Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 11 octobre 2006

Bulle ou média

Le rachat de YouTube par Google a été très commenté un peu partout. La question principale a été clairement développée dans un article du New-York Times :

Dot-Com Boom Echoed in Deal to Buy YouTube By ANDREW ROSS SORKIN, October 10, 2006

En voici un extrait traduit :

Google, avec une valeur sur le marché de 132 Mds de $ peut se permettre de renchérir sur YouTube, mais la question qui reste ouverte est de savoir comment mettre un prix sur une affaire incertaine.

"Si vous pensez que c'est le futur de la télévision, alors cela vaut évidemment 1,6 Mds de $", remarque Steve Ballmer directeur exécutif de Microsoft, "si vous pensez autre chose, alors vous pouvez peut-être écrire que cela ne vaut pas grand chose" (..)

À un moment, le vice-président de Google, David Drumont, a donné une explication cryptique : " Nous avons modélisé cela dans une sorte de modèle plus ou moins en synergie. Vous pouvez comprendre que cela a été plutôt difficile à réaliser sur une base unique".

Le niveau de prix que Google a payé pourrait simplement être le coût de renoncement de ses rivaux - Yahoo, Viacom et News Corporation - pour prendre le contrôle du site Web le plus recherché du moment. (..)

La question est bien, en effet, de savoir si nous assistons à la naissance d'un nouveau média, qui continue la logique de servicialisation de l'histoire des médias ou si nous sommes à la veille d'une nouvelle bulle.

Personnellement je penche pour la première hypothèse, même s'il y aura sans doute quelques spéculations hasardeuses.

lundi 09 octobre 2006

Édition scientifique en Europe (suite)

Repéré par le blog de l'Inist.

La Commission européenne vient de mettre en ligne la synthèse de la consultation sur l'édition scientifique lancée après la publication d'un rapport, réalisé par une équipe mixte de bibliothécaires et d'économistes franco-belges sur le même sujet. Le rapport lui-même est une excellente synthèse de la situation de l'édition scientifique et des problèmes liés. Il propose une série de recommandations, qui ont donc été soumises à consultation.

Je traduis ici les principales conclusions de la consultation :

  • De nombreuses réponses ont insisté sur l'importance d'un avenir favorable pour la diffusion scientifique ;
  • La plupart des répondants ont apprécié l'étude, ses conclusions et ses recommandations, bien que les éditeurs ont été généralement critiques ;
  • Il y a un appui significatif à la recommendation qui suggère que l'accès aux résultats de la recherche financée sur fond public doit être libre. Cependant plusieurs éditeurs ont émis des réserves ;
  • L'importance de la conservation à long terme a été fortement soulignée et reliée au problème de l'accès au contenu ;
  • Plusieurs réponses insistent sur la relation forte entre les questions de la publication scientifique et l'initiative européenne sur la bibliothèque numérique ;
  • Les questions relatives à la qualité ont souvent été notées, y compris la qualité des critères de l'évaluation scientifique et de la révision par les pairs ;
  • Certains ont émis des préoccupations concernant la visibilité de la recherche européenne, tout particulièrement celle en d'autres langues que l'anglais ;
  • La nécessité de mener d'autres recherches, en particulier sur l'interopérabilité a été aussi soulignée.

On doit se rappeler que les principaux éditeurs scientifiques, dont les comportements oligopolistiques sont pointés par le rapport, sont européens et pèsent fortement sur la balance des échanges internationaux dans le monde de l'édition. Il y a donc là pour la Commission une discussion intéressante entre une économie éditoriale et une économie de la science dont les intérêts paraissent antagoniques, comme semblent le montrer les résultats de la consultation.

Une conférence devrait se tenir à Bruxelles les 15-16 fév prochain.

Pilier 1 : la non-destruction

Supposons donc que ce matin vous avez acheté un journal et une baguette de pain pour agrémenter votre (petit) déjeuner..

Une fois, la baguette mangée, elle a disparu ; le journal lui, une fois lu, est toujours là.

Sauf accident, il n'aura pas été détruit physiquement par sa consommation. Vous pourrez même le donner à celui, ou celle, qui partage votre repas, et il (ou elle) pourra encore vous le rendre. Le don de la baguette est sinon plus généreux, en tout cas plus altruiste. Elle risque de vous être rendue sérieusement entamée ! Contrairement à un produit ordinaire, l'information, ou plutôt disons le document, ne disparaît donc pas dans sa consommation, mieux, il se consulte de nombreuses fois sans altération notable.

Mais ce même journal, selon la façon dont on le considère, peut néanmoins faire l'objet d'une destruction :

  • le journal de la veille est rendu caduc par le journal du jour (c'est ici le journal comme prototype, l'information rassemblée qui est devenu obsolète. Cette destruction est due à la conjonction de l'évolution du contexte et de l'action du producteur) ;
  • une fois le journal lu, il aura, pour vous, perdu une grande part de sa valeur. A quoi bon relire quelque chose que vous savez déjà ! (c'est une nouvelle fois le journal-prototype qui est concerné, mais cette fois-ci il a été effectivement consommé par le lecteur) ;
  • vous pouvez oublier l'information que vous avez lue, elle sera, pour vous, détruite, mais vous aurez l'occasion d'y revenir si vous n'avez pas perdu votre journal (le journal comme support agit comme une prothèse de la mémoire) ;
  • l'exemplaire dont vous disposez peut être détruit accidentellement ou volontairement (c'est ici l'objet matériel qui est concerné. La destruction physique ne résulte pas directement de la consommation), vous pourrez vous rattraper en achetant un nouvel exemplaire du journal, sauf s’il n’est plus disponible (alors l’information est perdue pour vous à jamais à moins qu’elle n’ait été reprise sur un autre support). Ainsi un document publié est bien plus indestructible qu'un document confidentiel, car il reste disponible si l'un ou l'autre exemplaire est détruit.

samedi 07 octobre 2006

BNUE Synthèse

Excellente synthèse de tout ce qui a été publié en français sur le Bibliothèque numérique européenne sur le blog du BBF.

Rien à ajouter sur le fond donc. Juste une remarque acide d'un observateur décalé :

Le projet de BNUE est sans doute le plus intéressant dossier des institutions documentaires sur le continent européen depuis l'arrivée du numérique. En France, il a permis notamment à la BnF de booster ses services numériques et on peut se réjouir, entre autres, d'apprendre que Gallica sera bientôt accessible en texte intégral. Mais sa gestion "présidentielle" est contestable, aussi bien du côté BnF que du côté Quaero ou encore du côté "ministères". On cumule les effets de cour, les querelles de chapelle, l'épuisement des compétences, les répartitions budgétaires opaques, et surtout on donne l'impression aux partenaires européens que rien n'a changé depuis Napoléon.

jeudi 05 octobre 2006

Les sept piliers de l'économie du document

Les économistes mettent en avant les caractéristiques particulières de l'information pour justifier à la fois l'intérêt et la difficulté de l'analyse dans ce champ. Elles sont souvent présentées en désordre et sans hiérarchie. Mais je crois que, au moins pour ce qui concerne le document, on peut les regrouper sous sept rubriques qui forment les sept piliers de son économie :

  1. La non-destruction
  2. Le prototype
  3. L'interprétation
  4. La plasticité
  5. L'expérience
  6. L'attention
  7. La résonance

Ces piliers doivent être mis en relation avec les paradoxes que le numérique révèle ou accuse (voir ici, et ), pour comprendre les développements en cours.

Le raisonnement économique est parfois difficile à suivre pour un non-initié. S'il est rendu complexe par la spécificité du champ et la technicité de la discipline, les notions de base sont pourtant très concrètes et font partie de l'expérience ordinaire de tout un chacun.

Ainsi, on peut les éclairer par une illustration simple, une parabole dont chacun mesurera facilement les conséquences : la parabole du (petit) déjeuner. Cet exemple particulier sera élargi sans difficulté à d'autres objets informationnels et d'autres situations analogues.

Supposons donc que ce matin vous avez acheté un journal et une baguette de pain pour agrémenter votre (petit) déjeuner.. vous avez peut-être aussi reçu du courrier. Je développerai dans sept billets à venir les sept piliers en les mettant en situation à partir de cette mise en appétit..

- page 129 de 144 -