Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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jeudi 03 avril 2008

Le repositionnement des bibliothèques publiques

Jusqu'à présent les bibliothèques publiques n'étaient pas vraiment atteintes au cœur de leur métier par le numérique, contrairement aux bibliothèques universitaires.

Ces dernières ont vécu et vivent encore une révolution. Elles ont vu en quelques années leur échapper la gestion des collections, au moins pour les périodiques, s'inverser le flux d'informations avec l'archivage ouvert, se transformer la référence avec les moteurs.. Mais elles ont pu progressivement se repositionner, même s'il reste encore bien du chemin à faire selon les contextes, en se plaçant au centre des flux documentaires scientifiques de leur communauté et en transformant leurs espaces en lieu de vie et centre de ressources. La clé de cette évolution est la structuration de la communauté desservie : homogène, hiérarchisée, tenue par des contraintes sociales fortes (tant du côté étudiants qu'enseignants et chercheurs) dont la relation au document est un élément fédérateur, dans le temps et dans l'espace. Dès lors la BU est l'outil approprié pour structurer l'accès aux ressources documentaires qui, elles-même, reflètent symboliquement la collectivité. Le numérique dans ce contexte trouve à l'université une écologie pour organiser son économie car nous sommes dans un "club" aux rites connus et solides, même si les tensions entre les acteurs des transactions commerciales sont parfois vives.

Tout autre est la position des bibliothèques publiques. Même si elles servent une population géographiquement située, celle-ci est hétérogène, "anarchique" au sens où elle n'est pas soumise à des contraintes d'autorité particulière, sinon celles de la civilité ordinaire. Dès lors, les bibliothèques publiques assistent plus en spectatrices qu'en acteurs de premier niveau au bouleversement du Web. Elles peuvent élargir leurs services en proposant d'autres supports, améliorer leurs prestations ou leur promotion en utilisant, par exemple. des outils du Web 2.0. Mais le cœur de leur métier n'est pas transformé.. ou ne l'était pas car il est probable que la révolution s'approche.

Deux exemples pris dans l'actualité l'illustrent : la structuration progressive de l'économie de la musique enregistrée ; les dernières annonces d'Amazon. Je ne prétend pas qu'ils montrent la seule voie des évolutions en cours, mais ils me paraissent caractéristiques des interrogations à se poser à moyen terme pour les bibliothèques publiques.

On le sait l'économie de la musique enregistrée subit actuellement une révolution radicale avec le Web. Sans entrer dans l'analyse, par ailleurs très largement documentée, les derniers épisodes montrent une évolution progressive vers un modèle de licence selon des modalités variables. Parmi d'autres, on trouvera chez Pierre Mounier un bref rappel de la situation (ici). Cette évolution n'est pas sans rappeler celle des éditeurs scientifiques.. sauf qu'ici les bibliothèques publiques perdent non seulement la gestion des collections mais aussi, et contrairement aux BU, la gestion de l'accès qui passe directement par les opérateurs de téléphone ou Apple, via le iPod. Voilà donc une menace réelle pour les services de musiques des bibliothèques publiques et, si les premières informations se confirment, un repositionnement nécessaire.

Amazon vient d'annoncer, coup sur coup, l'ouverture, plutôt la modification, de deux services, l'un d'impression à la demande, l'autre de commande de produits directement par SMS. On trouvera, par exemple, chez Virginie Clayssen une présentation de l'une et l'autre. Les analyses et commentaires s'attardent pour le moment à mesurer les conséquences sur les acteurs commerciaux de l'économie du livre. Mais les conséquences, si encore une fois ces services se développent, risquent d'être importantes, et peut-être positives pour les bibliothèques publiques. Quel est l'endroit en effet où l'on peut feuilleter, et même emprunter gratuitement un nombre considérable de livres, parfois même indisponibles chez les libraires ou éditeurs ? Il y a une forte complémentarité entre les collections accessibles des bibliothèques publiques et l'évolution des prestations à distance de Amazon. Les premières autorisent l'expérimentation, les secondes d'appropriation à une échelle jusqu'ici inaccessible.

Deux remarques pour conclure :

  • Une fois encore, on voit que le Web-média emprunte nombre d'éléments au modèle bibliothéconomique.
  • Les bibliothèques sont d'abord des lieux du visuel et du tangible. La musique n'y a trouvé sa place que lorsqu'elle est devenue (provisoirement ?) matérielle et silencieuse, c'est à dire inscrite sur un objet.

dimanche 02 mars 2008

Les défis de la numérisation à grande échelle

Le rapport définitif du CLIR sur la numérisation à grande échelle, dont j'avais parlé en septembre dernier (ici), est paru.

C'est vraiment une excellente synthèse, une mine d'informations et de références sur les modalités d'organisation, les questions clés, les partenariats et l'économie générale sur ce défi pour l'accessibilité et la conservation des documents par leur numérisation, ici des livres.

Rieger Oya Y., Preservation in the Age of Large-Scale Digitization, A White Paper, CLIR Février 2008. 52 p Pdf Résumé Html

lundi 18 février 2008

Bibliothèques scolaires : l'Ontario mieux que le Québec ?

Paulette Bernard me signale ce communiqué que Gouvernement Ontarien (ici), qui annonce le recrutement de 160 bibliothécaires dans les écoles primaires en quatre années.

Le Québec avait annoncé un plan, moins précis, il y a une dizaine de jours..

mercredi 09 janvier 2008

UGC et bibliothèques publiques

Je suis en ce moment à Philadelphie pour le congrès ALISE (ici), qui est la rencontre annuelle des écoles nord-américaines en sciences de l'information. En vérité occupé par d'autres activités, je n'ai pas vraiment le temps d'écouter les communications. Néanmoins, celle d'une collègue de l'Alberta, Margaret Mackey, a retenu mon attention, moins par les résultats présentés que par la posture générale.

La plupart de la littérature ou des propos sur la relation entre le Web 2.0 et les bibliothèques publiques insiste sur la participation des usagers dans les services, sur les outils d'échange à proposer, bref sur une amélioration, jusqu'à parfois une évolution radicale des services bibliothéconomiques.

Sans contester le bien fondé de ces propositions, elles laissent de côté une autre dimension essentielle de la bibliothèque publique, lieu où les usagers sont autonomes, lieu de lecture, lieu de démocratie. Une bibliothèque ne comprend pas que des étagères, des livres, des outils de repérages et une banque de prêt.. mais aussi des tables, des chaises ou des fauteuils où l'on peut lire confortablement, travailler, c'est-à-dire souvent écrire. Autrement dit, la bibliothèque est un lieu où l'acte de lecture et même de lecture-écriture peut se développer librement. Ce point est important pour la démocratie, ou devrait l'être, car la bibliothèque publique permet à des populations qui ne disposent pas de ces facilités d'en bénéficier.

Maintenant, transposons cette remarque dans le monde du Web 2.0. Tout le monde n'est pas actif dans le Web 2.0, mais potentiellement tout le monde pourrait l'être.. à condition d'avoir un accès simple, long et confortable à des machines et un réseau et d'avoir les compétences appropriées. Une problématique, peu différente finalement de celle de la lecture-écriture traditionnelle.. sauf que bien souvent dans les bibliothèques, l'accès en libre service des ordinateurs connectés est contingenté, bridé, inconfortable, organisé pour être court : le recueil des courriels et une recherche d'information sur le Web. Il y a des raisons financières, le nombre limité de machines, mais sont-ce les seules ? D'autres formes d'organisation ne sont-elles pas envisageables ? Pour le dire autrement, n'est-il pas de la mission des bibliothèques publiques d'offrir à ceux qui n'en ont pas l'opportunité la possibilité d'être actifs sur le Web ?

Actu du lendemain Voir aussi le billet de H. Guillaud sur l'évolution de la lecture (ici). Si la lecture évolue, sa place en bibliothèque ne doit-elle pas évoluer ?

lundi 31 décembre 2007

Le rôle social des bibliothèques en Amérique du nord

Le Monde (ici) vient de relayer une dépèche de Reuters annonçant la publication d'un nouveau rapport du Pew Internet & American Life Project. L'article insiste sur la fréquentation des bibliothèques par les jeunes adultes américains de 18-35 ans, mais ce n'est pas l'objet premier de l'étude et son interprétation risque d'être mal comprise en France si on ne remet pas les résultats dans leur contexte.

On trouvera ici l'ensemble de l'étude :

Estabrook Leigh, Witt Evans, Rainie Lee, Information Searches That Solve Problems, How people use the internet, libraries, and government agencies when they need help, Pew Internet & American Life Project, 30 déc 2007, 40p. Résumé (Html), Rapport (Pdf)

Un objectif de l'étude était de savoir si les bibliothèques avaient perdu pour les nouvelles générations leur rôle de ressources pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne au profit d'Internet. Les résultats montrent qu'il n'en est rien, bien au contraire et de façon paradoxale, pour la génération Y (18-35 ans), mais en partie à cause de la possibilité de consultation libre de l'internet dans les bibliothèques.

Sans doute ces résultats sont importants et méritent lecture. Ils montrent la robustesse du positionnement des bibliothèques publiques américaines, ils confirment aussi la place primordiale de l'internet dans la fonction renseignement.

Mais ils sont difficilement transposables dans un contexte différent, sauf pour s'en inspirer. Le rôle social des bibliothèques est beaucoup plus accentué de ce côté-ci de l'Atlantique qu'en France. Il est naturel de venir s'y renseigner pour des difficultés de toutes sortes, c'est aussi un lieu de rencontre entre voisins.

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