Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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vendredi 10 octobre 2008

Archivistique audiovisuelle et numérique - Cours B. Bachimont

Bruno Bachimont, directeur de recherche à l'Institut national de l'audiovisuel, a donné l'été dernier un séminaire avancé à l'EBSI intitulé : Archivistique audiovisuelle et numérique. Celui-ci a été enregistré et il est disponible sous format audio, découpé en courtes séquences thématiques, grâce à Élodie Gagné, étudiante de la maitrise.

Sommaire, chaque rubrique comprend 5 à 15 clips :

  • Introduction
  • Le Document
  • L'Archive
  • Support audiovisuel
  • Support numérique
  • Tendances du numérique
  • Les Archives à l'INA
  • Archivage du Web

L'ensemble du cours est accessible ici. On peut aussi l'obtenir sous format iTunes . (message perso aux étudiants du cours sur l'économie du document : ne vous précipitez pas, il y aura quelques morceaux choisis obligatoires à écouter dans quelques semaines).

Rappel :

La conférence de Hervé LeCrosnier Web-Documents, réseaux sociaux et extraction sémantique : de la conversation à la bibliothèque du 11 septembre 2008 est accessible ici.

Le cours BLT6355 Économie du document est accessible librement en ligne . Nous en sommes à mi-parcours.

jeudi 09 octobre 2008

Le netEmpire du milieu

En ces temps d'inquiétude financière, il est intéressant de relier quelques propos pour méditer un peu sur le passé et l'avenir. Les évènements actuels risquent en effet d'avoir d'importantes conséquences sur l'économie du document, tout particulièrement dans sa dimension géopolitique. Je ne commenterai pas plus avant, le lecteur pourra tirer lui-même quelques conclusions de la résonance entre ces trois citations :

Propos 1

Les pays émergents, la Chine en tête, sont les grands gagnants de la décennie. On assiste à un transfert de pouvoir économique, financier, politique et même technologique. Depuis cinq ans, la consommation aux Etats-Unis et en Europe (sauf en Allemagne) a été artificiellement gonflée par la bulle immobilière, qui n'aura abouti qu'à favoriser la rente, creuser les inégalités entre générations, fabriquer de la dette des ménages, du déficit extérieur tout en menaçant de faire imploser le système financier international. Cette bulle nous aura fait perdre beaucoup de temps. Désormais, les acquisitions d'actifs occidentaux par des fonds souverains ou des multinationales des pays émergents vont se multiplier. Bien sûr, ces derniers vont souffrir du ralentissement, mais ils devraient résister.

Entretien avec Jean-Pierre Petit, économiste chez Exane BNP Paribas "Nous sommes dans une situation de capitulation", Le Monde 10 oct 2008, ici.

Propos 2

Elles ont fait tout ce qu’elles ont pu pour nous faire croire qu’elles échapperaient à la crise… mais ça n’est plus possible. Les entreprises qui sont au coeur du dynamisme de San Francisco et de sa région morflent comme toutes les autres.

Même les actions de Google, Apple ou Cisco redécouvrent les lois de la pesanteur . Les capital-risqueurs se font la malle. Les investisseurs se cachent. Même les start-ups économes réduisent encore la voilure. Et si elles ne le font pas, elles risquent d’être très vite emportées par la tourmente.

"Silicon Valley n’est plus à l’abri" F. Pisani Transnet, le 8 oct 2008 .

Propos 3

La Chine a démontré une capacité d’innovation à la fois stratégique et technologique remarquable pour contrer la libéralisation induite par le développement de l’Internet, dont elle a su tirer le plus grand profit économique. Le rapport d’Open Net Initiative (2005), qui a mené des tests de censure sur une longue période, montre qu’au fil des ans le filtrage est devenu plus sophistiqué, subtil et efficace. Profitant d’un potentiel économique exceptionnel, la Chine a pu acheter la coopération technologique des entreprises étrangères et ignorer les timides remontrances des démocraties occidentales sur le respect des droits de l’homme. Pour autant, la Chine continue de s’ouvrir au monde, plus vite que jamais, et le nombre d’internautes devrait continuer de croître de façon exponentielle dans les années à venir.

Il y a fort à parier que les autorités résisteront jusqu’au bout et trouveront des solutions aux défis techniques au fur et à mesure qu’ils se posent ; et que les dissidents trouveront à leur tour des moyens de les contourner. L’Internet présente ainsi le paradoxe d’être à la fois une force de démocratisation et un outil d’oppression, tout comme la mondialisation engendre aussi des replis territoriaux. La géographie, pas plus que la dictacture chinoise, n’a succombé au développement de l’Internet.

Conclusion de l'article de Fédérick Douzet, “Les frontières chinoises de l’Internet,” Hérodote, no. 125 (second trimestre 2007),.

1+2+3 = le netEmpire du milieu

samedi 04 octobre 2008

«Le marché des médias devient un marché de consommation comme les autres», vraiment ?

Voilà des réflexions tout à fait en phase avec le cours de cette semaine sur le pentagone (voir ici) :

Éric Scherer, “Fin de la TV et crise terminale des quotidiens d’information,” MediaWatch, Octobre 4, 2008, .

Extrait :

« Fin de la TV » : en fait, c’est plutôt de « la fin du broadcasting et de la mort de la grille des programmes » dont il s’agit, a précisé Veron, ce matin à l’occasion lors d’un Colloque au Sénat pour les 20 ans de la revue Hermès.

Jusqu’ici, le producteur de contenus TV était dans la situation incroyablement confortable de pouvoir programmer à la fois l’offre et la demande. Désormais, le marché des médias devient un marché de consommation comme les autres, avec « la mise à mort de la grille des programmes », où « la programmation de la production est passée du producteur au récepteur ». Et « en Argentine, quand un jeune couple s’installe, il n’achète plus de téléviseurs ».

«Crise terminale des quotidiens d’informations » : « elle s’est déroulée encore plus vite qu’on ne le pensait il y a 10 ans ». « La proportion de personnes qui lisent chaque jour un quotidien a diminué de moitié ces dernières années, pour ne représenter plus que 7% en Argentine ». « Ils vont disparaître et très bientôt, il n’y aura plus de gens qui lisent des journaux tous les jours. »

Dans certains pays, le lien le matin avec le journal était aussi fort qu’avec le JT du soir. « C’est en train de se décomposer totalement. Ca s’est cassé ces 5 dernières années ».

La question est bien de savoir si, comme parait le constater en Argentine Eliseo Veron, le pentagone est en train de s'effondrer au profit du Web-média ou si les différents médias vont coexister une fois la redistribution terminée. Car il y a une erreur dans son raisonnement : le marché des médias n'est pas devenu un marché de consommation comme un autre. Il n'y a pas dans le Web-média un lien direct entre la consommation d'un document et une transaction financière. Si le marché de l'attention domine, il faudra toujours la capter et il n'est pas sûr alors que, pour l'audiovisuel, les bonnes recettes de la programmation ne restent pas les plus efficaces. La difficulté de rentabilisation de YouTube n'est pas anodine.

lundi 29 septembre 2008

Contenant/Contenu, Apple/Google, le cas du cellulaire

Ce billet fait suite à une question sur le forum des étudiants à propos de la sortie récente du téléphone cellulaire de Google. La comparaison entre les stratégies de Apple et de Google sur le téléphone 3G interroge en effet tout particulièrement l'articulation entre les industries de contenant et de contenu analysée dans les cours 2 et 3 (ici). Voici quelques réflexions rapides à ce sujet.

Apple, diapositive 27, est une entreprise qui vend du contenant, des micro-ordinateurs d’abord, plus récemment des baladeurs numériques (c'est-à-dire l’entrée de l’informatique dans ce créneau) et enfin tout dernièrement des téléphones cellulaires (idem). Les incursions dans le domaine du contenu visent à fidéliser, «verrouiller» les utilisateurs sur le matériel de Apple en les accrochant au matériel par des niches ou des services haut-de-gamme. Mais la rentabilité de Apple vient d’abord et très massivement de la vente de matériel.

Nous avons vu le développement explosif du téléphone cellulaire (diapo 12). Nul doute que demain, et demain sur le net est déjà aujourd'hui, le téléphone 3G deviendra un terminal pour l’internet et sans doute avec le développement du Cloud Computing pour toute une série de services bureautiques. Ainsi Apple a pris place, avec son savoir faire spectaculaire en design, sur un marché qui s'étend aussi sur son créneau principal : le micro-ordinateur. Il a pour cela appliqué la même stratégie qui lui a précédemment réussie : un service semblable, mais sensiblement amélioré et légèrement décalé pour verrouiller l’utilisateur (un propriétaire de Mac, de iPod ou de iPhone a droit, lui seul, aux services de Apple, même si progressivement les appareils s’ouvrent à d’autres applications). Pour les développements de la stratégie de Apple sur le iPhone voir par exemple ici,

Google applique la même stratégie de verrouillage, mais en l’inversant. Google n’est pas impliquée dans l’industrie du contenant et il est peu probable qu'il s'y implique. Son objectif est de capter l’internaute, de le «verrouiller» lui-aussi par des services haut de gamme sur ses sites ou sur des sites qui lui sont affiliés, mais pour revendre son attention à des annonceurs. La force de Google n’est pas dans sa capacité d’innovation et de production de matériels comme Apple, mais dans sa capacité d’innovation et de puissance de calcul documentaire avec notamment ses énormes data-centers.

Tout comme pour Apple, pour les mêmes raisons mais avec une perspective inversée, le marché du téléphone cellulaire est important pour Google, car comme vecteur d’accès au web il est un support potentiel de publicité, support qui pourrait lui échapper notamment au profit des opérateurs de télécom. Google n’est pas vraiment impliqué dans la vente de ces appareils qu’il labellise en quelque sorte. On peut penser que l’objectif de la firme est d’éviter que le développement du cellulaire 3G conduise à des situations dominantes en amont d’acteurs (comme Apple ou les opérateurs de télécom) avec lesquelles elle serait obligée de négocier, c'est-à-dire de partager une partie de la valeur récoltée.

Deux marchés très importants en effet restent encore incertains sur le web : un grand-public, celui de l’audiovisuel, dont nous savons maintenant qu'il constitue le principal marché du contenu diapo 25 et la bataille à venir diapo 35 (mais YouTube est très déficitaire et Apple via le iPhone, du fait de l’expérience acquise dans iTunes n’a pas caché ses ambitions sur la distribution de l’image) ; un autre plus professionnel, celui de la bureautique intelligente dont nous savons qu'il s'agit de l'avancement de l'histoire de l'informatique documentaire, diapo 34 (ici c’est Google qui ne cache pas ses ambitions de proposer des services décentralisés, concurrençant les OS des micro-ordinateurs).Pour la stratégie de Google sur ce créneau, voir par exemple .

Ainsi l’une et l’autre firmes se trouvent en concurrence sur ou à propos de la vente de téléphones cellulaires. Chacune utilise la dynamique des développeurs indépendants en ouvrant, relativement, ses applications. Mais les enjeux sont bien différents pour chacun, correspondants chaque fois au cœur de leur métier.

mercredi 17 septembre 2008

Wikipapier et les sept piliers

Le lancement par Bertelsmann d’une version papier de Wikipédia a été le premier sujet de discussion du forum des étudiants du cours en ligne. L’exercice consistait à analyser le projet de l’éditeur, présenté dans un précédent billet (ici) grâce aux éléments apportés par le premier cours ().

Comme l’actualité nous rattrape et que le livre est maintenant sorti (), je reproduis ci-dessous la synthèse de la discussion en reprenant, dans l’ordre, les «piliers» présentés dans le cours.

  • Pilier 1 : la non-rivalité a permis de proposer une encyclopédie gratuite en ligne à tous les internautes. C’est un apport essentiel de Wikipédia. Mais celle-ci interdit en réalité sa valorisation pour les producteurs. Le passage sous format papier, redonnant quelques caractéristiques rivales d’une marchandise ordinaire, permet cette valorisation. Pour vous en convaincre, je vous suggère la lecture de ce billet ci-dessous qui est un autre exemple du même processus (La publication par P. Assouline des commentaires de son blogue). La différence entre les rémunérations est frappante.

Nicolas Kayser-Bril, “Brèves de blog: Une nouvelle forme de monétisation?,” Window on the Media, Septembre 11, 2008, ici.

  • Pilier 2 : le cout de la première copie de Wikipédia est dérisoire comme rappelé dans le billet, du fait de l’appel au bénévolat et d’une économie du don. Ceci amène à une situation étrange pointée par H. Le Crosnier où 90.000 auteurs sont répertoriés sur 27 pages, sans évidemment bénéficier de la moindre rémunération, ni en argent, ni même en prestige. Dans ce processus Bertelsmann sort grand gagnant puisqu’il n’a assumé aucun coût de création et paie des droits minimes. Même s’il faut prendre en compte les coûts d'édition (mise en page, correction..), les risques de l’édition papier deviennent très réduits.
  • Pilier 3 : Bertelsmann ne publie évidemment pas la totalité du site, mais simplement certains articles dument validés. La publication papier stabilise le contenu et lui confère un statut plus fort, encore souligné, comme cela est suggéré dans le billet, par l’aura du livre. Il y a là une tentative intéressante d’appuyer la valeur du contenu sur l’apport symbolique des deux supports.
  • Pilier 4 : Les liens et la possibilité de navigation à l’intérieur de Wikipédia en ligne sont une réelle valeur ajoutée par rapport au papier. Le numérique permet une utilisation optimale de la plasticité des informations. Mais celle-ci est-elle valorisée pour les producteurs de contenu ? En réalité, elle ne bénéficie qu’au lecteur, la production de Wikipédia étant bénévole et quasiment anonyme. Il ne faut évidemment pas négliger ce bénéfice, important pour la société dans son ensemble, mais l’absence d’économie du contenu fait de l’expérience Wikipédia, une expérience unique, peu reproductible. L’intérêt de la plasticité est aussi qu’elle permet d’utiliser les fonctionnalités différentes de différents supports et dispositifs pour un même contenu. Il s’agit bien de deux produits différents. Il s'agit néanmoins de la même marque et des mêmes éléments de contenu dont seulement les fonctionnalités et la plasticité seront différentes. Le livre papier a aussi des avantages fonctionnels qui expliquent sa résistance, alors même qu’il est sur le déclin depuis de longues années. Il est vrai que le pari n’est pas gagné puisque, justement malgré la résistance globale du livre papier, le marché des encyclopédies, lui, s’est écroulé face au numérique. Mais dans ce cas précis le risque financier est maigre (voir Pilier 2). La mise en abime, grâce à la plasticité, est encore plus fascinante puisque le livre est aussi consultable sur Google-books, comme le signale Olivier (ici).
  • Pilier 5 : la notoriété capitalisée par Wikipédia autour de sa marque sert à lancer le produit papier. Si des lecteurs achètent le livre, ce sera grâce à cette dernière. Inversement, comme indiqué dans le billet, Wikipédia bénéficie de la reconnaissance officielle et non-négligeable compte-tenu des polémiques à son sujet, d’un éditeur.
  • Pilier 6 : Par sa position dans l’audience captée sur le Web, Wikipédia pourrait valoriser une vente d’attention. Elle n’a pas fait ce choix qui risquerait peut-être de tarir l’ardeur de ses bénévoles. Néanmoins, l’attention ainsi captée ne peut non plus être valorisée par un autre acteur, sinon au niveau des requêtes par un moteur de recherche. D’un point de vue marchand, il y a là une destruction nette de valeur. Ironiquement, celle-ci peut-être en partie récupérée via Google-books. Wikipédia se positionne alors comme un «bien public», hors économie marchande et en concurrence avec cette dernière.
  • Pilier 7 : En choisissant les thèmes les plus consultés, Bertelsmann se positionne dans la partie gauche de la courbe, ce qui est tout à fait en cohérence avec une économie éditoriale. Il y a là la possibilité d’une complémentarité entre la version papier et la version en ligne qui autorise une consultation de l’ensemble des articles, y compris les moins populaires. De ce point de vue, la version en ligne est proche d’une économie de bibliothèque. La bibliothèque est en effet la première structure à avoir utilisé l’économie de la longue traîne. Bien avant que C. Anderson propose ce nom, les bibliothécaires avaient repérés cette distribution de la demande chez leur lecteur. Et on peut même faire l’hypothèse que c’est parce que les coûts de stockage, classement, distribution des documents peu demandés étaient trop lourds qu’un marché n’a pu se développer dans ce domaine avant l’arrivée du numérique.

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