Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi 14 septembre 2012

Nouveau régime de vérité, démonstration par l'absurde

Décidément Wikipédia est un excellent marqueur des changements documentaires en cours et de leurs limites. La récente histoire autour de Philippe Roth, un des plus célèbres écrivains nord-américains, est pleine d'enseignements. C'est une sorte de démonstration par l'absurde, comme il en existe en mathématique.

On trouvera un résumé de l'histoire ici. Ph. Roth contestait la relation dans Wikipédia de l'inspiration du personnage principal d'un de ses romans, présentée par un critique et reprise dans Wikipédia. Pour cela, il a envoyé une lettre ouverte sur le New Yorker pour demander à l'encyclopédie d'effectuer la correction après que son agent ait échoué à corriger en son nom directement la rubrique, faute de pouvoir présenter de références crédibles. Aujourd'hui la rubrique est corrigée.

L'histoire de Philippe Roth s'énervant à corriger une erreur sur l'interprétation de son œuvre ne serait qu'une anecdote, parmi les très nombreuses discussions internes et externes autour des pages de l'encyclopédie, si le statut d'auteur du plaignant, le moyen employé et la réaction des wikipédiens n'éclairaient de façon éclatante ces changements en cours dans les régimes de vérité et leurs limites que j'ai déjà eu l'occasion souvent de pointer sur ce blogue ou ailleurs.

L'effacement de l'auteur

Le premier point à noter est que l'information produite par l'auteur sur son inspiration était jusqu'à présent inédite (ou presque, il en avait fait allusion dans une interview), contrairement à la spéculation du critique citée dans Wikipédia qui avait été publiée, elle, dans un journal reconnu et reprise ensuite par d'autres. Dès lors, la demande de correction n'a pas été jugée digne de foi selon les règles même de Wikipédia, car non référencée. Et les corrections du biographe autoproclamé (sic) de l'auteur ont été effacées par des éditeurs chevronnés de l'encyclopédie, qui ont au contraire surligné la version jugée erronée par l'auteur de la nouvelle (voir la discussion ici).

Aujourd'hui la rubrique de Wikipédia est corrigée sur la foi de la lettre publiée par Ph. Roth. Toujours selon les règles de Wikipédia, la précision sur l'inspiration est maintenant "sourcée", c'est à dire qu'elle peut-être validée par une référence publiée. Les règles de rédaction de Wikipédia sont très claires à ce sujet : Les articles de Wikipédia devraient reposer principalement sur des sources secondaires fiables. Toute utilisation de sources primaires devrait s'appuyer sur des sources secondaires, et ne pas être une sélection, analyse, synthèse ou interprétation inédite réalisée par un contributeur de Wikipédia. Les sources primaires seules sont acceptées si elles consistent en des assertions factuelles et non sujettes à interprétation ou polémique.

La lettre ouverte de Ph. Roth n'est pas un simple accès d'humeur. Il s'agit d'un long texte, précisant dans le détail les tenants et les aboutissants de son inspiration et pourquoi l'interprétation précédente était erronée. L'ampleur de l'argumentaire montre que Ph. Roth a pris très au sérieux la documentation de son œuvre, au-delà de l'agacement qu'il laisse poindre.

Mais, comme le fait remarquer un Wikipédien dans la discussion autour de l'article incriminé (trad JMS) : Le plus génant pour moi est d'avoir considéré que Roth n'était pas une source valide. Et oui, je comprends l'aspect préventif de la différence entre des sources primaires et secondaires. Mais seul Roth peut parler de ses propres motivations. Pour n'importe qui d'autres, cela relève d'une simple spéculation. Et la spéculation ne devrait pas faire partie d'un bon article d'encyclopédie.

Il s'agit ainsi bien d'une démonstration par l'absurde du nouveau régime de vérité représenté par Wikipédia. Il est, en effet, absurde de considérer qu'un auteur ne soit pas la meilleure source pour éclairer son inspiration, mais, en même temps, la règle défendue par l'encyclopédie est sa garantie contre des intrusions intempestives non contrôlables. On ne saurait mieux illustrer que Wikipédia, et sans doute le web en général, se trouve à la fois dans la continuité d'une tradition documentaire et en même temps peut-être dans une bascule de notre régime de vérité. Son fonctionnement repose sur l'accessibilité des documents et leur valeur n'est construite que par leur inter-relation. J'ai déjà montré combien cette logique était à la base même du développement du web et combien Wikipédia y jouait un rôle décisif (par ex ici).

Cette logique entre en contradiction avec la polarisation sur l'auteur et sur la création des deux derniers siècles, y compris dans la science. Elle retourne notre relation au savoir qui devient le résultat d'une interrogation contrôlée d'un patrimoine documentaire accumulé et donc seulement de façon indirecte le résultat de la découverte d'un travail créatif, d'un inédit, d'une invention. La création n'est plus au centre, elle fait place au partage. En réalité, création et partage sont depuis toujours les deux piliers de l'avancement du savoir dans une société. Mais depuis au moins deux siècles l'accent a été mis dans les sociétés occidentales sur la création qui a été particulièrement valorisée. Le web insiste à l'inverse sur le partage, jusqu'à, comme le montre l'histoire de Ph. Roth, contester la parole du créateur.

Ainsi on voit grâce à l'absurdité de cette situation que le dialogue de sourds entre les défenseurs du droit d'auteur et les tenants du partage a des racines plus profondes que la simple dénonciation de logiques marchandes, rentes indues ou prédations illégitimes. Même si les appétits marchands brouillent les pistes, derrière ces incompréhensions se cache aussi, et peut-être surtout, une transformation de notre rapport au document, considéré comme soit comme le résultat d'une création, soit comme un patrimoine.

Les limites de l'attention

La seconde leçon de cette petite histoire est la question, souvent mal comprise, de l'économie de l'attention, et ici sa fragilité. La garantie de la qualité de Wikipédia est dans la sagesse des foules, ou plutôt de la multitude pour reprendre un mot à la mode, puisque sa correction est laissée sous la surveillance de chacun. Mais on oublie souvent que l'économie de la multitude repose sur l'attention. Pour Wikipédia, la garantie de qualité dépend du bon fonctionnement de la chaîne attentionnelle des différents acteurs concernés par la production de l'encyclopédie. Et l'encyclopédie a mis en place des mécanismes efficaces pour pallier cette difficulté, mais au risque de réduire "la multitude" à un petit nombre de contributeurs investis d'un pouvoir éditorial radical, comme nous allons le voir.

Remarquons, d'abord, que l'allusion, maintenant contestée par Ph. Roth, à l'inspiration de la nouvelle ne date pas d'hier sur Wikipédia. Elle était présente depuis longtemps, précisément depuis octobre 2005 (ici) et n'a été relevée par l'auteur qu'il y a quelques jours. J'ignore comment son attention a été attirée, mais on peut penser que le rôle de plus en plus important joué par Wikipédia dans le monde scolaire a pu jouer dans sa volonté de correction de la rubrique.

Plus révélateur, est le scénario de la correction manquée :

  • Le 20 août la première correction est faite par un internaute avec ce commentaire : I have removed the reference to Anatole Broyard, at Philip Roth's insistence. I am his biographer (j'ai retiré la référence à Anatole Broyard sur l'insistance de Philip Roth, je suis son biographe).
  • Une minute après, un éditeur de wkp remet le texte initial avec pour commentaire Can you verify that? (Pouvez-vous le vérifier ?).
  • Vingt minutes plus tard. La correction est renouvelée avec ce nouveau commentaire : Once again, I removed the reference to Anatole Broyard. It is wholly inaccurate and therefore pointless. I am Roth's biographer, and have removed it at his request. (Une nouvelle fois, j'ai enlevé la référence à Anatole Broyard. C'est tout à fait inexact et donc sans objet. Je suis le biographe de Roth et j'ai fait cette correction à sa demande).
  • Six minutes après, un autre éditeur de wkp remet de nouveau le texte initial et ajoute de nouveaux détails pour confirmer l'inspiration de la nouvelle par le personnage d'A. Broyard. Cet éditeur prendra deux heures de son temps pour cette rédaction. Comme l'indique le wikipédien qui relate l'histoire : cet éditeur a du se prendre pour un vrai détective !

Le timing est plus intéressant encore que le contenu de l'échange. Les éditeurs de Wikipédia sont intervenus en un temps record, alertés sans doute par les robots qui repèrent les corrections. Cette précipitation, doublée d'une référence brutale à des règles inconnues de l'internaute néophyte, décourage l'argumentation. Face à une telle surveillance et radicalité, il est peu probable que quiconque ait le goût d'insister.

Mais Ph. Roth a de la suite dans les idées. Il est assez logique alors que, constatant l'échec de son autorité d'auteur (confirmé dit-il par un échange de courrier) non reconnue par l'encyclopédie, il ait préféré changer de terrain et choisir un lieu où justement sa qualité n'était pas contestée, une revue traditionnelle, pour faire valoir son point de vue.

Cette histoire souligne doublement les limites de l'économie de l'attention sur le web. La vulgate commune de la sagesse des foules voudrait qu'une sorte de main invisible de l'attention de la multitude régule la valeur sur le web. Les éléments les plus pertinents seraient mis en avant par le jeu des interactions des internautes.

On constate d'abord que Wikipédia a mis en place une organisation qui, de fait, courcircuite cette logique grâce à un petit nombre d'éditeurs bénévoles appuyés par des robots. Ensuite, l'encyclopédie évite les pièges de l'auto-édition ou des stratégies de référencement des activistes du web en s'appuyant sur le modèle éditorial traditionnel pour ses références.

Si l'on ajoute que Wikipédia devient, lui-même, une référence sur le web et ailleurs, et même pour la construction du web de données par DBpédia, l'histoire de Philippe Roth n'a pas fini de nous faire réfléchir.

16-09-2012

Pour un procès à charge contre Ph Roth par un wikipédien :

« Philip Roth and Wikipedia, Non-Commercial Use », 15 sept 2012 .

La charge montre surtout, à mon avis, l'écart entre les deux mondes, aussi radicaux et sûrs de leur bon droit l'un que l'autre.

mardi 28 août 2012

Z comme Hacker

A lire une intéressante interview de Drapher sur la philosophie Hacker :

« De la société des hackers : interview ». Reflets Info, août 28, 2012.

qui montre une forte résonance entre les premiers temps des pionniers hyppies de la micro-informatique et de l'internet et des préoccupations plus contemporaines des hackers d'aujourd'hui face aux blocages politiques.

Pour autant, il serait aussi utile de tirer les leçons de l'histoire en se rappelant ce qu'est devenu le mouvement hyppie. Les mêmes forces sont aussi aujourd'hui à l’œuvre, transposée dans le contexte du nouveau millénaire. Petite devinette. Qui a écrit cela (trad JMS) ?

Le mot "hacker" a une connotation injustement négative à force d'être dépeint dans les médias comme des gens qui cassent dans les ordinateurs. En réalité, le hacking signifie simplement construire quelque chose rapidement ou tester les limites de ce qui peut être fait. Comme la plupart des choses, il peut être utilisé pour faire du bon ou du mauvais, mais la grande majorité des hackers que j'ai rencontrés ont tendance à être des gens idéalistes qui veulent avoir un impact positif sur le monde.

La Voie Hacker est une approche de construction qui suppose une amélioration continue et l'itération. Les hackers pensent que les choses peuvent toujours être améliorées et que rien n'est jamais fini. Ils doivent juste les réparer, souvent face à des gens qui disent que c'est impossible ou qui se contentent du statu quo. Les hackers cherchent à construire les meilleurs services sur le long terme par de rapides essais et des petites itérations plutôt que de tenter d'avoir tout juste d'un coup. Pour le mettre en place, nous avons construit un cadre de test qui permet à moment donné d'essayer des milliers de version de (XXX). Nous avons peint sur nos murs "faire est mieux que parfaire" (ou "le mieux est l'ennemi du bien", Done is better than perfect) pour nous rappeler à nous même d'être toujours sur la brêche.''

Le hacking est aussi une discipline en soi pratique et active. Au lieu de débattre pendant des jours de la meilleure idée ou de la meilleure façon de faire, les hackers font un prototype et vérifient s'il fonctionnent. Il y a un mantra hacker qu'on entend beaucoup chez nous : "le code est meilleur que les arguments".

Réponse :

Non ce n'est pas Jérémie Zimmermann de la Quadrature du net qui vient d'être lauréat d’un très prestigieux EFF Pioneer Award (félicitations à lui !).

Il s'agit d'un extrait d'une étonnante lettre dont j'avais déjà traduit quelques morceaux de bravoure dans un billet précédent.

vendredi 24 août 2012

Communautés privées et tragédie des communs du savoir

Voici une édifiante présentation du travail des communautés privées sur le web :

Sonntag, Benjamin. « Communauté privées : Légalisez les partages hors marché ! » Benji’s blog !, août 23, 2012.

En accord avec son titre, l'auteur conclut son billet par un appel à la légalisation des partages hors-marché. C'est l'objectif du billet : plaider pour le partage. Mais si la démonstration de la valeur ajoutée des échanges entre ces passionnés est très convaincante, elle montre a contrario, me semble-t-il, combien cet équilibre est fragile et complexe. Il reste à mener un travail de réflexion beaucoup plus ample et approfondi que les habituels oukases pour ou contre Hadopi pour construire une régulation juridique et économique sérieuse et efficace. Il ne suffit pas, loin de là, de légaliser les partages hors-marché.

Les règles mises en place par les membres des communautés privées sur le web ressemblent de façon frappante à celles étudiées par Elinor Ostrom dans les sociétés primitives pour éviter la "tragédie des biens communs". La tragédie en question est celle de la surexploitation du bien commun au profit de quelques intérêts particuliers, l'exemple canonique étant celui du paturage partagé. Pour préserver le bien commun, les communautés mettent en place des règles institutionnelles. Dans nombre de cas, la tragédie a bien lieu et la propriété privée s'impose comme la loi "naturelle", mais si les règles sont convenablement posées et défendues, alors le bien commun peut être préservé, pour la satisfaction de l'ensemble des membres de la communauté.

E. Ostrom a cherché a élargir sa réflexion aux biens du savoir en les définissant comme non-rivaux. Cette idée est maintenant largement répandue sur le net. C'est devenu un lieu commun : la gratuité s'impose car les biens informationnels numériques sont infiniement partageables. Mais j'ai eu plusieurs fois l'occasion de dire (ici) que cette idée était inexacte, ou plutôt seulement partiellement exacte, car elle ne tient pas compte des différentes dimensions du document. Si le contenu est non-rival, l'attention l'est de moins en moins. Dès lors, on ne peut réellement parler de bien commun du savoir que dans un environnement clos, c'est à dire protégé de l'économie de l'attention. Sinon, pour reprendre le vocabulaire du débat traditionnel des économistes, on tombe dans une tragédie des communs du savoir, et immanquablement la propriété intellectuelle devient la référence "naturelle".

Déjà, comme le souligne l'auteur du billet au sujet des communautés plus ouvertes : Ces communautés sont souvent moins intéressantes car leur côté public fait que les forums sont moins remplis de passionnés et les règles de partage plus difficiles à faire jouer, puisqu’il est toujours possible de se créer un nouveau compte si besoin. En réalité plus une communauté est ouverte, plus l'économie de l'attention y joue un rôle important et plus le risque de tomber dans une régulation marchande est important, sauf encadrement strict par la loi.

L'exemple des communautés privées sur le web illustre la parenté entre les communautés du web et les sociétés étudiées par E. Ostrom. L'auteur du billet cite sept règles qui sont autant de protection et que je traduis ainsi : fonctionnement par parrainage, coresponsabilité "familiale", non publicisation de l'accès, réciprocité dans le partage, discussions communes, financement non-commercial, outils spécifiques (logiciels maisons). Ces règles sont le prix à payer pour la qualité des échanges et de l'accumulation d'un patrimoine commun. Et le résultat est concluant; Voici quelques uns des avantages, extraits des différents exemples cités :

  • La qualité des sorties : format sans perte, jaquette, fichiers avec des métadonnées propres, etc. 80% des requêtes ont été trouvées par l’un des utilisateurs du site.
  • Uniquement des films n’ayant pas fait un carton ces dernières années, et conséquence de cela, on y trouvera surtout des fans hyper pointus de cinéma.
  • Chaque film peut être partagé en différentes qualités (standard, hd, blueray ...). On y trouve de très nombreuses informations sur chaque film : acteurs, réalisateur, scénariste etc.
  • Des ebooks, films, logiciels, centrés sur les thèmes de l’apprentissage : formation aux langues, documentation de concours pour obtenir une certification, cours en tout genre, livres de culture générale etc. Cette communauté est, de ce fait, plus petite, mais les membres les plus actifs sont totalement experts de leur champ de compétence, des forums impressionants !

Il semble que le nombre de ces communautés autogérées soit très important. On y trouve les qualités des "infractructures épistémiques" indispensables à toute économie du savoir : conservation, confrontation et partage des documents. Dans l'histoire, les bibliothèques se sont construites sur ces éléments et nombre de bibliothèques sont issues d'initiatives de collectes privées, léguées ensuite à la collectivité.

L'auteur du billet conclut : Enfin, ne serait-ce pas tellement mieux si ces communautés pouvaient exister de manière ouvertes grâce à une légalisation des échanges hors marché, permettant à ces passionnés de pouvoir enfin partager leurs coups de cœur légalement, sans être obligés de se cacher de majors censés aider les artistes à trouver leur public... Sans doute, mais les règles des communautés autogérées ne sont pas seulement destinées à se cacher du gendarme, elles sont aussi la garantie du fonctionnement collectif. La légalisation du partage suppose un encadrement strict pour ne pas tomber dans la tragédie des communs de la surexploitation de l'économie de l'attention par quelques uns et par voie de conséquence d'un retour au régime de la propriété intellectuelle.Les internautes sont-ils prêts à les rendre plus officielles ? A lire les débats actuels, on peut en douter.

La tragédie est sans doute proche sinon déjà en route. On peut analyser de cette façon la (més)aventure de Megaupload qui cherchait à tirer profit de l'économie de l'attention, ou de façon plus insidieuse mais plus fondamentale l'exploitation commerciale de nos traces par des firmes comme Google ou Facebook.

vendredi 27 juillet 2012

Facebook, une économie de plus en plus politique

Facebook, suite à son entrée en bourse, présente pour la première fois ses résultats trimestriels. Ainsi nous pouvons maintenant suivre plus lucidement l'évolution de la firme. Pour autant le décryptage n'est pas évident car il se confirme qu'il ne s'agit pas d'une firme comme une autre. Les résultats officiels sont accessibles ici. Ci-dessous quelques leçons que j'en ai tirées.

Priorité à la publicité

Après un trimestre inquiétant, le chiffre d'affaires est reparti à la hausse tout en restant modeste par rapport à la croissance en volume de la firme (1.184 M de $). La croissance ne provient que de la publicité qui reste la part principale des revenus. La tentative de monétisation des services, principalement les jeux, semble stagner d'autant que le plus gros "joueur", Zynga, a présenté des résultats décevants ce trimestre (ici).

Facebook-revenus-Q2-2012.png

Facebook a toujours eu du mal à attirer les annonceurs. Il y a une raison structurelle que l'on pourrait appeler l'effet "Séraphin Lampion" : comme le capitaine Haddock, nous préférons les amis désintéressés. A celle-ci vient s'ajouter le fort développement de l'usage de FB par le téléphone mobile qui augmente encore la difficulté.

Priorité au management

L'effort semble toujours mis sur la R&D et sur le management, au détriment des résultats financiers. La firme affiche ainsi des pertes ce trimestre de 150 M de $... justifiées par la distribution d'actions aux salariés.

Les boursiers l'ont maintenant compris et la firme se trouve à la valorisation boursière attendue par les plus lucides, autour des 22 $ (ici)

La firme dispose de 10,2 milliards de cash dont 6,8 proviendraient du résultat net de l'entrée en bourse. C'est un chiffre intéressant à la fois parce qu'il montre que la firme dispose de liquidités pour financer sa croissance, mais aussi inversement parce qu'il démontre bien que la firme s'appauvrit et vit toujours sur la spéculation. En effet si l'on retire l'apport boursier, nous arrivons à une somme de 3,4 milliards, soit 0,5 de moins que le cash annoncé dans le document d'entrée en bourse. Dans l'intervalle, seul l'achat d'Instagram qui représente en cash 0,3 milliard de dépense est notable (ici).

L'Occident finance la croissance de Facebook dans le reste du monde

Aujourd'hui la crise touche l'Occident tandis que les pays dits émergents tirent l'économie mondiale vers le haut par une croissance à deux chiffres. Mais pour le développement de Facebook, la situation est plutôt inversée : c'est l'Occident qui finance la croissance du réseau dans le reste du monde. Deux figures le montrent clairement.

Facebook-ARPU-Q2-2012.png Le revenu moyen par usager aux Etats-Unis (3,2 $) est aujourd'hui plus du double de celui de l'Europe (1,43), six fois supérieur à celui de l'Asie (0,44) et plus encore comparé au reste du monde. Sur deux années, ce revenu a légèrement augmenté pour ces derniers pays, tandis qu'il passait de 1,87 à 3,2 aux US.

Facebook-usagers-Q2-2012.png Inversement, il y a aujourd'hui plus d'usagers FB non-occidentaux qu'occidentaux. Le croisement des courbes a eu lieu au milieu de l'année 2011. On voit sur la figure qu'en nombre d'usagers la croissance de FB stagne maintenant aux Etats-Unis, Canada et Europe tandis qu'elle reste fortement orientée à la hausse dans le reste du monde.

Si l'on croise ces différentes informations, on constate que la firme n'a pas de souci à court terme pour sa croissance et son innovation du fait de l'argent frais récupéré en bourse. Cela correspond bien à la culture d'origine de l'entreprise. Inversement sauf changement stratégique majeur en direction du commercial et donc rupture par rapport à sa culture originelle, on voit mal comment elle pourra valoriser sa croissance à l'extérieur de l'Occident qui risque de peser de plus en plus lourd dans ses charges (ici).

Mais on peut faire une tout autre lecture de cette évolution et considérer que l'implantation internationale de Facebook devient maintenant un enjeu géopolitique pour les Etats-Unis, un peu à l'image de la stratégie d'implantation internationale du cinéma hollywoodien au lendemain de la seconde guerre mondiale. Les exemples des conséquences politiques de l'usage de FB dans les pays non-occidentaux ne manquent pas. En effet, la firme est à la fois un outil important de promotion du modèle occidental à l'échelle mondiale et un précieux outil de connaissance et de surveillance du comportement des populations. Si l'on suit cette interprétation, il est probable qu'on saura trouver sur le marché américain de quoi maintenir la bonne santé de la firme.

18 août 2012

Un peu naïf, mais significatif de l'avenir de l'économie politique de la firme :

Howard, Philip N. « Let’s Nationalize Facebook ». Slate, août 16, 2012.

30 Août 2012

Voir INA-Global Facebook : le boom des pays émergents

lundi 21 mai 2012

La valeur de Facebook

A lire...

« Well, Now That Everyone Has Sobered Up, Let’s Figure Out What Facebook Is Actually Worth... » Business Insider, 21 mai 2012.

L'entrée en bourse de Facebook pourrait être un désastre pour des millions d'investisseurs individuels.

Un prix correct pour Facebook pourrait-être entre 16 et 24$. (l'action a été proposée à 38$)

Facebook-vs-Google-Businessinsider.jpg

Au moins les lecteurs de ce blogue étaient prévenus.

- page 1 de 15