Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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lundi 23 octobre 2006

100 millions de $ US pour publiciser des documents sous copyright

Je soulignais dans un précédent billet, l'importance des donations dans l'économie du document numérique. Nous en avons aujourd'hui un exemple spectaculaire avec cette annonce par le fondateur de Wikipédia :

I would like to gather from the community some examples of works you would like to see made free, works that we are not doing a good job of generating free replacements for, works that could in theory be purchased and freed.

Dream big. Imagine there existed a budget of $100 million to purchase copyrights to be made available under a free license. What would you like to see purchased and released under a free license?

Photos libraries? textbooks? newspaper archives? Be bold, be specific, be general, brainstorm, have fun with it.

I was recently asked this question by someone who is potentially in a position to make this happen, and he wanted to know what we need, what we dream of, that we can't accomplish on our own, or that we would expect to take a long time to accomplish on our own.

-- Jimbo

Les Wikipédiens ne se privent pas de rêver et les propositions abondent dans un joyeux désordre..

Pour nous l'important, au delà du rôle déjà noté des fondations, est de souligner qu'il s'agit, à nouveau, de remplir une des missions des bibliothèques : retirer des documents du circuit commercial pour les mettre à disposition du public.

Repéré par GNT.

Identité, trace, génération et post-modernité

La question de l'identité numérique fait l'objet de discussions régulières et animées au sein du RTP-DOC et ailleurs. Elle renvoie aussi bien à la notion d'auteur, qu'à celle de frontière privé/public ou encore à celle de traces, toutes questions largement abordées dans le réseau et synthétisées dans le troisième texte de Roger.

Dans un très stimulant billet, Franck Cavazza nous permet d'avancer en proposant une représentation de ses multiples dimensions sur un tableau que je reproduis ci-dessous :

Il suggère que le problème à l'avenir sera pour les individus de maîtriser la gestion de leurs traces numériques. Il me semble qu'il y a là un problème surtout générationnel. La construction d'une identité ne se décrète pas, même avec les meilleurs outils, elle se bâtit pas à pas dans des routines d'apprentissage sur la durée.

C'est un peu comme l'apprentissage des langues. De ce point de vue, les jeunes, nés avec l'internet, auront une facilité que n'atteindront jamais les générations précédentes et sans doute un point de vue fort différent, s'installant radicalement dans une post-modernité.

La fracture des technologies numériques est d'abord générationnelle. C'est tout particulièrement évident dans l'usage du téléphone mobile. Et même sur un sujet pourtant bien délicat, si l'on en croit une enquête citée par Internet Actu, les jeunes ont une moindre réticence face aux puces sous-cutanées :

Interrogée par le Time, l’une des auteurs de l’étude relève à ce titre que la facilité avec laquelle les adolescents partagent les détails de leur vie privée sur MySpace et les blogs témoigne du fait que la prochaine génération de consommateurs se sent moins concernée par les problèmes de vie privée.

Inversement, on peut se souvenir de cette lourde expérimentation lancée par Microsoft MyLifeBits (diaporama) où il s'agissait d'enregistrer toutes les traces de la vie quotidienne d'une personne. Est-il anodin que le "cobaye", Gordon Bell, soit un senior ? C'est une vision d'un autre âge.

samedi 21 octobre 2006

Impact économique des bibliothèques ?

OCLC a édité une fiche présentant quelques indicateurs permettant selon eux de représenter l'impact économique des bibliothèques au Canada intitulé : Les bibliothèques, comment se comparent-elles ? (la même existe pour les USA)

On y trouve, entre autres :

  • le montant des dépenses des bibliothèques canadiennes (et mondiales), comparé au montant des dépenses par secteur. Ainsi avec 2,7 Mds de dépenses annuelles, les bibliothèques se situent entre le chiffre d'affaires des jouets (2,8) et celui des livres journaux, périodiques (2,4).
  • le nombre de documents en circulation ou la taille des collections comparée à celle du principal libraire (cinq fois plus importante)
  • la fréquentation par rapport aux spectacles sportifs
  • etc.

Il est très difficile de produire un chiffrage économique d'un secteur fondé sur la mutualisation d'un patrimoine lui-même impossible à évaluer. On peut donc discuter de la signification économique de ces chiffres. Mais ils fournissent une première indication de l'activité bibliothéconomique dans le pays.

Rappelons aussi sur un thème complémentaire la très instructive : Analyse de l'environnement en 2003, identification des modèles, résumé de l'étude, étude.

J'ai indiqué dans un livre, vieux de presque dix années, qu'à mon avis la valeur économique des bibliothèques reposait sur trois dimensions complémentaires : la mutualisation (mise en commun de ressources plutôt qu'achats ou recherches dispersées), l'opportunité (gain de temps, d'énergie et sérendipidité pour le lecteur), l'option ou l'assurance (gestion de risque, préservation de documents au cas où..). Mais si ces pistes me paraissent toujours valables, il faut reconnaitre qu'on n'a pas beaucoup avancé sur un chiffrage, ni même sur une méthode réaliste pour y arriver. Aussi on en reste à de la rhétorique. Faut-il prendre le problème d'une toute autre façon ?

Google confirme sa santé insolente

Google a annoncé ses chiffres du troisième trimestre.

Repéré sur l'Atelier. Extraits :

Le bénéfice net s'établit à 733 millions de dollars, enregistrant une augmentation de 92 % par rapport aux 381 millions de l'année précédente. L'amélioration du chiffre d'affaires est elle aussi conséquente : en un an, Google est passé d'1,57 milliard de dollars à 2,69 milliards. (..)

Mais d'où Google puise t-il sa force ? La réponse est simple : de la publicité. 60 % du chiffre d'affaires de la firme est issu des recettes provenant des publicités sur les sites dont Google est propriétaire, soit une hausse de 84 %, et 39 % proviennent des annonces présentes sur les sites partenaires de la société via AdSense, avec 1.04 milliard de dollar, ce qui représente une augmentation de 53 %.

A ce sujet, Eric Schmidt, PDG de la firme, a rappelé que "les résultats au troisième trimestre 2006 sont la démonstration de la force de notre réseau de partenaires et d'annonceurs ainsi que de notre engagement à satisfaire nos utilisateurs".

D. Durand remarque, à partir des chiffres d'e-marketer, que la position sur le marché US par rapport à son principal challenger Yahoo! est maintenant écrasante. Et que Google accapare à lui seul 25% du marché US de la publicité en ligne.

Rappelons néanmoins qu'il est des régions où l'insolence de Google trouve ses limites pour de bonnes raisons (ici et ).

vendredi 20 octobre 2006

Pilier 4 : La plasticité

Supposons donc que ce matin vous avez acheté un journal et une baguette de pain pour agrémenter votre (petit) déjeuner..

La composition de la baguette est rudimentaire, son goût est plutôt fade et, pour le relever, il est probable que vous ayez recours à quelques ajouts gustatifs : beurre, confiture, miel, sirop d’érable ou même fromage, jambon, salade etc. selon votre culture gastronomique. Mais la combinaison est très limitée et le résultat connu : vous n’irez pas au-delà d’une (ou plusieurs) tartine(s) ou un (ou plusieurs) sandwich(e)s.

Le journal, lui, se présente tout-à-fait différemment. Il est composé d’un grand nombre d’articles juxtaposés dans des rubriques. Les articles eux-mêmes contiennent des informations, réunies, combinées et transcrites par les journalistes. Les informations sont multiples et hétérogènes. Elles se combinent entre elles et produisent alors de nouvelles informations.

Un fait ou un thème particulier peut vous passionner, vous confrontrez alors les présentations et les points de vue. Vous pourrez même rompre l’unité du journal en découpant un ou plusieurs articles pour les réunir dans un dossier avec d’autres issus d’autres sources. Il se peut qu'un(e) bibliothécaire(e) ou un(e) documentaliste ait déjà réuni un tel dossier que vous pourrez alors consulter.

Découper la baguette ne vous donnera jamais plus que des tartines.

L'information est un bien d'une plasticité exceptionnelle. Une information peut éventuellement se découper en plusieurs, mais plusieurs peuvent aussi se combiner pour n'en faire qu'une. Une ou plusieurs informations peuvent accompagner un autre bien ou un autre service. Par ailleurs, une information se transfère sans grande difficulté d'un support à un autre. Peu d'objets peuvent à ce point de décliner, se remodeler, se découper, se fusionner sans, pour autant, changer de nature.

C’est un avantage pour ceux qui travaillent dans ce domaine : ils ont à leur disposition un matériau malléable. Mais il y a aussi une réelle difficulté à maîtriser une matière à ce point fluide. On peut repérer, du point de vue économique qui est le nôtre, deux défis :

  • L’unité, dans les deux sens du terme : le tout ou la plus petite partie. Comment donner de la cohérence, un sens, à un amalgame hétérogène ? Quelle est l’unité documentaire de base que l’on pourra articuler avec les autres pour bâtir le document ? Le journal a construit pour cela une hiérarchie stricte et des savoirs professionnels. L’article, « la brève » sont calibrés, comportent un titre, un chapô, sont inclus dans une rubrique. L’unité globale est donnée par l’objet, le journal papier, et sa structure, identiques chaque jour. C’est l’objet qui est vendu, garant de l’unité documentaire globale.
  • La dématérialisation. Le terme est ambigu car l’information se transmet toujours au travers d’un support. Néanmoins, l’évolution des techniques graphiques et d’impression a séparé progressivement la réalisation du prototype, le divisant même en parties indépendantes, de sa reproduction ou sa diffusion. Dès lors, le passage du prototype, ou d’un de ses éléments, d’un support à un autre est facilité. L’organisation de la chaîne de fabrication du journal en a été bouleversée. Le journaliste aujourd’hui dactylographie son article dans un fichier informatique et la combinaison des fichiers pilote directement l’impression. Ces mêmes éléments peuvent être déclinés pour différentes exploitations, y compris la diffusion des archives. Inversement, le lecteur lui-même pourra réutiliser et recombiner les unités documentaires en conformité ou non avec les règles de la propriété intellectuelle. Ainsi, l’unité documentaire, jusqu’ici protégée par l’objet, est fragilisée au point que la notion même de document peut-être remise en cause.

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