Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mardi 25 mars 2008

Times are changing

Jimmy Guterman, Goodbye, New York Times, 24 mars 2008, O'Reilly Radar, ici

Extraits (trad JMS):

Année après année, j'ai renoncé à mes abonnements aux journaux papier, mais il m'était difficile de me séparer du Times. La qualité était élevée, le papier tombant sur le trottoir rendait un son agréable pour se réveiller le matin, j'aimais la sérendipidité de la balade entre les rubriques, et me sentais obligé de payer pour mon exemplaire papier au moment où les abonnés devenaient une espèce en voie de disparition. Mais après des années de tergiversations, c'est fini. La préservation de l'environnement aurait pu être un argument déjà suffisant, mais tout simplement ma lecture se fait de plus en plus sur écran (seuls résistent la fiction et la poésie). Et nombre de ces lectures viennent du Times. Ce qui m'a amené à l'inévitable est d'avoir réalisé un matin blème lorsque je lisais le journal sur la table de la cuisine, que j'en avais déjà lu beaucoup (la plupart ?) en ligne. Même pour tout le plaisir du toucher et de l'impression, le Times sur du papier arrive trop tard. Le journal du jour, ce sont les nouvelles de la veille. (..)

Les «papiers» sur du papier me manqueront, et je parie que je l'achèterai encore en vacances, comme une gâterie, par indulgence. Mais si même les gens comme moi, qui adorent le New York Times, n'arrivent plus à justifier leur abonnement, comment la version papier pourra survivre, sinon comme un produit cher, rare, pour un lectorat de plus en plus élitiste ?

Actu 29 mars 2008 Voir aussi :

NAA Reveals Biggest Ad Revenue Plunge in More Than 50 Years, Jennifer Saba, Editor & Publisher, 28 mars 2008, ici, repéré par Techcrunch, .

Actu 8 avril 2008 Et puis l'effrayant :

Valuation Of The New York Times Newspaper (NYT), Douglas A. McIntyre, 24/7 Wall Street, 08 avril 2008, ici, repéré par E. Parody

Actu 11 avril 2008 Et encore :

Out of Print The death and life of the American newspaper, Eric Alterman March, The NewYorker 31, 2008, , repéré par Benoit Raphaël qui le commente ici.

Actu du 27 avril 2008

Pour la situation française, en particulier du journal Le Monde :

Sites web d'actualité : et s'il n'y avait pas de business model ?, Chouingmedia, 17 avril 2008, ici

Actu du 9 mai 2008

Et encore : L’avenir des médias en ligne en 6 questions, Internet & Opinion(s), (ici)

samedi 01 mars 2008

Reed-Elsevier, l'autre modèle d'affaires

À force d'insister sur Google et les revenus publicitaires, on finit par oublier qu'il existe d'autres modèles d'affaires florissants sur l'édition en ligne. Reed-Elsevier, premier éditeur mondial (voir ici), a depuis longtemps montré l'intérêt commercial de certains créneaux, comme celui de l'édition de revues internationales en sciences, techniques et médecine, par la vente de licenses aux bibliothèques. Il y a acquis une position dominante, maîtrisant les prix malgré les efforts des bibliothécaires pour rééquilibrer les négociations en leur faveur. Reed-Elsevier vient d'annoncer, une nouvelle fois, de confortables résultats pour l'année 2007 avec 6,7 Mds d'Euros de chiffre d'affaires (et non M d'Euros, comme écrit par mégarde dans une version antérieure du billet..).

Reed Elsevier 2007 Preliminary Results, Communiqué, 21 Février 2008 (Html)

Le discours de son président mérite d'être lu, car il donne des indications sur la façon dont le groupe envisage l'avenir de la branche. Extraits (trad JMS) :

Nous avons fait d'importants progrès l'année dernière. L'investissement sur notre croissance en ligne et sur la stratégie vers les solutions de workflow a permis d'accroitre fortement nos revenus. (..). Avec nos initiatives sur la réduction des coûts, cela explique l'augmentation de notre marge et la forte performance de nos gains. La baisse du dollar US produit quelques ombres sur nos bénéfices en livres sterling ou euros, mais la puissance de la croissance qu'il y a derrière est très encourageante puisque 2007 représente la meilleure performance de croissance des bénéfices des dix dernières années à change constant.

La vente de Harcourt Education (JMS : éditeur scolaire) rend notre modèle d'affaires plus cohérent, complémentaire et plus en synergie et aujoud'hui nous annonçons une étape supplémentaire avec le projet de nous séparer de Reed Business Information ("RBI", JMS : magasines). RBI est une activité de grande qualité et bien gérée, comme le prouve le succès de sa croissance en ligne et le contrôle de ses coûts. Son modèle publicitaire et son caractère cyclique correspondent moins bien cependant avec celui de l'information sur abonnement et des solutions de workflow sur lesquelles Reed-Elsevier souhaite mettre l'accent.

L'évolution vers un portefeuille plus cohérent nous donne l'occasion d'accélérer nos progrès dans la consolidation et la rationalisation de nos technologies, activités et supports du back-office. Ce faisant Reed-Elsevier devient une société mieux intégrée, économisant d'importants frais de structure. (..)

Le rachat de ChoicePoint constitue une étape supplémentaire importante de notre implication dans le créneau de la gestion des risques et dans le développement de la stratégie des solutions de workflow en ligne de Reed Elsevier. (..)

Une stratégie à méditer, bien loin du Web 2.0 qui monopolise l'attention, même contre le Web 2.0 si l'on considère que le mouvement pour l'accès libre dans la science a préfiguré celui-là.

Repéré via Prosper.

Actu du 15 mars 2008 Voir aussi les comptes de Wolters Kluwer (Pdf) repérés et commentés sur Par delà.

lundi 18 février 2008

Harvard prône l'accès libre.. à quand Montréal ?

Dominic Forest me fait remarquer avec raison que je n'ai pas signalé le vote historique de l'Université de Harvard sur l'accès libre pour la science. Il s'agit en effet d'une étape importante de plus pour le mouvement, après l'adoption de l'obligation de dépôt par les NIH mais aussi surement d'un moment historique.

On trouvera chez Olivier une bonne mise en contexte (ici).

Il est apparu au cours des dernières années que la simple possibilité de dépôt par les chercheurs n'était pas une obligation suffisante pour l'alimentation des collections en accès libre. Le fait qu'une des principales universités entre aujourd'hui très officiellement et volontairement dans le mouvement marque un tournant qui risque bien de faire basculer l'ensemble. Il y a, bien entendu, une dimension noble dans cette décision : la volonté de l'Université de Harvard de poursuivre sa tradition académique, mais aussi un calcul plus terre-à-terre qui comprend aux moins deux dimensions économiques :

  • Les chercheurs les plus reconnus n'ont plus forcément intérêt à publier dans les revues les plus connues si elles ne sont pas librement accessibles en ligne, ce qui déstabilise l'économie générale de la publication scientifique (je parle ici de l'économie des idées, non du trafic des éditeurs commerciaux). Voir .
  • L'importance de plus en plus grande des classements internationaux des universités dans leur concurrence, liée à la mondialisation et à la montée de l'Asie. Voici quelques éléments de contexte présentés par un article récent (trad JMS) :
    • En 2000, sur le nombre total de doctorats délivrés en science et ingéniérie, 78% proviennent de l'extérieur des US et la croissance de la formation doctorale est spectaculaire en Chine, suivie par le Japon, la Corée du Sud et le Royaume-Uni.
    • Du coté de la publication scientifique, les US ont de loin la plus grosse part mondiale d'articles produits en science et ingéniérie avec 31%, le second est le Japon avec 9%. Cependant, le nombre d'articles par auteur aux États-Unis « est resté constant depuis 1992, même si les efforts en R&D et le nombre de chercheurs a continué d'augmenter». La production d'articles a continué de grossir fortement en Europe de l'Ouest et en Asie, et la part de la produstion scientifique mondiale a déclinée. Les raisons de cette «stagnation» de la production américaine sont dites «inconnue et font encore l'objet d'enquête».

Open Access Publishing and the Emerging Infrastructure for 21st-Century Scholarship Donald Waters Ann Arbor, MI: Scholarly Publishing Office, University of Michigan, University Library vol. 11, no. 1, Winter 2008, (ici)

Alors à quand l'université de Montréal ?

lundi 17 décembre 2007

Journal : déclin et crise

En 2004, deux anciens de l'Institut Poynter (école de journalisme US) ont réalisé une animation flash qui a fait le tour du Web : EPIC 2014, actualisée un an plus tard en EPIC 2015 (ici, la traduction française de la première version et l'histoire de sa conception par les réalisateurs). Ils y prédisaient, dans une sombre dramaturgie centrée sur les US, la marginalisation du New-York Times, symbole de la presse traditionnelle, au profit d'un service de nouvelles personnalisables, produites par une multitude d'internautes et agrégées par les technologies d'une firme GoogleZon, issue de la fusion de Google et d'Amazon.

Trois ans plus tard, même si quelques détails pourraient être affinés et si les orientations se sont précisées et parfois modifiées, le scénario est plus que jamais d'actualité. Les trois principaux protagonistes sont sur le devant de la scène et les évènements semblent donner raison aux Cassandres. Google domine et innove en continu. Sa dernière annonce, Knol, ressemble à un appel à la publication de textes issus d'experts de tous sujets (qui pourrait séduire voir par exemple ici). Amazon s'élargit et sa tablette Kindle a vocation à favoriser la lecture de texte édités. Le New-York Times s'interroge toujours sur la meilleure stratégie et vient d'ouvrir à l'accès gratuit l'ensemble des ressources de son site.

Le journal quotidien parait, en effet contrairement à son frère de papier le livre (ici, et , ne pas oublier les très enrichissants commentaires), gravement menacé par la montée du numérique, du moins dans les sociétés occidentales. Le journal quotidien traditionnel, au sens où nous l'entendons encore aujourd'hui : sorte de codex, grand format, léger et éphémère, (forme) qui nous renseigne sur l'actualité du jour par une série d'articles sur des sujets divers (texte) et marque ainsi notre appartenance à une communauté (médium), est de moins en moins adapté à notre monde ou à notre façon de vivre notre modernité.

Si l'on observe les chiffres qui nous viennent des US sur la santé de la presse, le pessimisme y est clairement de mise. La descente aux enfers, démarrée depuis peu d'années en réalité, parait inexorable et rapide. Parmi les très nombreuses analyses déjà produites, je me contenterai de citer un blogueur, Alan Mutter. Le tableau est trop sombre pour que les détails importent vraiment, et les changements sont si rapides et récents que les rapports plus approfondis sont souvent obsolètes au moment où ils sont publiés.

Dans le papier, la chute du chiffre d'affaires de la publicité est radicale. Si l'on tient compte de l'inflation, on observe une croissance remarquable à la fin des années 90, suivie d'une bascule brutale et, sans doute, inexorable.

Deflating sales for de press, 20 nov 2007, Html repéré par TechCrunch

Malheureusement pour le journal, cette perte n'est pas compensée, loin de là, par les gains nouveaux de la publicité sur le Web, celle-là même`dont la croissance explosive explique la brutalité du déplacement des annonceurs. La presse trouve, on le sait, sur ce terrain des concurrents redoutables (trad JMS) :

Le visiteur moyen passe 24 secondes par jour au cours d'un mois de 30 jours sur un site de journal, à comparer avec une moyenne de presque 2½ minutes par jour sur les 10 sites tenus par les leaders du Web.

Le tableau, dont est tiré cette constatation est clair :

Reality check, 01 nov 2007, Html (repéré par J. Mignon)

Pour ne rien arranger, les prix des espaces publicitaires sur le Web (CPM, coût pour mille) reflètent une relation différente entre clients et fournisseurs d'espaces publicitaires, et sont négociés plus bas. La structure du marché publicitaire a changé et la presse traditionnelle n'y a plus qu'une place très minoritaire.

Du côté de la consommation de papier, la situation est peut-être réjouissante pour les arbres, mais pas vraiment pour l'industrie de la presse. Le graphique ci-dessous, qui montre l'achat de papier en tonnes par les journaux quotidiens, révèle clairement l'ampleur du déclin du journal traditionnel. En trois ans, les achats au moment du pic d'octobre ont baissé de presque 200.000 tonnes, soit un peu moins du tiers.

Source NAA, ici

Ainsi l'industrie de la presse américaine subit de plein fouet l'effet de ciseau du Web-média : déplacement du marché publicitaire et popularisation de la « gratuité », voir ici.

La seule lueur positive dans ce très sombre tableau est le succès de l'ouverture en accès libre des archives du New-York Times (voir les remarques d'E. Parody ici). Les journalistes oublient souvent, en effet, qu'ils construisent des collections. Ils documentent au jour le jour les évènements du monde et l'accumulation temporelle de leurs articles constituent une base, déjà structurée et formatée ou presque, de l'histoire immédiate des situations qu'ils couvrent. La valorisation des collections se fait sur le modèle bibliothéconomique et passe par un accès ouvert (éventuellement payant comme dans l'édition scientifique, mais pas directement pour l'acte de lecture). Ici la publicité n'est plus attachée directement à la page, mais à la requête comme dans le Web-média. Cette valorisation est une voie intéressante, mais qui ne concerne que les titres de référence et conduit naturellement à une concentration.

Nous allons donc vraisemblablement vers une crise majeure de la presse. Compte-tenu de son rôle dans les démocraties occidentales, elle ne passera pas inaperçue.

vendredi 14 décembre 2007

Quid et Knol sont dans un bateau..

Deux nouvelles à ajouter au chapitre sur Wikipédia et l'économie de l'attention (voir l'analyse ici) et à celui de la construction du Web média, à la rubrique encyclopédie.

.. Quid tombe à l'eau !

Vu sur Livre-Hebdo (ici). Extrait :

Publié depuis 32 ans chez Robert Laffont, Quid, encyclopédie généraliste en un volume, se vendait ces dernières années autour de 100 000 exemplaires, contre 350 000/370 000 dans les années 1990, selon l’éditeur.

« Le Quid tel qu’il était publié ces dernières années n’est plus viable aujourd’hui. Les conditions ne sont plus les mêmes », a indiqué l’éditeur, en précisant que « les dernières années d’exploitation ont été à perte ».

.. Knol met les voiles

Et chez D. Durand () cette annonce que Google lance un nouveau service, baptisé Knol, s'inspirant directement de Wikipédia, mais financé par la publicité que refuse ce dernier. Il ajoute cette remarque perfide sur les atouts de Google :

Pour les moins humanistes des rédacteurs actuels, il y a un moyen de les attirer fort simple et maintenant très courant chez Google et ailleurs: "partager pour mieux monétiser". Il n'y aura qu'à suivre l'exemple de Youtube, le fils prodigue chez Google.

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