Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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Recherche - redocumentarisation

lundi 05 novembre 2007

Redocumentarisation et sciences de l'information

À la demande de Stéphane Chaudiron, j'ai rédigé un article, pour la revue Études de Communication(présentation), qui met en perspective quelques thématiques développées dans ce blogue sur la base des réflexions du collectif Roger T. Pédauque. Rien de vraiment nouveau pour ses lecteurs assidus, mais c'est parfois utile d'avoir rassemblé dans un Pdf ce qui est dispersé dans plusieurs billets. Alors voici pour vous l'article en avant-première sur le site d'archives ouvertes de l'Ebsi :

La redocumentatisation, un défi pour les sciences de l'information, à paraître dans Études de Communication n° 30, Entre information et communication, Les nouveaux espaces du document, Université de Lille 3, décembre 2007. ici

Résumé :

Les sciences de l’information, construites sur la base d’un processus de documentarisation démarré à la fin du XIXème siècle, sont avec le numérique confrontées à la nécessité de se renouveler. Le mouvement actuel s’apparente à une redocumentarisation et fait appel à de multiples disciplines pour se développer. Pour le comprendre, on peut suivre la proposition du collectif Roger T. Pédauque de repérer le caractère tridimensionnel du document (forme-texte-medium). Pour le maîtriser, il est utile de retourner aux racines des sciences de l’information, en particulier à l’archivistique.

vendredi 02 novembre 2007

Responsabilité et redocumentarisation

Voilà un jugement qui montre très clairement les ambiguïtés de la redocumentatisation. Wikimédia, la fondation propriétaire de Wikipédia, a été attaquée en France pour atteinte à la vie privée et diffamation avoir laissé révéler sur son site l'homosexualité de trois personnes sans leur consentement. Ces dernières ont été déboutées. Je cite l'article du Monde qui m'a fait découvrir cette nouvelle :

Foucard Stéphane, Wikipédia, ni coupable, ni responsable, LE MONDE, 03.11.07, Html

La justice française a ainsi estimé qu'en dépit des apparences Wikipédia ne fait pas œuvre éditoriale. Elle n'assure, selon cette interprétation, qu'un hébergement technique aux contributions des internautes. En accord avec ses principes fondateurs, l'encyclopédie est, en effet, bénévolement construite, rédigée et amendée par les internautes qui le désirent. "Le juge a estimé que, puisque la fondation n'exerce aucun contrôle sur le contenu des articles, elle n'a pas à supporter une responsabilité de type éditorial", explique Lionel Thoumyre, directeur de la revue en ligne spécialisée Juriscom.net.

Wikipédia est un objet documentaire non identifié. Ce ne serait pas un produit éditorial, selon le juge dont le raisonnement a sa cohérence. Même si, en effet, aujourd'hui tous les efforts de ses fondateurs et principaux activistes visent à en contrôler, valider et améliorer le contenu par diverses techniques (ce qui relève manifestement d'une activité éditoriale), fondamentalement l'écriture reste ouverte à tous les internautes sans quoi le cœur même de sa dynamique s'écroulerait.

Mais alors se pose un lourd problème de responsabilité, comme le montre ce procès, puisqu'il est possible impunément de diffamer n'importe qui.

Dans son éditorial Le Monde revient sur la question. Je cite :

Le Net est bien sûr un outil formidable de travail et de communication. Mais, tout comme la "bulle" spéculative Internet avait gonflé jusqu'à la démesure avant d'éclater, l'euphorie suscitée par ce nouvel espace mondial de liberté a suscité un vertige collectif qui a longtemps masqué ses effets pervers. Sans même compter les possibilités accrues de fraude et d'escroquerie et les risques d'addiction, Internet devient en effet une arme de diffusion massive de ragots et de fausses nouvelles. Un instrument pratique et redoutable de vengeances anonymes, parfois de menaces. De tout temps, la rumeur a pu détruire des vies et des réputations. Internet démultiplie cet effet, offrant des possibilités nouvelles aux "corbeaux" de tous ordres.

Deux arguments peuvent être avancés pour réduire le problème au moins sur la question particulière de Wikipédia :

  • celui du temps, le filtrage se faisant a posteriori, la correction sera faite tôt ou tard. Mais même s'il faut espérer qu'elle soit faite le plus tôt possible, il n'y a pas de garantie, celle-ci n'est pas sanctionnée et il restera toujours dans l'historique la trace de la diffamation initiale.
  • celui de la traçabilité. Le seul responsable est donc dans le raisonnement du juge l'auteur de la diffamation. Il faut donc pouvoir remonter à la source, et on sait que des outils ont été développés à cette fin. Mais alors, c'est la fin de l'anonymat.

Mais en réalité la traçabilité attire surtout les appétits des marketers, et avec les dits «réseaux sociaux» les problèmes de responsabilité risquent de se poser de façon de plus en plus graves. On le sait en s'inscrivant à FaceBook, l'internaute perd toute propriété sur ses données personnelles (voir la traduction du contrat réalisée par J.-M. Le Ray). On apprend aujourd'hui par TechCrunch (ici) que le service publicitaire de FaceBook irait beaucoup plus loin en centralisant toutes les traces de navigation de l'internaute inscrit sans que ce dernier ne puisse aucunement réagir..

C'est ainsi qu'aux US les associations de consommateurs s'organisent pour s'opposer à cette traçabilité débridée et dangereuse en demandant de préserver un internet sans traçabilité, une Do not track list Html. (repéré par J. Batelle)

Mais alors comment retrouver un responsable de diffamation, si on ne peut le tracer ? Pas simple. Il faudra sans doute quelques affaires ou quelques scandales pour que l'on commence à penser qu'il serait peut-être temps de réfléchir à un nouvel ordre documentaire..

lundi 15 octobre 2007

Trois questions de B. Calenge sur le modèle bibliothéconomique

Bertrand Calenge, responsable de la prospective à la Bibliothèque municipale de Lyon, a posé dans le commentaire d'un précédent billet les trois questions ci-dessous. J'esquisse une première réponse, mais les questions s'adressent à tous les lecteurs de ce blogue. Alors n'hésitez pas à ajouter vos commentaires. Rappel du commentaire de Bertrand :

J'ai été très intéressé par les approches des différents médias (?) de diffusion ou d'appropriation des informations jugées utiles par leurs destinataires. Le modèle du polygone de l'appropriation de la mémoire, cité dans un des liens m'a conduit à réfléchir...

La différenciation des modèles économiques entre presse, édition, Toile et bibliothèque me semble très pertinente, mais non tant par sa version économique que par sa version culturelle. Étant bibliothécaire, l'étude des déplacements de points de vue m'intéresse dans la mesure où elle peut conduire à une action concrète. Or, j'ai pu constater dans l'établissement où je travaille, que la mise en oeuvre de nouveaux produits ou services ( le Guichet du Savoir (ici) puis le magazine Points d'actu ! () se heurtait non tant à une réticence gestionnaire ou - encore moins - à une réticence d'usage de la part des internautes, mais à des incompréhensions diverses - internes comme externes - de la part des bibliothécaires eux-mêmes.

Les réticences (et c'est tout le mérite des modèles que tu proposes) tiennent sans doute à une non-conformité de ces outils-services aux modes d'organisation fonctionnelle des bibliothèques : s'inscrire dans le 'lac' des savoirs comme pêcheur au gré des demandes (Guichet du Savoir), ou construire en fait un point de vue journalistico-éditorial sur des flots d'actualité, cela ne rentre pas dans le modèle que tu donnes de la bibliothèque. D'où deux questions livrées à toi et aux autres :

  1. à force de se fixer sur le "modèle" bibliothèque, ne risque-t-on pas de figer tant les bibliothécaires que leurs publics dans une fonction unique ?
  2. et la deuxième question explique la première : la BM de Lyon, selon ton modèle, s'égare avec les produits qu'elle a mis en oeuvre (cités plus haut) ; la bibliothèque (réelle et non modèle économique) ne peut-elle d'une part déplacer son objectif sur d'autres objectifs que la constitution-gestion d'une collection vivante ? Si l' "institution collective" bibliothèque s'intéresse d'abord à sa population (présente et à venir), ne peut-elle combiner plusieurs axes d'approches non exclusifs les uns des autres ?
  3. Et dans ce cas, comment un modèle économique du service public (pour autant que son action remporte les suffrages de la collectivité et des instances de tutelle, donc trouve d'une façon ou d'une autre les moyens de son financement à l'intention du plus grand nombre), s'inscrit-il dans ces questions d'accès, de diffusion, de polygone.... ?

Voici mes premiers éléments de réponse :

  1. Il y a deux mouvements en cours qui se concurrencent parfois. L'un sur la base de l'ordre documentaire traditionnel tend à renforcer le pentagone. Dans celui-ci, le Web-média trouve sa place entre TV et bibliothèque. L'autre, qui relève plutôt d'une redocumentarisation, fait exploser l'ordre en question en faisant muter son unité de base : le document. Dans ces changements, les frontières entre les métiers traditionnels évoluent. L'édition, quand elle passe réellement au numérique, construit des collections (au sens bibliothéconomique). La bibliothèque numérique emprunte, par exemple, à l'archivistique (en collectant des documents uniques issus de l'organisation) et à l'édition (en publiant). Il serait donc imprudent pour les bibliothécaires de s'enfermer dans une conception traditionnelle de leur métier, d'autant que d'autres, et de très gros, se sont donnés la même vocation. Cela pose, bien entendu, aussi la question de la formation.
  2. Donc la réponse de principe est oui, il est nécessaire de diversifier les services, d'autant que la relation à l'information se modifie très rapidement avec la redocumentarisation. Ensuite c'est une question de stratégie au sens marketing. Tout dépend du positionnement particulier de la bibliothèque en question dans sa collectivité. Je n'ai pas étudié de près celui de la BM de Lyon, mais on peut penser que compte tenu de sa taille, de sa tradition d'innovation, elle peut être ambitieuse et innovatrice dans les services à ouvrir. L'objectif est d'avoir un portefeuille de services qui dynamise la bibliothèque sans la dénaturer. Les services de bases restent et font le principal de l'activité, mais des services-vedettes, ou même ce qu'on appelle des dilemmes (car on n'est pas sûr de leur réussite) tirent la bibliothèque vers la modernité. Il ne faut évidemment pas que ces services soient confinés dans le modèle traditionnel. Je ne saurais répondre sur les deux exemples donnés. Il me faudrait les étudier plus précisément.
  3. Cette troisième question est la plus difficile, mais à mes yeux la plus importante. J'aurai deux réponses complémentaires, une locale et une globale. Une bibliothèque municipale a, comme son nom l'indique, vocation à servir une population locale. Mais le Web et l'internet, comme leur nom l'indique aussi, ne sont pas localisés. Il pourrait dès lors y avoir une contradiction : pourquoi une ville financerait-elle un service planétaire ? La réponse locale me paraît être la promotion de la ville. Plus un service est apprécié au delà de ses murs, plus l'image de la ville en bénéficie avec toutes les retombées possibles. Là encore, il s'agit d'une question de marketing. Pour les bibliothèques la stratégie est toujours double : en direction de son public et en direction de ses tutelles. En l'occurrence, il faut que l'élargissement du public par la valeur ajoutée du service proposé bénéficie à la ville. La seconde partie de ma réponse sera globale. Il est très important qu'une part des services développés sur le Web gardent une vocation de service public (au sens de leur financement). Cette importance est d'autant plus grande que le dit Web 2.0 tend à instrumentaliser à des fins mercantiles la mutualisation, le don, l'amitié, les échanges privés, etc. Aujourd'hui les bibliothèques, avec par ailleurs Wikipédia (et c'est une des raisons pour laquelle l'encyclopédie doit être défendue), sont parmi les rares acteurs à œuvrer sans ambigüités en ce sens. Ainsi, même s'il est parfois difficile de savoir quel service développer, il est très important que les bibliothèques prennent des initiatives ambitieuses sur le Web. Cela devrait faire partie de leur mission.

jeudi 11 octobre 2007

Pour une bibliothèque vraiment moderne

Dans un billet, if:book lance un appel à commentaires sur une réflexion qu'ils souhaitent démarrer autour de la numérisation de masse.

Extraits (trad JMS) :

Nous sommes à mi-parcours d'un « transfert (upload) » historique, une course frénétique pour basculer notre culture analogique dans le numérique. La numérisation en masse des imprimés, des images, du son, des films et de la vidéo découle des efforts d'acteurs des secteurs privés et publics et on ne sait pas bien encore comment les médias du passé doivent être préservés, proposés et interconnectés pour l'avenir. Comment pourrons-nous emporter avec nous les traces de notre culture dans le respect de l'original, mais aussi avec les avantages des nouvelles technologies qui les enrichissent et les réinventent ?

Notre objectif avec le projet « Pour une bibliothèque vraiment moderne » n'est pas de construire une bibliothèque physique, ni même une bibliothèque virtuelle, mais de susciter des réflexions nouvelles sur la numérisation de masse et, au travers des générations de nouveaux et inspirants dispositifs, interfaces et modèles conceptuels de stimuler l'innovation dans l'édition, les médias, les bibliothèques, les universités et les arts.

Ils ne parlent pas de redocumentarisation, mais c'est tout comme..


Actu un peu plus tard

Voir aussi l'article :

Ross Seamus, Digital Preservation, Archival Science and Methodological Foundations for Digital Libraries, ECDL 2007. Pdf

Extrait du commentaire de L. Dempsey (trad JMS) :

L'archivistique, avec ses principes d'unité, de provenance, de classement et description, d'authenticité, d'évaluation et ses outils comme la diplomatique peut nous offrir un cadre pour une fondation théorique de la bibliothèque numérique.

Ils ne parlent pas d'archithèque, mais c'est tout comme..

Repéré par Pintini

vendredi 28 septembre 2007

Roger et le graphe social

De brillantes synthèses et analyses ont été produites récemment en Français sur la question très discutée du graphe social lancée par le fondateur de FaceBook. Elles sont à lire, relire et à méditer :

  • Comprendre le graphe social par H. Gillaud sur InternetActu. Html
  • Ce que l'on sait des réseaux sociaux par Olivier Ertzscheid. Html 1 et 2
  • Actu du 29 sept Fragments de recherche sur FaceBook par M. Lessard. Html

J'ajouterai une remarque inspirée (encore..) de Roger, même si à l'époque on ne parlait pas encore de graphe social.: c'est aussi, et peut-être surtout, une question documentaire.

Roger T. Pédauque, Document et modernités, 16 Mars 2006. Html

Extraits :

L’imprimé serait directement associé à la première modernisation, celle qui a permis l’esprit scientifique, la rupture avec les traditions de l’Ancien régime, l’expérimentation et sa validation à travers des comptes-rendus détaillés comme critère de la scientificité, celle aussi qui débouche progressivement sur la reconnaissance des autorités et en même temps des auteurs et des États-nations. Une bonne part des relations dans les sociétés dites « modernes » sont fondées sur et cimentées par la stabilité du document papier et sa reproductibilité industrielle à l’identique (effet de série) ou encore sa permanence sécurisant les contrats, les règles et les identités. Plus encore, cette modernité est à mettre en relation avec une certaine façon d’écrire et de penser dans la linéarité et l’argumentation. Ainsi, il y a toujours eu un étroit rapport entre l’ordonnancement des idées et une certaine conception de l’espace non pas simplement scriptural mais aussi topographique. La classification du savoir en différents domaines, par exemple, selon les schémas classiques de l’encyclopédisme s’appuie sur une représentation de l’espace inspirée elle-même des arts de la mémoire. L’encyclopédisme utilise métaphoriquement les mots de champ, domaine, aire, qui sont en rapport avec la segmentation de l’espace et qui ont trouvé dans la feuille, le codex, les collections de volumes reliés des technologies propres à les représenter.

La seconde modernisation introduirait un effet retour sur cette prétention à la maîtrise qui caractérisait la première car les conséquences ne peuvent plus être repoussées au-delà de nos générations. La prétention à la totalisation du savoir et au triomphe des autorités scientifiques seraient battues en brèche : la seconde modernisation introduit l’exigence d’une réflexivité, d’un savoir qui se déclare lui-même et qui se contrôle en connaissant ses limites et ses conditions de production. Ainsi le modèle politique change (cf. le principe de précaution) mais aussi, pour ce qui nous concerne ici, les politiques documentaires. Le numérique introduit de façon massive et inédite à cette échelle la réflexivité sur notre propre activité documentaire. La documentation générale de nos activités, y compris les plus triviales, constitue désormais une seconde nature, qui correspond bien à cette seconde modernisation.

Le professionnalisme dans quelque domaine que ce soit, se juge à la capacité de réflexivité sur sa propre activité, sur la capacité à la déclarer, à l’expliciter, à la transmettre, à la tracer, toutes choses qui font émerger une énorme activité documentaire. Selon cette proposition, la rupture avec la première modernisation est importante. C’est aussi une sorte de retour à un régime d’auteur pré-moderne, où l’on ne se souciait guère de l’authenticité des écrits et qui permettait à tout un chacun de reproduire en déformant à volonté les textes supposés les plus intangibles.

Or, cette exigence est directement concomitante des outils numériques permettant de générer, de suivre, de traiter, de calculer tous les éléments composant les sources du processus documentaire. Plus que sur le document, il convient de mettre l’accent sur la documentarisation généralisée de nos activités, de notre vie sociale. Les contributions, facilitées par la dissémination et la convivialité des outils numériques, ne sont plus réservées à quelques uns, mais que ce soit dans l’atelier pour les remontées des défauts ou dans les blogs, chacun est tenu de produire et même souvent d’indexer l’information qu’auparavant seuls quelques professionnels pouvaient générer et mettre en forme.

(..)

Une hypothèse pourrait être que le développement d’une condition post-moderne, en concurrence avec la normalité moderne, est précisément rendue possible par la facilité matérielle donnée à chacun de constituer de manière autonome des collections de documents en gérant, grâce à la numérisation et internet, le passage de ces collections entre les trois contextes de médiations notés. Cette gestion permettrait aux acteurs de dessiner les contours de leur identité dans la dimension individuelle, collective et sociale de manière plus autonome et interactive qu’auparavant, leur rendant accès à une localisation redéfinie géographiquement par les réseaux. Inversement, elle permet de rendre visible, par la mise en réseau de mémoires personnelles, de nouvelles socialités et de nouvelle géographies d’imaginaires collectifs au travers de traits communs partagés ou reliés. Le développement des outils portables (téléphone, iPod, ebooks, etc.), l’augmentation explosive de leur capacité de mémoire, accroit encore les facilités fonctionnelles à la disposition des individus et décloisonne les espaces de communication en favorisant le nomadisme.

Pourtant, il nous paraîtrait bien imprudent d’en conclure que la migration généralisée des populations conduit, d’une part, à une société documentarisée sans contrôle des États ou des acteurs commerciaux et, d’autre part, à un recul des marges par une intégration sociale nouvelle des migrants au travers du renouvellement de leurs partages documentaires. Les frontières et les marchés sont aussi en voie de « migration » et sujets à une redocumentarisation où la traçabilité des individus par l’enregistrement de leurs transactions électroniques sur des banques de données remplace le contrôle par l’échange de papiers, d’identité, administratifs, monnaie, contrat ou facture. Et la marginalité se déplace elle-aussi vers ceux qui n’ont pas ou plus de possibilités d’accès aux réseaux (adresse électronique, carte magnétique, portable, code secret, etc.).

Le numérique favorise à la fois l’autonomie et le contrôle social. Il ne fait qu’accuser des tendances déjà à l’œuvre.

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