionne au consensus.

En fait, malgré sa transparence affichée, il reste opaque et difficile à analyser d'un point de vue économique. En effet, on peut repérer ses membres, les thèmes des groupes de travail, on peut suivre même nombre de discussions. Mais pour en pervevoir les enjeux économiques, il faudrait à la fois être expert pointu du domaine concerné, connaître les positions et stratégies des firmes intéressées par les développements sur le moyen terme, repérer les prises de position et les représentants des différents courants. Cela est d'autant plus difficile que les motivations sont largement entremélées, comme souvent dans le Web, entre d'un côté le messianisme de l'expert et l'intéressement matériel de l'industriel de l'autre.

Pourtant, clairement les conséquences des résultats des travaux du consortium sont d'importance pour l'économie du document numérique. La montée de plusieurs controverses récentes au sein du consortium, en particulier entre les propositions de ceux qui travaillent sur les mobiles et les tenants du Web traditionnel, permet de lever un coin du voile.

Le billet d'un des développeurs de Mozilla, David Baron, qui analyse la controverse est tout à fait instructif. En voici quelques extraits significatifs pour notre propos :

''The first thing to understand about the W3C is that it is a consortium. Over 400 companies pay the W3C to be members of the W3C, which allows them to participate in many W3C activities. The W3C then has over sixty technical employees who work on the things that the members are paying for.

The first thing that might surprise readers here is that there are over 400 member companies. Web developers might wonder if there are that many companies that make browsers or authoring tools? Or if there are a lot of medium size Web design companies in the membership? Neither is actually the case. And that should give a pretty clear explanation of what Molly Holzschlag called the W3C's “frightening disregard for the real needs of the workaday Web world.” If most of the member companies are paying the W3C to work on other things, then the W3C will probably end up working on other things.''

Et il poursuit :

''"Follow the money" is often given as a good way to figure out motive. Why would companies want to be members of W3C? Because it helps their business. For example:

  • A company that develops authoring tools might want to build a W3C format that their authoring tools can produce in the hopes that Web browsers will implement that format and authors will buy their tools (especially if the format is hard to write by hand). Likewise for a company that sells consulting services. Once the format is developed such companies might want to use the W3C to force Web browsers to implement the format.
  • A large company (or group of companies) that uses Web technologies as part of their business, but not on the Web, might want to influence standards to make the technologies more useful for their use so that they can use off-the-shelf Web software in their business.
  • A reasonably competitive industry, like the industry of software providers for cell phones, where a significant number of companies write software for a number of cell phone companies, might need a forum for standardization of what technologies are used by cellular carriers to send content to cell phones. The W3C is one of the standards development organizations competing for this (rather significant) standardization business, and some working groups that I've interacted with seem dominated by companies in the mobile industry.
  • A company that has a business closely tied to the success of the Web (and I'd only put some browser makers, and only a handful of other W3C members that I've interacted with, in this category) might be interested in improving the experience of users or authors on the Web. The business interests of browser makers aren't necessarily aligned with making the Web better for users or authors. Some have alternative technologies that compete with the Web, some promote the implementations of standards used in their browsers for purposes other than the Web (with competing requirements), and some might have business interests aligned only with users, or only with authors (although I can't think of any browser makers in this last group).''

Il conclut sur l'idée qu'il faille accepter que le W3C devienne une organisation plus large que celle qui privilegiait une seule voie d'interopérabilité, autrement dit un standard pour le Web.

Repéré par Standblog

dimanche 20 août 2006

Inventaire des mesures européennes affectant les médias

La Commission européenne a publié en juillet 2006 un inventaire des mesures prises par l'Union dans le secteur des médias, sous forme d'un tableau de 22 pages comprenant le service concerné, le statut du document, définitif ou non, la question traitée et le secteur concerné, le tout relié aux sources. Une mine.. qu'il reste à exploiter.

US/UE, interrogation sur les revenus de l'édition en ligne

La Commission européenne a lancé une consultation en septembre 2005 sur le secteur de l'édition en Europe (présentation de l'ensemble de la démarche, document de travail de la Commission de 31 pages + annexes, consultation avec 35 réactions). Même si bien des éléments sont des confirmations plus que des nouveautés pour qui connait le secteur, il s'agit d'un matériau très utile pour un chercheur notamment grâce aux chiffres fournis. À l'évidence les thèses de demain ne ressembleront plus à celles de ma jeunesse !

Extrait du résumé de la présentation :

''Le secteur de l'édition tel qu'il est défini par la Commission dans son document de travail comprend quatre secteurs :

  • Journaux (37% de la production)
  • Magazines et revues (32%)
  • Livres (25%)
  • Annuaires et bases de données (6%)

Les médias en ligne, malgré leur importance croissante, ne font pas partie de la réglementation de la Commission dans le domaine de l'édition.

Voici en quelques chiffres ce que représente le secteur de l'édition :

  • 0,5% du PIB
  • 121 milliards d'euros de production annuelle
  • une valeur ajoutée de 43 milliards d'euros dans la seule Europe des 15
  • 750 000 emplois dont 64 000 dans les maisons d'édition et 50 000 dans d'autres entreprises, des PME pour la plupart.

Ces chiffres, aussi élevés qu'ils puissent paraître, sont en baisse constante, et ce essentiellement en raison d'habitudes changeantes et de la concurrence exercée par Internet.''

Si on creuse cette dernière affirmation, j'ai été surtout frappé par deux éléments aux conséquences opposées :

1) La différence inattendue de l'exportation comparée UE et US, due notamment au secteur des revues scientifiques. En 2002, le poids de l'exportation de biens publiés par l'UE représentait 5,077 Millions d'Euros, ce qui est cinq fois plus élevé que celle des États-Unis (p. 16 du rapport)

2) La différence des revenus de l'internet inversée : La principale part des profits réalisés grâce au contenu électronique dans le monde est faite aux Etats-Unis. Même lorsque des citoyens européens cherchent du contenu produit en Europe, ils utilisent des moteurs de recherche et non des portails d'information. Tous les moteurs de recherche les plus utilisés, comme Google, Yahoo!, MSN search et Altavista, sont situés aux Etats-Unis, et les profits qu'ils réalisent grâce à des publicités en relation au contenu sont le revenu le plus important réalisé en ligne. (extrait de la présentation)

Ces éléments peuvent nuancer ou éclairer les réflexions en cours sur les modèles d'édition, les polémiques sur les droits d'auteur et le mouvement pour le libre accès dans la science. C'est un peu comme si le vieux continent était le champion du modèle traditionnel, tandis que le nouveau voulait s'imposer par l'innovation.

Mais ce qui est vrai dans l'édition, ne l'est pas dans l'audio-visuel où, logiquement, les positions sont bien différentes.

vendredi 18 août 2006

Troisième paradoxe : les hommes lisent pendant que les machines calculent

J'ai déjà eu l'occasion de signaler deux paradoxes qui fondent à mon sens l'économie du document numérique. Le premier (cité ici) confronte bien public et marchandise, le second conversation et trace.

On peut en repérer un troisième, qui expose le caractère textuel et linéaire d’un document traditionnel, ou même la perception globale d'une image, aux compétences calculatoires de l’informatique. Je le rédigerais ainsi :

Le Web facilite conjointement la lecture linéaire de documents par le plus grand nombre de personnes et leur traitement sous forme de données discrètes par le plus grand nombre de machines.

Les hommes lisent, les machines calculent.

Les moteurs de recherche se sont construits sur ce paradoxe. Aujourd’hui de très importants efforts de recherche et de normalisation sont réalisés dans ce qu’il est convenu d’appeler, à la suite de Tim Berners-Lee, le « Web sémantique », qui exploite cette caractéristique en utilisant les capacités de calcul des machines interconnectées, individuelles ou institutionnelles.

Demain, bases de données, la littérature scientifique, laboratoires seront reliés par des logiciels autorisant toutes sortes de traitement. Aussi nous ne sommes sans doute qu’au tout début de ce que certains appellent déjà l’e-science. Mais aujourd'hui déjà pour le grand public la cartographie numérique, depuis Google-earth jusqu'aux GPS, est une bonne illustration d'une spectaculaire résolution du paradoxe.

Ces trois paradoxes concernent la diffusion (premier), l'enregistrement (deuxième), et le traitement (troisième), de quoi dynamiser un média..

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