Voici un dialogue cité par CNET-News (ici repéré par D. Durand qui le commente là), sorti tout droit d'un épisode de Ally Mc Beal quelque peu surréaliste. La scène se passe entre M. Schmidt et un avocat au cours d'une déposition faite en mai dernier par le directeur financier de Google dans le procès mettant en prise la société avec Viacom sur une question de droit d'exploitation de clip-vidéos (sur le procès voir ici).
Extraits (trad JMS) :
Stuart Jay Baskin, un avocat de Viacom : Alors pourquoi ne pas nous dire ce que vous vous rappelez avoir dit aux dirigeants (de Google) concernant cette estimation (de YouTube) ?
Schmidt: Je crois que YouTube devait valoir quelque chose autour de 600-700 millions de dollars.
Baskin: Et vous l'avez indiqué aux dirigeants ?
Schmidt: Oui.
Baskin: de Google ?
Schmidt: Oui.
(..)
Baskin: Et suis-je exact en disant que vous avez demandé aux dirigeants d'approuver un prix d'acquisition de 1,65 milliards de dollars ?
Schmidt: Oui.
Baskin: Je ne suis pas très bon en math, mais je crois que cela devrait faire quelque chose comme un milliard de plus que ce que vous pensiez que la société valait réellement.
Schmidt: C'est exact.
(..)
Baskin: Pouvez vous nous expliquer le raisonnement que vous avez tenu ?
Schmidt: Bien sûr. C'est une société qui avait un très petit revenu, avec une forte croissance des utilisateurs, une croissance bien plus forte que celle de Google-Vidéo qui était le service dont disposait Google. Et ils nous avaient prévenus qu'ils allaient être vendus, et nous pensions qu'ils allaient recevoir une offre d'un concurrent qui, à cause de la position de Google, serait bien supérieure à la valeur de la société. Dans le jeu de la négociation, il faut se rappeler que le prix n'est pas fixé par mon jugement ou par un modèle financier ou par l'actuel cash-flow. Il est fixé par ce que les gens sont prêts à payer. Et nous avons conclu finalement que 1,65 milliards incluait une prime pour une transaction rapide et nous assurer de pouvoir participer au succès d'audience de YouTube.
C'est donc un éclairage cru sur les valorisations actuelles des sociétés du numérique. À l'évidence, celles-ci n'ont rien à voir avec un raisonnement économique raisonnable (voir ici par ex pour FaceBook). Et je ne suivrai pas D. Durand quand il dit que l'audience capturée pourra se monétiser quand l'énigme de cette monétisation sera résolue. C'est un pari dangereux à ce niveau de transactions, rien ne dit qu'une solution sera trouvée. Elle n'a toujours pas été trouvée pour YouTube, malgré bien des tentatives et les conditions optimum et confortables pour sa recherche trois années, presque jour pour jour, après son acquisition par Google. Le même genre de pari a conduit au crack financier des banques qui au final aura fait beaucoup de dégâts.