Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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lundi 14 novembre 2011

Les cinq modèles de l'industrie de la mémoire

J'ai déjà eu l'occasion de présenter sur ce blogue (ex) ou dans le cours la configuration en cinq modèles industriels.

Suite à l'explicitation des trois modèles de base de l'économie du document (édition, bibliothèque et spectacle), paru dans (Documentaliste 48/3, Cairn, AO Ebsi), voici une actualisation du tableau sur l'industrialisation de la mémoire par le web qui paraitra dans le prochain livre. Le web apparaît à la fois comme une colonne, un média avec sa logique empruntée à la télévision et à la bibliothèque, et comme une ligne, un méta-média, modifiant l'espace temps des médias traditionnels.

5-modeles-industries-memoire-2.jpg

(Pour les yeux de Bertrand, voici donc une version du tableau que j'espère plus lisible. J'en ai profité pour rajouter une ligne plus prospective sur le webmobile, qui fait référence à la spécialisation des terminaux mobiles, voir ici)

En passant d’une colonne à l’autre, les modèles industriels forment bien une continuité par la relation économique, temporelle et spatiale qu’ils entretiennent avec le lecteur. Mais les modèles se distinguent aussi les uns des autres par des ruptures représentées par les lignes verticales qui séparent les modèles, soit, de gauche à droite : ouverture d’un nouveau marché par la presse, inconnu dans l’édition (annonceurs) ; passage au signal pour la radiotélévision alors que l’on gérait encore des objets matériels dans la presse ; inversion du flux avec le Web où l’internaute est aux commandes ; retour aux objets dans la bibliothèque ; et enfin, pour boucler le tableau entre la dernière colonne de droite et la première de gauche, réinversion du flux entre la bibliothèque et l’édition. Ces ruptures impliquent que chaque modèle a aussi développé des savoir-faire originaux, différents des autres, et expliquent leur autonomie et leur stabilité. Chacun a développé une économie propre.

Mais le numérique et le Web ont aussi ouvert des opportunités nouvelles à chacun des modèles par la réingénierie documentaire. Celles-ci sont notées sur la dernière ligne. Ces opportunités sont différentes et spécifiques à chaque modèle, car le Web rencontre chaque fois les logiques particulières qu’il devra adapter. Ainsi, le Web est à la fois l’occasion de bâtir un modèle nouveau qui s’insère entre les anciens et celle de renouveler ces derniers. Ce double mouvement alimente son dynamisme et est aussi la source de bien des malentendus, puisque le Web est à la fois une plateforme ouverte au développement de chacun et l’occasion de l’arrivée d’un nouveau modèle concurrent.

lundi 16 mai 2011

La régulation de la concurrence sur le numérique

Le Xerfi, agence française d'analyse industrielle, propose toute une série de conférences sous format vidéo. À écouter une demi-heure dense sur la régulation de la concurrence dans le numérique par Anne Perrot, vice-présidente de l'autorité française de la concurrence.

La concurrence dans les médias numériques, 23 février 2011 ici.

Celle-ci présente avec une grande clarté trois catégories de problèmes par vraiment nouveaux pour les économistes, mais posés différemment par le numérique : concentration verticale (TV sur internet ou Apple), effets de réseau (plateforme, Google, Facebook), régulation culturelle (équipement numérique des salle de cinéma, prix du livre). Mais tout va très vite sur le numérique et de nouvelles concurrences se construisent. Il est tout à fait intéressant d'entendre sur ce sujet le mode de raisonnement d'une responsable d'une autorité de la concurrence.

Voir aussi le Pdg de Dailymotion (7 oct 2010) , qui insiste notamment sur le déport de l'offre de vidéo numérique vers le mobile et l'écran TV, ou encore sur l'organisation de la publicité vidéo.

dimanche 27 février 2011

Le web-média entre radio-tv et bibliothèque

Décidément, la musique continue d'ouvrir la voie à l'affirmation du modèle du web-média (avec d'ailleurs la publication scientifique pour d'autres raisons).

OWNI a eu la bonne idée de signaler et traduire un billet de Evolver.fm : Free Music Can Pay As Well As Paid Music, Says YouTube (article original trad OWNI ici). L'argumentaire principal, interprété à ma façon, est qu'on ne peut comparer les mesures du modèle éditorial avec celles issues de l'économie de l'attention. Dans le premier cas, on mesure un achat que le client peut consommer à loisir. Dans le second cas, on mesure la consommation, c'est à dire le nombre de fois que l'amateur va écouter un morceau de musique pour vendre son attention à un annonceur. Il s'agit de mesures fondamentalement différentes : une personne pourra écouter de nombreuses fois un morceau acheté ; inversement une personne n'achètera pas forcément un morceau, s'il n'est pas gratuit.

Les dirigeants de YouTube indiquent qu'un vrai business est en train de s'installer pour la musique gratuite. Faute de chiffres précis et indiscutables, il faut rester prudent. La baisse des revenus de la vente de CDs est encore très loin de être compensée par celle du numérique (). L'insolente santé de Apple montre que la position est encore solide (ici et ). Et il y a longtemps que Google cherche vainement à rentabiliser YouTube ().

Mais leurs remarques sont une claire illustration du positionnement du web dans le business des médias entre la radio-télévision et la bibliothèque que j'ai essayé de décrire sous forme d'un pentagone (court, long). De la radio-tv il reprend l'économie de l'attention, de la bibliothèque, la collection et le service d'accès.

vendredi 03 décembre 2010

Pierre-Michel Menger : « Comment sécuriser le revenu du travail du créateur ? »

Médiapart a fait une série de 7 courtes vidéos passionnantes du sociologue Pierre-Michel Menger à l'occasion de la sortie de son livre :

Pierre-Michel Menger, Le travail créateur. S'accomplir dans l'incertain, 2009, Gallimard-Seuil, Paris, coll. « Hautes Études », 667 p.

La dernière a pour thème : Quels seront les effets de l'actuelle révolution technologique sur le travail artistique ?. Dans sa réponse, le sociologue souligne l'ampleur des changements et il insiste en concluant à son tour sur une interrogation : Comment sécuriser ce que c'est que le revenu et la rémunération du travail du créateur ? Pour moi c'est l'enjeu central.. qui n'a pas de réponse monolithique et simple. Pour le coup, on s'évade des cadres anciens.

Plus d'un an et demi plus tard, beaucoup de choses ont bougé sur le net. Mais il semble bien que l'enjeu central ait fait du sur place..

On peut visualiser l'ensemble de la série ici.

jeudi 02 septembre 2010

La fin de la récré

Continuons les lectures estivales. Le rédacteur en chef de Wired a le sens de la formule et de l'air du temps. Il sait capter les idées, les présenter et mettre en valeur l'essentiel. Un vrai pédagogue avec le péché mignon du professeur, un zeste de démagogie ici par exemple dans le schéma introductif quelque peu trompeur (voir sa critique sur Boingboing ici).

Chris Anderson et Michael Wolff, “The Web Is Dead. Long Live the Internet,” Septembre 2010, ici.

« Le web est mort, vive l'internet » donc. L'article a été beaucoup commenté en anglais, peu encore en français (sur OWNI ici). Mais c'est juste la rentrée, cela va venir.

L'article est en deux colonnes parallèles. Chacune écrite par un auteur présente la même thèse, mais d'une perspective différente, Anderson du point de vue de l'internaute à la recherche de simplicité, Wolff du point de vue des entrepreneurs à la recherche de contrôle et profit. La thèse n'est pas vraiment nouvelle et n'étonnera pas les lecteurs de ce blogue. Il s'agit de dire que le média internet est arrivé à maturité et que le web (c'est à dire l'accès par un navigateur) n'en est qu'une des applications, dont la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous. Dès lors d'autres joueurs, comme Apple, Amazon ou Facebook développent d'autres services qui rencontrent le succès par leur simplicité d'utilisation, notamment sur les appareils mobiles.

On peut discuter de l'opportunité de la distinction faite entre web et internet dans l'article. Mais j'ai eu souvent l'occasion de répéter ici que le web était dans l'enfance, une enfance pas si différente de celle des médias qui l'ont précédé notamment dans son caractère libertaire, pour ne pas acquiescer au constat général même s'il est un peu forcé pour les besoins de la démonstration. Mais, une fois constat fait, il reste à comprendre quelles sont les logiques du média qui s'installe. Ses prédécesseurs ont construit des modèles robustes. Quel sera celui du petit dernier ? Pour construire un modèle, il faut qu'entrent en résonance l'organisation de la technique (un choix dans les possibles), la satisfaction du social (un choix dans les usages) et une pérennité économique (un marché ou un support public). Pour le web, c'est le troisième qui est encore incertain.

J'ai déjà essayé de rendre compte de l'articulation de ces modèles (court, long) et de décrypter les ressorts des stratégies des principales firmes sur le web (). Mais il y a encore du boulot..

Actu du 7 oct 2010

Pour un résumé des débats américains, voir le billet de F. Pisani qui ne m'a pas vraiment convaincu :

“Le web n’est pas mort, l’internet ne va pas bien/1 - Transnets - Blog LeMonde.fr,” ici.

et la suite :

“Le web n’est pas mort, l’internet ne va pas bien/2 - Transnets - Blog LeMonde.fr,” .

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