Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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Recherche - redocumentarisation

vendredi 25 avril 2008

Le contenu n'est (décidément) pas le roi

Dans un article célèbre A. Odlyzko a montré que les industries du contenant ont toujours dans l'histoire présidé à celles du contenu.

Odlyzko Andrew, Content is Not King, First Monday, volume 6, number 2 (February 2001), ici

Mathématicien et économiste chez Bell, A. Odlyzko reflétait sans doute aussi le point de vue de son employeur. Mais l'actualité de cette fin de premier trimestre 2008 lui donne une nouvelle fois raison de façon spectaculaire, et on peut penser que nous sommes à la veille d'une révision radicale des modalités de financement d'une industrie du contenu, dont le rempart du droit d'auteur paraît aujourd'hui dérisoire et décalé par rapport au quotidien du fonctionnement des réseaux numériques.

D'un côté les industries de l'accès, financées par une publicité renouvelée, tiennent le haut du pavé (voir Google ici). Ironie de l'histoire, les plus anciennes industries du contenu profitent de la situation pour développer des services qui ignorent la rémunération des sources (Elsevier ou encore, plus anecdotique mais symbolique, Bertelsmann ). Mais celles de la musique, ou de la presse quotidienne prise en ciseau (voir ), souffrent.

De l'autre, un autre champion aux États-Unis de ce premier trimestre pourtant bien morose pour la bourse est Apple (voir sur La Tribune ici, communiqué de la firme ). La rentabilité de la Pomme repose essentiellement sur la vente de matériel. Mieux, son magasin de musique, iTunes est une réussite extraordinaire dans ses moments de dépression pour l'industrie musicale. Il est devenu le premier magasin aux US et son chiffre d'affaires égalera bientôt celui de la Warner Music. Pourtant, il a une rentabilité bien moindre que la vente de matériel pour Apple.. sans doute parce qu'il faut ici partager les recettes avec des ayant-droits. De fait, iTunes permet surtout de vendre des iPods, dont le succès par effet de halo ou par des produits-joints participe à la vente des autres matériels. Sur la stratégie du iPod, voir :

How Apple Is Preparing for an iPod Slump, Saul Hansell, Bits, New-York Times, 23 avril 2008. ici

Alors que faut-il en penser ? Tout d'abord que A. Odlyzko avait raison quand il concluait son article en disant (trad JMS) :

Le contenu n'a jamais été le roi, il n'est pas le roi aujourd'hui, et il est peu probable qu'il le soit un jour. L'internet s'est très bien débrouillé sans contenu, et peut continuer à prospérer sans lui. Le contenu aura une place sur l'internet, peut-être une place substantielle. Cependant cette place restera probablement subordonnée à celle du monde des affaires et des communications interpersonnelles.

Ensuite, qu'il serait important pour le domaine documentaire de faire la différence entre :

  • un processus de constitution d'un Web-média, pour lequel il faudra tôt ou tard trouver un moyen de rétribuer les producteurs de contenus, même si ces derniers y ont une place moindre que dans les modèles de diffusion traditionnels du fait de l'exploitation des archives et des écritures spontanées.
  • un processus de redocumentarisation, beaucoup plus large qui déstabilise notre rapport ancien aux documents, à la preuve et aux savoirs. Dans ce processus, la rétribution du contenu n'est pas vraiment la question essentielle. Mais les industries du contenant sont au coeur.

vendredi 11 avril 2008

Une explication de la popularité de Google

Voilà un article qui risque d'intéresser du monde, depuis ceux qui travaillent sur le traitement automatique de la langue jusqu'à ceux qui analysent les avantages concurrentiels en passant par les professionnels de la redocumentarisation ;-).

The Retrieval Effectiveness of Web Search Engines: Considering Results Descriptions, Dirk Lewandowski, Pre-print d'un article à paraître dans Journal of Documentation, Pdf, repéré par Marc Duval ici.

Il s'agit d'une étude classique des performances de différents moteurs en Allemagne à partir de la pertinence des résultats notés par un groupe de testeurs. Au final, les deux principaux moteurs, Yahoo! et Google arrivent pratiquement à égalité pour la pertinence des résultats. Mais, extrait de la conclusion (trad JMS) :

Alors pourquoi les internautes préfèrent Google ? Il peut y avoir de nombreuses raisons, mais nous pensons par cette enquête pouvoir en ajouter une, jusqu'ici négligée : la description des résultats. Là, il y a une différence considérable entre Google et Yahoo!. Google propose de loin le plus grand nombre (et le plus grand ratio) de descriptions pertinentes. Pourtant, il est intéressant de remarquer que Google n'utilise pas des outils vraiment différents de ses concurrents (tous les moteurs utilisent KWIC, pour la plupart des situations), mais il semble que l'identification des parties pertinentes du document utilisées pour la description fonctionne mieux pour ce moteur.

jeudi 20 mars 2008

Redocumentarisation, documentation, conversation..

Voici deux publications sur la redocumentarisation, la première pour un dossier sur le marketing des services documentaire, la seconde pour un colloque sur l'analyse des données textuelles. L'objectif était chaque fois de montrer combien ces domaines d'expertises sont renouvelés par le numérique. Rien sans doute de très nouveau pour les lecteurs assidus de ce blogue.

  • Salaün, Jean-Michel. 2008. Le défi du numérique : redonner sa place à la fonction documentaire. Documentaliste-Sciences de l'information, no 1 : 36-39. ici

L’ère numérique bouscule le secteur de l’information et de la documentation en induisant un renouvellement des services et en rendant nécessaire, face au chaos informationnel, le mouvement de « redocumentarisation ». Jean-Michel Salaün décrit ce nouveau contexte et en détaille les mutations et leurs conséquences sur les missions, le positionnement, l’offre et les modes de fonctionnement des services d’information documentaire.

  • Salaün, Jean-Michel. 2008. Web, texte, conversation et redocumentarisation. In Actes des 9èmes journées internationales d'analyse statistique des données textuelles. Lyon, 12-14 mars 2008. Presses universitaires de Lyon. 27-30.

Les moteurs de recherche utilisent principalement des outils linguistiques et statistiques et considèrent implicitement la toile comme le vaste texte d’une conversation mondiale et ininterrompue. Le Web remet en cause l’ordre documentaire comme un nouveau média s’installant sans ménagement parmi les anciens. Un processus de redocumentarisation est en cours. Les linguistes dans leurs travaux s’appuient généralement sur l’ordre documentaire ancien, même avec des outils nouveaux. Ils ont pourtant une responsabilité particulière pour définir ce nouvel ordre.

vendredi 15 février 2008

Dossier médical : redocumentarisation et modernité

Le dossier médical électronique (DME) est exemplaire des thématiques reliant redocumentarisation et nouvelle modernité. Le site Euractive qui popularise le travail de l'Union européenne propose une excellente synthèse sur le sujet.

Dossiers médicaux électroniques. Publié: mercredi 19 décembre 2007 | Mis à jour: mardi 15 janvier 2008 (ici)

En voici quelques extraits. Il ne rendent pas compte de la richesse documentaire du site. Mon objectif est juste de pointer quelques thématiques de la nouvelle modernité pour montrer sur cet exemple à quel point elles sont étroitement corrélées avec le processus de redocumentarisation.

1 Ubiquité :

Alors que les patients sont de plus en plus mobiles en Europe, le DME, consultable par les cliniciens dans différents lieux de soins et différentes langues, peut rendre les traitements plus sûrs et réduire les coûts.

La question de la mobilité est étroitement liée à l’interopérabilité. Si les normes du DME restent nationales, cela dressera de nouvelles barrières à la mobilité des patients. Cela signifie en revanche que ces normes devront surmonter non seulement les obstacles linguistiques, mais également les différences entre les systèmes de soin de santé, allant des traitements médicaux à la commercialisation des produits pharmaceutiques. (..)

2. Maîtrise des coûts de santé :

Avec un investissement initial relativement faible, les dossiers médicaux électroniques permettraient aux médecins et au personnel médical de partager les résultats des examens médicaux plus efficacement, évitant ainsi de pratiquer plusieurs fois le même type d’examen sur le même patient, lorsque celui-ci va consulter un autre médecin ou est traité dans un autre centre de soin.

De plus, l’informatique pourrait être utilisé pour réduire les coûts additionnels, comme les prescriptions pharmaceutiques et les frais d’hospitalisation et de transport. Une base de données anonymes concernant la santé de tous les patients pourrait être utilisée pour rendre les marchés des soins de santé plus efficaces. Par exemple, l’efficacité et la sécurité des médicaments génériques par rapport aux médicaments originaux pourraient être testées indépendamment et plus efficacement. (..)

3. Dangers de contrôle social :

Le groupe de travail ajoute : « en rassemblant les informations médicales relatives à une personne en provenance de différentes sources, facilitant et généralisant ainsi l’accès à ces informations sensibles, les systèmes de DME créent de nouveaux risques et donnent une ampleur inédite au danger d’abus des informations médicales relatives aux personnes ».

Cela dit, les collègues qui travaillent sur le sujet me soufflent que les difficultés de mise en œuvre sont encore très sous-estimées.

samedi 02 février 2008

Éco-doc : révision séquence 3

Voici donc la suite des réflexions sur le cours sur l'économie du document, prévu à l'automne à distance (Plan et explications ici).

Cette séquence donne une seconde clé pour comprendre l'évolution actuelle, clé différente mais complémentaire de la précédente toujours à partir d'un éclairage issu de l'économie industrielle. Ici ce n'est plus le contenant qui domine, mais bien le contenu. Il s'agit ici de comprendre comment l'économie de la publication fonctionne.

Il faut tout d'abord repérer que la valeur peut être créée aussi bien à partir de la production des messages qu'à partir de leur consommation et donc que des activités de médiation peuvent s'organiser tant du côté de la diffusion que de celui de l'accès (voir ici). Une fois ce constat fait, on peut montrer que cette activité s'est progressivement organisée en modèles industriels ou quasi-industriels à partir des éléments de bases que sont la reproduction de l'écriture, le spectacle vivant et la préservation de la mémoire. Quatre modèles (édition, presse, radio-télévision), auxquels vient de s'ajouter un cinquième (web-média) construisent une déclinaison de l'offre de contenu selon un rapport au temps, à l'espace et à la transaction différents, mais formant un continuum et des ruptures au point que l'on peut les représenter sur un pentagone (voir notamment ).

Enfin la séquence se conclut par une présentation de l'évolution des pratiques de consommation de contenu qui tient compte des effets de génération et d'âge (entre autres ici). Cette conclusion s'appuie aussi bien sur les apports de cette séquence que ceux de la séquence précédente, notamment sur les cycles courts ou long des industries (par ex ).

Cette séquence qui représente (avec celle à venir sur la redocumentarisation) le cœur du sujet du cours ne contient pas pour moi de défi particulier. Elle introduit les séquences suivantes qui illustrent chacun des modèles. Les étudiants ont déjà été bien familiarisés avec le sujet par les deux premières séquences et aussi par le démarrage de leurs travaux sur les dossiers. Aussi les éléments évoqués entrent souvent en résonance avec leurs interrogations.

Il est prévu à ce stade un rendu intermédiaire des étudiants d'une ou deux pages avec le plan provisoire du dossier, la référence des 4 ou 5 textes importants permettant de répondre à la question, le nom d'au moins une personne ressource à interroger et les éventuels questionnements encore en suspens. Ce rendu n'est pas noté. Il sert seulement à vérifier que le travail s'engage sous de bons auspices, à fournir quelques suggestions ou à suggérer quelques modifications. Une question se pose dans la version à distance : ce dialogue se fera nécessairement par messagerie ; faut-il l'envisager par courriel individuel ou sur le forum ?

De plus, je commence à insister sur l'importance des commentaires sur le blogue.


Séquence 3 : Les modèles et leur industrialisation

Objectif général

À la fin de la séquence l'étudiant(e) devrait connaitre :

  1. Les différences entre une économie de la diffusion et une économie de l'accès et leurs possibles valorisations.
  2. Les cinq principaux modèles industriels des industries de l'information et leurs caractéristiques principales.
  3. L'évolution des pratiques des usagers selon l'âge et les générations.

Objectif spécifique

À la fin de la séquence l'étudiant(e) devrait être capable de :

  1. Repérer dans des situations simples de l'économie des médias, les différents éléments présentés.
  2. Interpréter sommairement l'actualité économique des principaux médias par rapport à la logique des modèles présentés.

Contenu de la séquence (base à réviser)

  • Économie de l'espace public
    • Communication adressée vs communication flottante
    • Diffusion (biens) vs accès (services)
    • Vente d'objets, d'accès ou d'attention
  • L'organisation en modèles
    • Les modèles artisanaux et leur déclinaison
      • Diffusion : édition, spectacle, télévision
      • Accès : bibliothèque, web-média
    • Le pentagone de l’industrie de la publication
      • Les cinq modèles industriels
      • Continuité et ruptures
      • Convergence ou résonances
  • Modèles et pratiques générationnelles
    • Âge et génération
    • Audiovisuel, numérique et servicialisation

Évaluation

L'évaluation de cette séquence se réalisera par celle de la partie du dossier de l'étudiant qui s'y réfère.

Bibliographie (à venir)

- page 5 de 13 -