Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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dimanche 07 mars 2010

Débourser pour du contenu ou pour un contenant ?

Ce billet a été rédigé par Gabriel Parent dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Comme on l'a déjà vu en 2007 sur le présent blogue (ici), les jeunes générations boudent les quotidiens, une tendance qui ne semble vouloir pas s'effacer de sitôt. Si la position de la presse écrite n'était pas rose il y a trois ans, elle est devenue encore plus inconfortable avec la récente crise financière. On a en effet pu voir des géants comme News Corporation, qui possède, entre autres, le New York Post et le Times de Londres, déclarer des pertes de 220 000 000 US$ l'année dernière (Andrew Clark 6 août 2009, ).

Il y a cependant des exceptions dans ce noir tableau : au premier trimestre 2009, malgré la crise financière mondiale, on a vu Le Devoir faire un bénéfice net de plus de 130 000 CAN$ (Presse canadienne, 1er mai 2009, ). Comment expliquer que ce journal québécois ait mieux fait que ses concurrents ? Loin de moi la prétention d'apporter une réponse parfaite, car je ne suis pas économiste, mais j'avancerais ici un élément qui, je crois, a largement participé au succès du Devoir : la stratégie numérique de ce journal.

Le 28 janvier dernier, à l'occasion d'une conférence donnée devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le directeur du Devoir, M. Bernard Descôteaux, a donné un portrait assez lucide de la situation actuelle de la presse vis-à-vis de l'univers numérique : « Une partie des revenus publicitaires des journaux se déplaça vers le web, mais pas de la manière espérée, vers les sites des journaux, mais plutôt à travers toute la planète Internet. Ceux qui avaient misé sur la publicité pour assurer le financement de leurs sites ont vite déchanté. Ce modèle d'affaires, sauf pour de rares exceptions, ne tient pas la route. Dans la réalité, la très grande majorité des sites Internet de journaux sont financés à travers les activités traditionnelles de ceux-ci. On pourrait même dire que les lecteurs de journaux subventionnent à travers leurs abonnements à la version papier la gratuité offerte à tous. » (Bernard Descôteaux 28 janvier 2010, ici)

Or, devant la dilution des revenus publicitaires, comment rentabiliser le contenu web ? Si l'on en croit l'expérience du Devoir, c'est en faisant payer son accès en ligne. Je ne parle pas ici de restreindre l'accès aux articles, car plus des ²/₃ des articles sont disponibles tout à fait gratuitement. En effet, la culture de la gratuité est peut-être beaucoup trop bien implantée chez les internautes pour que l'on puisse faire payer pour l'entièreté du contenu. En revanche, ce qu'offre l'abonnement au journal, c'est un accès à des outils purement web : de la veille informationnelle (nommée au Devoir «infolettre personnalisée»), la possibilité de déposer ses commentaires sur les articles parus ainsi que la recherche fine dans les archives du journal grâce à un moteur de recherche Cedrom-SNI. Le lecteur du Devoir ne paie essentiellement pas pour une deuxième édition du même journal, il paie pour un contenant possédant des fonctionnalités nouvelles.

Cela ressemble beaucoup aux éléments proposés en 2009 par l'American Press Institute (API) aux journaux américains pour se sortir de la crise (vu sur le blogue AFP-MediaWatch ici ). Entre autres suggestions, l'API affirmait que la presse devait « donner une valeur au contenu en ligne, ne pas hésiter à lancer différentes expériences ». De plus, les journaux avaient tout avantage à « investir dans la technologie, les plateformes et systèmes pour générer des revenus et livrer des contenus payants ». Concrètement, les propositions de l'API se résument en ceci : le web est un média différent de la presse écrite et il faut le traiter comme tel sur le plan stratégique. En effet, les modèles d'affaires qui fonctionnent bien pour l'objet journalistique ne sont pas les meilleurs dans un environnement virtuel.

C'est ainsi que la New York Times Company a annoncé récemment () la création d'une toute nouvelle infrastructure mi-gratuite, mi-payante pour le site Internet de son journal phare. On sait peu de choses sur ce nouveau modèle, si ce n'est qu'on pourra consulter un certain nombre d'articles gratuitement et qu'on devra débourser un montant forfaitaire si l'on dépasse ce quota. À ce stade, on ne peut savoir si le New York Times proposera, comme le fait Le Devoir, des fonctionnalités uniquement disponibles aux abonnés, mais la stratégie de ces deux journaux présente tout de même d'importantes similitudes. Ainsi, pour assurer la survie d'une présence virtuelle de la presse traditionnelle, il faut peut-être simplement que les journaux développent de nouveaux contenants payant, plutôt que d'abandonner les contenus gratuits (ou du moins à prix modique) auxquels sont habitués les consommateurs d'information numérique.

mercredi 24 février 2010

Les bibliothèques universitaires vont-elles disparaître ?

Ce billet a été rédigé par Caroline Dubreuil dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Depuis leur création, les universités ont presque toutes une ou plusieurs bibliothèques. Autrefois un lieu central et essentiel pour l’apprentissage et la recherche, les bibliothèques universitaires sont maintenant de moins en moins utilisées par la communauté universitaire. Puisque tout service, comme la bibliothèque, doit être utile et utilisé, les universités décideront-elles de fermer leur(s) bibliothèque(s) et de financer autre chose avec le budget destiné à la bibliothèque ?

Tout d’abord, il est essentiel de se demander pourquoi la communauté universitaire utilise de moins en moins la bibliothèque, que ce soit sur place ou à distance. Bien entendu, les besoins des usagers évoluent avec le temps et déterminent la pertinence des services offerts en bibliothèque. Puisque les étudiants d’aujourd’hui sont surtout des digital natives, c'est-à-dire qu’ils ont grandi dans un contexte qui était déjà numérique, leurs besoins et pratiques sont différents de ceux des étudiants qui les ont précédés. En effet, ils ont une préférence pour les documents numériques ou électroniques, puisqu’ils ont pratiquement grandi devant des écrans de toutes sortes (télévision, ordinateur, lecteur de musique numérique, etc.). Dans cet article de Derek Law, on peut voir les préférences de ces étudiants lorsqu’ils doivent rechercher de l’information. Une des caractéristiques importantes est qu’ils souhaitent que la recherche soit simple et facile à réaliser. De plus, ils veulent être indépendants le plus possible dans leur processus de recherche et ils ne demandent que très rarement l’aide d’un bibliothécaire. En cas de problème ou s’ils ne trouvent pas l’information dont ils ont besoin suite à leur première stratégie de recherche, la plupart des étudiants abandonnent en considérant que l’information recherchée n’existe pas et que leur stratégie de recherche était complète et appropriée. Une autre caractéristique de ces étudiants est que lorsqu’ils trouvent un article ou un autre document, ils ne le lisent pas au complet : ils le parcourent rapidement en tentant de repérer l’information précise qu’ils recherchent. De plus, lors d’une présentation, Helle Lauridsen a montré des statistiques selon lesquelles la majorité des étudiants considèrent que les ressources de leur bibliothèque universitaire sont de meilleure qualité et sont plus crédibles que celles trouvées sur un moteur de recherche de type Google. Par contre, la majorité des étudiants affirment aussi qu’un moteur de recherche sur Internet est la façon la plus facile pour débuter une recherche et que c’est la méthode qu’ils utilisent le plus. Ces données, collectées pourtant auprès des mêmes étudiants, semblent contradictoires. Toutefois, si on revient aux caractéristiques des digital natives, on se rend compte que la simplicité de la recherche est plus importante pour eux que la qualité de l’information obtenue.

Toutes ces caractéristiques des étudiants actuels peuvent-elles nous aider à comprendre pourquoi les bibliothèques universitaires sont de moins en moins fréquentées ? Oui, car les services offerts par les bibliothèques académiques ne répondent plus aux besoins des étudiants et même des professeurs-chercheurs. Les bibliothèques continuent à utiliser leurs ressources financières pour acquérir, conserver et restaurer les ressources papier qui ne seront peut-être plus utilisées et pour financer des services plutôt désuets (comme les comptoirs de référence sur place). Et même si les bibliothèques universitaires dépensent de plus en plus pour des ressources électroniques, celles-ci ne sont habituellement pas indexées dans le catalogue (OPAC) de la bibliothèque. Il faut donc utiliser des bases de données pour les repérer. L’étudiant peut être confus face à la multitude d’outils à interroger, ce qui l’amène à se tourner vers un moteur de recherche comme Google. Si l’étudiant ose demander de l’aide à un bibliothécaire de son université, celui-ci lui expliquera comment interroger les différents outils et lui expliquera les fonctions avancées de recherche, alors que l’étudiant recherche plutôt une façon simple de rechercher de l’information. Toutes ces situations qui surviennent dans les bibliothèques universitaires contribuent donc à la diminution de sa clientèle. Si rien ne change, les gestionnaires des universités décideront probablement de les fermer ou de les remplacer par autre chose, car économiquement parlant il ne sert à rien de financer un service non-utilisé.

Diverses pistes de solutions pourraient être envisagées par les bibliothèques universitaires. L’une d’entre elles serait, comme l’écrit Ross Housewright dans son article, de faire un sondage auprès de ses usagers pour déterminer le niveau de satisfaction des usagers face aux différents services offerts et pour savoir ce qui pourrait être amélioré. De cette façon, la bibliothèque pourrait établir un plan d’action pour apporter des changements qui seraient adaptés aux besoins spécifiques de sa clientèle. Un site Internet très populaire pour effectuer ce type de sondage est LIBQUAL+. Une autre solution intéressante pour simplifier la recherche tout en la rendant la plus complète possible serait de proposer un outil de recherche qui contient à la fois le contenu de l’OPAC, des bases de données (avec accès direct aux articles en texte intégral), des livres électroniques et de tout autre document pour lequel la bibliothèque a des droits. Une bibliothèque universitaire qui investirait dans un tel outil répondrait directement aux besoins de la nouvelle génération d’étudiants qui veulent faire une recherche simple à un seul endroit. Un exemple de ce type d’outil de recherche est Summon, qui permet à l’usager de faire une recherche dans une seule boîte et de visualiser les résultats triés par pertinence dans une seule liste.

Il serait donc possible pour les bibliothèques universitaires d’effectuer des changements dans leur fonctionnement et d’en informer la communauté universitaire afin que celle-ci recommence à utiliser leurs services. Il s’agit pour la bibliothèque universitaire de dépenser l’argent pour des ressources et des services adaptés aux besoins de sa clientèle actuelle. De cette façon, les bibliothèques universitaires continueront d’exister et surtout, elles continueront d’être essentielles pour leur université d’attache.

La guerre est déclarée au royaume des eBooks

Ce billet a été rédigé par Francis Bédard dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Aux côtés du principal support de lecture électronique, l’écran d’ordinateur, se trouvent de plus en plus d’alternatives possédant chacune leurs avantages et, ce qui nous intéresse ici, différentes manières de gérer la vente du contenu. Bien que ce dernier ne soit pas aussi profitable que la vente de contenants (Steve Jobs affirmait en 2003 que les pertes de son nouveau iTunes store pouvaient être compensées par les fortes ventes des iPods), il est tout de même une source d’interrogations pour tous les acteurs du milieu. Nous nous pencherons dans les prochaines lignes sur les cas de trois gros joueurs dans le milieu de la vente de documents écrits numériques : Amazon, le iBookstore de Apple et le futur Google Edition.

Pour le moment, c’est Amazon et son Kindle qui sont les rois de la vente de livres électroniques (70% de la vente de lecteurs de liseurs électroniques et 80% de la vente de ''eBooks''), mais les riches royaumes de Google et d’Apple regardent ces terres fertiles et assemblent leurs armées. Dans cette économie en plein boum qui se cherche beaucoup, les larges réserves de capitaux pouvant absorber des débuts difficiles et même des échecs pourraient faire la différence.

Les formats

Le premier aspect sur lequel nous nous pencherons est celui du format, question qui fait partie intégrante de la stratégie des entreprises.

Amazon a opté pour le format AZW, un format propriétaire qui était le seul à être pris en charge par le Kindle avant le mois de novembre 2009. Il est maintenant possible de lire les fichiers PDF natifs et on peut transférer certains fichiers en AZW à travers un service en ligne. Les livres vendus par Amazon pour Kindle sur son système sans fil sont en AZW et ne peuvent pas être lus sur les autres liseurs numériques, Kindle a donc joué la carte du verrouillage, que nous élaborerons dans le paragraphe suivant, et pour l’instant, la stratégie semble fonctionner.

La musique achetée à travers iTunes est protégée et ne peut être lue qu’avec un iPod, Apple oblige ainsi, tout comme Amazon avec son format AZW, les acheteurs de ses produits à acheter ses contenus. Pour un petit joueur, ce serait l’équivalent d’un harakiri, mais pour Apple, qui détient une très grande part du marché des lecteurs Mp3, cela est plutôt l’équivalent d’une clôture élevée autour de ses brebis. Quand on a acheté pour plusieurs centaines de dollars de Mp3 « Apple only », on aura tendance à racheter du matériel Apple dans le futur. Toutefois, l’arrivée du ''iPad'' et du ''iBookstore'' marque un changement dans la stratégie de la firme. Au lieu de créer son propre format propriétaire, Apple a décidé d’adopter le format ePub pour sa tablette. Ce format est lisible par plusieurs plateformes dont le lecteur portable de Sony et par Adobe Digital Editions pour les ordinateurs. Donc, pas de verrouillage pour ce qui est des livres sur le iBookstore, décision intelligente qui risque d’en convaincre certains qui sont réfractaires à l’idée de lire sur un écran LCD. Le succès du iBookstore est difficile à prévoir, mais la force d’Apple est de ne pas compter uniquement sur un type de contenu, mais sur la convergence de plusieurs pratiques. Amazon jouait donc les mêmes cartes que Apple, mais celui-ci change de tactique pour jouer sur le terrain du roi du e-book.

La question maintenant est de savoir comment jouera Google pour son futur projet Edition qui est annoncé pour juin 2010. Google ne planifie pas, pour l’instant, de lancer son propre liseur. Les livres électroniques vendus seront lisibles sur le plus grand nombre de plateformes possibles. Notre bibliothèque virtuelle se consultera en ligne, dans les nuages, et gardera en mémoire tous les livres achetés, ceux-ci pourront être consultés hors-ligne par la suite sur la plateforme avec laquelle on a accédé à la bibliothèque virtuelle. C’est donc pour une stratégie complètement ouverte qu’a opté Google, l’objectif est de vendre les livres, pas de matériel, et il sera intéressant de voir si Apple ira jusqu’à laisser les utilisateurs du iPad acheter leurs e-books chez le rival Google afin de marginaliser Amazon et son AZW.

Les prix

Un terrain très important pour les utilisateurs et les éditeurs reste incertain : les prix des e-books. Sur ce terrain, les choses ont bougé très rapidement dernièrement, et les articles de deux journalistes du New York Times peuvent nous aider à comprendre la partie qui se joue sur ce terrain entre Amazon, Apple et les principales maisons d’édition. Avant l’arrivée d’Apple, Amazon était le seul joueur et les éditeurs suivaient ses règles, c’est-à-dire qu’Amazon se gardait 65% de toutes les ventes d’''e-books'', le reste étant séparé entre auteurs et éditeurs. De plus, il vendait les nouveautés et les best-sellers 9.99 US$. À ce prix et à ce pourcentage, Amazon perdait de l’argent, mais tout comme Apple, le bas prix du contenu avait pour but de pousser les ventes du contenant, le Kindle.

Les éditeurs, mécontents du faible pourcentage qui leur était imparti tout comme du faible prix des livres, ont été ravis de voir Apple pointer son nez pour négocier des ententes pour son iBookstore (belle ironie, iTunes étant critiqué par l’industrie musicale pour garder 70% du 0.99$ que les utilisateurs paient par chanson). Donc, Apple aurait proposé à certains éditeurs de fixer leurs propres prix pour les livres et la firme ne se garderait que 30% des ventes. Répondant à cette attaque, Amazon aurait proposé d’augmenter à 70% la part des éditeurs si ceux-ci consentaient à lui vendre les droits des e-books. La bataille entre Amazon et Apple allait bon train lorsque Macmillan, une des principales maisons d’éditions américaines, annonce qu’elle augmentera le pris de ses e-books pour le Kindle. Amazon, voyant qu’elle ne peut plus garder le contrôle sur le marché, se retire et laissera les éditeurs augmenter leurs prix. Apple a réussi à faire fléchir le roi et les éditeurs sortent gagnants du combat.

Hyperconcurrence des médias : Les stations de télévision en péril ?

Ce billet a été rédigé par Anne-Marie Roy dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

L’ère numérique est également devenue l’ère de l’hyperconcurrence. En effet, la multitude de services, de technologies et de supports offerts afin de se procurer de l’information a grandement bouleversé le marché des télécommunications. C’est pourquoi l’on parle aujourd’hui de la notion d’hyperconcurrence. D’ailleurs, le Groupe de recherche sur les mutations du journalisme (GRMJ) est en train de développer un projet de recherche sur cette notion afin de mesurer l’impact de ce changement de paradigme sur le journalisme télévisé. Le groupe de recherche note que :

« La croissance de l'offre médiatique et l'intensification de la concurrence paraissent évidentes si l'on considère qu'en deux décennies l'offre de télévision dans un marché comme celui de la région de Montréal est passé de trois à plus de cinquante canaux. L'accès à l'information que permettent maintenant des technologies comme Internet, le satellite et, bientôt la « Web-TV », achèvent de projeter le citoyen-consommateur dans un nouvel univers médiatique. »

Vous pouvez lire l’énoncé complet du projet de recherche ici.

Dans ce contexte, comment les stations de télévision peuvent-elles répondre aux demandes des consommateurs qui recherchent plus de liberté dans la gestion de leur temps et de choix ?

La clé réside probablement dans l’adaptation. Les stations de télévision doivent s’adapter au numérique. C’est d’ailleurs pourquoi, plusieurs stations offrent de nombreux compléments et services en ligne par le biais des forums de discussion et de blogues complétant l’information télédiffusée. Plusieurs sites offrent même des rediffusions en ligne. Le site TOU.TV, qui met ligne plusieurs émissions francophones, semble être une bonne illustration de ce phénomène grandissant. L’intérêt de ce site est qu’il offre à la fois des séries d’archives et des séries actuellement en ondes.

Les auteurs du site entrent alors eux-mêmes en concurrence avec leurs propres diffusions télévisuelles. Cette concurrence affectera certainement les artistes qui, n’étant pas les maîtres du jeu, risquent de voir une baisse de leurs revenus. La crainte se fait déjà sentir comme en témoigne cet article de Cyberpresse : Avec Tou.tv, les artistes craignent une perte de revenus. De plus en plus, ces jeux de concurrence semblent se complexifier et soulever plusieurs problèmes.

Ainsi, je me demande si une simple adaptation sera suffisante pour assurer la pérennité des stations de télévision ? Devant l’essor d’un tel phénomène, devrait-on alors réglementer la web-télé ? Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) se penche présentement sur la question. Le rapport De la télévision ou non? Trois types d’écran, une seule réglementation présente des conclusions où la réglementation propre à la télévision en terme de contenu serait amenée tranquillement à disparaître afin de permettre une ouverture plus grande à tous les diffuseurs et consommateurs dans un contexte numérique et d’assurer le dynamisme d’Internet. Ainsi, on favoriserait une déréglementation de la télévision au profit d’Internet. Cela risquerait d’amener plusieurs problèmes, notamment pour les artistes qui devraient alors seuls défendre leurs intérêts. À ce sujet, je vous suggère ce billet de Martin Lessard : Télévision sur Internet : "Peut-elle être assujettie aux mêmes règles que la télévision traditionnelle. J’en conclus donc que le marché tend plutôt vers une déréglementation qui ne se fera pas au profit des artisans de la télévision traditionnelle.

Finalement, la génération C, qui a grandi avec les technologies numériques et le web verra-t-elle encore des avantages au petit écran ? Comment les professionnels de la télédiffusion pourront-ils retenir l’attention de ces nouveaux consommateurs habitués à tout obtenir d’un seul clic ? Cette génération verra-t-elle la disparition de la diffusion traditionnelle ?

La valeur économique de nos traces sur le web : une question de dépendance mutuelle

Ce billet a été rédigé par Alejandro Labonne Reyes dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

En navigant sur le web, nous pouvons trouver beaucoup d’informations en ce qui concerne les traces que nous y laissons. Certains documents nous démontrent la facilité avec laquelle nous pouvons reconstruire l’identité de n’importe quel individu en utilisant ses traces (ici). D’autres sites nous donnent des instructions ou nous offrent de logiciels pour les effacer. Et même certains sites nous exhortent à en laisser plus (ici).

En somme, la plupart d’informations trouvées sur le web font le lien entre traces et vie privée. Peu d’information concerne l’aspect économique des nos traces sur le web. Pourquoi cela ? Quelle est la raison de cet oubli ? Puisque le web est gratuit nous ne nous sentons pas affectés par le côté économique du web sauf pour certains sites payants. La gratuité des services web : moteurs de recherche, courriel, stockage d’information, réseaux sociaux, etc. va de soi, nous n’y pensons plus. D’une certaine façon, elle est devenue anodine et sans importance. Nous sommes peu conscients de l’importance primordiale de cette gratuité dans les enjeux économiques du web.

La gratuite des services Web n’est pourtant pas banale, elle est calculée. Prenons l’exemple de Google. Comme d’autres acteurs sur le web, il nous propose une panoplie de services gratuits et efficaces. Grâce à ses services et leur gratuité, il capture notre attention. Attention qu’il va vendre aux annonceurs par le biais de services comme adsense. Ce modèle du marché du contenu et de l’attention n’a rien de nouveau, il a été utilisé par la télévision et la presse. Cependant, avec le web, le marché de l’attention et du contenu prend toute une autre tournure. Le modèle offert par Google serait en train de devenir le modèle néo-libéral par excellence et, à l’intérieur de ce modèle, nos traces sur le Web joueraient un rôle essentiel pour l’économie web.

Google incarne le modèle de l'économie néo-libérale par excellence car cette compagnie possède tous les aspects nécessaires pour établir et contrôler le prix des publicités sur le web sans aucun contrôle de l'État. En effet, Google détient la plupart du marché de l'accès et de la distribution de l'information numérique ainsi que de la mesure de l'audience (grâce à son Page Rank) et par conséquent, il peut fixer le prix des publicités de manière plus exacte que la concurrence. En effet, en 2006, 99% du chiffre d'affaires de Google provient de la publicité. Nous parlons d’un chiffre de 10 milliards de USD.

Tout ceci grâce à la gratuité et au souci d'efficacité avec lesquels Google a pu créer en nous, tous, une certaine dépendance (pour de meilleurs et plus rapides résultats de recherche) et parce que cette dépendance aux services de Google a effacé la concurrence et a détruit les barrières de protection que d'autres marchés du contenu (presse, radio, télévision) avaient érigées. (Sous cette perspective, la lutte entre Google et la Chine n'est pas exclusivement une lutte en faveur du droit à l'information, mais aussi au contrôle du marché de l'attention et de l'accès à l'information).

Au fil des années, grâce à nos constantes recherches sur son moteur de recherche, Google a construit toute une base de données sur nos comportements en tant que navigateurs sur le web. C’est sur cette base de données comportementales que le succès économique de Google repose. Le 11 mars 2009 Google annonçait qu’il commencerait à proposer un ciblage publicitaire sur la base du profil construit grâce à la navigation des internautes (ciblage comportemental).

Mais comme tout service web, Google pourrait aussi endurer des coups mortels à cause d’un autre modèle économique qui semble s’imposer de plus en plus, le modèle encouragé par Facebook. Dans un billet récent Didier Durand nous fait part des problèmes du modèle algorithmique de Google face au modèle de bouche à oreille de Facebook, particulièrement en ce qui concerne aux nouvelles sur le web. En ce sens, la dépendance que de manière très calculée Google suscite constamment chez nous pourrait aussi nous pousser ailleurs, si nous trouvons un Pusher du contenu numérique plus efficace, donc Google est condamné à toujours peaufiner ses algorithmes de recherche, à monter toujours la dose d’efficacité et d’exactitude pour nous maintenir dépendants. Mais jusqu’où ira-t-il ?

Seul le temps nous le dira.

Il nous reste au moins comme consolation savoir que Google est devenu aussi dépendant de nous : de nos traces, de chaque clic et de chaque recherche que nous faisons, comme nous le sommes de ses services.

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