Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 16 juin 2011

Contrôler ses données.. pour un ciblage efficace

Ce billet a été rédigé par Marie-Andrée Dubreuil-Moisan et Marie-Eve Lamoureux dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

L’exploitation massive des données personnelles sur le Web sert à financer les réseaux sociaux et moteurs de recherche. Les réseaux se considèrent propriétaires des données techniques, navigationnelles, déclaratives et comportementales vendues pour fin de statistiques aux compagnies publicitaires.

Selon Helen Nissenbaum, nous avons assez perdu de temps à déterminer ce qui est du domaine privé et ce qui est du domaine public, aussi quelles informations dans ces sphères doivent demeurer privées alors qu’en fait la préoccupation serait de trouver des moyens de préserver la confidentialité sur le Web. À cet effet, des options émergentes permettent de naviguer de manière plus invisible pour se protéger du traçage et du profilage, par exemple TrackMeNot. On pourrait même s’inspirer de la manière des hackers, par contre il y a fort à parier que ces options pourraient être piratées par des experts. La protection des données privées sur le Web est un sujet chaud et une préoccupation pressante qui implique la participation de diverses sphères sociales, par exemple pour le ministère de la Culture français ici, enjeux 12. Pour ce billet, nous nous en tiendrons au profilage à des fins publicitaires.

Un courant de pensée original propose aux individus que certaines données soient traquées dans une optique de ciblage marketing optimal. Les utilisateurs choisissent eux-mêmes de laisser des traces spécifiques sans violation de la confidentialité, par exemple Adnostic. Pour la société, la publicité occupe un rôle économique important (p. 85) qu’il ne faut pas négliger et si les individus peuvent y trouver leur compte avec une expérience satisfaisante qui ne soit pas compromettante, le profilage en optique marketing serait alors gagnant.

D’autant plus que les grands joueurs voulant monopoliser le Web comme par exemple Google, tiennent trop à leur clientèle pour utiliser les informations qu’ils colligent sur eux à des fins malicieuses. Pourtant tel que rapporté dans un article du WSJ, en raison de sa dépendance relative est-ce que la clientèle est réellement en position simple de quitter Google? Dans ce même article, Holman et Jenkins relatent les propos de Éric Schmidt selon lesquels la publicité web est la source de pratiquement tous les profits de Google, la publicité ciblée c’est leur spécialité et par l’entremise de la boîte recherche, Google nous connaît presque complètement. Ce dernier vise maintenant un nouveau type de service qui nous devancerait sur l’interprétation de nos propres besoins en matière d’information. On peut s’interroger sur l’éthique d’une telle pratique, mais ne serait-ce pas simplement une publicité supplémentaire s’ajoutant au bain dans lequel chacun nage chaque jour en y appliquant une attention sélective et un esprit critique et analytique développé par l’habitude à l’exposition publicitaire dès un très jeune âge?

Si la plupart des internautes sont insensibles au trafic des données en vue de publicités ciblées; il existe des groupes pour qui cette pratique est inadmissible. Certains enfin cherchent à dépasser cette dichotomie en introduisant une dimension humaniste dans l’équation données, publicité et exploitation. Le projet VRM (pour vendor relationship managment), à Harvard, insiste sur la nécessité de rétablir des relations respectueuses entre les consommateurs et les entreprises. Leurs valeurs se basent sur des écrits parus en 1999 d’abord sur un site et ensuite publiés. Le site original présente 95 déclarations prônant la communication et redéfinissant les règles du marché notamment en faisant l’apologie du marché en réseau et comment l’appui les uns des autres surpasse l’intervention d’un vendeur. Le projet courant de recherche de VRM consiste en la vérification de cette théorie, soit qu’un consommateur libre est plus intéressant pour une entreprise qu’un consommateur captif. Plusieurs questions se posent mais le mot liberté se retrouve en chacune d’elles. Il est dommage qu’aucune conclusion n’ait été publiée à ce jour..

Une startup montréalaise, animée par Tara Hunt, Cassandra Girard et Jérôme Paradis, s’inspirant largement de ces idées propose depuis janvier 2010, un site qui invite le consommateur à reprendre le contrôle sur les données qui composent l’historique de ses intentions d’achats et de ses achats effectifs. Il s’agit de l’un de ces marchés en réseau qui s’organisent plus vite que les entreprises qui les ont traditionnellement ciblés. Grâce au Web, ces marchés deviennent mieux informés, plus intelligents et plus exigeants en qualité. La proposition de Buyosphere.com se résume ainsi : reprendre à son compte son profil d’utilisateur pour optimiser son expérience d’achat. Cela semble plus prometteur que d’ériger des barrières qui seront contournées tôt ou tard. Comprendre ses habitudes de consommation et maintenir son propre historique d’achat permettra aux utilisateurs du site d’entrer en contact avec des vendeurs/des marques qui seront mieux outillés pour répondre à leurs besoins.

Le site fonctionne comme on rafraîchit son profil avec la possibilité d’inclure des produits saisis de partout avec un simple bouton placé sur la barre de commande (aime/achète). Puisqu’il semblerait que l’activité #1 des femmes sur Facebook serait de parler de leurs achats, la pertinence d’un tel site se justifie amplement. La différence principale réside dans le fait que les utilisateurs restent maîtres de leurs données et peuvent, grâce à la plateforme et aux outils fournis, communiquer directement avec les compagnies, échanger leurs données contre des offres personnalisées et consolider ainsi une relation plus satisfaisante pour les deux parties.

Il importe que les gens sachent que leurs données sont amassées et utilisées afin qu’ils puissent être plus sélectifs à certains égards dans la diffusion de leurs propres données. Il faut aussi que les gens aient la possibilité d’apprendre comment devenir le point d’intégration de leurs propres données et l’origine de ce qu’il en advient. Pour ainsi profiter des bon côtés du profilage et en éviter au maximum les désavantages potentiels.

Le Cloud computing, un défi pour l'archivistique

Ce billet a été rédigé par Sylvie Sperano dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Le marché du Cloud computing est en pleine expansion : Gartner, prévoit que ce marché récoltera 149 milliards de US dollars en 2014 (alors qu’il en a récolté 68,3 milliards en 2010 et 51,7 milliards en 2009) (ici et ). Ayant mis de l’avant et/ou consolidé différents modèles (nuages corporatifs ou privés, nuages commerciaux et nuages publics) et plusieurs offres de services (Saas, IaaS, Paas, Daas, Bpaas, etc.), ce nouveau micro-média a su capter l’attention des organismes et, ainsi, augmenter sa clientèle. En effet, « Il ne s’agit plus de savoir si les entreprises adopteront ce concept, mais de quelle façon elles peuvent le mettre à profit » (ici). La réussite économique du Cloud computing est incontestable et semble donc mettre fin à la polémique qui avait cours sur sa rentabilité (là).

Quelques années après sa mise en marché, le recours au Cloud computing revêt plusieurs avantages qui sont maintenant bien connus et reconnus à savoir, la multiplicité des services, l’accès rapide et au besoin, le paiement à l’usage et la réduction des coûts d’opération. À l’opposé, les inconvénients ou les risques engendrés par l’utilisation de l’informatique en nuage, principalement liés à la sécurité et à la protection des renseignements, sont tout aussi connus (ici, , et ). Il semble que l’« on voit le nuage comme un projet technologique, alors que les enjeux principaux sont de l’ordre des affaires : gestion contractuelle, conformité, sécurité, continuité des opérations… » (ici) et j’ajouterai à cette énumération, archivistique ou gestion documentaire.

En effet, diverses problématiques, ou questions, se posent pour l’archiviste qui œuvre au sein d’un organisme ayant opté pour le Cloud computing, et ce, particulièrement lorsque le nuage est public. Dans son billet, Archivistique et Cloud Computing, Jean-Michel Salaün invitait les professionnels de l’information à mener une réflexion urgente sur le sujet (). À ce titre, j’amorce donc celle-ci par une série de questions… Comment assurer une saine gestion des documents corporatifs, de leur création (ou réception) à leur disposition finale lorsque ceux-ci sont, en tout ou en partie, conservés chez des tiers, généralement inconnus de l'organisme? L’archiviste doit-il modifier ses pratiques et revoir les principes qui sous-tendent sa profession?

Évidemment, depuis de nombreuses années, l’archiviste est confronté à une nouvelle réalité, celle des documents numériques. Les caractéristiques propres à ce support (dématérialisation, volatilité, fragilité, opacité, etc.) ont certes amené l’archiviste à modifier certains outils et certaines pratiques de gestion documentaire traditionnels ou à en adopter de nouveaux : convention de nommage, élaboration de profils de métadonnées, gestion des accès, transfert ou migration de support, etc.. Ces outils et ces pratiques de gestion documentaire, revues et corrigées, sont-elles suffisantes pour répondre aux enjeux que pose l’informatique dans les nuages ?

Comment garantir l’intégrité des documents conservés dans les nuages ? Comment contrôler l'accès à ces documents ? Comment assurer la protection des documents essentiels et celle des documents contenant des renseignements personnels ? Comment s’assurer de leur accessibilité et leur conservation à long terme ? À l’inverse, comment s’assurer de leur destruction définitive et confidentielle, lorsque ceux-ci n’ont plus de valeur ? Le principe de respect des fonds ou de provenance est-il en péril ? Comment préserver la mémoire institutionnelle de l’organisme ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Neutralité du réseau : un principe fondateur menacé

Ce billet a été rédigé par Jacynthe Touchette dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

L’être humain est une espèce qui possède des capacités cérébrales exceptionnelles qui lui permettent d’élaborer des réflexions profondes sur à peu près tout ce qui l’entoure. La volonté d’objectivité là où elle s’impose (à l’intérieur des systèmes judiciaires, dans l’univers journalistique, etc.) est un bel exemple autant de cette capacité de réflexion que de la difficulté que peut éprouver une espèce pensante pouvant consciemment prendre parti de maintenir cette neutralité.

Tim Berners-Lee, fondateur du World Wide Web, a défini la neutralité du réseau comme étant le fait que deux personnes puissent échanger du contenu du moment que toutes deux paient pour leur accès à un fournisseur. En règle générale, on parle de neutralité du réseau en tant qu’absence de contrôle sur le contenu qui circule ou sur les moyens employés pour la diffuser (pour la définition élaborée par deux spécialistes en économie numérique lors d’un rapport parlementaire en France en avril 2011, voir le billet sur le blogue Écran).

À l’image de la liberté d’expression, on peut penser qu’à peu près tout le monde a sa limite pour l'échange des données. Nous n’avons qu’à penser au contenu pédophile ou bien aux menaces de mort qui peuvent être proférées envers des gens, qui enfreignent les législations de plusieurs pays ou encore qui atteignent l’intégrité de personnes bien réelles. Est-ce que la limite du réseau internet devrait se tracer là des législations sont en place? Dans ce cas, quels systèmes de loi devraient prévaloir sur les autres? Le réseau internet est international et ne se limite pas à une frontière géopolitique ou à une culture précise. Dans l’ouvrage de Berners-Lee, Weaving the Web: The Original Design and Ultimate Destiny of the World Wide Web by Its Inventor (1999) nous trouvons à la page 99 une citation que l’on peut croiser assez fréquemment en consultant de l’information sur la question de la neutralité du réseau (par exemple sur le blogue de l'association d'opposition municipale ou encore dans le très pertinent texte de Bill D. Herman Opening bottlenecks: on behalf of mandated network neutrality, page 156) :

''Techniquement, il suffisait d’un seul point de réglementation centralisée pour que ceci devienne rapidement un goulot d’étranglement limitant le développement du Web, et le Web n'aurait jamais pu se développer.''

Même si cette citation se rapporte davantage aux débuts du Web, nous pouvons sans difficulté la rapporter à la situation actuelle, alors que la neutralité du réseau internet est véritablement menacée, voire déjà violée. Alors si nous souhaitons que le réseau soit neutre, nous devons accepter que toute forme de contenu, même celui qui fait violence à nos valeurs fondamentales, puisse circuler librement.

Par contre, au-delà des questions sociales (contenu douteux, disponibilité de contenu « adulte » à des mineurs, etc.), différentes organisations s’affairent au niveau économique à mettre en place des dispositifs qui leur permettront d’utiliser le Web à leur avantage. Certains vont même jusqu’à déclarer qu’ils sont contre le principe de neutralité comme le président de Virgin, Neil Berkett en 2008. La bataille sur le terrain est féroce, parfois insidieuse et nous incite à nous projeter dans l’avenir. Par exemple, un fournisseur pourrait rendre la fréquentation de certains sites « non-partenaires » plus lente qu’à la normale (Écran, avril 2011). Ce cas est relié au « deep packet inspection », c’est-à-dire la capacité d’une infrastructure du réseau d’analyser le contenu pour en tirer des données sur la fréquentation, les pratiques des internautes, etc. afin de les utiliser pour des usages divers allant de la publicité ciblée à la censure de contenu.

En observant ces développements, il est facile de rester songeur en pensant au cas extrême de l’accès à internet en Chine qui prend des allures d’intranet auquel participe des entreprises américaines.

Enfin, les enjeux et les acteurs sont nombreux. L’internaute est soumis, souvent même inconsciemment à cette bataille entre les tenants de la neutralité du Web et ceux qui y voient des intérêts mercantiles ou de contrôle de l’information. On peut désirer que le réseau internet soit neutre mais qu’en est-il des réseaux qui le composent? Les intérêts de leurs propriétaires viennent-ils détruire ce principe intrinsèque au Web? Est-ce que l’on peut « forcer » la neutralité? Comme Tim Wu s’est déjà interrogé (page 176), à qui revient le droit de légiférer sur ces questions?

Citons de nouveau Berners-Lee en terminant : Yes, regulation to keep the Internet open is regulation; à vouloir agir pour maintenir une neutralité, nous en venons nous-même à induire une influence. Ainsi la neutralité du réseau me semble difficile à atteindre et encore plus à maintenir, cela n’empêche pas que cela devrait constituer un idéal, un but à atteindre.

mercredi 15 juin 2011

Emprunter un bon livre numérique

Ce billet a été rédigé par Chantal Lalonde dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Comme vous le savez sans doute, les bibliothèques, au cours de l’Histoire, ont su se renouveler et s’adapter aux changements technologiques, médiatiques et sociétaux pour toujours mieux servir leurs usagers. Les bibliothèques doivent-t-elles maintenant offrir les livres numériques pour répondre aux besoins des usagers?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord voir comment se porte le marché du livre numérique. Les chiffres publiés en mai dernier par Amazon.com indiquent bien que celui-ci est en pleine expansion, car Amazon vend maintenant plus de livres Kindle numériques que de livres imprimés aux États-Unis. Depuis avril 2011, pour chaque 100 livres imprimés que vend Amazon.com, il vend 105 livres Kindle. Amazon a vendu trois fois plus de livres numériques cette année que pour la même période l’an dernier. Il y a un marché florissant pour le livre numérique et, si on achète des livres numériques, on aimerait certainement aussi les emprunter, mais encore faut-il que les titres qui nous intéressent soient disponibles, et ce, dans notre langue.

Aux États-Unis ainsi qu’au Canada anglais, les bibliothèques offrent depuis quelques années déjà le prêt de livres numériques. La compagnie américaine, Overdrive est le chef de file pour la distribution de livre numérique et de livre audio avec 19 millions de livres empruntés dans un modèle où les bibliothèques paient pour la création d’un site web personnalisé de prêts pour leur collection numérique ainsi que pour leur collection de livres téléchargeables. D’autres joueurs s’ajoutent dans ce marché, entre autres 3M, mais il semble que le modèle d’affaires restera sensiblement le même. Au Québec, seulement les bibliothèques publiques de Dollard des Ormeaux, Pointe-Claire, Côte St-Luc et la bibliothèque de McGill offrent les services de prêt numérique d’Overdrive. BAnQ développe sa collection numérique et offre des ressources de plus en plus variées avec 45.000 livres dont 25 % des titres sont en français. Les bibliothèques québécoises demeurent tout de même peu présentes dans ce marché. Pourquoi?

Doit-on encore parler de retard historique des bibliothèques québécoises ou est-ce plutôt l’offre de livres en français qui n’est pas au rendez-vous? Cette offre pour le marché québécois se développe néanmoins. De Marque, qui a lancé la première plateforme de distribution de livres numériques au Québec en 2009, valide depuis février dans quatre bibliothèques publiques québécoises un projet-pilote d’un système de prêt de livres numériques comme l’indique un article paru dans Le Soleil. Selon la loi 51, au Québec, les acheteurs institutionnels doivent acheter auprès d'une librairie agréée. Le modèle expérimenté permet aux bibliothèques d’acheter des livres des librairies agréées et de les offrir en prêt chronodégradable sur le site web de la bibliothèque. L’usager qui emprunte un livre le reçoit par courriel pour ensuite télécharger son droit de lecture sur le support de son choix.

En espérant le projet-pilote concluant, je crois que l’arrivée des collections de livres numériques pour l’ensemble des bibliothèques publiques est imminente. Cependant, pour bien profiter du potentiel du numérique, les bibliothèques doivent utiliser le livre numérique comme véhicule de communauté comme l’explique l’article de Christian Liboiron paru dans Argus. Les livres numériques devraient permettre des échanges entre les abonnées et une participation à la communauté de la bibliothèque. Les livres numériques pourraient alors devenir une parcelle de la bibliothèque qui saura s’épanouir dans un espace virtuel.

L’avenir des éditeurs face à l’autopublication

Ce billet a été rédigé par Marie-Claude Ratté dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Nous assistons depuis quelques années déjà à la popularité grandissante des supports pour les livres électroniques (comme le Kindle). D’ailleurs, parmi les dépenses moyennes de culture et de communication des ménages québécois (ici), l’audiovisuel est en tête de liste. Néanmoins, même si au niveau de l’imprimé les quotidiens perdent de la vitesse, les livres, pour leur part, résistent à cette décroissance. Les éditeurs de livres doivent-ils alors investir dans le numérique? Certes, même si les livres numériques gagnent en popularité, ils n’ont pour l’instant toujours pas donné de résultats probants en terme économique ou d’usage. Pourtant, cela ne veut pas dire que dans un futur rapproché les lecteurs de livres ne vont pas se diriger massivement vers le livre numérique. Advenant un tel scénario, une autre question se pose : est-ce que les éditeurs de livres doivent craindre le numérique? En effet, la popularité du livre numérique et sa facilité d’accès permettent dorénavant aux auteurs de s’autopublier.

L’autopublication est une avenue particulièrement intéressante pour les auteurs à succès dont l'autorité au sein du grand public n’a plus besoin de faire ses preuves pour connaître la popularité. Prenons l’exemple de Marc-Édouard Nabe qui a vendu plusieurs milliers d’exemplaires de son roman « L’Homme qui arrêta d’écrire » sur sa plateforme d’autoédition (ou d’antiédition comme il se plaît à l’appeler). Un autre auteur, Joe Konrath, a vendu lui aussi plusieurs milliers d’exemplaires de ses livres électroniques autoédités sur le Kindle. M. Salaün résume en ces termes le pourquoi de ce succès fulgurant : il a choisi de s'autoéditer en réduisant drastiquement le prix de vente de ses livres à 2,99 $. De ce fait, ses droits en pourcentage ont augmenté car ils sont partagés en moins d'acteurs, et en même temps l'augmentation des exemplaires vendus augmente mécaniquement les revenus de façon spectaculairement plus importante que le manque à gagner de la baisse du prix.

Les avantages de l’autopublication sont multiples pour les auteurs. En effet, ils peuvent entre autres décider de la couverture de leur livre, mais surtout, ils peuvent choisir le prix auquel ils le vendront. Un contrat avec un distributeur, au lieu d’un éditeur, permet aux auteurs d’obtenir un plus grand pourcentage de revenus (s’ils réussissent à en vendre plusieurs exemplaires). De plus, le livre numérique les met à l’abri des ruptures de stock puisque celui-ci ne sera jamais épuisé tant et aussi longtemps qu’il restera en ligne.

Néanmoins, l’autopublication comporte certains inconvénients et le succès qui s’en suit n’est pas à la portée d’auteurs moins connus. Le rôle de l’éditeur est primordial pour ces derniers, car c’est lui qui prend les risques financiers pour veiller à la promotion et à la marchandisation des œuvres. De plus, le fait d’être partenaire avec un éditeur peut favoriser la notoriété de l’auteur en question par rapport au lecteur, car le renom d’une maison d’édition est également un gage de qualité. Le blogue Aldus, qui relate le succès de l’auteur Marc-Édouard Nabe, mentionne que ce dernier prouve que le format papier n’est plus essentiel ni pertinent pour un auteur d’aujourd’hui. Pourtant, comme Hubert Guillaud le démontre, les auteurs auront encore besoin des éditeurs, notamment pour continuer à vendre leurs exemplaires papier qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain, loin de là. Également, même s’il est relativement facile de promouvoir par soi-même un produit sur les différents réseaux sociaux sur le web, il reste utopique de de penser que ce moyen de promotion, facile d’accès et gratuit, puisse rejoindre aussi facilement un grand nombre de lecteurs. Hubert Guillaud ajoute : Croire que tous les lecteurs vont trouver le site de leur auteur préféré tout seul, c'est, me semble-t-il, mal comprendre le fonctionnement du net, où les parcours sont justement démultipliés...

Ainsi, comme nous pouvons le constater, le succès de l’autopublication demeure, pour le moment, le privilège d’auteurs ayant été fortement popularisés précédemment grâce au travail de promotion d’un éditeur. Toutefois, cet engouement pour l’autoédition témoigne d’un malaise récurrent chez les auteurs : le pourcentage ridiculement bas (on parle de 10 % du prix net du livre, qu’il soit numérique ou non) que les éditeurs leur accordent (consultez cet article pour d’autres détails). De plus, il y a le prix du livre numérique qui est égal ou légèrement plus bas que celui d’un livre imprimé. Pourtant, la mise en marché du livre électronique est beaucoup moins coûteuse pour l’éditeur que celle du livre imprimé. Pour constater cet état de fait, voici des blogues (parmi plusieurs) qui en traitent : Actualitté et Entre-nous-soit-dit.

Même si l’industrie du livre imprimé résiste, les éditeurs de livres devront s’atteler à trouver une solution pour ne pas voir leurs auteurs (qui garantissent leurs fonds) partir à leur compte. Mark Coker parle alors d’une bascule du pouvoir entre l’éditeur et l’auteur. Pour contrer l’abandon de l’édition pour l’autopublication, la solution serait peut-être alors de rendre cette bascule plus équilibrée entre les deux parties dans un contexte d’édition numérique de livres. Dans ce cas, les éditeurs pourraient envisager d’investir dans le numérique.

- page 8 de 23 -