Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi 03 octobre 2008

Quel auditoire pour la conférence d'Hervé ?

Suite à mon dernier billet (ici), plusieurs commentateurs ont fait des suggestions pour la mise en ligne de la conférence de Hervé Le Crosnier. Je voudrais d'abord les remercier, leur indiquer que le service informatique de l'EBSI avait déjà étudié ces possibilités, et aussi les rassurer. La conférence est, en effet, maintenant en ligne et vous pouvez la consulter :

Hervé Le Crosnier Web-Documents, réseaux sociaux et extraction sémantique : de la conversation à la bibliothèque, conférence donnée à l'école de bibliothéconomie et des sciences de l'information le 11 septembre 2008 ici. (message perso aux étudiants du cours : ne vous précipitez pas sur le visionnement, il est au programme dans 15 jours..)

En réalité le problème n'était pas tant de trouver une alternative externe pour diffuser la conférence, il en a plusieurs en effet, que de s'interroger sur l'opportunité et les conséquences d'un tel choix. Ce petit épisode nous a fait bien réfléchir. Et je crois qu'il y a deux dimensions à la réponse, une politique ou stratégique et une autre tactique.

La première a été soulignée par le commentaire de Hervé au billet précédent. Les universités (individuellement ou en coopération) doivent-elles abandonner la maitrise de la diffusion des savoirs ? À la réflexion, cette question est relative. On n'a pas attendu le numérique, loin de là, pour confier cette diffusion à des opérateurs privés, à commencer par les éditeurs de livres, qui mutadis mutandis ne font pas vraiment dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'accès ouvert. Pourquoi en serait-il différemment sur un autre support ? Sans doute, la problématique est plus profonde, parce que les positions industrielles sont très puissantes et parce qu'elle dépasse la simple diffusion. Mais, il s'agit alors de bien autre chose que la question première de la mise en ligne d'une conférence.

La seconde dimension est plus tactique et, dans ce cas précis pour moi au moins, plus intéressante. Aller à la facilité en externalisant la diffusion de la conférence, c'est ne pas réfléchir à la réalité de notre objectif. Il ne s'agit pas de maitriser le système de diffusion, mais de maitriser la relation avec notre cible ou le contact avec ceux qui vont visionner la conférence. Déposer la vidéo sur YouTube, par exemple, aurait sûrement fortement élargi son audience, mais est-ce vraiment ce que nous souhaitons ? Pas sûr. Il est parfois préférable de toucher un auditoire plus restreint pour être mieux compris et mieux entendu. Il est aussi préférable de garder le lien étroit entre l'EBSI et la conférence. Nous ne cherchons pas à rivaliser avec les médias de masse, chacun sa mission. Nous n'avons pas non plus les moyens de gérer une trop large notoriété.

J'ai un peu la même attitude avec ce blogue. Sans doute je suis content s'il a du succès et s'il est lu en particulier par des lecteurs que je ne connais pas ou pas encore, mais pas trop. Je préfère un lectorat quantitativement modeste, mais de qualité. Je ne serai pas capable de gérer un vaste auditoire et la parole débridée qui l'accompagne. C'est pourquoi je reste très parcimonieux sur les référencements. Je n'ai pas dans les bandeaux de tous côtés toute la quincaillerie des blogueurs geeks, je ne suis pas sur les réseaux sociaux, ni abonné à twitter, etc.

C'est tout le paradoxe de proposer des documents «dans le ciel» comme dirait S. Harnad. Tout le monde peut les lire. Mais ici l'objectif n'est pas que tout le monde les lise, mais plutôt que les quelques individus dispersés, peut-être inconnus, intéressants et intéressés à ces sujets, puissent les lire et qu'ainsi ils entrent en contact avec nous. Alors, je crois qu'il est plus efficace de garder la maîtrise de ces outils, même si l'on se prive d'une expérimentation des soubresauts du Web2.0.

H. Simon parle des limites de l'attention. Celles-ci valent dans les deux sens, pour le destinataire, mais aussi pour l'émetteur. Et je crois que la meilleure politique, c'est de connaitre ses limites pour exploiter au mieux ses potentialités. C'est plus difficile quand apparemment les barrières tombent.

Belle mise en abîme en tous cas avec le sujet de la conférence de Hervé !

mercredi 01 octobre 2008

Hervé, les nuages et l'UdeM

(La solution du problème et d'autres questions, ici)

Hervé Le Crosnier a publié un article sur le Cloud Computing qui a été très remarqué, sinon commenté dans la biblioblogosphère francophone.

Hervé Le Crosnier, A l'ère de l'«informatique dans les nuages», Le Monde Diplomatique août 2008, p.19 ici

On peut y lire notamment : L’indépendance des personnes, des entreprises et même des nations ne se mesure plus seulement au territoire, à la géographie et à l’espace collectif, mais aussi aux rapports qu’elles entretiennent avec ces nouvelles usines de la production « immatérielle ».

Hervé, de passage à Montréal, est venu faire une conférence à l'EBSI, sur ce sujet et plus largement sur les rapport entre les professions documentaires et les développements récents du Web. Nous avons filmé et enregistré en vidéo cette conférence et nous allons, bien entendu, la mettre en ligne, comme nous l'avions fait lors de son précédent passage (voir ici). L'ensemble sera d'autant plus intéressant que l'on pourra ainsi mesurer à la fois l'avancement de la situation, des problématiques et aussi les éventuelles évolutions de l'analyste.

Seulement voilà, il reste une question à résoudre. Forts de l'expérience précédente, nous savons que la notoriété du conférencier dans le (petit mais réactif) monde de la bibliothéconomie francophone va entraîner un pic de téléchargements au moment de l'annonce de la mise en ligne. Le fichier que nous avons monté, qui inclut cette fois les diapos, est lourd. Il est probable que notre serveur, robuste mais modeste, ne tiendra pas le choc. Il est aussi probable que la direction informatique de l'Université nous fera quelques observations à ce sujet. Sans doute, dira-t-on, on peut découper le fichier en séquences, mais d'une part il s'agit d'un travail supplémentaire, de l'autre rien ne garantit que cela nous préserve du danger, même si celui-ci reste relatif et éphémère. C'est un petit problème et il trouvera facilement une solution.. mais les petits riens sont parfois significatifs de grands mouvements.

Il y a, en effet, une solution très simple et radicale à ce problème : déposer le fichier sur YouTube. La tentation est grande tellement le geste est simple et éviterait bien des petits tracas, mais alors qu'en est-il de l'«indépendance» de l'université de Montréal suivant le discours même de celui qui sera ainsi rendu accessible grâce à Google ? Ce simple exemple ironique du quotidien d'un service montre qu'il faudra très très bientôt définir précisément les services dont on souhaite garder la maitrise et ceux que l'on pourra, qu'il faudra, déléguer à l'extérieur. Il faudra aussi définir une politique claire de partenariat externe.

J'ajouterai personnellement un dernier argument : YouTube est un service déficitaire de Google, très déficitaire. En réalité tant que la firme n'a pas trouvé le moyen de rentabiliser le service, et rien n'indique pour le moment qu'elle soit sur cette voie, déposer des vidéos sur YouTube, c'est exploiter la puissance informatique de Google ainsi que la notoriété du service, mais certainement pas renforcer sa puissance économique.

Donc patience, très bientôt vous pourrez visionner Hervé. Où ? Surprise..

Complément du 3 octobre 2008

Sur le Cloud Computing, voir le dossier très clair signalé par D. Durand :

David Castaneira, “Cloud Computing : quelle définition pour un concept enchanteur ?,” Le MagIT, Septembre 8, 2008, ici.

jeudi 12 juin 2008

Wikipédia dérange toujours

La question des encyclopédies sur le Web pose toujours bien des questions. Ce n'est pas vraiment étonnant. L'Encyclopédie est l'objet qui illustre peut-être le mieux le savoir à l'époque moderne et le Web déroute la modernité du savoir. Le mariage des deux engendre un enfant mutant, phénix ou vilain petit canard, que personne n'arrive à réellement analyser correctement.

On trouvera chez Olivier une chronique des concurrences entre encyclopédies traditionnelles et mutantes. Tout particulièrement ces deux billets :

  • Ertzscheid Olivier, Bataille encyclopédique, Affordance, 14 mai 2008, ici.
  • Ertzscheid Olivier, C'est wikipédie qui l'est : vers une guerre de position, Affordance, 11 juin 2008

Et Laure Endrizzi a réalisé une bonne synthèse actualisée sur l'aventure Wikipédia pour une journée d'études récente :

  • Endrizzi Laure, Wikipédia 2001-2008 : état des lieux, Journée professionnelle de l'ADBEN Angers : Wikipédia : comment appréhender cet outil collaboratif avec des élèves ? CDDP d'Angers, 31 mai 2008, ici

Elle coordonne aussi un Wikilivre sur le sujet

Actu du même jour

Décidément le titre de ce billet est approprié. Voici la présentation d'une étude de Euro RSCG C&O :

WIKIPEDIA CANNIBALISE L’IMAGE DES ENTREPRISES DU CAC 40 ET DE LEURS DIRIGEANTS, Communiqué, 10 juin 2008 ici.

Résumé :

  • 39 entreprises du CAC 40 voient l’article Wikipédia les concernant positionné sur la 1ère page de Google.fr
  • 29 dirigeants du CAC 40 voient l’article Wikipédia portant sur leur biographie arriver en 1ère position sur Google.fr
  • Wikipédia devenue une source d’informations majeures sur les entreprises et leurs dirigeants concurrençant fortement les sites officiels ;
  • La fiabilité et la véracité des informations publiées par l’encyclopédie collaborative sont contestées et mises en doute. Elles participent malgré tout à la construction de l’image de l’entreprise et de leurs dirigeants et peuvent nuire à la valeur de la marque.
  • Pour permettre aux entreprises d’apporter leurs voix dans un souci d’égalité des prises de parole, Euro RSCG C&O, leader de la communication d’entreprise en France propose la création d’un nouveau standard de communication, le NDLE (note de l’entreprise), dans le respect du principe de neutralité propre à l’encyclopédie.

L'ensemble du communiqué originel mérite lecture.

Repéré par D. Durand (ici) qui commente un article de ZDnet à ce sujet ().

dimanche 20 avril 2008

Le Web 2.0 expliqué aux pingouins et vice-versa

C'est ici. ;-)

repéré par TechCrunch .

dimanche 23 mars 2008

Économie des blogues : vivier, attention et spéculation

Cette réflexion m'a été inspirée par un billet récent de Techcrunch qui décrit l'évolution commerciale de blogueurs américains :

De plus en plus de blogs (américains) lèvent des fonds…Est-ce bien raisonnable?, Rédigé par Michael Arrington (adaptation: Ouriel Ohayon), 23 mars 2008. ici

Il y est discuté d'une double évolution des blogues les plus influents : 1) une stratégie de liens de plus en plus fine pour tisser des alliances entre blogues complémentaires de façon à augmenter son trafic d'internautes, tout en réduisant celui d'éventuels concurrents. La comparaison est faite avec une équipe de basket où chacun joue à sa place mais où la partie n'est gagnée que par la synergie du collectif ; 2) La volonté de certains de lever des fonds, qui est critiquée dans le billet.

On y constate que, d'une part, la création et l'innovation se structurent comme dans l'ancien ordre documentaire et que, d'autre part, le nouvel ordre amène à les réguler selon sa propre logique de Webmédia.

On retrouve en effet les mêmes courants chez les blogueurs que dans l'amont de tout système éditorial : un vivier d'auteurs (ou pour la presse de pigistes), aujourd'hui la mode est au terme «écosystème», que l'on cherche à entretenir. Ils se croisent, vivent des expériences comparables, fréquentent les mêmes lieux, s'entraident, se concurrencent ou se jalousent, échangent ou monnayent leur influence.

Ce vivier est entretenu dans le modèle de l'édition, notamment par les directeurs de collection, qui ont un pied dans le vivier et une main sur l'épuisette. Les contrats d'édition, les à-valoir sont les transactions qui permettent de fidéliser les auteurs prometteurs. Mais le moteur est simplement l'espoir, l'espoir d'être reconnu et publié. Comme il y aura, chacun le sait, très peu d'élus, les tensions sont fortes, tout comme les inégalités abyssales.

Les blogues ont été pour certains l'occasion ou l'illusion d'entrer dans le vivier ou d'y améliorer sa position en s'y faisant remarquer. En effet, il était possible de s'affranchir du jeu très étroit de relations qui préside aux choix éditoriaux, en rendant accessible son écriture directement au plus grand nombre et donc de renverser l'ordre de la preuve. Le filtrage ne se ferait plus en amont, soumis à l'avis toujours subjectif de quelques experts, mais en aval par la reconnaissance d'un plus grand nombre d'internautes lecteurs. Cette motivation est encore très vive, à l'évidence, notamment en France. Et le travail de François Bon (ici), ou encore la thématique des récentes Polyphonies du livre chez Olivier sur la recommandation () sont emblématiques de ce mouvement.

Mais le billet de TechCrunch montre un renversement plus important encore aux États-Unis, qui ne touche la France que de façon plus marginale. Il s'agit ici de blogues dits «influents», plus proches du journalisme que de la création, qui tentent de monétiser leur activité. On y retrouve alors, immédiatement et sans surprise, les deux principales sources de financement du Webmédia : la captation de l'attention pour sa revente aux annonceurs et l'appel à la spéculation financière. Je n'épiloguerai pas sur la seconde, critiquée dans le billet, et aléatoire en ces périodes de yoyo boursier.

Mais je crois qu'il y a aussi une limite sérieuse à la première. Comme je l'ai indiqué plusieurs fois, la logique dominante du Web-média est l'accès et non la diffusion. Dès lors le marché publicitaire est dominé par ceux qui captent l'attention en fournissant l'accès pertinent. Les producteurs de contenu n'arrivent qu'en second. Les plus puissants (ex. médias traditionnels basculé sur le net) et les moins gourmands (ex. blogueur isolé influent) pourront éventuellement y trouver leur compte, même s'ils devront abandonner une part du marché. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de place pour des stratégies moyennes.

La proposition de l'auteur du billet est de constituer des alliances, directes ou implicites, par le jeu des liens croisés. Dans la comparaison avec l'équipe de basket, on pourrait dire que l'internaute est le ballon. Mais celle-ci ne me parait pas très pertinente : il n'y a ni règle claire, ni arbitre, ni club, ni championnat, qui encadrent étroitement les joueurs. On ne voit pas sur quelles bases peuvent se bâtir des alliances pérennes, indispensables à la maîtrise d'un marché.

Peut-être est-il plus raisonnable de s'en tenir à la notion de vivier, qui n'a pas vocation à trouver une économie propre, mais simplement à alimenter ou stimuler d'autres systèmes économiquement établis.

Voir aussi en écho chez E. Parody un diaporama sur les motivations des blogueurs .

Actu du 27 mars 2008 Voir encore :

So You Want to Be a Blogging Star? PAUL BOUTIN, 20 mars 2008, NYT, ici

Valeur des blogs… en $, Francis Pisani, Transnet, 27 mars 2008,

- page 8 de 15 -