Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mardi 20 novembre 2007

La redocumentarisation des personnes

Après celle du monde physique (ici) et toujours sur InternetActu, voici donc la redocumentarisation des personnes ().

Il s'agit d'un très intéressant rapport publié par l’Enisa (European Network and Information Security Agency), agence chargée de la sécurité informatique pour le compte de l’Union européenne.

Social Networking – How to avoid a digital hangover, Html

Celui-ci salue le développement des réseaux sociaux, mais souligne les dangers qui les accompagnent. Extrait du billet de InternetActu :

Un test, effectué par Sophos, une société spécialisée dans les antivirus et les antispam, auprès d’un échantillon de 200 utilisateurs de Facebook, révélait ainsi que 41 % d’entre-eux avaient gentiment révélé des informations personnelles à un certain “Freddi Staur” (une anagramme de “ID Fraudster“, que l’on pourrait traduire par “usurpateur d’identité“). Nombre d’entre eux affichent aussi, non seulement leur ville de résidence, leur employeur, leur date de naissance et leur adresse e-mail, mais aussi leur identifiant de messagerie instantanée, facilitant d’autant le travail de ceux qui voudraient les surveiller, voire pire.

Un sondage, effectué pour le compte de la campagne britannique Get Safe Online de sensibilisation à la sécurité informatique, avance pour sa part que 15% des utilisateurs de ces sites “n’utilisent aucune des possibilités pour rendre confidentielles leurs informations sur ces sites, et 24% des internautes utilisent le même mot de passe pour tous les sites“, que 27% des 18-24 ans ont posté des photos de tiers sans leur consentement, et que 34% des 18-24 ans, et 30% des 25-34 ans, “révèlent des informations susceptibles d’être utilisées à des fins criminelles“.

Les réseaux sociaux documentarisent au sens propre les personnes. Il est tout-à-fait imprudent de laisser se développer cette opération sans garde-fous. C'est la responsabilité des professionnels de l'information d'alerter sur les dangers et aussi d'y mettre un peu d'ordre et de déontologie. Encore une fois, cela n'ôte rien à l'intérêt des dispositifs, mais évitons d'y foncer tête baissée sans réfléchir..

mardi 13 novembre 2007

Oh ! FaceBook a mis de la publicité !

Aucun lecteur assidu de ce blogue ne pourra me reprocher de ne pas avoir tiré très tôt la sonnette d'alarme devant la bulle financière et médiatique autour de FaceBook (ici, , et puis surtout : et ). J'ai écrit, et je le répète, que la blogosphère ne peut s'abstraire de ses responsabilités dans ces engouements où l'opinion joue un rôle majeur. Aujourd'hui, le mouvement est inversé et l'on décrie sans vergogne ce que l'on encensait, il y a même pas une semaine ou deux..

La cause de ce retournement est l'entrée de la publicité commerciale dans le réseau. La belle affaire ! Comme si celle-ci n'était pas le seul véritable revenu sur le Web-média, et donc inévitable une fois l'effet d'échelle suffisant pour intéresser des annonceurs. S'offusquer de cette entrée est faire preuve, disons de naïveté. Mais à lire les billets et commentaires, il n'est pas sûr que la lucidité soit revenue.

Au risque d'agacer une nouvelle fois, voici quelques idées manifestement fausses :

FaceBook = Big Brother, non

Si la firme s'intéresse aux données personnelles des internautes qui s'inscrivent sur la plateforme, il est erroné de considérer celles-ci comme des données privées. Chacun les a en quelque sorte publicisées librement en les divulguant sur le réseau. Elles n'ont, dès lors, plus rien de privées, pas plus que les vêtements que chacun porte dans la rue, ou l'itinéraire qu'il suit. Par ailleurs, la firme n'est pas intéressée par le contrôle des individus, pris séparément, mais simplement par la carte de leurs liens hypertextuels pour y déposer des annonces commerciales. Il n'y a pas là une tendance à la surveillance policière, simplement un parasitage opportuniste.

Il existe un marché de la publicité virale, non

Le principe du marketing viral, dont d'ailleurs l'utilisation réelle est surestimée (voir à ce sujet l'intéressant billet d'O. Ezratty) est d'utiliser la chaîne des communications adressées entre individus ou entre groupes pour faire se diffuser un message de plus en plus largement. L'intérêt de ce genre de publicité est double : son coût peu élevé et surtout la confiance associée au message liée à celle que l'on accorde à l'émetteur.

Mais bâtir un phénomène de résonance sur des individus qu'on ne contrôle pas n'est pas chose aisée. Le phénomène est difficile à répéter, car il s'épuise vite. Pire, le phénomène s'autodétruit souvent, car les vecteurs des messages parasites, émetteurs ou destinataires, vont avoir tendance à rejeter des informations qui dévalorisent leur relation. Sans parler de la difficulté à construire un marché quand on ne mesure, ni ne maitrise une situation.

FaceBook joue l'ambigüité à ce sujet et c'est sans doute une bonne part de là que vient le trouble actuel.

FaceBook est un réseau social, non

En effet, on joue quelque peu avec les mots en baptisant réseau social, ce qui n'est qu'un réseau de machines. Il est vrai que les plateformes jouent de l'ambigüité en utilisant un vocabulaire intime. On se fait des "amis" sur FaceBook. Mais on s'en fait aussi dans la rue, dans des cafés ou dans bien d'autres lieux et par bien d'autres truchements que l'on ne baptisera pas de social pour autant.

La métaphore la plus pertinente me parait être celle des réseaux de chemins et de routes. Certains chemins dans la campagne ont été tracés par les déplacements répétés de promeneurs, de visiteurs. Des routes, des rues découlent d'habitudes ou de plans d'urbanisme. On a réalisé des plans de circulation, mis en place un code de la route, organisés divers moyens de transports.. et puis on a mis des panneaux publicitaires, le facteur dépose des prospectus dans les boites aux lettres. Les gens de marketing observent les habitudes de consommation en fonction des codes postaux, etc.

En conclusion, la question est de savoir s'il est possible de rentabiliser une plateforme de rencontres et d'échanges par la publicité. La réponse est manifestement oui, pour certaines utilisations. MySpace ou Skyblog l'ont déjà montré. Ces plateformes construisent d'autres chemins de communication qui progressivement s'affirmeront et trouveront leur place. Mais ne nous laissons pas entraîner dans des superlatifs intéressés. FaceBook en joue beaucoup, vraiment beaucoup. Il n'y a pas pour autant coïncidence entre le temps du développement des algorithmes et celui de la communication sociale (ici). Mais l'enflure de la réputation permet d'intéressantes levées de fonds.

Actu du 14 nov 2007 Voir le billet désenchanté de F. Cavazza et ses commentaires contrastés

jeudi 25 octobre 2007

Facebook = 15 Mds USD, vraiment ?

Un très grand nombre de médias et de blogueurs s'extasient devant l'investissement de 240 M USD de Microsoft dans Facebook pour 1,6% du capital en échange de l'exclusivité de la publicité jusqu'à 2011. Et chacun d'en conclure après une simple règle de trois que la compagnie pèse aujoud'hui 15 Mds. Rien n'est moins sûr.

La compagnie n'est pas cotée en bourse et le contrat n'est pas sans contrepartie. Si elle faisait son entrée en bourse demain, qui peut prétendre qu'elle serait valorisée au même niveau ? Par ailleurs, si elle cherche à vendre directement des actions à un autre partenaire, quelle contrepartie peut-elle offrir puisqu'elle vient d'aliéner la source principale de ses revenus ? Certes les marchés ont souvent manqué de rationnel et rien n'est à exclure de ce côté.

Mais, revenons sur terre et regardons de plus près la conjoncture. Sans doute, Facebook est une réussite étonnante et dispose déjà d'un chiffre d'affaires annuel estimé à 150 M USD, chiffre impressionnant compte tenu de sa jeunesse. Néanmoins sa croissance à venir pourrait être beaucoup moins solide qu'il est souvent affirmé.

Comme Google, Facebook repose sur le marché publicitaire. Plusieurs arguments sont alors avancés :

  • Bien des observateurs pensent que le système Flyers Pro serait plus efficace que le système Adsense de Google. Cela reste à prouver et le second dispose d'une bonne longueur commerciale d'avance. Mais admettons l'argument, le problème est que Adsense ne représente que 34% du revenu publicitaire de Google, contre 65% pour Adwords et il ne parait pas que la concurrence s'applique vraiment sur ce second service au modèle tout à fait original.
  • Par ailleurs, on met en avant la croissance forte du marché publicitaire en ligne, qui devrait soutenir la firme. En réalité, le marché publicitaire en ligne aux US est fragile du fait notamment de la crise immobilière, même si sa croissance serait encore de 25%. Les plus grosses croissances à venir sont ailleurs, notamment en Asie, mais Facebook n'y est pas présent.

Enfin, dernier élément à l'évidence erroné et pourtant répété à l'envi : Microsoft l'aurait emporté sur Google. Allons ! Google dispose de 13,1 Mds de cash en banque, il a montré en d'autres occasions qu'il savait mettre le prix quand l'enjeu lui semblait intéressant. Si la firme avait été sur les rangs, les enchères auraient grimpé beaucoup plus haut.

Donc, en résumé sans doute Facebook mérite l'attention, sans doute nous aurons d'autres surprises. Mais de grâce sachons garder mesure et ne participons pas à ce qui pourrait à terme devenir une dangereuse enflure !

mercredi 10 octobre 2007

Facebook : bulle et diligence

Juste une petite remarque en passant sur Facebook qui agite énormément les commentateurs sur le web jusqu'à mes collègues biblioblogueurs qui en ont fait leur sujet favori.

Sans doute le phénomène est étonnant. Mais il est impossible aujourd'hui d'en tirer une analyse pertinente, sauf éventuellement en sociologie de l'innovation, du fait de son évolution rapide et du brouillard que produit le buzz. En réalité, pour ses promoteurs dans l'immédiat il s'agit surtout de faire monter les enchères pour un éventuel rachat.

Par ailleurs, le terme « réseaux sociaux » est bien mal approprié, il s'agit d'abord de réseaux de machines. Et il est probable que là aussi « l'effet diligence » soit à l'œuvre où les caractéristiques de communications interpersonnelles sont plaquées sans précaution sur une logique technico-médiatique de nature sensiblement différente. Là encore, impossible de tirer des conclusions un tant soit peu fondées dans le maelström actuel.

Enfin, la plupart des biblioblogueurs concluent leurs analyses en indiquant qu'ils se sont inscrits pour voir, mais qu'ils n'y trouvent pas leur compte. Il y a là un sérieux paradoxe. S'ils souhaitent vraiment observer de l'intérieur, il faut qu'ils s'y immergent. S'ils hésitent à le faire, c'est bien qu'il y a en réalité des problèmes.

Alors, une suggestion camarades : il y a bien d'autres sujets. Attendons un peu plus de calme pour mieux mesurer le phénomène. À trop le suivre de près, on ne fait qu'amplifier les défauts signalés ci-dessus, et on se rend complice de manœuvres intéressées.

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Actu du 11 octobre 2007

À lire dans le même sens ce billet de Techcrunch sur un article du Wall Street Journal. Faut-il en rajouter ?

vendredi 05 octobre 2007

L'économie de Facebook

Voir aussi ce billet qui montre que trois ans plus tard les questions restent les mêmes, malgré le succès public du réseau.

TechCrunch signale (ici) un diaporama qui synthétise remarquablement le phénomène Facebook. À mettre en relation avec ces billets : ici, ici et .

FaberNovel Consulting, Facebook: the “social media” revolution, A studyand analysis of the phenomenon, Paris, 3 oct 2007, Pdf

J'en ai extrait les deux diapositives ci-dessous :

Quelques remarques rapides qui mériteraient plus amples réflexions :

  • Facebook serait évalué à un peu moins de 70 fois son CA.. un chiffre astronomique. Mais les analystes financiers ne sont pas à un délire près comme le montre cet autre billet de TechCrunch.
  • Autre élément intéressant, le sponsoring serait la base du financement du réseau. Le problème du sponsoring, c'est qu'il ne s'agit pas d'un marché très stable, ni dans les intentions des acheteurs, ni surtout dans la réalisation des prix.
  • Troisième point, bien connu mais qui fragilise les médias classiques, les prix de la publicité sont très bas. Ce sont les micro-paiements qui sont semble-t-il visés.

Ce tableau qui plaide pour une nouvelle métrique pour mesurer la valeur de l'économie de l'attention dans les réseaux sociaux est en même temps l'aveu que le marché actuel de la publicité ne permet pas de les financer. L'avenir dira s'il est réellement possible de le restructurer

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