Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mercredi 09 mars 2011

Les trois économies du ebook

Je ne dirai jamais assez combien je suis redevable de la veille effectuée par Jose Afonso Furtado (ici). La majorité des billets de ce blogue sur l'actualité du numérique sont sans doute issus de son repérage. Merci donc à lui ! Dans la moisson d'hier, deux articles ont attiré mon attention car ils illustrent les dilemmes de l'industrie du livre dans son passage au numérique et expliquent sa résistance (pour la résistance du livre imprimé, voir aussi ici et ). Ils seront ici le prétexte pour avancer encore d'un petit pas dans l'analyse de l'économie du e-book, sans prétendre tout régler, les commentaires sont bienvenus.

“Ebooks: durability is a feature, not a bug | Technology | guardian.co.uk,” Mars 8, 2011, ici.

Morris Rosenthal, “Is Google Books Destroying Publisher Website Visibility?,” Self Publishing 2.0, Mars 8, 2011, .

Dans le premier article, l'éditorialiste, Cory Doctorw (par ailleurs responsable du blogue Boing Boing) s'insurge contre la prétention de HarperCollins à vendre aux bibliothèques des copies de livres numériques qui s'autodétruiraient au bout de 26 consultations. Il conclut (trad JMS) : Celui qui croit que cela pourrait arriver n'a jamais passé un peu de temps avec un bibliothécaire.

Dans le second billet, un petit éditeur numérique constate que son site devient invisible dans les recherches par Google, au profit principalement de Google-Books qui détient une copie de ses livres.

Pour bien interpréter toutes ces interrogations et hésitations dont nous n'avons ici que deux anecdotes parmi beaucoup, beaucoup d'autres, il faut revenir à la théorie du document (ici) que j'ai traduit en termes économiques pour l'exemple du livre dans le tableau ci-dessous :

Les_3_economies_du_livre.png

Un livre, quelque soit son format, a comme tout document trois dimensions indissociables, présentées sur le tableau en trois lignes. Et à chacune de ses dimensions est associée une économie qui privilégie un élément de valeur concurremment aux deux autres. Mais, il faut toujours avoir en mémoire que privilégier une dimension n'efface pas les deux autres qu'il faudra impérativement prendre en compte.

Si l'on raisonne par rapport à l'objet, la forme première ligne du tableau, alors nous sommes devant une marchandise ordinaire, même si elle a des caractéristiques originales, et une économie classique de vente de biens rivaux. L'édition s'est construite sur cette dimension. Elle a résolu le problème des deux autres dimensions d'une part par le droit de propriété intellectuelle (réduisant la non-rivalité de la deuxième dimension) et la saisonnalité des publications (pour gérer le temps de la troisième).

Maintenant si l'on raisonne par rapport au texte, nous sommes devant un bien non-rival. Seule une économie publique, collective peut se construire. Ce fut, et c'est encore, le domaine des bibliothèques qui mutualisent l'accès aux textes. Cette économie a réduit les difficultés liées aux deux autres dimensions par d'une part la réunion d'exemplaire (ici des prototypes) en un seul lieu et d'autre part les prêts ou consultations limitées dans le temps pour permettre le partage pour une collectivité donnée et limitée.

Concernant la troisième dimension, celle de la lecture, nous retombons dans une économie de biens (ou plutôt de services) rivaux, puisque l'attention du lecteur est limitée. Le livre imprimé gérant un temps long, n'était que peu concernée sinon du fait de la concurrence des autres médias sur le temps de loisir et donc de l'érosion lente de la lecture de livre. L'économie de l'attention a été exploitée à partir de la mise en place des médias modernes, presse d'abord, puis radio-télévision qui ont géré l'espace temps de «lecture» pour pouvoir le vendre à des annonceurs. Les choses ont changé sur le web qui est fondé sur une économie de l'attention à partir de l'activité de lecture elle-même (voir ici) et autorise aussi la diffusion de livres.

Beaucoup considèrent que le ebook, comme d'ailleurs l'ensemble des médias numériques, privilégierait la seconde dimension. Mais cette position suppose alors une économie publique ou au moins collective peu vraisemblable à l'échelle du web, sauf à refermer des écosystèmes sur des collectivités particulières capables de l'entretenir.

Les deux anecdotes citées en introduction illustrent les tâtonnements pour trouver d'autres voies. HarperCollins tente de décliner la première dimension sur les bibliothèques, ce qui est clairement absurde. La seule voie réaliste pour l'articulation entre l'édition numérique et les bibliothèques parait celle de la license sans restriction d'accès qui préserve le caractère de bien commun du livre à l'intérieur de la communauté desservie sans épuiser le marché pour l'éditeur à l'extérieur. Quant au positionnement des éditeurs par rapport à Google, il faut comprendre que ce dernier tend progressivement à accaparer l'économie de l'attention à son seul profit (ici). Google est un média qui devra bien un jour rémunérer les producteurs.. mais le plus tard et le moins possible.

samedi 29 janvier 2011

Apple et le marché du contenu

En lisant un intéressant billet de H. Guillaud qui s'interroge sur la stratégie de Amazon (ici), je me suis aperçu que je n'avais pas encore publié ce graphique de l'évolution du chiffre d'affaires de son concurrent sur les tablettes : Apple, réalisé à partir de la compilation de ses bilans financiers.

CA-Apple.png

On y voit clairement que le métier de Apple est la vente de contenant, de machine et OS, et non du contenu, de fichiers et Apps. Le contenu n'est là que pour stimuler le marché principal, même si sa stratégie a un fort impact sur ce dernier. En cela, Apple ressemble à Google pour qui le contenu sert à alimenter le marché publicitaire (ici).

Ainsi il me parait difficile de comparer iTune et les Kindle Singles comme le propose O. Ertzscheid ().

Actu du 3 mars 2011

Intéressante comparaison du WSJ entre la patience d'un S Jobs et la précipitation d'un Messier pour le lancement d'un nouveau produit ici.

dimanche 16 janvier 2011

On n'achète pas une bibliothèque comme un livre

François Bon vient de baisser de façon conséquente le prix des livres sur Publie.net. Un livre téléchargé chez lui coûte désormais 3,49 Euros contre 5,99 auparavant (et même un peu moins pour les Québécois exonérés de TVA). Parmi ses explications, la plus trivialement économique qui est sans doute secondaire pour lui, mais nous intéresse ici au premier chef est celle-ci :

En baissant de façon conséquente ce prix standard de 5,99 à 3,49 (et 2,99 pour les formes brèves), j’ai l’intuition que ce ne sera pas pénaliser les auteurs – au demeurant, même sur un téléchargement à 3,49, une fois enlevés les 57 cts de TVA, reste 1,46 à l’auteur en vente directe, et 0,85 en vente avec intermédiaire - , mais au contraire déplafonner notre distribution, passer à une autre échelle.

Cela m'a rappelé deux autres billets assez spectaculaires. Le premier d'un auteur de roman policier américain prolifique, Joe Konrath, qui explique le 22 septembre 2010 comment il a vendu 103.864 ebooks. Extraits (trad JMS) :

Aujourd'hui, je vends une moyenne 7.000 e-books auto-édités sur le Kindle. Ces chiffres concernent les 19 titres auto-publiés, bien que les six premiers comptent pour plus de 75%, en gros 5000 par mois.

Cela signifie que ces six ont une moyenne de 833 ventes, ou rapportent 1.700$ par mois, chacun. Cela équivaut à 20.400$ par an et par livre pour mes meilleures ventes.

Il poursuit son exposé détaillé en expliquant comment il est arrivé à ce chiffre. En résumé, il a choisi de s'auto-éditer en réduisant drastiquement le prix de vente de ses livres à 2,99$. De ce fait, ses droits en pourcentage ont augmenté car ils sont partagés en moins d'acteurs, et en même temps l'augmentation des exemplaires vendus augmente mécaniquement les revenus de façon spectaculairement plus importante que le manque à gagner de la baisse du prix.

Cette aventure débute à peine. À la fin de 2010 j'aurai gagné plus de 100.000 $ sur mes livres auto-édités, et ce n'est rien comparé à ce que j'attends pour 2011. Et j'y réussis sans tournée, sans promotion non-stop, sans dépenser beaucoup d'argent, et sans compter sur personne d'autre.

Sans doute même s'il est exemplaire en particulier par la forte activité sur le web qui favorise certainement l'accès à ses œuvres, le cas de J. Konrath ne peut être reproduit pour l'ensemble des auteurs. C'est un auteur reconnu, expérimenté à succès de littérature populaire. Mais au delà du cas particulier, l'exemple pose la question de ce que l'on vend, sans doute un livre, mais un livre dans un écosystème fort différent et par là même dans un système de valeur très différent.

Avant d'y venir, il est utile de consulter un troisième billet, celui d'Evil Genius qui s'appuyant sur les chiffres de J. Konrath propose un petit modèle économétrique, dont le schéma ci-dessous résume bien la conclusion.

Evil-Genius-12-01-2011.jpg

Bien sûr la construction du modèle est critiquable, ne s'appuyant que sur un exemple. Mais la démarche est utile et pourrait être menée de façon systématique avec les chiffres des grands acteurs. Le modèle est d'autant plus simple que les coûts variables de distribution dans le numérique sont très réduits. On peut même ajouter que la constitution de la maquette pour les livres récents ont été aussi très réduits par le numérique comme le montre l'étude de H Bienvault pour le MOTif.

En réalité ce modèle pose une question de fond qui est une petite révolution par rapport à la conception actuelle de la valeur éditoriale d'un livre. Il suppose de mesurer l'élasticité de la demande globale de livres par rapport à leur prix. Autrement dit, de supposer qu'un livre, ou plutôt un titre, est concurrent d'un autre en fonction de son prix, que les livres sont peu ou prou interchangeables.

On a tendance au contraire à penser qu'un livre, comme œuvre unique, est une sorte de monopole. On souhaite lire tel livre de tel auteur et on ne sera pas satisfait si on nous en propose un autre à la place. Et le droit d'auteur confère bien à ce dernier un monopole sur l'exploitation de son livre, qu'il peut ou non déléguer. Cette conception trouve sa traduction économique dans le modèle éditorial qui permet d'équilibrer le système global par une sorte de péréquation entre les revenus des titres à succès et ceux plus confidentiels. L'élasticité de la demande par rapport au prix serait faible dans le livre.

Mais l'arrivée du web et surtout la montée des tablettes modifient considérablement la donne et l'attitude du lecteur. Sur un Kindle ou un iPad, on n'achète pas un livre, on se constitue une bibliothèque. On peut lire un livre de la première à la dernière page, mais on en lit souvent plusieurs en même temps et on pourra y revenir à tout moment, à la bonne page ; ou encore on se contentera de feuilleter un grand nombre de livres, zappant de l'un à l'autre, faisant des recherches. Et tout cela en tout lieu, à tout moment, du fait de la portabilité de sa bibliothèque réduite à une tablette. Nous retrouvons un propos souvent tenu ici : le modèle du web est hybride entre celui de la bibliothèque et celui de la télévision.

Dès lors, sans doute le lecteur sera attiré par tel ou tel titre particulier, mais la valeur principale est constituée par l'ampleur et l'adaptation de la collection qu'il pourra constituer et par la vitesse et la commodité de l'accès aux pages. Cette donnée nouvelle modifie vraisemblablement considérablement la sensibilité au prix et donc l'élasticité de la demande, d'autant que le web tend à tirer les prix du contenu vers le bas par l'abondance des ressources accessibles gratuitement et que constituer une collection est un investissement de départ non négligeable pour un e-lecteur.

Conclusion si cette analyse est juste, F. Bon a eu bien raison de baisser drastiquement ses prix.

Codicille : cela pose aussi des questions sur la place et l'économie des ebooks dans les bibliothèques comme institution. Il faudrait que j'y revienne. Voir aussi la table ronde de la SACD du 17 janvier ici.

Actu du 21 janv 2011

Sur le contrat d'édition, voir la synthèse de M de Battisti.

lundi 08 novembre 2010

Tout (ou presque) sur l'économie du e-book

Un étudiant qui prépare aujourd'hui un mémoire ou une thèse sur l'économie du livre numérique ne manquera pas de références. Le nombre de rapport, études, enquêtes sur le sujet est impressionnant. Pour démarrer son sujet, je lui suggérerai deux lectures synthétiques et complémentaires toutes chaudes.

La première est un livre numérique justement, une réflexion ample, stimulante et plaisante par deux grands connaisseurs de l'édition, du livre et du numérique. Ce livre là pose les bonnes questions, clairement mais sans simplisme, sur la notion d'œuvre, sur la place des auteurs, des éditeurs, des libraires, des bibliothèques ou sur le rôle du lecteur. Il relativise quelques fausses évidences parfois proférées par les évangélistes du numérique sans pour autant sousestimer l'importance des changements.

Jean Sarzana et Alain Pierrot, Impressions numériques, Publie.net., 2010. ici.

La seconde lecture est une enquête réalisée pour le Forum d'Avignon. Les enquêteurs se sont intéressés aux comportements d'achat et de lecture numérique dans six pays (Corée, États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne et Japon).

Bain & Cie, Les écrits à l'heure du numérique (Forum d'Avignon, 2010), Pdf. Une quarantaine de références, une mine, accompagnent l'étude ().

La principale leçon n'étonnera pas les lecteurs réguliers de ce blogue. Extrait (p.6-7) :

Le livre ne devrait pas connaître de scénario catastrophe similaire à celui de l’industrie musicale. Plusieurs indicateurs émanant de l’étude étayent ce constat. Les lecteurs qui ont effectué leur migration vers le numérique restent profondément attachés à la lecture papier, et trouvent à l’ebook des usages complémentaires. Cet ancrage dans la lecture du papier se vérifie également au sein des nouvelles générations, pourtant nées avec le numérique. En parallèle, des facteurs sousjacents assurent à l’industrie du livre une stabilité au moins temporaire sur laquelle l’industrie musicale n’a pas pu compter : une fragmentation des contenus limitée, en particulier pour la littérature, et un piratage modéré même parmi les jeunes lecteurs, au moins en ce qui concerne la “première vague” d’utilisateurs.

L’appétit pour le numérique est cependant bien réel, et les ebooks pourraient représenter de 15 à 25 % du marché du livre à l’horizon 2015. Les marchés les plus avancés comme les États-Unis et la Corée ont peu de temps pour se mettre en ordre de marche : environ 5 % des volumes y sont déjà vendus en numérique. Cette mutation devrait s’accélérer pour atteindre 20 à 25 % du marché dans les cinq prochaines années, à mesure que le numérique dématérialisé se substitue notamment aux volumes commercialisés par internet aujourd’hui. Les pays comme la France migreront plus graduellement avant que le numérique n’atteigne autour de 15 % du marché à l’horizon 2015 - en partie du fait de réseaux de distribution physiques encore denses, rendant le produit papier plus immédiatement accessible.

La migration vers les lectures numériques s’accompagne de deux tendances de fond qui pourraient animer une industrie à la croissance limitée depuis plusieurs années.

Première bonne nouvelle, la migration vers le numérique présente une opportunité de renverser les tendances de marché. La simplification de l’acte d’achat et la portabilité de la bibliothèque représentent en effet des facteurs de consommation supplémentaire. Plus de 40 % des lecteurs équipés de support numérique déclarent lire plus qu’auparavant. Certes, les écrits numériques bénéficient d’un effet de nouveauté qui pourrait s’estomper au cours du temps. Mais quand bien même il s’agirait d’un phénomène de court terme, la constitution de “bibliothèques numériques” par les lecteurs pourrait s’avérer bénéfique pour l’industrie du livre, tout comme le renouvellement des audiothèques fut l’un des moteurs de croissance du Disque Compact.

De plus, une majorité de consommateurs se disent prêts à payer pour les ebooks qu’ils consomment, et 70 % des utilisateurs de tablettes et autres liseuses déclarent acheter aujourd’hui la majorité de leurs ebooks alors que la consommation d’ebooks sur ordinateur n’a jamais déclenché d’acte d’achat significatif.

Ces remarques sont à confronter avec deux schémas tirés de la même étude. L'industrie du livre ne peut se comparer à celle de la musique ou de la presse, comme veulent encore nous le faire croire des observateurs trop pressés. Pour celles-là, le numérique a été un véritable traumatisme économique. Pour le livre, la transition devrait être plus douce.

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Actu du 9 novembre 2010

Contre-argument :

“Negroponte : “Le livre est mort. Dans 5 ans, il aura disparu.”,” ebouquin, Novembre 8, 2010, ici.

Negroponte fait allusion ici à l'utilisation de son ordinateur XO distribué aux enfants dans les pays en développement. S'il est vrai que la déstabilisation du livre imprimé sera vraiment effective quand les enfants n'apprendront plus à lire et écrire sur des codex, deux remarques :

- malgré les très nombreux avantages du numérique, il n'est pas sûr que remplacer complètement le papier ou l'ardoise par un écran électronique pour l'apprentissage élémentaire de la lecture/écriture soit sans danger pour l'autonomie des lecteurs. Ils deviennent alors dépendants de technologies dont la maîtrise complète leur échappe. Ceci est une question particulièrement cruciale pour les pays en développement.

- L'annonce de la mort du livre est un marronnier, au congrès de l'IPA en 2000, Dick Brass de Microsoft indiquait déjà : « En 2005 les ventes de livres et journaux électroniques atteindront un milliard de dollars, en 2008 elles égaleront celles des livres imprimés, en 2010 les auteurs seront leurs propres éditeurs, en 2012 commenceront les campagnes de publicité en faveur de cet objet en voie de disparition que sera le livre imprimé, en 2015 toutes les collections de la Bibliothèque du Congrès seront numérisées; en 2018 paraîtra le dernier numéro du dernier journal imprimé, en 2019 la première définition du livre dans les dictionnaires sera défini comme "un substantiel morceau d'écriture (a substantial piece of writing) généralement accessible sur un ordinateur ou un objet électronique personnel" » rapporté par R. Chartier, cité par Julie Roy (ici). En 2010, Forrester prévoit un marché de 1 milliard de $ pour le ebook pour bientôt..

Actu du 24 novembre 2010

Voir aussi l'itw de l'auteur du livre-enquête sur l'édition US et UK :

“Is Publishing Doomed? JOHN B. THOMPSON with Williams Cole - The Brooklyn Rail,” Novembre 2010, http://www.brooklynrail.org/2010/11/express/is-publishing-doomed-john-b-thompson-with-williams-cole. ici

Il montre que les transformations actuelles de l'édition sont dues d'abord à la concentration et la pression des actionnaires sur les grands groupes pour une plus forte rentabilité et à la montée des agents littéraires. Cela conduisant à des stratégies concentrées sur quelques titres phares (big books). Le e-book arrive dans ce contexte qui s'est construit indépendamment. Extrait (trad JMS) :

Il n'y a pas de consensus sur cette question. J'ai interrogé beaucoup, beaucoup de responsables dans les départements numériques de tous les grands éditeurs, aussi bien que des moyennes et des petites et tous étaient très intéressés par le sujet, mais chacun avait une opinion différente sur ce qui pouvait arriver dans le futur. Les uns croient qu'il va balayer livre imprimé qui ne sera plus qu'une relique que l'on ne trouvera que sur les étagères des collectionneurs. D'autres pensent qu'il va se stabiliser à un certain niveau. Certain disent qu'il fera 10% des lecteurs, d'autres 20%, d'autres 50%. Chacun a une opinion différente sur le sujet. Mon point de vue est que le marché va se segmenter. Les lecteurs et les consommateurs ont des valeurs, des croyances, des préférences diverses et certains seront très content de lire sur l'un ou l'autre appareil électronique. D'autres voudront rester à l'imprimé et voudront des livres sous cette forme. Celle-ci est profondément ancrée dans les pratiques culturelles de lecture et d'écriture et cela ne changera ni vite, ni facilement.

jeudi 28 octobre 2010

La demande de livres piratés stagnerait

Éric Hellmann a tenté par Google Trends une mesure de l'évolution de la demande de livres «piratés» (ici). Le résultat, qu'il faut prendre avec prudence compte tenu de l'outil, est néanmoins suffisamment spectaculaire pour être significatif.

Pour sa mesure, il a utilisé l'interrogation suivante : ebook rapidshare,ebook torrent,ebook megaupload,ebook hotfile,ebook 4shared. On peut voir ici le résultat brut.

Il en a tiré la courbe ci-dessous.

piratedemand-E-Hellmann.png

Extraits (trad JMS) :

Après quelques années d'une croissance à 100%, 2008 montre un net ralentissement de la croissance. Le ralentissement se poursuit jusqu'au début de 2010 et puis c'est le calme plat. Depuis février 2010, la croissance de l'intérêt pour les livres piratés s'est complètement arrêtée.

On peut remarquer que cette stabilisation est arrivée au moment des fortes ventes de liseuses, dont les Kindles, Nooks et les iPads. En réalité, le lancement de l'iPad a coïncidé avec la stabilisation de la demande pour les livres piratés.

Il est difficile de savoir ce qui se passe réellement, mais une interprétation de ces comportements est que la forte augmentation d'une disponibilité conviviale de livres électroniques avec une licence appropriée dans les deux dernières années a écrasé la croissance de la demande illicite pour les livres. Selon ce point de vue, la demande restante peut-être interprétée comme le signe d'une faible disponibilité de livres électroniques à des prix abordables sur les campus et dans les pays en développement.

Ainsi si cette hypothèse se vérifiait, les imprimeurs-libraires du troisième millénaire (ici) seraient en train de gagner leur pari.

À confronter avec l'étude du Motif Portrait des cyberpirates du livre (pdf)

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