Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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samedi 17 mars 2007

Libre accès : chronique d'une guerre annoncée

Richard Poynder a réalisé une remarquable chronique analytique de la guerre maintenant déclarée sur le front européen entre éditeurs scientifiques et partisans du libre accès. Son papier, qui fait pas moins de 32 pages, recense les faits, les arguments et les analyses. Une excellente et très utile synthèse donc, qui n'est pas neutre et fait la part belle au point de vue de S. Harnad.

On peut lui reprocher, comme à ce dernier, d'occulter quelques dimensions du problème en faisant de la publication scientifique un domaine plus homogène qu'il n'y parait. Par exemple, la différence entre les disciplines scientifiques (et les modalités de publication), la différence entre les intérêts des chercheurs selon leur niveau de carrière ou encore la différence entre les économies des universités (et leur lien avec le système de publication) selon les régions du monde.

Ironiquement, l'auteur free-lance de l'article, accessible sous Creative Commons, suggère une contribution pour son travail. Comme quoi, l'économie de la publication n'est pas une question triviale !

Repéré chez P. Suber

dimanche 11 mars 2007

Modalités du livre édité électroniquement

Ce billet a été rédigé par Charles Mercure, étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information dans le cadre du cours sur l'économie du document.

En reprenant le thème de l’effet «longue traîne» sur le monde de l’édition, j’aimerai faire un survol des produits d’édition sensés se «nicher» à l’extrémité droite de la dite traîne et dont la majorité sont produits et vendus par le biais du numérique selon le graphique suivant inspiré de Chris Anderson :

En plus des nombreuses compilations, gratuites ou payantes, de livres électroniques où l’on retrouve les œuvres appartenant au domaine public comme Gutenberg, Gallica, et, plus près de nous, La bibliothèque électronique du Québec, des pléthores de livres sont maintenant édités et vendus sur l’Internet.

Certains éditeurs électroniques jouent le rôle de distributeurs en offrant des livres tels qu’ils se retrouvent déjà sur le marché physique comme c’est le cas de Numilog, qui présente aussi des livres audio en format MP3.

D’autres se présentent comme une véritable alternative à l’édition traditionnelle et choisissent parmi une variété grandissante de formats électroniques (PDF, RTF, SGML, XML, etc.) pour publier des œuvres qui ne se verront peut-être jamais imprimées, si ce n’est par une imprimante personnelle ou un imprimeur à la demande comme le sont Lightning Source et Xlibris.

Incidemment, il semble que les éditeurs électroniques ont trouvé un autre marché florissant à vendre leurs services aux auteurs qui doivent parfois payer le gros prix (jusqu’à 500$). Ces services comprennent le choix d’un format, la mise en page adaptée, la correction du texte, la conception de la couverture, l’impression, la distribution, et plus encore. Par exemple, on peut lire dans la foire aux questions de l’un de ces éditeurs :

«EST-CE QUE VOUS POUVEZ RÉDIGER LES OUVRAGES À NOTRE PLACE ?

Oui, tout à fait. Nous pouvons écrire intégralement tout votre ouvrage. Pour cela, n’hésitez pas à nous contacter par mail. Vous pouvez aussi nous envoyer par mail un texte non structuré, non finalisé, écrit avec vos mots et votre style. Votre texte sera alors entièrement réécrit par nos soins, en conservant (si vous le souhaitez) vos mots et votre style. Dans les deux cas, le texte vous est soumis pour validation avant publication. »

Paradoxalement, la majorité des éditeurs électroniques mettent une énergie non négligeable dans la mise en page de ces livres afin qu’elle s’apparente le plus possible à des livres physiques (format, lettrage, couverture, quatrième de couverture, etc.). Ils promettent souvent d’envoyer un certain nombre d’exemplaires imprimés à l’auteur en guise de récompense palpable. Comme quoi, il n’y a rien d’aussi gratifiant pour un auteur que de se voir édité sur le bon vieux codex en papier.

Qui plus est, pour pallier le fait que les auteurs n’auront pas la satisfaction de voir leur livre dans la vitrine d’un libraire de «briques et de mortier» (pour emprunter une expression chère à Chris Anderson), ces éditeurs organisent des activités sociales ou s’approprient des lieux physiques pour donner à leurs auteurs l’équivalent promotionnel des séances de dédicaces. C’est le cas de cette librairie-café de Montréal. À défaut d’un livre à signer qu’ils peuvent emporter chez eux, les lecteurs ont tout de même l’occasion de rencontrer les auteurs et de consulter une version papier de leur œuvre, digne vestige trônant au milieu des terminaux électroniques d’un genre de cybercafé.

Tout cela témoigne des avantages ontologiques indéniables, tant pour l’auteur que pour le consommateur, des livres physiques, à savoir leur troisième dimension, leur poids, leurs couleurs, et même leur odeur. Je connais un amant de littérature dont le premier plaisir à l’achat d’un livre est d’en humer l’effluve en en compulsant rapidement les pages.

Mais ces avantages ont aussi leurs revers. Face au monolithisme de son ancêtre, le livre électronique peut se vanter d’une plasticité accrue. Les éditeurs électroniques commencent à peine à la maîtriser. Progressivement, on voit se profiler la «redocumentarisation» du livre.

Peu à peu, les éditeurs consentent, ouvertement ou tacitement, à ce que le contenu des livres dont ils possèdent les droits soit morcelé pour le rendre «visible» aux moteurs de recherches de toutes sortes comme par exemple Google Book Search. Le programme «cherchez au cœur» d’Amazon est un exemple où l’objectif mercantile est moins subtil.

Récemment, le livre électronique a pris une modalité qui donne un sens nouveau à l’expression «édition électronique». On peut acheter des livres incomplets et participer à leur édition collective : il s’agit du service Roughcuts.

Chez Random House et Harper Collins, on vous permet de faire des recherches plein texte à l’intérieur de certains livres de leur catalogue par l’entremise d’un «widget» que l’on peut insérer dans n’importe quel site web ou sur un billet. Le «widget» se copie et se colle sur un site moyennant une commande HTML. Il prend alors la forme d’une icône représentant la couverture du livre physique. Là encore on n’est qu’à quelques pixels et à un seul clic d’acheter le livre.

En terminant, je tiens à rappeler que les bandes-dessinées en ligne (interactives ou non) sont parmi les livres électroniques les plus édités, même au Québec. On peut les acheter à la pièce ou s’abonner et recevoir des points que l’on peut dépenser ensuite pour acheter des numéros (Voir le site de Coffre à BD). Il s’agit souvent de reprise de titres qui ne sont plus édités en BD physiques. On est en présence d’un cas patent de résurrection de titres morts grâce à l’effet «longue traine».

J’ai omis plusieurs autres modalités du livre électronique mis en marché électroniquement mais je compte sur vous pour m’indiquer celles qui vous semblent les plus significatives…

mercredi 21 février 2007

Les destins contrastés du libraire et de l'éditeur

Il est loin le temps où l'éditeur s'appelait imprimeur-libraire. Aujourd'hui le premier cache ses rentes tandis que le dernier souffre.

D'une tribune libre de Pascal Fouché, grand connaisseur de l'édition, dans le quotidien Libération, j'extrais ce passage (le reste est surtout relatif à la situation française) :

Que deviendront les librairies et les bibliothèques si on peut accéder aux contenus numériques sans intermédiaire ? Les débats actuels cachent mal une réalité historique : alors que des éditeurs font fortune, les libraires meurent peu à peu. Depuis dix ans, ce sont les ventes en ligne qui font peur, et pourtant elles ne représentent encore que 4 % du marché. En Allemagne, elles atteignent 8 % ; aux Etats-Unis, elles sont à 12 % à cause d'un tissu de librairies beaucoup moins important.

Il faut se rendre à l'évidence : Internet est un des canaux de vente du livre et, dans quelques années, il se sera substitué à la vente par correspondance et par courtage, et les clubs qui représentaient 30 % des ventes il y a trente ans.

Fouché Pascal, L'arrivée des moteurs de recherche bouleverse les professionnels. Libraires et bibliothécaires doivent revoir leur métier à l'aune du tout-numérique. Livres, le Net défie la chaîne, Libération 21 fév 2007.

La remarque de P. Fouché renvoie aux gains de productivité, bien différents dans les différents maillons de la chaîne.

La librairie traditionnelle a peu de possibilités d'économies d'échelle ou de gamme. Au contraire, l'augmentation des loyers et la multiplication des titres jouent contre elle et la vente en ligne la concurrence directement. L'éditeur quant à lui profite largement de la multiplication des canaux de diffusion et de communication sur ses titres. De plus, il a vu ses coûts de fabrication baisser de façon importante. Les études sur ce dernier sujet sont rares. C'est pourquoi celle-ci est précieuse, même si les chiffres sont anciens :

de Toledo Alain, Faibis Laurent, Du coût du livre au prix des idées. Tirages, coûts de fabrication et prix dans l'édition de sciences humaines et sociales et de sciences techniques 1988-1998. Département des études et de la prospective, Ministère de la Culture 2001, 112 p. Rapport, Annexes.

Extrait de la conclusion :

"Au bout de cette période qui, rappelons-le, ne fut pas sans difficultés pour un certain nombre de maisons, le secteur apparaît, en effet, globalement comme gagnant, avec un chiffre d’affaires en hausse et des marges reconstituées.

La baisse des tirages moyens est de 22 % si l’on compare la période 1996-1998 à la période 1989-1991. Elle est donc réelle et massive et elle continue régulièrement année après année : entre 1989 et 1998 elle atteint 30 %. L’augmentation du nombre de titres est forte : on peut l’évaluer à 40 %, soit le double de la baisse du tirage moyen, ce qui contredit une opinion communément répandue dans la profession selon laquelle l’augmentation du nombre de titres compenserait la baisse des tirages moyens.

Le chiffre d’affaires est en nette progression : 18 % sur la période, soit approximativement + 5 % pour le volume des ventes et + 13% pour l’augmentation des prix."

Parler de "crise du livre" n'est pas vraiment pertinent. Nous assistons plutôt à une réorganisation de la filière, douloureuse pour l'aval de la chaîne, mais, malgré des plaintes continuelles, plutôt favorable pour l'amont.

Actu du 22 février : Du côté du Québec, les librairies indépendantes cherchent à se coordonner. 70 se sont regroupées. Voir ici.

mardi 20 février 2007

Libre accès : les non-alignés

La difficulté quand une guerre est déclarée, c'est qu'il faut choisir son camp et que les nuances et la complexité ne trouvent plus de lieux pour s'exposer ou se discuter.

Les promoteurs et les adversaires du libre accès ont rarement évité la polémique simplificatrice. Pourtant du point de vue qui nous occupe ici, l'économie, tout n'est pas blanc ou noir, ni pour l'équilibre financier des revues en libre accès, ni pour l'attitude des chercheurs, ni pour le positionnement et le financement de dépots institutionnels dans les bibliothèques universitaires.

À Bruxelles même, certaines voies ont pointé les difficultés de la position d'éditeurs favorables au libre accès. Voici la traduction d'un extrait de compte rendu d'une table-ronde :

Bien qu'ils soient largement en faveur du libre accès, les éditeurs de la table ronde ont souligné que tirer une revue coute de l'argent et que, finalement, quelqu'un devait payer. "Nous sommes des éditeurs qui ne recherchons pas le profit, mais nous ne sommes pas pour autant pour les pertes !" Martin Blume, éditeur en chef du American Physical Society (APS). Aujourd'hui deux revues d'APS sur neuf sont en libre accès ; une est payée par le mécénat de gros laboratoires comme le CERN (European Organisation for Nuclear Research), tandis que l'autre s'appuie sur le système des "auteurs payant". Cependant les chercheurs qui publient dans les sept autres revues sont autorisés à déposer leurs articles dans les systèmes d'autoarchivage de leur institution.

Le British Medical Journal (BMJ) a été pendant quelques années complètement en libre accès, mais l'expérience a été arrêtée parce que la politique conduisait à une chute brutale des abonnements à la version papier. " Nous aimons l'idée du libre accès, mais nous nous sommes rendus compte que pour survivre nous devions fermer l'accès de notre site Web" a expliqué Alex Williamson, le directeur d'édition de BMJ.

Ils ont depuis une option où les auteurs peuvent payer pour rendre librement accessible leurs articles en ligne, mais moins de 2% d'auteurs la choisissent. M Williamson a souligné qu'environ la moitié des papiers reçus concernent des recherches non subventionnées ; ceci comprend des études de cas de praticiens généralistes ou des recherches sur des nouvelles techniques chirurgicales de groupes de chirurgiens. Obliger les auteurs à payer pour la publication découragerait la soumission de ces papiers pourtant intéressants, a noté M Williamson.

"Nous devons faire des expériences pour voir ce qui marche ou non", a conclu M.Williamson. "Nous avons essayé le libre accès ; cela n'a pas marché, alors nous sommes revenus en arrière".

Repéré par P Suber

Actu repérée par G. Chartron sur la liste RTP-DOC :

Cette fois de ce côté-ci de l'Atlantique et en réaction à une proposition faite au Congrès US de voter une loi obligeant la mise en ligne gratuite des articles scientifiques des recherches subventionnées sur fonds publics. Une fédération de 75 éditeurs non commerciaux proteste, non pas sur le principe du libre accès qu'elle soutient par ailleurs, mais sur celui d'une réglementation contraignante.

Extraits du communiqué :

“The scholarly publishing system is a delicate balance between the need to sustain journals financially and the goal of disseminating scientific knowledge as widely as possible. Publishers have voluntarily made more journal articles available free worldwide than at any time in history -- without government intervention,” noted Kathleen Case of the American Association for Cancer Research.

The Coalition expressed concern that a mandatory timetable for free access to all federally funded research could harm journals, scientists, and ultimately the public. Subscriptions to journals with a high percentage of federally funded research would decline rapidly. Subscription revenues support the quality control system known as peer review and also support the educational work of scientific societies that publish journals.

Undermining subscriptions would shift the cost of publication from the publisher who receives subscription revenue to the researcher who receives grants. Such a shift could:

  • Divert scarce dollars from research. Publishers now pay the cost of publication out of subscription revenue; if the authors have to pay, the funds will come from their research grants. Nonprofit journals without subscription revenue would have to rely on the authors’ grant funds to cover publication costs, which would divert funding from research.
  • Result in only well-funded scientists being able to publish their work. The ability to publish in scientific journals should be available equally to all.
  • Reduce the ability of journals to fund peer review. Most journals spend 40% or more of their revenue on quality control through the peer review system; without subscription income and with limitations on author fees, peer review would suffer
  • Harm those scientific societies that rely on income from journals to fund the professional development of scientists. Revenues from scholarly publications fund research, fellowships to junior scientists, continuing education, and mentoring programs to increase the number of women and under-represented groups in science, among many other activities.

lundi 19 février 2007

Rapport sur la presse et Internet (encore..)

Un rapport de plus (voir ici, ou encore et puis ) sur le sujet en France.. y a-t-il encore quelque chose de nouveau à dire ?

Tessier Marc, Baffert Maxime, La presse au défi du numérique, Rapport au ministre de la Culture et de la Communication, Paris fév 2007.

Le plus intéressant est dans les annexes :

  • 1 Statistiques comparées de diffusion et d'audience.
  • 2 une enquête sur les sites de presse français

Actu du 21 fév : Et le Sénat français y va de son propre groupe de travail.. exactement comme pour le livre. Décidément en France, on préfère passer son temps et dépenser l'argent du contribuable à recueillir des avis plutôt qu'à faire des recherches sérieuses ou simplement à prendre des décisions. repéré par l'Observatoire des médias

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