Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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Recherche - attention

samedi 29 août 2009

Les lecteurs des bibliothèques sous surveillance

Voici donc le second article signalé par Paulette Bernard :

Trina Magi, “A Content Analysis of Library Vendor Privacy Policies: Do They Meet Our Standards?” , à paraître dans College & Research Libraries. Pre-print

Le titre annonce clairement la couleur. Les bibliothèques aux États-Unis (et ailleurs) ont un grand sens de l'éthique. Un Code de l'éthique a été publié par l'American Library Association (ici). Parmi les éléments essentiels de ce dernier figure la confidentialité des lectures, dont on comprend facilement l'importance pour une démocratie. Les bibliothécaires américains ont mené plusieurs combats importants en ce sens, tout particulièrement ces dernières années contre le Patriot Act. L'auteure de l'article a d'ailleurs gagné un prix à cette occasion. Mais, fait-elle remarquer, il se pourrait bien qu'aujourd'hui par manque de vigilance, les bibliothécaires ne puissent plus assumer leurs devoirs d'anonymisation des lectures. Leurs fournisseurs en ligne ne sont pas tenus par le même sens des responsabilités. Ayant perdu la maîtrise des collections, les bibliothécaires n'ont plus la possibilité de contrôler l'éthique de leur utilisation.

Extraits de la conclusion de l'article (trad JMS) :

Cette recherche montre que la politique de protection des données privées des principaux fournisseurs de ressources en ligne des bibliothèques ne tient pas compte de nombreuses normes construites par les bibliothécaires et l'industrie de l'information sur la manipulation et la protection des informations sur les utilisateurs (..)

Il est aussi clair selon leur politique affichée que la plupart des fournisseurs ne suit pas le code d'éthique de l'ALA concernant la protection de la vie privée des utilisateurs et partage les informations sur les utilisateurs avec des tiers pour des raisons variées, certaines aussi vagues que « protéger le bien-être de la société commerciale». Ceci est particulièrement inquiétant dans la mesure où le gouvernement s'appuie sur les sociétés privées pour l'aider dans son effort de collectes de données. (..)

Les étudiants qui ont confiance dans les bibliothèques et dans leurs promesses de confidentialité peuvent être incités à divulguer facilement des informations personnelles pendant qu'ils utilisent les bases de données proposées par celles-ci. Si les bibliothécaires veulent rester en accord avec le Code d'Éthique et avec les principes qui font des bibliothèques des lieux particuliers pour des recherches libres et ouvertes, ils doivent examiner avec attention les politiques qui régissent ces bases de données, défendre la protection des données personnelles des utilisateurs et former ceux-ci qui ont mis toute leur confiance dans la bibliothèque.

J'ajouterai quelques éléments en résonance avec les préoccupations de ce blogue :

  • Au delà des bibliothèques, les universités devraient être beaucoup plus attentives à ces questions, en interne comme à l'externe. En interne, elles devraient aussi se doter de code d'éthique sur la non-divulgation des pratiques de lecture des étudiants, qui ne passent plus nécessairement aujourd'hui seulement par les bibliothèques. La tentation est forte, par exemple, pour un professeur de vérifier qui est allé lire les pages qu'il a conseillé dans son cours et mises en ligne sur le site particulier de ce dernier. En externe, la traçabilité autorise théoriquement des études scientométriques sur les lectures et non plus seulement sur les publications. Est-on vraiment sûr qu'il soit sain de surveiller qui lit quoi dans la science ?
  • Les bibliothèques, qui ont confié sans toujours trop réfléchir leurs collections à numériser à Google, ont dans le même élan autorisé cette firme à surveiller les lectures de ces collections. Ceci est clairement en violation avec leur code d'éthique. Ces interrogations commencent à poindre avec le débat sur l'accord en discussion avec les auteurs et les éditeurs aux US. On pourra consulter sur ce sujet et d'autres le compte rendu par Mark Liberman de tables rondes organisées récemment à Berkeley sur cet accord (ici).
  • Enfin, tout cela me conforte dans ma catégorisation des modèles de médias. Dans le modèle éditorial, le lecteur ne fait pas qu'acheter un objet, il achète aussi sa liberté de lecture. Il peut alors lire et faire lire sans demander la permission à personne, ni être surveillé par personne. Inversement, le Web-média fait «payer» sa pseudo-gratuité par un encadrement et une suveillance du lecteur qu'il monnaiera sur d'autres marchés. Pour approfondir cette dernière question voir les développements autour du pentagone (court, long)

Actu du 1 septembre 2009

Voir sur ce sujet le billet du blogue LibraryLaw du 28 août, repéré grâce à Calimaq :

How to negotiate with web 2.0 services for better terms of service - yes we can ici

samedi 06 juin 2009

Quels rapports entre Twitter et Wikipédia ?

Voici un graphique fort instructif. Il s'agit d'une enquête menée par un étudiant et un chargé de cours de Harvard, Bill Heil et Mikolaj Piskorski, dans le cadre d'un cours intitulé Competing with Social Networks (voir présentation ici) sur un échantillon de 300.000 utilisateurs de Twitter. Il n'est pas précisé si l'échantillon est uniquement américain, mais on peut le supposer. Le trait plein représente les utilisateurs de Twitter, le pointillé ceux de Wikipédia et les tirets ceux d'un réseau social. L'ordonnée représente en pourcentage le nombre de contributions et l'abscisse les utilisateurs classés par leur total de contributions, toujours en pourcentage.

Utilisateurs classés par nombre de contributions

Extrait du billet des auteurs (trad JMS) :

En particulier, les 10% des utilisateurs les plus prolifiques de Twitter postent plus de 90% des messages. Sur un réseau social classique, ces mêmes 10% ne proposent que 30% de la production totale. Pour mettre Twitter en perspective, il faut faire une analogie inattendue avec Wikipédia. Là, 15% des éditeurs des plus prolifiques alimentent 90% de la publication de Wikipédia. Autrement dit, la répartition des contributions sur Twitter est plus concentrée que sur Wikipédia, même si Wikipédia n'est pas un outil de communications. Ceci implique que Twitter ressemble plus à un outil de publication unidirectionnel qu'à un réseau de communication pair à pair.

Il faut rester prudent, car il y a peu d'informations sur la méthodologie employée, néanmoins ces résultats semblent confirmés par d'autres enquêtes, en particulier une étude de Purewire sur Twitter dont on trouvera le compte rendu sur ReadWriteWeb ou sur TechCrunch (ici et ).

Ainsi le Webmédia continue pas à pas sa structuration. Voici rapidement quelques leçons à partir des ressemblances et des différences entre le microblogging et l'encyclopédie collaborative. Pour Wikipédia, on pourra aussi consulter d'anciens billets sur les différentes dimensions de son économie (ici).

Les deux sont des innovations radicales, il est difficile de les comparer à des modèles existants. Les deux se structurent comme des médias unidirectionnels avec une minorité de contributeurs et un grand nombre de lecteurs. Les deux fonctionnent sur l'économie du don du côté des contributeurs, on pourrait dire une petite bourgeoisie intellectuelle avide de prendre la parole face aux médias traditionnels auxquels ils n'ont pas ou difficilement accès. Les deux aussi n'ont pas de modèle d'affaires et on peut penser que cette caractéristique est aussi un élément de leur succès d'usages, car ils ne sont pas (encore) soupçonnés d'intéressement occulte. Les deux enfin ont réussi à se positionner comme des joueurs importants dans l'économie de l'attention, au point d'intéresser le plus gros des acteurs, Google.

Du côté des différences, la première qui saute aux yeux et que l'un fonctionne sur le flux et l'immédiateté, tandis que l'autre fonctionne sur l'accumulation et le patrimoine. Le premier est plus proche du modèle de la radiotélévision, le second de celui de la bibliothéconomie dans le pentagone. La seconde différence est évidemment la longueur des messages. Twitter prend l'air du temps en jouant sur le signalement subjectif et sur l'horloge quotidienne, tandis que Wikipédia explique le monde dans de longs développements qu'il souhaite les plus neutres et exhaustifs possible. En ce sens ils sont parfaitement complémentaires. La troisième différence est que l'un a fait le choix clair du non-profit (Wikipédia) tandis que l'autre se positionne dans le secteur commercial en faisant appel à la récolte de fonds avec comme perspective vraisemblable le rachat.

mercredi 03 juin 2009

17769

Voici le premier message envoyé le 17 septembre 1993 sur Biblio-fr :

Je le renvoie a toute la liste (i.e. a l'adresse biblio-fr@univ-rennes1.fr)

Nous devrions le recevoir tous les deux. Merci de m'ecrire directement un message indiquant que vous l'avez bien recu.

Herve Le Crosnier LeCrosnier@unicaen.fr

Ils étaient donc deux ce jour là. 17769, c'est le nombre d'abonnés (sousestimé, car je suivais par exemple la liste sans y être abonné par les archives) à ce jour, le jour de l'arrêt de la liste, annoncé par ses promoteurs, Hervé Le Crosnier et Sara Aubry. Sur l'importance de cette liste pour la profession, sur son intérêt, la page d'histoire écrite, je n'ai rien à ajouter à leurs explications données dans le dernier (provisoirement) message (ici), sinon un immense merci pour le travail accompli et l'énergie dépensée. Le bénéfice fut immense pour tous.

Mais tout de même, 17769 lecteurs spécialisés c'est un joli capital en terme d'économie de l'attention. Faut-il le jeter aux orties ? Sans penser évidemment à une exploitation commerciale totalement perpendiculaire au projet, ne peut-on pas imaginer une valorisation professionnelle d'un tel réseau de diffusion ?

Je blasphème ?

lundi 25 mai 2009

Economie de l'attention et université

Nous avons tenu récemment notre réunion annuelle de bilan à l'EBSI. Le bilan comprend, entre autres, un examen des avis et questions posés par les étudiants de maîtrise. Parmi celles-là, il était suggéré d'aller vers l'exigence d'un portable par étudiant à la fois pour l'apprentissage des logiciels spécialisés et pour le suivi des cours par une navigation collective sur Internet, comme c'est le cas chez notre voisin HEC.

En réalité, la discussion avec les professeurs et les professionnels a souligné plusieurs problèmes. Certains sont particuliers à une école comme l'EBSI. D'autres plus transversaux. Le grand nombre de logiciels spécialisés que les étudiants doivent manipuler au cours de leur apprentissage poserait des problèmes insolubles en terme de licence et plus encore en terme de maintenance de chaque appareil individuel. Mais l'échange le plus intéressant a été le plus général.

Les professeurs ont partagé leur expérience quant à l'attention des étudiants dans le couplage cours/ordinateur. En résumé, il apparait que les étudiants ne peuvent porter leur attention que sur une seule chose à la fois : soit ils regardent et manipulent leur ordinateur, soit ils écoutent le professeur et prennent des notes. Et même, le bruit de la prise de note sur un clavier actuel est réellement perturbante pour les voisins, y compris le professeur.

On retrouve exactement la même problématique sur InternetActu où Hubert Guillaud fait la synthèse de plusieurs analyses sur l'économie de l'attention à l'université, (en particulier celle de Howard Rheingold, ) :

Sommes nous multitâches ? (1/2) : comment apprendre à maîtriser notre attention ? ici

Dans un ancien billet, j'ai écrit :

« Je ne crois pas à la fin du cours traditionnel, dispensé devant des étudiants (tout comme je ne crois pas à la fin du codex). Ces dispositifs ont fait la preuve de leur efficacité depuis des millénaires. Prétendre que des étudiants ne sont plus capables, ou simplement moins capables qu'autrefois, d'y soutenir leur attention est une spéculation qui mérite démonstration. Sans doute il y a nombre de questions à se poser en ce sens et nombre de techniques pédagogiques à réviser, mais prendre l'affirmation pour un acquis est dangereux.. et bien peu scientifique. »

« Les terminaux mobiles (cellulaires, blackberries, PC portables), sont des concurrents directs des professeurs sur la captation de l'attention en cours si l'on donne accès au réseau dans les amphithéâtres, car ils permettent d'échapper électroniquement au dispositif physique. L'université ne doit pas si facilement abandonner ses dispositifs traditionnels. En effet, le risque est que l'attention perdue ne se reporte pas sur l'apprentissage, mais sur bien d'autres activités qui permettent de dégager du temps de cerveau disponible pour des annonceurs. Le cerveau des étudiants est comme celui de chaque humain, facilement distrait. »

Et je me trouve conforté par Minh Thi Trinh de l'EBSI, merci à elle, qui m'a signalé une recherche récente sur l'attention des étudiants en classe faite à l'Université Brunel, au Royaume-Uni (UK) :

Mark S Young and alii, Student Pay Attention!

L'objectif de l'étude était de mesurer l'efficacité des cours traditionnels. Elle a montré notamment une baisse d'attention généralisée entre 10 et 30 mn de cours. Extraits de la conclusion (trad JMS) :

Les résultats de cette étude suggèrent que la concentration des étudiants décroit au cours d'un cours écouté de façon passive de la même manière que celle d'un opérateur humain de surveillance d'un équipement automatisé, avec de graves implications pour l'apprentissage et la performance. Les recommandations en termes de maintien de l'attention et de la concentration sont également analogues - au lieu d'intercaler des périodes de contrôle manuel (Parasuraman et al., 1996), on peut faire de courtes pauses ou de nouvelles activités visant à rétablir temporairement l'attention à un niveau normal. (..)

Alors que les groupes de discussions et autres sessions interactives ont des avantages clairs, ils ont aussi des inconvénients tels que la diminution du temps du cours, la réduction de l'exactitude et de la maîtrise du cours (Huxham, 2005; Lammers et Murphy, 2002). (..) Bien que nous ayons pris une interprétation « stricte » de l'apprentissage actif, les résultats de notre étude montrent qu'une vraie interactivité n'est pas nécessairement un critère d'approfondissement de l'apprentissage, ce qui suggère qu'une définition plus large de l'apprentissage actif comme « un processus d'engagement dans l'apprentissage à la fois au niveau cognitif et affectif » (Fry et al., 2003: 432) est probablement plus appropriée.

Sur cette base, simplement casser la baisse de vigilance peut être tout aussi efficace.

Ajout du 28 mai 2009

Voir aussi le deuxième volet de la synthèse d'H. Guillaud (ici) qui traite notamment des vertus de la distraction et ne m'a pas vraiment convaincu.

Ajout du 13 juin 2009

voir aussi :

Staphen Mahar, "The dark side of custom animation" in Int. J. Innovation and Learning, 2009, 6, 581-592 présentation ici

et Les nouveaux médias , un plus pour la mémorisation ?, Les Cahiers pédagogiques n 474 Par Éric Jamet

vendredi 22 mai 2009

Pourquoi un livre

Introduction aux sciences de l'information

Les professeurs de l'EBSI ont donc rédigé un livre intitulé « Introduction aux sciences de l'information » qui sortira au Québec fin août 2009 et en France aux éditions La Découverte en janvier 2010. J'aurai l'occasion dans un futur billet de présenter son contenu. Mais je voudrais d'abord répondre à une question : Pourquoi un livre ? On lit souvent que le livre perdurera peut-être pour les romans ou la fiction, mais que, à l'évidence, sa condamnation est déjà effective pour les documentaires et encore plus pour les manuels. Voilà pourtant qu'une école en sciences de l'information, pas vraiment réputée pour être traditionaliste, publie un livre en papier, et cela à l'occasion de la révision de son programme de maîtrise qui insiste sur l'importance des technologies numériques ! Est-ce un accident ? Un dernier sursaut du vieux monde, éphémère et bientôt oublié ?

Les lecteurs fidèles de ce blogue savent déjà que je ne suis pas très convaincu par les discours sur la disparition prochaine du livre (voir p ex ici ou entre autres). Même à l'université, les arguments en faveur du livre ne manquent pas, sans réduire les avantages indéniables du numérique. Si ceci est utile et séduisant, il serait bien stupide pour autant de se priver des atouts déjà avérés de cela.

J'ai résumé ma réponse à la question en quatre arguments.

Un objet transitionnel

Pour des étudiants qui entrent dans un nouveau programme d'une discipline encore peu connue, disposer d'un objet de reconnaissance n'est pas anodin. Certes on peut penser à un tee-shirt, un sac ou un calendrier, mais avec un livre la symbolique est autrement plus forte et surtout plus immédiatement opérationnelle. Il s'agit des bases du savoir commun, inscrites sur un même objet que tous peuvent s'approprier. C'est au sens propre un objet transitionnel qui permet à l'étudiant de découvrir une culture professionnelle sans s'effrayer grâce à un objet qu'il peut s'approprier dans tous les sens du terme.

Sans doute un micro-ordinateur, un iPhone, une tablette, un ebook est un objet et en même temps une porte ouverte sur le monde. Mais la porte est trop largement ouverte pour être efficace et rassurante. Ce type d'objets, sauf à le brider mais alors lui faire violence, est autant un instrument de découverte que d'évasion. Le livre force l'attention sur son sujet, sans pour autant l'enfermer définitivement puisqu'il contient nombre de références.

Un savoir stable

Le savoir contenu dans le livre ne disparait pas, au sens premier, physique du terme : les mots restent imprimés sur la page. Ce point est crucial pour le domaine concerné. L'introduction du livre s'intitule « Permanence et changements ». Pour comprendre les changements d'aujourd'hui et la place que doivent y prendre les professionnels de l'information, il est indispensable de connaitre les fondements de leurs savoirs. Ceux-ci ne datent pas d'hier. Ils se sont forgés progressivement et ne s'effacent pas en un clic. Sans doute aujourd'hui bien de leurs facettes sont ébranlées, mais pour comprendre il est indispensable d'avoir assimilé les bases.

Les dispositifs numériques ont ici pourtant un avantage considérable sur le papier puisqu'ils permettent les ajustements, la richesse d'une intelligence collective en mouvement, les ramifications, les catalyses de la diversité des savoirs. Je ne nie pas cet avantage, bien au contraire je suis persuadé que la pédagogie doit l'utiliser à plein. Mais disposer d'un livre n'implique pas de tourner le dos au réseau, et avoir assimilé un livre de base dans son domaine est un sérieux atout pour une navigation assurée et enrichissante.

L'esprit critique n'est pas une génération spontanée. D'une part, il demande un raisonnement fondé sur des racines solides et stables, et le livre parait l'outil le plus approprié pour les maintenir. D'autre part, il est plus tentant d'éviter l'analyse critique et passant d'une page Web à l'autre, mais plus formateur de devoir comprendre un texte rétif qui ne disparaît pas d'une page imprimée.

Un projet circonscrit

Passons maintenant des lecteurs aux auteurs. Le livre a un gros avantage pour les auteurs, plus encore pour un collectif. L'objet est fini. Le projet, l'écriture a une fin aux deux sens du terme : un objectif précis et un terme.

La vertu du numérique est de relever du flux. Le flux permet beaucoup de choses, par exemple écrire un blogue ;-). Mais le terme du projet n'est pas donné d'avance. Il faut que ceux qui le mènent aient la discipline de se le donner et de s'y tenir. Et même quand ils ont cette discipline et cette organisation, les lecteurs de leur côté seront légitimement frustrés et en demanderont plus, car ils savent qu'il est possible et facile de modifier et d'ajouter des éléments.

Le contrat de lecture du livre a plusieurs millénaires. Auteurs, comme lecteurs savent à quoi s'attendre. Sans doute les auteurs n'échappent pas aux affres de la création et les délais sont rarement tenus. Néanmoins, l'aboutissement est un objet que l'auteur aura quelque émotion à tenir pour la première fois. Il sait, il voit que son travail est fini et qu'il lui échappera désormais.

Une tradition solide

Le livre dispose d'une tradition longue et solide pour sa réalisation. Editeur, correcteur, promotion etc. garantissent une qualité des contenus et de leur présentation.

Sans doute, dira-t-on ce n'est qu'une question de temps. Dans le numérique les savoirs vont s'affirmer et la qualité devenir la norme. On pourrait aussi nommer des éditeurs, et j'en connais beaucoup, qui n'ont pas le même souci de qualité des textes et des présentations.

Néanmoins la preuve n'est pas faite qu'il soit possible d'arriver dans le numérique à la qualité que l'on retrouve généralement chez les éditeurs papiers. La raison est économique. Pour le moment, ceux qui y font de l'argent ne se préoccupent que très peu de contenu. Dès lors, les efforts sont mis sur les développements des logiciels de traitement, la rapidité des flux, le design des objets et la création est issue du crowd-sourcing et du patrimoine accumulé. Il y a aussi beaucoup de richesses créées de cette façon, y compris intellectuelles. Wikipédia est une illustration spectaculaire, mais unique. Elle le restera sans doute et son modèle interdit la valorisation des auteurs.

À l'échelle d'une équipe d'auteurs comme celle des professeurs de l'EBSI, la tradition éditoriale est autrement plus efficace et permet une reconnaissance académique.

Reste que ce livre sera périmé en peu d'années. Souhaitons que d'ici là il soit épuisé. Il faudra alors prévoir une réédition revue et augmentée. Je prends le pari qu'elle sera toujours sur papier.

Actu du 18 aout 2009

Voir aussi cet intéressant plaidoyer :

Antonio Cangiano, Do programmers still buy printed books?, Zen and the Art of Programming, 15 août 2009, ici

Repéré par H. Guillaud qui en a traduit un passage

Présentation et extrait du livre ici

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