Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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dimanche 25 mars 2007

L’avenir de la bibliothèque est-elle dans le Web 2.0 ?

Ce billet a été rédigé par Sabiha Bejaoui et Sahar Mofidi, étudiantes de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information dans le cadre du cours sur l'économie du document.

Le web 2.0 représente une modification profonde de l’environnement Internet et de la vie quotidienne. Comme le dit Pascal Krajewski : « Ainsi la réalité devient le web et le web devient le web 2.0 ». Le web 2.0 n’a pas encore trouvé une définition précise sur laquelle tous les auteurs se seraient mis d’accord. Certains le voient comme un phénomène et d’autres comme une philosophie ou une idéologie. Malgré cela, tous les auteurs s’entendent sur les principes et les outils du web 2.0. Les principes du web 2.0 stipulent que le surfeur consommateur et passif du web 1.0 devient contributeur, actif et producteur. Cela demande une implication plus forte de la part de l’usager qui va utiliser de différents outils tels que les fils RSS, les Blogues et les Tags.

Les outils 2.0 ont engendré de nouvelles façons de gérer l'information et de nouveaux concepts comme « Social Network », « Social Bookmark », «Customisation », « Sérendipité », « Folksonomie », etc.

Parmi les acteurs de ce phénomène 2.0 on trouve : Wikipédia, Flickr, Myspace, YouTube, Diigo, et bien d’autres sans que l'on puisse savoir quel sera la limite de cette liste.

La bibliothèque ne peut pas ignorer cette insistante technologie 2.0. Le qualificatif « 2.0 » a touché la bibliothèque et le bibliothécaire ou ses outils comme l'OPAC comme il a touché la culture et la science, l’OPAC. Le terme « bibliothèque 2.0» recouvre différentes définitions. Les points de recoupements de ces différentes définitions sont :

  1. L’utilisation des technologies 2.0 : outils du Web 2.0.
  2. L’approche participative et social : orientation vers une communauté fort active.

Nous pouvons dire alors que la bibliothèque 2.0 = le web 2.0 + la bibliothèque.

Les nombreux expériences et projets d’intégration de technologies du web 2.0 dans les bibliothèques montrent qu’il s’agit d’un outil parmi d’autres qui lui permet de réaliser ses objectifs, son orientation, sa mission et ses stratégies. Chaque bibliothèque doit s’adjoindre les technologies du web 2.0 qui lui conviennent et s’adaptent à son contexte. Ainsi, elle doit sélectionner les outils 2.0 en fonction de sa communauté, de l’approche qu’elle envisage pour atteindre ses objectifs et de ses ressources. Par exemple, une bibliothèque publique qui vise augmenter la fréquentation des jeunes, ceux qui l’ont abandonné au profit du Web, peut avoir recours aux Blogues, à MySpace ou au Tagging. Plusieurs autres exemples sont cités dans Library Garden et Bibliobsession propose des stratégies ou des façons de faire « vers des bibliothèques 2.0 ».

Cependant, nous voudrions attirer l'attention sur quelques avantages et inconvénients des bibliothèque 2.0 ou de l’intégration du web 2.0 dans les bibliothèques.

Les avantages sont de faire le marketing pour la bibliothèque, utiliser cette technologie générer de la valeur ajoutée, enrichir la collection de la bibliothèque et peut-être diminuer les coûts de développement de la collection.

Pour les inconvénients, nous pouvons parler des difficultés à surmonter pour conserver la qualité des services de la bibliothèque. La tendance web 2.0, malgré son étendue et sa tentation, est difficile à contrôler (Esclavage 2.0). C’est pour cela que nous entendons plutôt parler d’utiliser cette technologie pour la servuction (La création des services de la bibliothèque avec une forte implication du client placé au cœur de la présentation) et pas encore dans la partie construction (développement de la collection).

lundi 11 décembre 2006

Cours baladodiffusé sur l'économie du document

J'adore ce terme de « baladodiffusion », mais ce n'est pas seulement pour cela, évidemment, que j'ai tenté l'expérience.

J'ai enregistré l'introduction d'un cours que je dois démarrer à la session d'hiver, c'est à dire en janvier, sous format MP3. L'ensemble (dossier zippé) comprend un fichier PPT de 10 diapositives et 10 fichiers MP3 correspondant. Les habitués de ce blog reconnaîtront des thèmes connus. L'idée ici est de pouvoir l'écouter à loisir en ayant, par exemple, imprimé les diapositives sur papier.

C'est pour moi une expérience nouvelle. Je serais très intéressé à recueillir tout commentaire sur ce document, sur le fond, bien sûr, mais plus encore sur la forme et sur l'expérience pratique d'écoute.

L'objectif pour 2008 est d'avoir l'ensemble du cours accessible à distance sous une forme ou une autre.

mardi 07 novembre 2006

Pilier 7 : La résonance

Supposons donc que ce matin vous avez acheté un journal et une baguette de pain pour agrémenter votre (petit) déjeuner..

(Photo à venir)

Le pain s’achète chez le boulanger et se partage chez soi. Il existe bien un circuit qui part de la matière première, le blé, et, de transformation en transformation, finit par du pain sur votre table. C’est un circuit linéaire à sens unique.

Le journal apparemment suit le même cheminement, pourtant son contenu est le résultat de nombreux échanges préliminaires, beaucoup plus nombreux que ceux qu'entretient le boulanger, et il alimentera bien d’autres échanges ultérieurs : les articles des journalistes font référence à d’autres articles ; les journalistes ont leur réseau d’informateurs ; les lecteurs discutent du contenu de leurs lectures.

Les documents sont liés les uns aux autres par des citations, des références ou de simples allusions, chacun est une sorte de tête de réseau. Les individus, auteurs et lecteurs, ont leurs réseaux sociaux, leurs amis, leurs connaissances, leurs partenaires avec qui ils échangent. Certains écrivent dans les journaux, d’autres ou les mêmes lisent les journaux. Les journaux parlent des individus et les individus utilisent leur lecture pour faire des choix.

La plasticité de l’information aidant, le journal est à la fois le produit de cette agora et un de ses éléments constitutifs. Tout cela forme une sorte d’alchimie ce qu’on appelle parfois « l’espace public ». Cet espace est parcouru de courants qui ne sont pas toujours maitrisables, mais dont certaines régularités ont pu être mises à jour. En particulier, la loi classique, dite des « avantages cumulés » y prend dans l'information un relief très accusé non sans d'importantes conséquences économiques.

Votre boulanger a sans doute bonne réputation et, ainsi, une clientèle nombreuse et fidèle, qui lui permet de développer une production importante et donc de négocier des prix chez ses fournisseurs, d’élargir son offre, d’envisager des emprunts s’il souhaite s’agrandir, etc.. La richesse appelle la richesse.

Dans le monde de l'information, les jeux croisés entre les documents et les personnes portent ce même phénomène à son paroxysme : plus un document est connu, plus il est lu et vice-versa. Un effet de résonance s'enclenche alors. L'effet a été étudié`de façon statistique dans le monde scientifique avec la distribution des articles dans les revues (loi de Bradford) ou encore celle des citations dans les articles (loi de Lotka). Mais c’est aussi cette même résonance qui équilibre le catalogue de l'éditeur où un best-seller supporte l’ensemble, qui explique le vedettariat dans l'audio-visuel, les « blockbusters » au cinéma ou encore la déclinaison sur différents supports d’histoires ou simplement de concepts ou de personnages, etc.. La notoriété ou le succès se concentre par résonance sur un très petit nombre d’items. Ainsi, la structure des rémunérations dans l’industrie de l’information et de la culture est très inégalitaire, beaucoup plus sans doute que dans d'autres secteurs.

Cet effet de résonance a son envers : inversement la demande se disperse sur un très grand nombre d'items. Pour satisfaire un groupe d’individus donné, il faut disposer d’une large collection de documents dont seuls quelques-uns seront très lus, mais la plupart néanmoins demandés de temps en temps. Cet éclatement a justifié le financement de bibliothèques. Il n'était pas possible de construire une économie marchande pour une demande éclatée, la solution était donc de mutualiser les coûts.

Aujourd'hui le numérique et le Web on changé cette donne en transformant la structure des coûts de distribution. Chris Anderson a montré qu'il était alors possible de rentabiliser des items peu demandés. Il a appelé cette donne nouvelle l'effet de longue traîne.

La structure de la demande documentaire, partagée en deux part radicalement opposées : concentration et éclatement, est moins étonnante qu'il n'y parait si on la rapporte à notre comportement cognitif : d'un côté nous sommes conformistes, de l'autre curieux. Ces deux facettes sont aussi indispensables à notre humanité : la première marque l'appartenance à une communauté, la seconde l'enrichissement que l'on peut lui assurer.

mardi 31 octobre 2006

Pilier 6 : L'attention

Supposons donc que ce matin vous avez acheté un journal et une baguette de pain pour agrémenter votre (petit) déjeuner..

Vous ne pourrez longtemps vous passer de (petit) déjeuner, votre santé en dépend.

La lecture du journal, elle, reste facultative. Elle est sans doute souhaitable, mais pas indispensable. Sauf situation extrême, vous trouverez facilement ailleurs les renseignements minimaux nécessaires à la survie quotidienne. Votre "faim" de journal dépendra de votre position sociale, professionnelle, géographique, politique... et de votre histoire personnelle ou de votre humeur. La lecture du journal accapare un temps que vous préférez peut-être consacrer à autre chose, puisqu’elle n’est pas indispensable.

Contrairement au pain, qui fait partie des consommations primaires, de base, indispensables et limitées, l'information appartient à la catégorie des biens secondaires, dont les limites, tant en réduction qu'en croissance restent floues.

La baguette est destinée à votre estomac, tandis que le journal s’adresse à votre cerveau, deux organes aux fonctions bien différentes : l’un est plutôt passif, il digère, l’autre pilote notre comportement. Lorsque nous consommons un bien informationnel (nous lisons, nous écoutons, nous regardons, etc.), nous focalisons notre attention sur un message qui est lui-même une injonction ou une suggestion à agir. Une lecture modifie notre comportement. Néanmoins, les interprétations varient, chacun reste libre et personne ne peut être assuré que l’injonction sera suivie d’effet, même si le propagandiste l’espère et le tente par un monopole sur l'attention.

Il ne manque pas d'acteurs intéressés à ce que vous lisiez leur message : politiciens, responsables d'organisation, d'association, artistes, commerçants ont tous des idées qu'ils voudraient vous voir partager, des comportements qu'ils voudraient bien vous voir adopter. Mais bien souvent, vous serez moins réceptifs aux messages que l’on veut vous imposer qu’à ceux que vous cherchez.

Pire, cette fois comme pour la baguette de pain, l'excès conduit à l'indigestion qui se manifeste pour l'information par une perte d'attention. Trop d'informations saturent la perception. Vous n'arriverez plus à retenir les messages qui vous sont proposés à faire le tri entre l'accessoire et l'essentiel. La capacité humaine à assimiler et traiter l'information est limitée.

L’attention est un bien rare, fragile, mais de fort potentiel dès lors qu’il atteint les grands nombres. Les incertitudes sur les effets des messages sont alors réduites par la statistique : l'effet sur les lecteurs peut être aléatoire, il devient significatif si le nombre de lecteurs augmente. La possibilité de capter l’attention sur une grande échelle a donc une valeur économique qui peut se valoriser dans un journal par une baisse des coûts de fabrication (en facilitant le travail des journalistes) et par une vente d’espaces publicitaires, tout particulièrement à ceux qui souhaitent vous vendre leurs marchandises. Comme on a l’habitude de le dire, un journal est vendu deux fois : aux lecteurs et aux annonceurs.

Les boulangers ne bénéficient pas de telles facilités. Ils payent leur farine au coût du marché et il ne viendrait à l’idée de personne de les payer pour qu’ils distribuent leur pain à moindre coût.

En fait, exploiter au mieux la valeur et la fragilité de l’attention humaine est un équilibre délicat : il faut trouver le juste prix que le lecteur est prêt à dépenser (en argent et en énergie) pour accéder à l’information et le niveau de message publicitaire qu’il admettra pour que le lectorat soit au rendez-vous et le financement du journal assuré.

Parmi les défis à relever, soulignons en trois :

  • Pour capter et maintenir l’attention toutes une série de stratégies sont mises en place. Du côté de la distribution, il s’agit d’aller au plus près du quotidien des lecteurs en favorisant les routines temporelles (régularité) et spatiales (réseaux de distribution). Pour le contenu, il faut tenir en haleine le lecteur par un traitement de l’actualité qui fidélise le lecteur.
  • Pour ne pas dénaturer le média, il faut différencier clairement les espaces rédactionnels et publicitaires, tout en accordant suffisamment de place à l’un et l’autre..
  • Pour construire le marché amont, il faut se mettre d’accord sur une mesure de l’attention acceptable par les parties en place (supports, annonceurs, agences) qui raisonnent globalement, tous titres et supports confondus. Ces mesures gardent un caractère approximatif et artificiel et sont validées par un tiers.

vendredi 27 octobre 2006

Pilier 5 : L'expérience

Supposons donc que ce matin vous avez acheté un journal et une baguette de pain pour agrémenter votre (petit) déjeuner..

Lorsque vous avez acheté la baguette chez votre boulanger, vous n’aviez pas vraiment de doute sur l’objet. C’est un achat sans surprise, chaque matin toutes les baguettes se ressemblent, produisent le même effet et une sensation similaire : combler votre estomac.

Inversement, le principe du journal est qu'il contient des "nouvelles". Quand vous l'achetez, vous n’avez une idée vague de son contenu et si vous l’achetez, c’est bien, sinon pour être surpris, au moins pour découvrir l’actualité du jour. Son achat est donc "aveugle". Et le résultat est aléatoire. Certains matins vous trouverez l’actualité fade, d’autres au contraire les nouvelles seront pimentées.

L'information est un bien dit « d'expérience ». On ne connaît une information qu'une fois consommée, puisque connaissance et consommation sont ici synonymes. Inversement, on ne connaîtra jamais une information que l'on n'aura pas consommée.

De plus, si vous désirez être parfaitement au courant de toute l'actualité du jour et des commentaires qui l'accompagnent. Il vous faudra alors lire, ou au moins feuilleter, l'ensemble des rubriques très diverses du journal, acheter plusieurs titres différents, écouter les radios, allumer la télévision, etc. Puisque vous ne pouvez connaître a priori leur contenu, vous risquez sinon de passer à côté d’une nouvelle non rapportée ailleurs.

On a l'habitude de dire que "l'appétit vient en mangeant", cette maxime s'applique certainement bien mieux au journal qu'à la baguette de pain. Vous serez rapidement rassasié(e) avec quelques tartines, tandis que la lecture d’un article vous suggérera souvent celle d’un autre sans que votre curiosité ne soit épuisée. La culture et l'information sont des consommations cumulatives : ceux qui en possèdent le plus en demandent le plus, situation peu courante en économie.

Mais si vous êtes un(e) affamé(e), vous serez souvent déçu(e)s. Les journaux reproduisent les mêmes nouvelles, s'alimentent aux mêmes sources et s'inspirent même très largement les uns des autres. Sauf évènement exceptionnel, la couverture de l’actualité par les journaux trouve rapidement ses limites. Et alors, l’indigestion de pain et celle de nouvelles même si elles n’ont pas les mêmes symptômes ont les mêmes causes.

Ces caractéristiques sont, à nouveau, une difficulté pour les industriels de l’information, qui doivent convaincre les lecteurs d’acheter, sans pouvoir exposer ce qu’ils vendent. Pour relever ce défi, les entrepreneurs de journaux ont développé principalement trois stratégies :

  • La fidélisation. Vous achetez ou lisez toujours le même journal, parfois chaque jour, vous êtes même peut-être abonné(e)s. L’effet de marque (ici le titre du journal) joue comme un élément vous sécurisant sur son contenu. Cet outil classique du marketing prend une dimension vitale. Si vous lisez ce journal, c’est que votre expérience vous laisse penser que c’est celui qui correspond à vos attentes, ou, plus précisément, celui qui optimise le rapport entre votre soif d’information et l’énergie (ou l’argent) que vous êtes prêt(e)s à dépenser pour la combler ;
  • La différenciation. Les rédacteurs en chef sont à l'affût des exclusivités et des "scoops". En effet, puisqu’une information n’est en théorie pas connue avant d’être publiée. Le premier à la publier dispose d’un avantage concurrentiel important sur les autres. Sans prétendre à l’exclusivité, un traitement original d’une information connue par ailleurs est déjà utile ;
  • La méta-information. L’information sur l’information joue un rôle stratégique. Celle-ci peut être indirecte, comme la réputation des journalistes, les citations, les critiques, les rumeurs ou très directe comme l’exposition des titres ou des couvertures dans les kiosques et sur les étalages. Là encore on dépasse la classique campagne de publicité ou de communication des produits ordinaires. Il s’agit d'une caractéristique indispensable de l’activité qui peut même exploser dans des effets de résonance.

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