Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mardi 24 janvier 2012

Récupérer le Web, version Apple

Nous le savons, la vitalité de Apple repose entièrement sur sa maîtrise de la première dimension du document, la forme. Cette tendance s'est encore accentuée en 2011. Voici le graphique actualisé, la courbe du chiffre d'affaires est maintenant presque verticale :

Revenus-Apple-2011.png

Le chiffre d'affaires a dépassé les 100 Mds de $ (108,25) pour un bénéfice de 43,8 Mds, soit une rentabilité commerciale de 40,5% pratiquement inchangée depuis trois ans, très supérieure à celle de Google.

Plus précisément, cet envol est du à deux produits : la vente de iPad a triplé entre 2010 et 2011 (311%) et celle de iPhone presque doublé (87%). La vente de ces deux matériels représente respectivement 19% et 43% du chiffre d'affaires global de la firme en 2011, soit au total plus de la moitié de celui-ci. Par comparaison, la vente de contenu a augmenté de 28% d'une année sur l'autre et compte pour 6% dans le chiffre d'affaires, pourcentage en baisse régulière (8% en 2010 et 9% en 2009).

Source : rapport d'activité 2011

Cette réussite est en même temps une fragilité pour la firme qui ne peut compter pour maintenir une telle croissance que sur l'augmentation du parc par l'ouverture de nouveaux marchés ou sur des innovations de produit, aujourd'hui incertaines.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le lancement par Apple de son service iBook Autor entièrement tourné vers le manuel scolaire, où une nouvelle fois il a mis tout son savoirfaire en design en refusant toute interopérabilité. On le sait, le projet était déjà dans les cartons de Steve Jobs et n'est pas une simple application supplémentaire. Pour la firme, ce n'est pas tant le manuel scolaire en lui-même qui est intéressant que sa capacité à habituer (formater) les jeunes lecteurs à la pratique de la tablette.

Le meilleur outil de marketing du livre est l'école. Nous avons appris à lire et à écrire sur un objet extraordinaire : le codex. Cette forme nous est depuis familière, naturelle. Si demain nos enfants apprennent à lire, écrire et compter sur un nouvel objet aux fonctionnalités tout aussi décoiffantes : un iPad ou son successeur, il y a fort à parier qu'ils ne pourront plus s'en passer en grandissant. La tablette remplacera alors définitivement le codex dans la vie quotidienne des générations à venir.

Reste que ces stratégies de verrouillage du Web au profit d'une seule firme, qu'elle s'appelle Apple, Google ou Facebook, risquent de rencontrer de fortes résistances politiques et éthiques. On voit mal des Etats laisser la maîtrise des documents, essentiels dans la régulation des sociétés humaines à un oligopole de sociétés privées, quoique, si l'on fait un parallèle avec ce qui se passe du côté de la finance, on puisse s'interroger...

Actu 25 janvier 2012

Voir aussi les résultats du premier trimestre suivant, qui amplifient encore la tendance.

29 janvier 2012

aKa, « L’iPhone et l’enfant de 13 ans travaillant 16h par jour pour 0,70 dollars de l’heure », text, janvier 17, 2012.

dimanche 01 janvier 2012

Amazon, l'hybride

La politique de prêt de ebooks via Amazon, relancée par son alliance avec Overdrive, a fait l'objet d'analyses et inquiétudes récentes (v. la synthèse par INA-Global, commentée par S. Mercier, sur ce blogue le billet de Ch. Lalonde). Avant d'y revenir, il est utile de comprendre la stratégie d'Amazon et de la placer parmi les Internet Big Five, telles que J. Battelle les appelle.

InternetBigFiveChartv1.png

Ces cinq sociétés ont été sélectionnées par JB sur la base de leur capitalisation boursière, le cash disponible, les internautes touchés, l'engagement par rapport aux données (les données des utilisateurs récoltées), l'expérience d'une plateforme, les deux derniers critères étant notés par JB lui-même sur la base de ses connaissances des sociétés.

Pourtant, il n'est pas sûr qu'Amazon joue dans la même catégorie. En réalité, il s'agit plutôt d'une société commerciale hybride entre le numérique et le physique. Pour bien le comprendre, il est utile de faire un détour par l'évolution de son chiffre d'affaires et de son bénéfice.

CA-Amazon.png Source : Bilans annuels

On y constate d'évidence une évolution radicalement différente entre le volume des ventes qui s'envole de plus en plus rapidement et le bénéfice, plus capicieux et bien modeste. Il semble que l'année 2011 ait encore accentué la tendance : son bénéfice aurait baissé alors que les ventes auraient encore grandement augmenté grâce en particulier à une politique commerciale agressive sur les prix du Kindle, puis le lancement du Kindle Fire. Voici déjà une première différence avec les trois premiers du tableau dont les chiffres d'affaires et les bénéfices sont conséquents.

Pour comprendre cette stratégie, car cette évolution structurelle est voulue et non subie, il ne faut pas raisonner à court terme, comme l'indique bien un observateur du Daily Finance. Selon lui, la firme aurait même mis en place en 2011 son programme pour les dix ans à venir. Amazon serait définitivement un hybride entre (trad. JMS) :

  • WalMart, un supermarché dominant, mais en ligne...
  • Cotsco, au travers un continuum de ventes liées par Amazon Prime, qui lui fournit un flux de revenus annuels...
  • Apple en proposant un matériel qui est intégré verticalement avec les logiciels verrouillés.

Cotsco est une chaîne de magasins réservés aux détenteurs d'une carte de membre offrant toute une série d'avantages commerciaux. Actuellement Amazon perdrait 11 $ par adhérent annuel à son programme Prime qui est pourtant un énorme succès public (ici). Le parallèle avec Apple vient évidemment de la comparaison et la concurrence entre l'Ipad et le Kindle et leur écosystème. Pourtant le parallèle a aussi quelques limites. Dans le couple indissociable contenant/contenu, la priorité d'''Apple'' est sur le premier terme, tandis que celle d'Amazon est sur le second.

Ainsi, Amazon est bien une firme hybride et non un pure player, comme les autres participants au club des Big Five. Mieux, contrairement aux autres, Amazon n'a pas construit son succès sur une technologie en rupture avec l'existant, mais bien par une stratégie marketing classique, utilisant au mieux les spécificités du numérique.

Regardons de plus près les conséquences de cette stratégie dans son premier marché historique, le livre touché à tous les niveaux de sa production-distribution par le numérique. On y constate que l'objectif d'Amazon est de couvrir l'ensemble de la chaîne économique et non seulement le maillon final de la distribution et de la vente,

Un analyste de Forbes a fait l'inventaire des principales décisions de la firme sur les dix dernières années et le marché américain, dans un article récent au titre révélateur, Why Amazon Is The Best Strategic Player In Tech (trad. JMS) :

  1. L'achat en un clic.
  2. La livraison gratuite au delà de 25$.
  3. Le premier à proposer la commercialisation, astucieuse et pratique, mais prédatrice, de l'autopublication, à une époque (fin 90) où il était pratiquement impossible de se faire distribuer, même pour un petit éditeur.
  4. Création d'un marché du livre d'occasion qui est passé de 4% à 30% du marché total en quelques années (chiffre déjà ancien).
  5. Combat contre les imprimeurs à la demande en utilisant son modèle d'expédition en 24h comme une arme pour amener les volumes imprimés à BookSurge dans ses opérations internes.
  6. Couper l'herbe sous les pieds de Lulu, le pionnier de l'autopublication, avec l'offre Createspace, proposant aux auteurs une meilleure marge.
  7. Démarrage du programme d'affiliation (qui selon des sources non-vérifiées représenterait 40% des ventes).
  8. Rendre la publication sur Kindle ultra-simple.
  9. Proposition pour les éditeurs de droits attractifs sur le Kindle, 70% entre 2,99$ et 9,99$, difficile à refuser pour cette gamme de prix
  10. Une fois que la chaîne traditionnelle d'approvisionnement est suffisamment affaiblie pour que les éditeurs traditionnels ne soient plus très utiles, montée en puissance de la discussion directe avec les auteurs.
  11. Commencer par une expérience ebook la plus proche possible des livres traditionnels, mais pousser aussi vite que les lecteurs puissent tenir vers des formats numériques plus flexibles (blogues sur le Kindle, Kindle "single", et avec les fonctionnalités récemment annoncées, des images de bonne qualité).
  12. Pousser résolument le pion Kindle vers la reine avec le modèle de prêt de livres et la récente offre-que-vous-ne-pouvez-pas-refuser pour les éditeurs d'exclusivité sur les Kindles pendant au moins les 90 premiers jours (l'année prochaine on basculera sans doute vers une priorité ou une exclusivité pour beaucoup de petits éditeurs ; jusqu'à présent les ebooks ne sont considérés que comme un marché supplémentaire).
  13. Et pendant tout ce temps, maintenir l'expérience d'achat familière, mais en enlevant tous les obstacles pour accroitre les conversions et les ventes au cours de la même visite avec des mécanismes allant du feuilletage jusqu'aux recommandations de lectures comparables et le regroupement des recommendations.

On peut relire facilement cette histoire à partir des 4P (Product, Price, Place, Promotion) du marketing stratégique le plus basique, bien loin des ruptures qu'ont constitué le lancement du programme Google-book et son feuilleton ou encore celui de l'iPad et la guerre des brevets.

Quelques mots pour finir sur le nouveau service de prêts et les bibliothèques. Sans reprendre les analyses rappelées au début de billet, juste quatre nuances ou insistances :

  • Une bibliothèque s'adresse d'abord à la communauté locale qui la finance. Dans ce contexte, la liseuse et les logiciels associés jouent le même rôle de repérage et contrôle que l'entrée sur le domaine de l'université de l'étudiant quand il se connecte par son identifiant. C'est pourquoi, il me parait peu raisonnable d'imaginer un système ouvert, sauf à vouloir changer radicalement le modèle éditorial et le modèle bibliothéconomique pour ce qui n'est pour le moment qu'une chimère.
  • La fracture numérique n'est pas une chimère. Il est du devoir des bibliothèques de la combattre et ce combat risque de durer longtemps. C'est pourquoi il est important de prêter aussi des liseuses et pas seulement des fichiers.
  • Par construction, la mission des bibliothèques est de retirer les contenus des contraintes commerciales pour les proposer au public. Il est donc contradictoire pour elles qu'un prêt se conclut par une offre commerciale exclusive. Mais les bibliothèques francophones, même en consortium, ne pèsent pas lourd vis-à-vis des stratégies des Big Five. Aussi la seule voie pour préserver le service public de la lecture semble la voie légale ou réglementaire qui devrait interdire ce genre de pratique. Je ne suis pas juriste, mais il ne m'étonnerait pas que des textes appuyant cette interdiction existent déjà.
  • Enfin, les bibliothèques devraient mener un combat plus affirmé pour l'anonymat de la lecture et ce type de service de prêts pourrait être une occasion d'avancer en ce sens grâce à une interface de la bibliothèque entre Amazon et le lecteur.

Actu du 7 janvier 2012

A lire la suite de la réflexion de J Battelle The Internet Big Five By Product Strength, qui confirme la situation décalée d'Amazon

Actu du 16 janvier 2012

Lire Amazon.com case study, Smart Inside, 16 janvier 2012.

2 fév 2012

Amazon déroule sa stratégie en ignorant la Bourse, Les Echos 31 janv 2012

17-04-2012

« States fight back against Amazon.com’s tax deals ». The Seattle Times.

Série d'articles sur l'organisation d'Amazon.

jeudi 25 août 2011

Apple, la stratégie de la forme

À l'occasion du départ de S. Jobs, voici une petite analyse de la stratégie de Apple à partir de la théorie du document qui synthétise plusieurs billets de ce blogue. Pour un bref rappel de cette dernière, voir la vidéo.

Steve Jobs déclarait dans la dernière présentation des comptes de la firme dont il était le Pdg « Nous sommes ravis de présenter notre meilleur trimestre depuis la fondation de la firme, avec des revenus en hausse de 82% et des bénéfices en hausse de 125% . » Apple était un fabricant d’ordinateur, concurrent en difficulté de Microsoft sur la bureautique, malgré de fortes compétences en design. Apple est aujourd'hui la deuxième capitalisation boursière mondiale après être passée devant Microsoft en janvier 2011. Voici l'évolution de la répartition de son chiffre d'affaires ces dernières années.

CA-Apple.png

On peut tirer deux constats de ce graphique. Tout d’abord, la vente de documents, quasi nulle en 2003 (36 millions de dollars) début de iTunes, avoisine aujourd’hui les 5 milliards et concerne aussi bien la musique que l’écrit ou l’image. Pour important que soit ce chiffre, il ne pèse pourtant pas lourd devant celui de la vente de machines qui explique à lui seul l’orientation spectaculaire de la courbe. Parti de 5,5 milliards en 2003, le chiffre d’affaires du matériel est multiplié par dix en 2010 avec les succès du iPod, puis du iPhone et enfin de l’iPad. Poursuivant sa tradition de fabricant, l’intérêt d’Apple pour les documents du web est motivé par la vente des terminaux. La firme s’assure un monopole sur l’accès aux documents numériques, soit en les distribuant lui-même, soit en gardant l’exclusivité des applications de navigation sur le web proposées par des développeurs extérieurs, pour favoriser l’achat de son matériel. Ainsi un cercle vertueux s’engage entre documents et terminaux sous la marque Apple.

Utilisant son savoir-faire sur le design, Apple a construit son avantage concurrentiel sur la première dimension du document, la forme. Pour le document numérique la forme se dessine par l’articulation de plusieurs éléments : le design du terminal, l'affichage du fichier et, le cas échéant, le rendu sonore. Le génie d'Apple est d'avoir perçu la valeur de la forme pour les documents numériques et d’avoir su répondre à l’attente des usagers dans ce domaine. L’iPod, l’iPhone et maintenant l’iPad sont, comme le livre, des objets transitionnels, des promesses. Tout comme le livre, ils sont maniables, transportables, appropriables par l’individu. Ces caractéristiques, qui ont fait la supériorité du codex sur le volumen au début de notre ère, soulignent aujourd’hui celle de ces nouveaux objets nomades (smartphones, tablettes) sur les micro-ordinateurs pour la consommation courante de documents numériques. Les documents numériques ont conquis le quotidien des populations, il faut des outils simples et intuitifs pour y accéder. Les promesses sont d'autant plus importantes que le web est une caverne d'Ali Baba dont l’internaute a entr’ouvert la porte et dont la profondeur semble infinie. Dès lors, celui qui détient le sésame du contrat de lecture de cette première dimension, les règles plus ou moins explicites du repérage des documents, se trouve dans une position privilégiée, comme l’était l’imprimeur-libraire au XVIIIe siècle quand le livre imprimé a trouvé un marché de masse.

Il est naturel que les internautes les plus avertis et les plus cultivés aient été les premiers séduits. Souvent ils étaient déjà familiers de l’univers bureautique d’Apple. Ils mesurent la valeur du contenu du web et sont sensibles par leur éducation à l'esthétique proposée. Ces premiers acheteurs ont entraîné les autres. Le soin mis au graphisme, au tactile et à l'image animée captive aussi les plus jeunes générations. L’ergonomie, la maniabilité des récents outils d’Apple pourraient conduire au premier ébranlement sérieux des fondations de la citadelle livre s’ils sont adoptés à l'école, car le meilleur outil de marketing du livre est bien l'école obligatoire où l'on apprend à lire, à écrire, à compter et à accéder au savoir sur des codex.

Dans le monde du livre, la valeur économique est passée progressivement de l'imprimeur-libraire à l'éditeur, c'est à dire de la dimension forme à la dimension texte, au fur et à mesure que les savoir-faire d'impression et de mise en page se sont stabilisés et que leurs coûts ont été internalisés dans l'ensemble de la filière. Pour suivre l'analogie, on pourrait dire qu’Apple a un temps d'avance sur l'impression et la reliure (le terminal et son administration) et a réussi à affermer une armée de typographes indépendants (les producteurs d'applications). Mais l’évolution n’est pas terminée. Sur le moyen terme il n’est pas sûr que le nouveau contrat de lecture formel qui s'invente aujourd’hui sur le numérique, et qui progressivement s'internalisera, puisse être approprié par une seule firme, même protégée par toutes sortes de brevets. La forme des documents est une dimension trop essentielle de notre relation au savoir pour être confisquée par un seul joueur. La stratégie d’Apple n'est gagnante que tant que l'innovation interdit à la concurrence de prendre place.

Pour la suite, tout dépendra donc de la position de la firme sur le marché des documents numériques qu’Apple tente de conquérir et verrouiller. Cette stratégie poursuit en l'adaptant l’ordre documentaire antérieur dominé par l’édition qui vend des objets et protège le contenu par la propriété intellectuelle. Les discussions avec les éditeurs sont délicates. Ceux-ci craignent à juste titre les conséquences sur leur marge d’un monopole de la distribution. Mais ces négociations difficiles ne remettent pas apparement, pour le moment, en cause leur modèle. En devenant distributeur de document, Apple préserve la propriété intellectuelle. Et en ouvrant, par ailleurs, ses terminaux largement sur le web, il autorise aussi le partage. Tout cela dans l’intérêt bien compris de la firme.

Il existe pourtant une différence fondamentale entre le modèle traditionnel de l’édition et celui que met en place Apple pour la consommation de biens culturels. Robert Stallman l’a bien souligné, même s’il s’exprimait sur son concurrent Amazon. Aucune de ces caractéristiques du produit de l’édition, le livre, n’est maintenue dans le ebook :

  • On peut l’acheter de façon anonyme en payant comptant.
  • Il vous appartient.
  • On n’est pas obligé de signer une license qui en restreint l’usage.
  • Son format est connu, aucune technologie propriétaire n’est nécessaire pour le lire.
  • On peut le donner, le prêter ou le vendre à quelqu’un d’autre.
  • On peut concrètement numériser et copier le livre, et c’est même parfois autorisé malgré la propriété intellectuelle.
  • Personne n’a le pouvoir de détruire votre livre.

Quelques avantages du livre imprimé sont aussi rappelés dans cette délicieuse vidéo espagnole qui met bien en valeur la dimension « forme » du document livre :

Avec Apple ne sommes plus, en réalité, dans le modèle traditionnel de l’édition, qui vend définitivement un bien, du contenu inscrit sur un objet, mais déjà passé dans celui du web média basé sur le service qui vend un accès large et immédiat au contenu.. sous contrôle.

Voir aussi la concurrence Amazon/Apple : Apple à livre ouvert sur OWNI

Actu du 1er sept 2011

Voir le billet d'O. Ezratty :

Les dessous de la bataille entre Apple et Google, 24 aout 2011

Actu du 5 sept 2011

Voir aussi le NYT : Steve Jobs Reigned in a Kingdom of Altered Landscapes By DAVID CARR Published: August 27, 2011

Actu du 20 sept 2011

Voir la jolie infographie de Rue 89 : La guerre du web.

Actu du 3 oct 2011

Voir ce billet de The Future of Reading :

Should Apple and Amazon REALLY Control eBook Design? , 2 oct 2011.

Actu du 4 janv 2012

Voir aussi ce rappel Apple : une histoire de design.

vendredi 10 juin 2011

le ebook est une menace pour la liberté (Stallman)

À lire l'intéressant entretien de R. Stallman, toujours aussi radical, sur Actualitté. Extraits :

Les livres numériques sont une menace aux libertés traditionnelles des lecteurs. Le meilleur exemple en est le Kindle, qui attaque les libertés traditionnelles. Pour acquérir une copie d’une œuvre, le droit à l'anonymat, par le paiement en liquide par exemple, est impossible. Amazon garde trace de tout ce que les utilisateurs ont lu.

Il y a aussi la liberté de donner, prêter ou vendre les livres à quelqu'un d'autre. Mais Amazon élimine ces libertés par les menottes numériques du Kindle et par son mépris de la propriété privée. (..)

Il y a aussi la liberté de garder les livres et de les transmettre à ses héritiers. Mais là encore, Amazon élimine cette possibilité par une porte dérobée dans le Kindle, qui a été utilisée en 2009 pour supprimer des milliers d'exemplaires de copies autorisées du 1984 d'Orwell. (..)

La menace à la liberté est le problème principal. Donc les autres bienfaits possibles sont sans importance.

Stallman est ainsi nostalgique du modèle traditionnel de l'édition (voir cours Module 4 en particulier diapo 7 et 20.). Le problème est que le modèle d'affaires du web s'affirme de plus en plus comme celui de la trace. Il y aurait là une place à prendre pour les bibliothèques à condition qu'elles sachent s'affranchir des contraintes des poids lourds du web pour préserver l'anonymat de la lecture (ici).

Actu du 12 juin 2011

Le point de vue de Stallman directement par lui-même ici, repéré par Lorenzo Soccavo . et traduit en Français par H. Bienvault .

Actu du 14 juin 2011

Pour élargir la question, on peut remarquer que le traçage des personnes a tendance à les enfermer dans une bulle informationnelle, selon l'expression d'Eli Pariser. Voir critique de son livre sur InternetActu et chez Olivier Charbonneau, et sa conférence à TED ci-dessous :

La tendance à l'entre-soi est naturelle sur les réseaux sociaux.

mercredi 25 mai 2011

Le livre toujours

À contrecourant de l'opinion ou du souhait d'un bon nombre de blogueurs, il se confirme que, pour le moment, le livre résiste aux assauts du numérique. C'est à dire que le livre se maintient dans l'unité de ses trois dimensions (forme-texte-médium), avec une transposition numérique. De nouveaux acteurs importants ont émergé en aval de la filière (Amazon, Apple, Google), celle-ci est toujours dominée par l'acteur principal de l'amont, l'éditeur. Les expériences de livres augmentés, livres inscriptibles, livres-réseau ou même auto-édition restent marginales, quantitativement et économiquement, même si elles sont importantes, comme éclaireurs, inventions de nouvelles formes, nouvelles littératures, nouvelles relations. La comparaison souvent faites avec le destin de l'industrie musicale ne parait pas pertinente.

L'affirmation peut paraître brutale, elle ne surprendra pas les lecteurs assidus de ce blogue (p. ex. ici). Trois documents récents la confortent aujourd'hui. Les trois proposent une synthèse, de pertinence variable nous le verrons, sur un point clé de l'évolution de la filière.

Achats et ventes de droits de livres numériques

Perceval Pradelle, Achats et ventes de droits de livres numériques : panorama de pratiques internationales (Bureau international de l’édition française, mars 10, 2011). Pdf

le BIEF a réalisé une enquête auprès de professionnels du livre à Munich, Milan, Madrid, Londres, Barcelone, New York, São Paulo et Tokyo. 32 entretiens ont été menés de novembre à décembre 2010. Sans doute, les résultats d'une enquête pilotée par un organisme défendant les éditeurs doivent être interprétés avec prudence. Néanmoins, ils sont très radicaux, montrant qu'aujourd'hui l'édition numérique n'est qu'une déclinaison supplémentaire de l'édition traditionnelle, comme il y en a déjà eu souvent dans l'histoire. Extraits :

Les éditeurs anglo-saxons ou japonais acquièrent ainsi les droits numériques depuis une dizaine d’années. Bien souvent, obtenir ces droits est une condition sine qua non à l’achat des droits papier chez les éditeurs anglo-saxons rencontrés (dealbreaker). Sur les autres marchés (européens et brésiliens), l’achat systématique des droits numériques est plus récent, remontant à une ou quelques années, dans tous les cas moins de dix. p.15

Autoédition

En examinant la question de plus près, il apparaît que le refus de céder les droits est plus souvent le fait des agents que des auteurs. (..)

Plusieurs raisons peuvent expliquer le choix de conserver les droits. Bien souvent, les auteurs souhaitent simplement attendre de voir comment évolue le marché et les rémunérations. L’autoédition attire certains d’entre eux et, en raison de la tentation que celle-ci représente, tout éditeur est désormais en droit de craindre le départ d’auteurs phares, dont la production assurait jusque-là une part importante des revenus de la maison.

Un des agents interrogés rappelle toutefois que, dans le cas précis des auteurs célèbres, dont les titres drainent les ventes, l’avance qui leur est versée en contrepartie de la cession des droits papier représente souvent des montants colossaux, à six ou sept chiffres, et constitue donc un revenu sûr – face à des ventes numériques hypothétiques – ainsi qu’un argument de poids pour convaincre les auteurs de céder leurs droits. p.19

Au Japon enfin, les éditeurs rencontrés disent avoir, en comparaison avec les pays occidentaux, un lien plus direct et plus fort avec leurs auteurs, lien qui se caractérise notamment par une large prise en charge financière de la phase de rédaction des manuscrits. Aussi, les auteurs sont-ils plus fidèles à leur éditeur et moins enclins à couper les liens mutuels. Quelques rares cas de refus sont néanmoins rapportés. Ils sont justifiés par des projets d’autoédition et, phénomène singulier, il arrive que des auteurs s’associent en petits groupes de 3 ou 4 personnes pour exploiter conjointement leurs œuvres sous forme numérique. p.20

Livres augmentés

À l’exception du Japon, où le genre d’édition numérique prédominant est le manga, les maisons interrogées proposent essentiellement des livres numériques constitués de textes, copies homothétiques de l’édition papier. Les illustrés et livres pour enfants sont fréquemment exclus de l’offre numérique, tout au moins temporairement, ou, lorsqu’ils en font partie, ne représentent qu’une part mineure de celle-ci. En effet, d’une numérisation complexe sur le plan technique, les livres illustrés requièrent également de la part de l’éditeur de s’assurer de la possession des droits numériques pour chacune des images, un processus souvent long et aux résultats incertains. p.30-31

Sans surprise, la production de contenus enrichis demeure marginale parmi les éditeurs interrogés. Cela s’est vérifié dans chacune des villes visitées. Citons pour illustrer une enquête récente tentant de quantifier ce phénomène sur le marché américain – enquête réalisée au mois de décembre 2010 auprès de 600 maisons d’édition par le cabinet Aptara3 – et faisant apparaître que seules 7 % d’entre elles ont déjà produit des livres numériques augmentés. Si la production reste faible, plusieurs expérimentations sont réalisées toutefois dans ce sens, quelques unes connaissant même un certain succès. p.31

Ventes

Si toutes les maisons pratiquent la vente de livres numériques à l’unité, certaines, une minorité, envisagent de développer en parallèle la formule par abonnement, permettant de télécharger un nombre limité de titres pour une somme forfaitaire mensuelle. Ce système de commercialisation est déjà bien implanté au Japon pour la vente de magazines et de mangas sur téléphones portables, et les éditeurs japonais qui y recourent réfléchissent à une extension de ce modèle sur lecteurs numériques (liseuses et tablettes). p.32

Google et les éditeurs français

Matthieu Reboul, « Google et les éditeurs français : les raisons de la colère », INA Global, mai 23, 2011, ici .

INA-Global propose une remarquable synthèse du feuilleton de Google-Books et des relations orageuses entre Google et les éditeurs français et des jeux entre les règles et les systèmes juridiques différents des deux côtés de l'Atlantique. La bataille n'est pas terminée, mais il est déjà sûr que le livre, dans son acception traditionnelle, en sortira gagnant. Son intégrité n'est plus remise en cause, ni la pertinence de la propriété intellectuelle sur l’œuvre. La question qui se pose aujourd'hui est celle de l'entrée de Google sur le marché du livre.

Il s'agit pour la firme d'une diversification qui souligne un renoncement. Son métier de base est, en effet, de traiter les textes, indépendamment des documents, autrement dit ici de déconstruire les livres. Même si quelques timides applications sont proposées (p. ex. N-Gram), on ne voit pas de ce côté de grandes ambitions poindre. Google semble avoir admis l'ordre des livres.

La stratégie d'Amazon

Amazon.com : l’Empire caché FaberNovel, mai 2011. Diapos

La stratégie d' Amazon a fait l'objet de moins d'analyses que celle d'autres firmes en vue du Nasdaq aussi ce diaporama était bienvenu. Malheureusement, il pêche par manque de rigueur et privilégie l'effet sur les faits. Ainsi par exemple, les chiffres d'affaires des cinq premières années de ebay, Google et Amazon sur la diapositive 6 sont farfelus comme on pourra le constater facilement sur les bilans des entreprises (Ebay2000 p.22), Google2004 p.19, Amazon2000 p.19).

Néanmoins oublions les premières diapositives, l'analyse proposée a le mérite de pointer les stratégies complémentaires et emboitées de la première librairie mondiale : la distribution classique élargie à toutes sortes de produits, tirant partie de toutes les économies qu'autorise le réseau pour un nouveau venu ; le suivi des clients ; la bascule vers les produits numériques (Kindle) et la vente d'espace machine (cloud).

Amazon est bien une des plus belle réussite économique sur le web, à partir du plus traditionnel des produits culturels, le livre.

Actu du 31 mai 2011

Sur Google-Book voir : What next for Google after the Google Books Settlement rejection, eReport, 31 mai 2011, ici.

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