Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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Recherche - attention

mercredi 12 mars 2008

Données privées : le débat décalé

Le New York Times a fait réaliser une intéressante étude par Comscore sur le nombre de données récoltées sur le comportement des internautes par différentes compagnies. Le tout est résumé dans le tableau ci-dessous.

Story Louise, To Aim Ads, Web Is Keeping Closer Eye on You, New-York Times, 10 Mars 2008. Html

La majorité des commentateurs et un certain nombre de politiques des deux côtés de l'Atlantique s'inquiètent de cette récolte de données pour la protection de la vie privée des internautes, face à des velléités de contrôles politique ou commercial. Sans minimiser ces risques et leur gravité ponctuelle, je pense que l'essentiel est ailleurs et que ces risques là relèvent plus d'une maladie infantile du média. Pour bien le comprendre, il est utile de comparer les pratiques des anciens médias et du nouveau.

La radio et la télévision s'intéressent depuis longtemps aux comportements des auditeurs et téléspectateurs. L'objectif est double : construire une grille de programmes permettant de réunir le plus grand nombre de personnes ; vendre l'attention captée à des annonceurs. Il est essentiel de constater que si ces deux objectifs sont évidemment liés, la liaison n'est pas bijective. Le second dépend du premier, mais le premier est indépendant du second. Une radio ou une télévision non-commerciale doit néanmoins réunir un auditoire et s'intéresser donc au comportement de celui-ci. Et, par ailleurs, les annonceurs, clients des médias, sont friands de données fines sur les comportements, réalisés par des consultants de marketing, données qui sont d'une importance secondaire pour les programmateurs. Les principaux acteurs du Web-média s'intéressent au comportement des internautes pour les deux mêmes raisons : pour améliorer l'efficacité de leurs outils (voir ici) et pour vendre de l'attention aux annonceurs. De la même façon, la relation entre les deux objectifs n'est pas bijective et bien éloignée d'un souci de contrôle des comportements. La différence avec les médias traditionnels vient du fait que le Web-média a accès directement à des données comportementales et peut être tenté de s'en servir comme un consultant de marketing. C'est le jeu que Facebook a essayé de jouer. Je ne suis pas sûr qu'il ne soit pas voué à l'échec, car en cette matière quand l'observateur est en même temps acteur, il fausse le jeu.

Mais, extrait de l'article du NYT (trad JMS) : Les principaux réseaux de télévision et firmes de presse «ne sont même pas dans dans la même catégorie» a déclaré Linda Abraham, une des vice-présidentes exécutives de Comscore. «Ils ne peuvent réellement jouer sur ce terrain». Les chiffres sont frappants, les médias anciens ne recueillent pas directement les données comportementales. Il y a deux raisons. La première tient au fait qu'il s'agit de médias de diffusion et non d'accès (voir ) et qu'en passant sur le Web ils n'ont pas encore vraiment changé leur tradition. Les médias d'accès sont, par nature, calés sur le comportement de leurs lecteurs puisque leur vocation est d'accompagner et faciliter leurs actions.

La seconde raison est aussi d'importance. Les données, pour les médias traditionnels, ne sont pas recueillies par le média lui-même, mais par un tiers de confiance (Médiamétrie en France, Nielson aux US). C'est ce tiers qui fournit l'étalon permettant la réalisation d'un prix de marché des annonces. Cet étage là n'existe pas, pas encore, dans le Web-média, même si des firmes justement comme Comscore ambitionnent de prendre cette place. Compte-tenu de la spécificité du Web-média, il n'est pas sûr que ces données puissent être partagées. Mais alors on peut se demander si le Web-média peut dépasser une structure oligopolistique ou si un prix de marché peut s'y construire raisonnablement.

Repéré par un article du Monde, qui commente celui du NYT ici.

Actu 17 mars 2008 Voir aussi ce vieux billet : Comment Google collecte vos données personnelles : cartographie des services Google, Par Youri REGNIER, vendredi 8 juin 2007 ici

samedi 01 mars 2008

Reed-Elsevier, l'autre modèle d'affaires

À force d'insister sur Google et les revenus publicitaires, on finit par oublier qu'il existe d'autres modèles d'affaires florissants sur l'édition en ligne. Reed-Elsevier, premier éditeur mondial (voir ici), a depuis longtemps montré l'intérêt commercial de certains créneaux, comme celui de l'édition de revues internationales en sciences, techniques et médecine, par la vente de licenses aux bibliothèques. Il y a acquis une position dominante, maîtrisant les prix malgré les efforts des bibliothécaires pour rééquilibrer les négociations en leur faveur. Reed-Elsevier vient d'annoncer, une nouvelle fois, de confortables résultats pour l'année 2007 avec 6,7 Mds d'Euros de chiffre d'affaires (et non M d'Euros, comme écrit par mégarde dans une version antérieure du billet..).

Reed Elsevier 2007 Preliminary Results, Communiqué, 21 Février 2008 (Html)

Le discours de son président mérite d'être lu, car il donne des indications sur la façon dont le groupe envisage l'avenir de la branche. Extraits (trad JMS) :

Nous avons fait d'importants progrès l'année dernière. L'investissement sur notre croissance en ligne et sur la stratégie vers les solutions de workflow a permis d'accroitre fortement nos revenus. (..). Avec nos initiatives sur la réduction des coûts, cela explique l'augmentation de notre marge et la forte performance de nos gains. La baisse du dollar US produit quelques ombres sur nos bénéfices en livres sterling ou euros, mais la puissance de la croissance qu'il y a derrière est très encourageante puisque 2007 représente la meilleure performance de croissance des bénéfices des dix dernières années à change constant.

La vente de Harcourt Education (JMS : éditeur scolaire) rend notre modèle d'affaires plus cohérent, complémentaire et plus en synergie et aujoud'hui nous annonçons une étape supplémentaire avec le projet de nous séparer de Reed Business Information ("RBI", JMS : magasines). RBI est une activité de grande qualité et bien gérée, comme le prouve le succès de sa croissance en ligne et le contrôle de ses coûts. Son modèle publicitaire et son caractère cyclique correspondent moins bien cependant avec celui de l'information sur abonnement et des solutions de workflow sur lesquelles Reed-Elsevier souhaite mettre l'accent.

L'évolution vers un portefeuille plus cohérent nous donne l'occasion d'accélérer nos progrès dans la consolidation et la rationalisation de nos technologies, activités et supports du back-office. Ce faisant Reed-Elsevier devient une société mieux intégrée, économisant d'importants frais de structure. (..)

Le rachat de ChoicePoint constitue une étape supplémentaire importante de notre implication dans le créneau de la gestion des risques et dans le développement de la stratégie des solutions de workflow en ligne de Reed Elsevier. (..)

Une stratégie à méditer, bien loin du Web 2.0 qui monopolise l'attention, même contre le Web 2.0 si l'on considère que le mouvement pour l'accès libre dans la science a préfiguré celui-là.

Repéré via Prosper.

Actu du 15 mars 2008 Voir aussi les comptes de Wolters Kluwer (Pdf) repérés et commentés sur Par delà.

mardi 12 février 2008

Google est un média

Je confirme une affirmation déjà souvent proclamée ici avec un argument financier. Juste en comparant quelques chiffres des comptes de Google des années 2005, 2006, 2007, on peut voir se construire petit à petit, en effet, l'économie d'un média autonome.

Je passe sur la croissance globale, impressionnante, même si la bourse en réclame toujours plus. Mais deux séries de chiffres sont très significatives :

  • La troisième ligne. La publicité fait toujours la quasi-totalité du revenu de la firme et il est peu probable que cela change maintenant. Les analystes qui comparent Microsoft et Google, comparent en réalité des firmes qui sont sur des marchés séparés, même si la seconde voudrait bien profiter de celui de la première. Autrement dit, Microsoft cherche à se diversifier, mais Google cherche, lui, à consolider sa position dominante de média.
  • La première ligne. On voit très clairement le centrage progressif sur l'activité interne, qui passe de 55 à 64%. Ainsi l'hyperactivité de Google ne doit pas faire illusion, elle est centripète. Le mariage de Adwords et du moteur est le coeur de l'activité. Le premier revend l'attention construite par le second. L'un et l'autre fonctionnent sur le même modèle : un calcul statistique entre les mots et les hits.

Sources informations financières de Google : Google Announces Fourth Quarter And Fiscal Year 2006 Results (ici) ; Google Announces Fourth Quarter And Fiscal Year 2007 Results ()

mardi 05 février 2008

Culture documentaire ou médiatique

La discussion initiée par un billet précédent sur deux rapport sur les pratiques de lecture et de navigation des jeunes (ici) a rebondi de façon passionnante sur deux autres blogues. Celui de Virginie Clayssen (ici) et celui d'André Gunthert ().

Je reproduis ci-dessous des extraits d'un commentaire d'Alain Pierrot sur le billet de Virginie, car il touche de front les problématiques développées sur ce blogue :

Mais la discussion me paraît comporter un autre aspect, celui de la documentation, avec deux aspects : son accessibilité et son statut pour le savoir. Le problème n’est plus alors celui de la lecture, mais celui de la définition de ce qu’est un document — Roger Pédauque écrit là-dessus de manière pertinente et originale —, et de son “sens” pour l’utilisateur. (..)

De mon point de vue, la croyance en l’universalité et la globalité de la documentation accessible sur écran (Google, Wikipedia, …) est très analogue à la confiance initiale conférée aux outils de référence traditionnels. L’important est de savoir quand il est pertinent de démystifier cette confiance, d’en donner les moyens, de capter l’attention des intéressés et de leur donner le temps nécessaire pour une démarche de “savoir”. Je ne vois pas là de rupture majeure dans l’irruption du numérique.

Les réflexions d’André Gunthert me paraissent identifier des phénomènes intéressants, impliquant de nouveaux statuts de documents, mal décrits ou inexistants avant l’extension du virtuel : son analyse des vidéos “brutes” postées sur YouTube comme des “photos étendues” plus pour une assertion d’existence que comme une création de document (un discours construit) interroge sur le document de création à côté du document “d’expression”.

Alain pointe là, je crois, une dimension fondamentale pour comprendre les pratiques actuelles. Mais elle se double d'une dimension médiatique qui se porte sur l'attention, sa captation, sa focalisation, qui débouche sur l'appropriation du média par une génération entière (voir à ce sujet l'émission de PBS ici).. un des aspects du problème vient du fait que l'économie du Web est portée pour le moment par cette économie marchande de l'attention. À la lecture de Alain Pierrot, je me demande si cette dernière est vraiment compatible avec une organisation documentaire.

Quoi qu'il en soit, je crois que collectivement nous avançons, ce qui est déjà une aventure bien réjouissante.

samedi 02 février 2008

Éco-doc : révision séquence 3

Voici donc la suite des réflexions sur le cours sur l'économie du document, prévu à l'automne à distance (Plan et explications ici).

Cette séquence donne une seconde clé pour comprendre l'évolution actuelle, clé différente mais complémentaire de la précédente toujours à partir d'un éclairage issu de l'économie industrielle. Ici ce n'est plus le contenant qui domine, mais bien le contenu. Il s'agit ici de comprendre comment l'économie de la publication fonctionne.

Il faut tout d'abord repérer que la valeur peut être créée aussi bien à partir de la production des messages qu'à partir de leur consommation et donc que des activités de médiation peuvent s'organiser tant du côté de la diffusion que de celui de l'accès (voir ici). Une fois ce constat fait, on peut montrer que cette activité s'est progressivement organisée en modèles industriels ou quasi-industriels à partir des éléments de bases que sont la reproduction de l'écriture, le spectacle vivant et la préservation de la mémoire. Quatre modèles (édition, presse, radio-télévision), auxquels vient de s'ajouter un cinquième (web-média) construisent une déclinaison de l'offre de contenu selon un rapport au temps, à l'espace et à la transaction différents, mais formant un continuum et des ruptures au point que l'on peut les représenter sur un pentagone (voir notamment ).

Enfin la séquence se conclut par une présentation de l'évolution des pratiques de consommation de contenu qui tient compte des effets de génération et d'âge (entre autres ici). Cette conclusion s'appuie aussi bien sur les apports de cette séquence que ceux de la séquence précédente, notamment sur les cycles courts ou long des industries (par ex ).

Cette séquence qui représente (avec celle à venir sur la redocumentarisation) le cœur du sujet du cours ne contient pas pour moi de défi particulier. Elle introduit les séquences suivantes qui illustrent chacun des modèles. Les étudiants ont déjà été bien familiarisés avec le sujet par les deux premières séquences et aussi par le démarrage de leurs travaux sur les dossiers. Aussi les éléments évoqués entrent souvent en résonance avec leurs interrogations.

Il est prévu à ce stade un rendu intermédiaire des étudiants d'une ou deux pages avec le plan provisoire du dossier, la référence des 4 ou 5 textes importants permettant de répondre à la question, le nom d'au moins une personne ressource à interroger et les éventuels questionnements encore en suspens. Ce rendu n'est pas noté. Il sert seulement à vérifier que le travail s'engage sous de bons auspices, à fournir quelques suggestions ou à suggérer quelques modifications. Une question se pose dans la version à distance : ce dialogue se fera nécessairement par messagerie ; faut-il l'envisager par courriel individuel ou sur le forum ?

De plus, je commence à insister sur l'importance des commentaires sur le blogue.


Séquence 3 : Les modèles et leur industrialisation

Objectif général

À la fin de la séquence l'étudiant(e) devrait connaitre :

  1. Les différences entre une économie de la diffusion et une économie de l'accès et leurs possibles valorisations.
  2. Les cinq principaux modèles industriels des industries de l'information et leurs caractéristiques principales.
  3. L'évolution des pratiques des usagers selon l'âge et les générations.

Objectif spécifique

À la fin de la séquence l'étudiant(e) devrait être capable de :

  1. Repérer dans des situations simples de l'économie des médias, les différents éléments présentés.
  2. Interpréter sommairement l'actualité économique des principaux médias par rapport à la logique des modèles présentés.

Contenu de la séquence (base à réviser)

  • Économie de l'espace public
    • Communication adressée vs communication flottante
    • Diffusion (biens) vs accès (services)
    • Vente d'objets, d'accès ou d'attention
  • L'organisation en modèles
    • Les modèles artisanaux et leur déclinaison
      • Diffusion : édition, spectacle, télévision
      • Accès : bibliothèque, web-média
    • Le pentagone de l’industrie de la publication
      • Les cinq modèles industriels
      • Continuité et ruptures
      • Convergence ou résonances
  • Modèles et pratiques générationnelles
    • Âge et génération
    • Audiovisuel, numérique et servicialisation

Évaluation

L'évaluation de cette séquence se réalisera par celle de la partie du dossier de l'étudiant qui s'y réfère.

Bibliographie (à venir)

- page 18 de 27 -